Les
personnes
qui
ont
quelque
notion
de
l'histoire
d'Arménie
connaissent
la
fin
tragique
du
dernier
roi
des
Bagratides,
Kakigh,
événement
aussi
repoussant
qu'affreux.
Chacun
de
leur
propre
côté,
les
Arméniens
et
les
Grecs,
étaient
animés
d'un
esprit
de
trahison
mutuelle
qui
ne
faisait
qu'enflammer
la
haine
et
les
désirs
de
vengeance.
Les
Arméniens
voulaient
une
revanche
surtout
depuis
la
prise
par
trahison
de
la
ville
d'Ani,
leur
capitale.
La
différence
de
mœurs
et
surtout
de
religion
augmentait
encore
ces
haines.
Ajoutons
à
cela
l'éloignement
du
pays
du
centre
du
gouvernement
impérial,
et
partout
la
difficulté
de
réprimer
les
abus
du
pouvoir.
D'autre
part
la
faiblesse
du
gouvernement,
son
impuissance
à
conserver
les
provinces
soumises
qui
se
trouvaient
entre
Lycandon
et
la
Cappadoce,
tout
cela
était
bien
fait
pour
donner
de
la
hardiesse
aux
meneurs
de
la
rébellion.
Mais
comme
tous
les
Arméniens,
habitants
de
ces
lieux,
n'étaient
pas
d'accord
avec
les
Bagratides
et
leurs
partisans,
ceux-ci
comprenant
qu'ils
n'avaient
pas
assez
de
force
à
opposer
à
la
multitude
des
Grecs,
et
se
voyant
de
plus
délaissés
par
leurs
compatriotes,
se
retirèrent
dans
les
forteresses
et
dans
les
cavernes
des
montagnes.
De
ces
refuges,
ils
cherchaient
à
infliger
des
pertes
à
leurs
ennemis
ou
à
se
soustraire
à
leurs
poursuites.
Après
des
rencontres
partielles
et
des
vengeances
particulières,
dans
le
but
de
venger
le
meurtre
de
Kakigh,
l'un
des
plus
fidèles
partisans
de
ce
dernier,
Roupin,
abandonnait,
l'année
1081
le
pays
de
Zamantie,
patrimoine
de
Kakigh,
et
se
retirait
dans
une
place
forte
située
au
sud-ouest
de
la
Phrygie,
et
devenait
le
chef
de
la
dynastie
arménienne
qui
prit
le
nom
de
Roupinienne,
et
après
un
siècle
de
brigues
devint
une
dynastie
royale.
On
a
des
données
historiques
certaines
sur
la
personne
de
Roupin
depuis
son
avénenement
et
sur
sa
famille
jusqu'à
la
sixième
génération;
ses
descendants
s'unirent
par
des
mariages
avec
les
Héthoumiem,
qui
leur
succédèrent
sur
le
trône
tout
en
conservant
jusqu'à
la
fin
le
nom
de
Roupiniens,
pour
les
membres
de
la
famille
royale.
Mais
il
y
a
d'épaisses
ténèbres
sur
l'origine
de
ce
personnage,
sa
manière
de
gouverner
et
sur
sa
capitale.
Les
historiens
en
parlent
confusément,
surtout
ceux
qui
étaient
loin
du
théâtre
des
événements:
ils
ont
mélangé
le
certain
avec
l'incertain,
la
réalité
avec
l'invention
personnelle.
Beaucoup
d'entre
eux
affirment
que
Roupin
était
un
intime
allié
des
Bagratides
et
du
dernier
roi
Kakigh;
un
autre
dit
«qu'il
était
soldat
des
Bagratides
et
de
la
même
race
que
lui»:
un
troisième
dit
«qu'il
était
de
la
famille
royale
et
parent
de
Kakigh
le
Grand»;
puis
enfin
un
dernier
va
jusqu'à
affirmer
qu'il
était
«frère
de
Kakigh».
