Léon,
depuis
deux
ans,
avait
eu
deux
grands
soucis;
l'un,
de
s'assurer
d'un
successeur
pour
son
royaume,
et
l'autre
non
moins
grave,
de
rendre
son
pays
fort
pour
tenir
tête
aux
ennemis
d'alentour
et
les
repousser,
en
leur
arrachant
quelque
lambeau
de
territoire
sur
leurs
frontières.
Il
les
considérait
comme
des
intrus
et
des
tyrans
qui
avaient
accaparé
les
domaines
d'autrui
et
il
voulait
agrandir
à
leurs
dépens
le
royaume
que
Dieu
lui
avait
donné.
Malgré
la
traînante
question
d'Antioche,
et
surtout
la
querelle
avec
le
Catholicos
Jean
qui
excitait
contre
le
roi
le
sultan
d'Iconie,
et
qui
réussit
entre
temps
à
s'emparer
du
fort
de
Pertouce;
—
malgré
tout
cela,
Léon
ne
laissait
échapper
aucune
occasion
favorable
d'assaillir
et
de
repousser,
tantôt
avec
succès,
tantôt
avec
perte
Khosrovchah
ou
Keïkosrow
qui
s'était
emparé
de
cette
forteresse
de
Pertouce,
mais
qui
n'avait
pas
osé
s'avancer
au-delà
et
s'approcher,
à
l'orient,
des
Etats
de
Léon,
et
s'était
dirigé
à
l'occident,
vers
le
nouvel
empire
grec
de
Nicée.
Lascaris,
souverain
de
cet
empire,
qui
avait
épousé
une
fille
de
Roupin,
frère
de
Léon,
et
avait
reçu,
peut-être,
des
renforts
du
roi,
vint
à
la
rencontre
du
sultan
et
lui
livra
un
combat
terrible
dans
lequel
il
tua
le
fier
Khosrow,
en
1209.
La
même
année,
si
ce
ne
fut
pas
avec
le
sultan,
ce
fut
avec
son
successeur
nommé
Uzeddin
Keïkaous
que
Léon
se
battit
au
mois
d'Août
avec
l'
aide
des
Chevaliers
de
l'
Hôpital.
Leur
Grand
maître,
à
cette
époque
Guérin
de
Montaigu,
dont
nous
parlions
plus
haut,
se
trouvait,
paraît-il,
à
ce
combat.
Il
repoussa
adroitement
cette
horde
nombreuse
d'ennemis
et
leur
fit
subir
des
pertes
considérables.
Léon,
fort
joyeux
de
cette
victoire,
donna
à
ses
alliés,
par
acte
scellé
de
son
propre
sceau
et
de
celui
du
pape
Innocent,
la
ville
de
Séleucie,
les
forts
de
Norperte
et
de
Gamardias,
qui,
auparavant,
comptaient
parmi
les
possessions
du
Sébaste
Henri.
Il
leur
fit
don,
en
même
temps,
de
tout
le
territoire
où
se
trouvaient
ces
forteresses
et
des
côtes
de
la
mer.
Léon
en
informa
le
Pape
par
une
lettre,
au
mois
d'Avril
1210,
dans
laquelle
il
fait
les
plus
grands
éloges
des
Chevaliers,
qu'il
appelle
des
vaillants
Machabées
et
qu'il
dit
mériter
de
grandes
récompenses.
Outre
cette
lettre,
il
en
écrivit
une
autre
au
mois
d'Août
de
la
même
année,
pour
annoncer
au
Pape
qu'il
leur
avait
promis
de
leur
donner
encore
la
ville
de
Laranda
qu'il
méditait
d'arracher
aux
Sarrasins,
ou
qu'il
la
leur
laisserait
prendre
eux-mêmes.
L'année
suivante,
en
1211,
Léon
envahit
encore
le
territoire
de
Khosrow
Kaikaouse,
non
pas
tout
seul,
mais
comme
allié
de
l'oncle
du
sultan,
son
ami
Doughril-Chah,
sultan
lui-même
de
Garine
(Erzéroum).
Ensemble
ils
firent
le
siège
de
la
grande
ville
de
Césarée,
dévastèrent
les
frontières
de
ses
dépendances,
signèrent
un
traité
d'alliance
et
revinrent
chargés
de
riches
présents.
Le
Docteur
Vahram,
mentionne
ce
fait
dans
les
vers
suivants:
«Assiégeant
la
ville
de
Césarée
avec
une
forte
armée,
Et
étant
sur
le
point
de
la
prendre,
Ils
reçurent
une
somme
considérable
d'or
Et
passèrent
un
traité
de
paix
avec
le
sultan
».
Un
autre
chroniqueur
va
plus
loin;
il
dit:
«qu'ils
s'emparèrent
de
Césarée
».
Sempad
relate
le
fait
plus
fidèlement:
«
Ils
s'emparèrent
de
Césarée
et
la
leur
revendirent
».
Pendant
la
passation
du
traité
de
paix,
Léon
remit
une
lettre
d'introduction
à
Jean
des
Josué,
Catholicos
Syrien,
pour
le
sultan,
de
qui
le
Catholicos
voulait
obtenir
la
permission
d'étendre
son
autorité
spirituelle
sur
les
religieux
de
contrées
dépendantes
de
Césarée.
