Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Quand l'ouvrage qu'on va lire, parut en arménien et fut salué avec enthousiasme, par nos compatriotes, des savants étrangers nous manifestèrent le désir de le voir traduit dans une de leurs langues occidentales. Quatorze ans se sont écoulés depuis, et les temps sont bien changés! Chacun connaît les tristes événements dont notre pays a été le théâtre, durant ces quatre ou cinq dernières années. Des faits inqualifiables ont renouvelé, pour ne pas dire surpassé, les horreurs y commises jadis par des barbares, de XII-V siècles. L'épée sanglante semble encore suspendue sur l'infortunée Arménie, si injustement torturée: le feu qui l'a envahie jette encore de blafardes lueurs sur mille endroits, peuplés hier encore de gens laborieux, aujourd'hui ruinés et déserts; l'herbe nouvelle n'a pas encore recouvert les gouffres qui ont englouti des milliers d'innocentes victimes, de tout âge et de toute condition; et les larmes amères des veuves et des orphelins coulent, coulent et ne tarissent pas!

Et comment dans de telles circonstances et dans une si triste incertitude, présenter à un public étranger des vues rétrospectives sur l'un des anciens territoires et l'une des dernières dynasties de cette même nation, si souvent ravagée par ses rapaces voisins? Pourquoi évoquer du fond des siècles silencieux, le nom et l'histoire si peu connue de cette ARMENO-CILICIE OU de SISSOUAN ? Pourquoi réveiller les souvenirs de ces braves Tacvors et de leurs Barons féodaux, maîtres de plus de deux cents forteresses, échelonnées sur les rudes épaules du Taurus? Pourquoi, enfin, faire revivre dans de si tristes temps, la mémoire des jours heureux de nos ancêtres, qui marchèrent, la tête haute et à pas égal, avec les peuples pleins de vie et d'activité du Moyen-âge latin; avec lesquels ils eurent de si fréquentes relations, et conclurent tant d'alliances, de liens de parenté et de contrats de toute sorte; dont les documents se conservent encore dans les archives des principales villes d'Europe, surtout en Italie, et qui fournissent de curieux détails sur ces souverains orientaux, amis sincères des princes de l'Occident, sur leurs ambassadeurs, les marchands et les agents, qui ont fréquenté tant de cours et des ports? [1] .

Le lecteur comprendra bien que pour nous décider à publier un tel ouvrage, il a fallu une volonté autre que la nôtre; l'initiative, l'insistance et la générosité d'un noble protecteur, le Nestor des diplomates modernes, le vénérable vieillard Son Excellence NOUBAR PACHA: qui a voulu, avant de se retirer tout à fait du théâtre des affaires de ce monde, offrir à ses collègues et aux étrangers curieux, dans une langue qui leur fût familière, une partie, peut-être la plus intéressante, de l'histoire de sa nation. Nous espérons qu'étrangers et compatriotes sauront gré à notre Mécène. Je les devance pour ma part, et me fais un devoir de le remercier, en lui dédiant cet ouvrage.

Je dois pareillement exprimer toute mon affectueuse reconnaissance à mes dévoués Confrères et Collaborateurs, auxquels revient, à plus d'un titre, le principal mérite de cette publication. Leur long et patient travail s'est étendu non seulement à la traduction de ce volume assez considérable, mais aussi aux corrections et au pénible arrangement des Tables des noms et des matières.

Nous ne nous faisons cependant aucune illusion, et nous avouons en toute sincérité, que malgré toute la bonne volonté que nous y avons mise, notre publication laisse à désirer, soit pour le style, soit pour l'édition. Je laisse à la bienveillance du lecteur le soin d'imaginer d'un côté, que nous avons hâter l'impression de cet ouvrage, afin de le mettre le plus tôt possible, sous les yeux de son Mécène; de l'autre, toute la difficulté qu'il y avait à traduire un texte, dont l'ordre des idées et le style sont tout à fait différents de ceux auxquels sont habitués nos lecteurs occidentaux.

On remarquera aussi des variantes dans l'orthographe des noms propres, même entre le texte et les tables. Je dois aussi faire remarquer en particulier, que le son que l'on a voulu produire par le groupement des quatres lettres, tche, rendu en arménien par une seule et même lettre ( չ ), a été remplacé sur la Carte qui accompagne ce livre, par le signe conventionnel: č.

Cependant, bien que moins correcte et moins riche dans son ensemble que l'édition arménienne, cette traduction a néanmoins l'avantage de contenir certaines corrections géographiques et des suppléments relatifs aux derniers événements historiques. Je crois encore devoir prévenir mes lecteurs, qui, peut-être auraient désiré que l'indication des sources de mes renseignements fût plus abondante: si j'ai omis de le faire en plusieurs points, c'est que quand j'écrivais en arménien et pour des Arméniens, j'ai cru inutile d'indiquer à mes compatriotes des ouvrages ou des manuscrits, qu'il leur eût été impossible de se procurer dans un pays tant soit peu dépourvu de ressources littéraires. Je crois cependant en avoir assez indiqué, et j'ai placé à la fin du volume, une petite liste bibliographique, avec les noms de quelques auteurs arméniens, les plus souvent cités dans le texte ou dans les notes.

Je laisse d'ailleurs à mes lecteurs le soin de juger à leur aise, aussi bien les défauts que les avantages de cette publication, telle qu'elle leur est livrée. Mais si en critiquant moi-même cet ouvrage, j'ai voulu être sincère, j'ose aussi avancer


[1]          On peut consulter dessus le Cartulaire, indiqué dans notre Table bibliographique, et l'histoire de Léon le Magnifique, etc. Venise, S. Lazare, 1888.