La
plus
vraisemblable
de
ces
affirmations
nous
paraît
être
celle
du
premier,
qui
le
dit
«soldat
du
Bagratide,
lié
avec
sa
famille»
et
descendant
de
la
maison
des
Ardzrounis.
Cet
historien
écrivait
sous
le
règne
de
Léon
II,
fils
de
Héthoum,
et
assure
que
«notre
roi
Léon
unit
en
parenté
ces
deux
familles
royales»
[1];
et
le
Docteur
Vahram
qui
se
trouvait
dans
la
cour
de
ce
prince,
est
d'accord
avec
lui.
Cependant
d'autres
historiens
judicieux
en
parlant
de
Roupin
[2],
le
font
venir
du
pays
de
Sassoun
et
descendre
des
anciennes
familles
Sanassoun
et
Ardzerouni.
De
mon
côté
je
crois
et
je
suis
persuadé
que
Roupin,
chef
des
princes
de
Sissouan,
selon
les
traditions
les
plus
fidèles,
était
l'allié
de
Kakigh
et
qu'avant
la
mort
de
ce
dernier,
il
a
été
reconnu
maître
de
la
forteresse
de
Gossidar,
dont
l'emplacement
exact
nous
est
inconnu,
mais
qui
ne
devait
pas
être
loin
des
possessions
de
Kakigh,
car
l'historien
dit,
que,
«Lorsque
Roupin
apprit
la
mort
de
ce
dernier,
il
se
transporta
avec
toute
sa
famille
[3]
vers
la
Phrygie
et
alla
habiter
le
village
de
Colomozole
(inconnu
de
nos
jours)
dans
les
montagnes,
où
se
trouvaient
beaucoup
d'Arméniens.
Roupin
le
Grand
en
les
appelant
tous
auprès
de
lui,
se
rendit
fort
par
leur
adhésion
et
assura
la
possession
des
pays
montagneux,
en
expulsa
les
Grecs
et
régna
à
leur
place.
Enfin,
après
avoir
vécu
une
vie
pieuse,
il
mourut
dans
la
paix
du
Seigneur
et
fut
enseveli
dans
le
couvent
de
Castalon,
laissant
pour
successeur
son
fils
Constantin».
Selon
ce
témoignage,
Roupin
régna
d'abord
à
Gossidar,
puis
à
Colomozole
et
non
pas
toujours
à
Gossidar
au
dire
des
autres
historiens.
Après
le
meurtre
de
Kakigh,
emmenant
avec
lui
une
grande
partie
de
ses
hommes,
il
se
rendit
maître
de
la
forteresse
de
Gossidar,
où
il
fonda
son
domaine
et
l'étendit
sur
les
pays
montueux
de
la
Phrygie.
Le
lieu
habité
par
Roupin
I
er
et
Roupin
II
est
donc
certainement
indiqué,
mais
ces
noms
ou
leurs
places
nous
ne
sont
pas
bien
connus.
Nous
pouvons
cependant
indiquer
ces
lieux
comme
le
pays
d'origine
de
la
dynastie
de
Roupin:
mais
il
n'a
jamais
subjugué
Partzer-perte,
et
n'a
jamais
étendu
sa
domination
dans
la
plaine
cilicienne,
comme
le
fait
supposer
par
des
exagérations
un
écrivain
qui
habitait
d'autres
pays
et
était
un
ami
intime
de
Saint
Nersès
de
Lamproun.
Les
chroniqueurs
indiquent
l'année
1095
comme
la
dernière
du
règne
de
Roupin,
c'est-à-dire
quinze
années
après
la
fin
de
Kakigh,
date
à
laquelle
commence
la
dynastie
des
Roupiniens.
C'est
donc
en
1080
que
commença
le
règne
des
huit
Roupiniens,
de
cinq
générations
successives,
comme
on
le
voit
dans
le
tableau
suivant:
1080
Roupin
I.
1095
Constantin,
fils
du
précédent.
1100
Thoros
I,
fils
de
Constantin.
1129
Léon
I,
frère
de
Thoros,
jusqu'à
1137.
