Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  La façon dont nous avons ordonné notre récit nous oblige une fois encore à faire le parallèle entre Léon et le pape Innocent III. Ils sont, selon moi, les deux personnages les plus illustres de l'époque et méritent tous les deux d'être appelés Grands. Tous les historiens sont d'accords pour proclamer qu'Innocent fut un des Papes qui ont montré le plus de génie et le plus de prépondérance, et pour dire que peu des Pontifes qui se sont assis sur le trône apostolique l'ont égalé, sont allés à sa hauteur. Après Grégoire VII, qui fut en correspondance avec notre Catholicos le Martyrophile et qui portait aussi le nom de Grégoire, Innocent est le seul Pape qui ait fait éclater une autorité vraiment absolue, une autorité que l'on considéra comme la plus haute après celle de Dieu, puisque tous les rois de la terre étaient soumis à ce Vicaire de Jésus-Christ. Ce que nous devons noter plus particulièrement ici ce sont les relations qu'il entretint avec notre Léon, et qui ont fait mêler son nom à notre histoire.

Les correspondances de Léon et d'Innocent ne durèrent pas moins de quinze ans: ils se soumirent des questions et eurent des controverses réciproques. Je crois qu'après Jean XXII, Innocent est le Pape dont les Arméniens possèdent le plus de lettres et il en reçut autant de leur part. La plupart de ces lettres roulent sur les affaires de la principauté d'Antioche. Nous en connaissons plus de quarante dont nous possédons les copies et nous ne craignons pas d'avancer que celles qui sont perdues ou ignorées doivent dépasser ce nombre 1.

Le Pontife romain avait presque le même âge que Léon. Comme lui il avait l'instinct de la domination. en 1171 ou 1172, de la noble famille des Comtes de Ségni et fils de la sœur de Clément III, il fut élevé au trône apostolique avant même d'avoir été ordonné prêtre, tant grandes étaient sa sagesse, sa science et la pureté de ses mœurs. Il n'avait guère que trente-huit ans, lorsqu'il fut nommé Pape. C'était donc une année avant le sacre de Léon, c'est-à-dire le 8 Janvier 1198. L'ordination du Pontife eut lieu le 22 Février de la même année. Innocent rehaussa la souveraineté du trône papal jusqu'au plus haut point. Il a fait accepter ses édits par les rois et par les princes; il s'imposait à eux, en même temps qu'il les enthousiasmait pour les Croisades. Il exigeait l'austérité des mœurs, principalement de la part du clergé. Il fut intact sous ce rapport et personne, même parmi ses contemporains, n'a osé l'effleurer d'une calomnie à cet égard, comme cela eut lieu si souvent dans les siècles qui suivirent. En même temps qu'il eut cet instinct de la domination, il en avait aussi tous les ressorts rehaussés par ce grand génie dont il a donné tant de preuves. C'est avec ce remarquable Pontife qui, pendant dix ans, resta l'ardent partisan de l'empire d'Othon de Brunswick et le soutint contre Philippe de Souabe; qui força, plus longtemps encore, l'altier roi de France, Philippe Auguste à reprendre son épouse légitime qu'il avait répudiée, et excommunia tant de souverains qu'il ramena sous son autorité; c'est avec ce Pape doublement puissant, avec ce Pape aux plus brillantes vertus que Léon entretint des relations intimes. Bien que celui-ci n'avait pas toujours les mêmes opinions, il dut se rendre à ses avis, car il n'osait pas se heurter contre ce roc immuable. Et pourtant notre « montagnard » Léon, qui comprenait sa force, s'y heurta quand même, mais avec précaution. C'est alors que son génie fut reconnu par Innocent lui-même. Léon, fort de ses droits, reçut l'excommunication, mais il protesta contre les légats du Pape. Sans atteindre celui-ci, qu'il respecta toujours, il blâma sans scrupule ses légats dont il sut se garder le respect. Même en ces circonstances, il sortit victorieux et c'est ce qui lui valut qu'Innocent l'appela son fils bien-aimé.

Mais avant d'entrer dans les longs commentaires que les faits en question nous amèneraient à faire, nous allons jeter un coup d'œil rapide sur le gouvernement et la politique intérieure du pays et du règne de Léon.

1 Aux Archives du Vatican il manque quatre livres de ces lettres, c'est-à-dire qu'il y a une lacune des lettres écrites pendant quatre années, qui forment les tomes IV, XVII, XVIII et XIX, car chaque livre ou volume se rapporte à une année du pontificat d'Innocent qui commença le 8 Janvier 1198 et finit le 16 Juillet 1216. Les Archives du Vatican devraient donc posséder dix-neuf volumes de lettres. Une découverte récente, le précieux volume des Registres offert au Vatican par Lord Ashburnham, n'a rempli qu'une faible partie de cette lacune regrettable. Nous allons numéroter ces Volumes ou Registres avec des chiffres romains, comme dans les notes du Chapitre VI, quant aux petits chiffres, ils indiqueront le Numéro des lettres du Volume auquel elles appartiennent, c'est-à-dire à l'année pendant laquelle elles ont été écrites.