Quelques
années
auparavant,
en
1205,
lorsque
Léon,
pour
complaire
au
Pontife
romain,
avait
abandonné
la
ville
d'Antioche,
trouvant
le
moment
favorable,
il
s'était
rejeté,
du
côté
du
fleuve
Tchahan,
au-delà
de
Marache,
sur
la
ville
principale
de
cette
contrée
qu'on
appelle
aujourd'hui
Albistan,
et
que
nos
historiens
désignent
sous
le
nom
d'Ablasda.
Cette
ville
était
sous
la
domination
d'Uzeddin,
l'un
des
fils
de
Klidje-Aslan,
qui,
paraît-il,
s'en
était
emparé
au
détriment
de
son
frère
Mélik.
C'est
à
ce
Mélik
que
Léon
était
venu
en
aide
à
la
mort
de
leur
père,
lorsque
ses
fils
se
querellaient
entre
eux,
en
1192.
Uzeddin
avait
reculé
les
frontières
du
territoire
d'Ablasda.
Cette
fois,
Léon,
brouillé
avec
lui,
envahit
ces
possessions
et,
sans
pouvoir
néanmoins
s'emparer
de
la
capitale,
en
dévasta
tous
les
alentours.
Ensuite,
Léon
ayant
fait
la
paix
avec
le
sultan
et
avec
Antioche,
sur
le
trône
de
laquelle
il
venait
de
faire
asseoir
Roupin,
ne
resta
pas
inactif
dans
les
dernières
années
de
son
règne:
on
l'a
vu
occupé
à
élever
et
à
restaurer
des
forteresses,
à
fortifier
les
défilés
des
montagnes.
Vahram
dit:
«
Il
éleva
beaucoup
de
châteaux
forts
Dont
il
entoura
la
Cilicie
».
Il
est
évident
qu'il
dût
faire
construire
de
hautes
tours
pour
surveiller
l'ennemi
et
donner
les
signaux
d'alarme
à
son
approche.
Un
chroniqueur
assure
que
les
châteaux-forts
étaient
munies
de
nombre
de
cloches
qui
s'appelaient
et
se
répondaient
en
cas
d'alerte
et
donnaient
l'éveil
aux
troupes.
Cependant
ce
chroniqueur
ajoute:
«
Si
tu
crois
cela,
accepte-le
».
Nous
ajouterons
à
notre
tour,
que
les
signaux
pouvaient
fort
bien
aussi
être
donnés
par
des
feux,
comme
cela
se
pratiquait
dans
ces
mêmes
contrées,
quand
le
pays
était
sous
la
domination
des
Grecs.
Léon
augmentait
en
même
temps
le
nombre
de
lieux
de
bienfaisance
et
les
couvents;
il
leur
attribuait
de
larges
traitements.
Outre
les
nombreux
couvents
qu'il
fonda,
disent
les
mémorandums,
«
il
fit
construire
des
maisons
de
refuge
pour
les
pauvres
et
des
maladreries
pour
les
lépreux,
dont
il
fixa
les
revenus;
il
remplit
le
pays
d'institutions
de
charité
et
le
rendit
semblable
à
un
jardin
plein
de
fruits
».
L'auteur
de
la
suite
de
l'Histoire
du
patriarche
Michel
le
Syrien,
qui,
bien
qu'il
n'en
ait
pas
été
le
témoin
oculaire,
vivait
à
une
époque
peu
éloignée
du
temps
où
tout
ceci
s'était
fait,
nous
énumère
en
peu
de
mots
les
grands
actes
de
Léon
et
nous
dit:
«
Léon,
couronné
Roi
des
Arméniens,
gouvernait
son
pays
avec
une
grande
sagesse,
et
sa
main
puissante
refoulait
les
ennemis
du
dehors.
Lorsqu'il
put
jouir
de
la
paix,
il
fit
bâtir
nombre
de
couvents
et
il
agrandit
ceux
qui
existaient
déjà.
Il
leur
allouait
de
larges
rétributions
et
leur
décrétait
par
des
inscriptions,
des
villages
et
des
terrains,
des
vignes
et
des
champs.
Il
leur
donna
presque
toute
la
plus
fertile
partie
de
son
pays
et
il
augmenta
leurs
revenus
par
les
taxes
sur
les
entrées
par
mer
et
par
terre.
Ce
ne
furent
pas
seulement
les
couvents
de
ses
compatriotes
qu'il
enrichit
de
cette
manière,
ce
furent
aussi
ceux
des
chrétiens
d'autres
langues,
des
Syriens,
des
Francs,
des
Grecs
et
des
Géorgiens.
Il
fut
affable
envers
tous,
il
comblait
de
bienfaits
les
prêtres
réguliers
et
séculiers.
Leurs
églises
étaient
superbes
et
ne
manquèrent
de
rien,
qu'elles
fussent
situées
dans
des
endroits
solitaires
ou
dans
des
villes.
Ils
eurent
leurs
revenus
fixes
jusqu'à
ce
jour.