1145
Thoros
II,
fils
de
Léon
I.
1169
Meleh,
frère
de
Thoros
II
1175
Roupin
II,
fils
de
Stéphané,
frère
de
Thoros
II
1187
Léon
II,
frère
de
Roupin
II
1999
Le
même
nommé
Léon
I
roi
1219.
Comme
tous
ces
personnages
étaient
d'une
même
famille,
on
distinguait
en
chacun
d'eux
la
même
nature,
le
même
caractère
impérieux
et
quelquefois
d'une
brusquerie
qui
allait
jusqu'au
sauvage,
par
ses
efforts
pour
secouer
le
joug
grec,
non
content
de
vivre
librement
selon
les
habitudes
nationales
et
religieuses.
Quelquefois
ils
opprimaient
aussi
les
princes
qu'ils
avaient
réduits
à
l'état
de
vassaux,
leur
faisaient
souffrir
toutes
sortes
de
vexation,
ou
les
expulsaient
pour
étendre
de
plus
en
plus
leurs
domaines,
autant
que
pouvait
se
faire
selon
la
configuration
du
pays,
jusqu'au
voisinage
d'un
chef
plus
fort
qu'eux
mêmes.
De
cette
manière
nos
trois
premiers
princes
réussirent
à
reculer
les
frontières
de
leurs
états
jusque
sur
les
montagnes
et
les
pays
d'alentours.
Le
quatrième,
Léon
Ier,
voulant
s'avancer
jusqu'à
la
plaine,
perdit
tout.
On
aurait
pu
croire
éteinte
la
flamme
de
l'indépendance
allumée
par
Roupin;
mais
les
quatre
successeurs
de
Léon,
non
seulement
reconquirent
de
nouveau
les
territoires
perdus,
mais
en
ajoutèrent
des
nouveaux,
soit
du
côté
des
montagnes,
soit
du
côté
de
la
plaine.
Par
le
moyen
des
armes
ou
par
la
ruse,
par
la
force
ou
par
le
génie,
ils
parvinrent
à
chasser
complétement
les
Grecs,
conclurent
des
traités
de
paix
avec
eux,
se
reconnaissant
réciproquement
leurs
possessions.
Enfin,
par
des
mariages
ils
s'allièrent
avec
les
Latins
et
arrivèrent
à
agrandir
leur
état
jusqu'aux
bords
de
la
Méditerranée.
De
tout
ce
que
nous
venons
d'exposer
jusqu'ici,
on
voit
bien
que
la
domination
des
conquérants
arméniens
s'étendait
au
delà
même
des
confins
de
la
Cilicie
proprement
dite;
et
nos
historiens
nationaux,
en
nous
donnant
le
récit
des
faits
historiques,
sous
ce
même
nom
ancien
comprennent
tous
les
territoires
qui
étaient
soumis
à
l'autorité
des
rois
arméniens.
Quelquefois
cependant,
au
lieu
du
nom
de
Cilicie,
on
donnait
au
pays
le
nom
de
sa
nouvelle
capitale.
C'est
ainsi
que
le
fait
notre
géographe
arménien:
«La
Cilicie,
dit-il,
c'est
Sis
et
les
provinces
qui
confinent
à
l'Asie»;
il
veut
probablement
dire
à
l'Isaurie.
Les
étrangers,
ainsi
que
les
Arabes
et
les
Syriens,
donnent
aussi
quelquefois
à
la
Cilicie
le
nom
de
sa
capitale.
Aboulpharadje
dit
clairement:
«Bilad-el-Sis
ou
Biladi-Sis».
Le
catholicos
Grégoire
Degha,
a
ajouté
à
Sis
la
terminaison
ouan,
peut-être
pour
la
rime
de
ses
vers,
et
il
a
fait
Sissouan.
C'est
ainsi
qu'il
écrit:
«Du
mont
Taurus,
ils
entrèrent
dans
la
contrée
de
Sissouan».
J'ai
regardé
comme
sacré,
ce
nom
de
Sissouan,
employé
par
le
grand
Catholicos,
et
voilà
pourquoi
je
l'ai
placé
en
tête
de
cette
étude
topographique.
J'aurais
pu
employer
aussi,
celui
de
Arméno-Cilicie,
comme
l'ont
fait
les
Grecs
ses
contemporains
«Ά
ρμενοχιλίχα
».
Une
fois
la
domination
des
Arméniens
fermement
établie
sur
toute
la
contrée,
les
étrangers
commencèrent
à
lui
donner
le
nom
d'
Arménie
ou
Pays
des
Arméniens,
indifféremment,
(Armenia,
Terra
Armeniorum),
et
les
Arabes
la
désignaient
sous
le
nom
de
«Bilad-el-Armén».
A
cette
époque
la
Cilicie
arménienne,
qui
avait
un
seigneur
ou
roi
arménien,
était
beaucoup
plus
connue
au
dehors
que
la
Grande
Arménie,
qui
était
aux
mains
des
étrangers.
Quelques
uns
de
ceux
qui
avaient
connaissance
de
ce
dernier
pays,
donnaient
à
la
Cilicie,
le
nom
de
«
Petite
Arménie
»,
ignorant
que
la
«
Petite
Arménie
»,
proprement
dite,
est
située
à
droite
et
à
l'ouest
de
l'Euphrate
et
au
nord
de
la
Cilicie.
Les
gouverneurs
de
la
Cilicie
Trachée
étaient
appelés
Seigneurs
des
montagnes.
Ainsi
l'historien
juif
Benjamin
de
Toudel,
dans
le
récit
de
son
voyage
en
Cilicie,
durant
le
principat
de
Thoros
II,
donne
à
ce
dernier
le
titre
de
Roi
des
Montagnes.
Les
Latins
de
même
emploient
les
termes
«
De
montanis
»
pour
désigner
le
chef
des
Arméniens.
L'historien
Bromton
dit
en
parlant
de
Frédéric
Barberousse,
qu'il
passa
au
pays
de
Roupin
montagnard,
le
mot
est
en
français:
«in
terram
Rupini
de
la
Montagne.
»
Ne
laissons
pas
non
plus
de
côté
le
témoignage
de
Bernard
de
Pietrobourg
qui
dit:
«
Rupinus
de
Monte
»
et
appelle
le
pays,
Terra
Boupini
de
la
Montaine.
De
même
Clément
III,
en
1187
ou
1188,
adressa
une
lettre,
«A
Léon
le
Montagnard»
comme
le
traduit
Nersès
de
Lambroun
en
arménien.
A
cette
époque,
Léon
n'avait
pas
encore
été
proclamé
roi,
mais
l'aigle
de
Lambroun
avait
déjà
prévu
sa
destinée
future:
«Léon
le
Baron,
dit-il,
n'était
alors
que
Seigneur
de
la
Cilicie,
de
l'Isaurie
et
des
Montagnes».
En
1196,
il
écrit
encore:
«Léon
règne
sur
les
provinces
de
la
Cilicie
et
de
la
Syrie...
et
de
la
Seconde
Cappadoce,
dont
la
capitale
est
Tiana».
Il
est
certain
que
Roupin
I
er,
chef
et
fondateur
de
la
dynastie
des
Roupiniens,
a
subjugué
d'abord
la
région
montagneuse
qui
se
trouve
du
côté
de
la
Phrygie,
comme
l'écrivent
les
historiens
et
comme
l'attestent
les
mémoires
contemporains.
Willebrand,
le
savant
chanoine
allemand,
qui
avait
été
l'hôte
de
Léon
et
le
témoin
oculaire
de
quelques
événements
de
son
règne,
dit
d'une
façon
très
précise,
que
Léon
avant
son
couronnement
s'appelait
Seigneur
des
Montagnes
ou
des
Montagnards:
Leo
de
Montanis;
ce
ne
fut
que
plus
tard
qu'il
reçut
le
titre
de
Roi
des
Arméniens.