Après
avoir
vécu
digne
de
tous
les
louanges
de
tous
les
peuples,
il
(Léon)
s'endormit
dans
le
Christ
».
Les
principaux
couvents
connus
comme
bâtis
par
Léon,
sont
ceux
d'Aguenère
et
de
Kaïlou.
Nous
en
avons
parlé
dans
Sissouan.
Son
cœur
de
fer
pour
ses
adversaires
et
les
ennemis
de
son
pays
et
de
son
pouvoir,
était
fort
doux
et
sensible
pour
les
gens
de
religion
et
pour
les
pauvres.
On
dit
qu'il
défendit
sous
peines
sévères
tout
travail
les
jours
de
dimanche
et
qu'il
décréta
même
que
ces
jours-là
«
on
suspendrait
les
fonctions
du
palais
et
les
jugements
des
tribunaux,
afin
que
tous,
exempts
d'occupations
et
le
cœur
libre,
pussent
se
rassembler
à
l'
Église
et
offrir
leurs
prières
à
Dieu.
Il
ordonna
aussi
de
ne
se
saisir
de
personne
le
dimanche,
de
ne
pas
exiger
le
paiement
des
dettes
et
de
ne
pas
se
venger
des
crimes
».
En
même
temps
qu'il
fonda
des
maisons
de
piété
et
des
hôpitaux,
Léon
créa
des
écoles
et
des
collèges
pour
les
sciences.
Il
encouragea
l'enseignement,
dans
les
couvents
et
les
écoles,
non
seulement
de
la
langue
nationale,
mais
encore
des
langues
étrangères
et
principalemeut
des
langues
française
et
latine,
car
il
avait
de
nombreuses
correspondances
et
des
relations
avec
divers
royaumes
de
l'Occident.
Il
est
plus
que
probable
qu'après
toutes
les
nombreuses
vicissitudes
que
le
pays
a
eu
à
supporter
surtout
dans
les
derniers
temps,
bien
des
souvenirs
de
ce
roi
si
puissamment
intelligent
ont
dû
disparaître.
Comme
le
dernier
et
bien
faible
souvenir
qui
nous
soit
resté,
nous
citerons
la
traduction
de
la
lettre
de
Vahan
ou
Jean
l'
évêque,
qui
fut
adressée
de
la
part
des
Grecs
à
notre
Catholicos
Zacharie
(IX
siècle),
à
propos
de
dogmes
de
la
foi.
Léon
fit
traduire
cette
lettre
en
arménien
par
son
savant
confesseur,
le
docteur
Grégoire
de
Skévra.
Elle
témoigne
de
l'amour
des
lettres
et
de
la
foi
de
Léon,
car
elle
agite
une
question
de
foi
touchant
la
nature
de
Jésus-Christ
dans
le
sens
catholique.
Ce
que
rapporte
un
chroniqueur,
d'après
un
ancien
auteur,
a
peut-être
été
écrit
par
excès
de
zèle,
mais
cela
ne
s'éloigne
pas
des
mesures
qu'avait
prises
Léon
et
de
tout
ce
qu'il
accomplissait
en
vue
de
l'instruction.
«
(Léon)
fit
rechercher
tous
les
livres
du
monde
et
toutes
leurs
copies
et
les
fit
traduire.
En
ce
temps-là
le
pays
de
Cilicie
était
rempli
de
savants
et
beaucoup
se
mirent
à
faire
la
traduction.
La
moitié
d'entre
eux
exécutait
les
copies,
l'autre
moitié
les
enluminures,
en
différents
couleurs.
Il
y
avait
beaucoup
de
relieurs
et
d'assembleurs.
Tous
étaient
maîtres
remarquables,
comme
en
font
foi
leurs
manuscrits
que
nous
possédons
encore
à
présent,
qui
s'appellent
Manuscrits
de
Sis
et
sont
très-recherchés
».
Ce
fut
Léon
le
promoteur
de
toutes
ces
choses
et
ses
successeurs
l'imitèrent.
On
pourrait
dire
qu'il
jeta
la
semence
des
progrès
dans
les
lettres
et
les
sciences
qui
s'accomplirent
par
la
suite
à
la
gloire
de
ceux
qui
lui
succédèrent
et
à
la
gloire
de
tout
le
pays
de
Sissouan.
Et,
comme
le
temps
a
détruit
presque
tous
les
monuments,
tous
ses
œuvres
grandioses,
et
qu'il
ne
nous
reste
plus
que
quelques
souvenirs
littéraires
qui
sont
comme
des
rayons
de
sa
splendeur
arrivés
jusqu'à
nous,
—
selon
l'
expression
du
chroniqueur
que
nous
venons
de
citer,
—
nous
pouvons
nous
dire
que,
n'eût-il
fait
que
cela,
Léon
nous
a,
du
moins,
légué
le
moyen
d'entrevoir
la
grandeur
du
génie
de
nos
ancêtres
et
leur
passion
pour
la
littérature.
C'est
à
lui,
c'est
à
Léon
que
nous
devons
ce
bonheur
et
c'est
pourquoi
nous
pouvons
le
nommer
un
grand
bienfaiteur.