Un
autre
nom
fut
encore
donné
au
pays
de
Sissouan
par
les
Arabes;
ils
l'appelaient
Terre
des
Passages,
à
cause
des
nombreux
cols
et
routes
des
montagnes.
Ce
furent
les
étrangers
qui
commencèrent
à
donner
au
pays
le
nom
de
ses
conquérants;
les
uns
disent
par
exemple:
«On
a
laissé
le
nom
de
Cilicie
et
on
appelle
la
contrée
Pays
de
Thoros».
L'historien
juif,
cité
plus
haut,
écrit
qu'il
est
entré
dans
la
principauté
de
Thoros,
roi
des
montagnes,
et
le
docteur
Vahram
signifie
la
même
chose
en
vers:
Lorsqu'en
laissant
le
nom
de
Cilicie
On
l'a
appelée,
Terre
de
Thoros.
Les
historiens
arabes
remplacèrent
le
nom
de
Thoros
par
celui
de
Léon,
le
plus
célèbre
des
princes
de
cette
dynastie.
La
Cilicie
se
trouve
désignée
dans
leurs
écrits
sous
les
noms
de
Biladi
Livoun
ou
Bilad-iben-Livoun-el
Armani.
Ce
sont
les
mêmes
termes
que
l'on
trouve
dans
les
annales
de
Matthieu
d'Ourha
(an
1112).
Léon
étendit
sa
domination
au
delà
des
frontières
de
la
Cilicie
proprement
dite.
Si
ces
frontières
ne
se
sont
pas
maintenues,
à
l'ouest,
jusqu'à
Atalia,
dans
le
golfe
de
Pamphylie,
et,
au
nord-ouest,
jusqu'à
Héraclée
et
Tiana,
Léon
a
cependant
possédé
ces
contrées
pendant
un
certain
temps.
Au
nord,
il
est
allé
jusqu'à
Césarée,
et,
à
l'est,
il
a
conquis
les
pays
de
Rhossous
et
de
Baghras,
c'est-à-dire
toute
la
région
qui
borde
le
golfe
d'Ayas,
jusqu'aux
Montagnes
Noires,
y
comprises,
lesquelles
s'appelaient
alors
Monts
Amanus.
Ces
dernières
frontières
restèrent
intactes
pendant
un
demi-siècle,
même
sous
les
successeurs
de
Léon.
Mais
celles
de
l'occident
et
du
nord,
qui
se
trouvaient
hors
des
remparts
naturels
du
pays,
furent
peu
à
peu
occupées
par
les
Turcs
et
les
Karamans.
Nous
avons
déjà
cité
le
passage
où
Benjamin
de
Toudel,
voyageur
juif,
étend
les
frontières
du
pays
sous
le
règne
de
Thoros
II,
en
commençant
de
Corycus
jusqu'à
la
ville
de
Douguia,
probablement
Antioche.
Selon
Willebrand
qui
se
trouvait
dans
la
Cilicie
l'an
1211,
au
temps
de
la
puissance
de
Léon,
il
fallait
deux
jours
pour
traverser
en
largeur
le
pays
des
montagnes,
et
seize
pour
le
traverser
en
longueur,
probablement
de
l'est
à
l'ouest
jusqu'aux
bords
de
la
mer.
Enfin,
Pegolotti
déclare
que,
durant
la
première
moitié
du
XIV
e
siècle,
les
frontières
du
royaume
arménien
s'étendaient
d'Ayas
jusqu'à
Gobidara,
dont
la
situation
reste
inconnue.
Les
Grecs,
de
maîtres
des
Arméniens
qu'ils
étaient,
en
devinrent
bientôt
les
sujets,
et
non
seulement
eux,
mais
encore
les
Turcs
et
les
Arabes.
Ces
derniers,
soit
par
représailles
soit
par
terreur,
furent
éloignés
du
territoire
et
chassés
des
forteresses
qu'ils
occupaient
depuis
longtemps;
les
Syriens
et
les
Latins
eurent
presque
le
même
sort,
(le
mot
latin
est
pris
génériquement
pour
désigner
tous
les
peuples
européens
qui
participèrent
aux
croisades
et
qui
s'emparèrent
de
diverses
villes
de
la
Cilicie.
)
D'autres
peuplades,
et
surtout
les
Turcomans
vagabonds,
sujettes
du
gouvernement
des
Roupiniens,
n'eurent
pas
la
faculté
de
rester
librement
dans
le
territoire
arménien;
elles
furent
ou
subjuguées,
ou
par
la
loi
de
féodalité
mise
en
vigueur,
tollérées
par
des
traités
et
par
des
concessions.
Il
paraît
que
les
Roupiniens
eurent
plus
de
difficultés
à
soumettre
leurs
compatriotes
que
les
étrangers.
Les
Arméniens,
rebelles
ou
fugitifs,
avaient
émigré
en
Cilicie
avant
la
conquête,
et
les
plus
nobles
d'entre
eux,
placés
par
les
Byzantins
comme
surintendants
ou
gouverneurs
des
forteresses,
jouissaient
presque
d'une
indépendance
absolue.
Ils
opposèrent
une
résistance
acharnée
aux
Roupiniens;
mais
ces
derniers,
Léon
le
Grand
surtout
et
son
partisan
le
baron
Constantin,
à
force
de
ruse
et
d'habileté,
parvinrent
à
les
soumettre.
En
épousant
la
princesse
Zabel,
fille
du
roi
Léon
I
er,
Constantin
unit
les
Héthoumiens
avec
la
famille
royale.
Ils
ne
formèrent
donc
plus
qu'une
seule
et
forte
puissance
qui
rendit
la
paix
au
pays.
L'établissement
de
la
famille
des
Héthoumiens
dans
la
Cilicie
est
antérieur
à
la
conquête
du
pays
par
Roupin.
Son
chef
Ochine,
en
sortant
des
voisinages
de
Gandzag
(Ghendjé),
d'un
endroit
appelé:
Les
eaux
des
Forêts
ou
des
Cèdres,
vint
en
Cilicie
l'an
1071,
avec
son
frère
Halgam,
sa
mère,
et
sa
famille.
Il
y
trouva
Abelgharib
Ardzerouni,
qui
fut
plus
tard
gouverneur
de
la
ville
de
Tarsus
par
ordre
de
l'empereur.
Abelgharib
était
fils
de
Hassan
descendant
de
Khoul
(sourd)
Khatchig,
l'un
des
princes
de
Sénacherib,
roi
de
Vaspouragan,
avec
lequel
il
avait
émigré
vers
Sébaste.
Il
parvint
à
un
tel
degré
de
puissance
qu'il
devint
le
gouverneur
de
presque
toute
la
Cilicie,
qu'il
avait
soustraite
aux
Turcs.
Ochine,
en
s'alliant
avec
celui-ci,
hérita
de
son
pouvoir
et
de
ses
propres
possessions
qui
s'étendaient
sur
la
ville
de
Tarsus
et
les
deux
forteresses,
de
Baberon
et
de
Lambroun,
les
principales
du
pays;
surtout
cette
dernière,
qui
résista
plus
longtemps
que
toutes
les
autres
au
siége
du
roi
Léon,
qui
employa,
pour
la
soumettre,
plus
de
ruse
et
de
fraude
que
de
fortes
attaques.
Halgam,
de
même
que
son
frère
Ochine,
fut
nommé
gouverneur
des
marches
occidentales
maritimes,
où
l'on
retrouve
un
siècle
après,
sous
le
règne
de
Léon,
un
de
ses
descendants,
portant
le
même
nom
que
lui
et
gouverneur
de
la
forteresse
d'Anamour
et
d'autres
encore.
A
ces
deux
gouverneurs,
il
faut
ajouter
aussi
le
prince
Bazouni
qui
régnait
dans
une
autre
région
de
la
Cilicie
montueuse.
Quelques
historiens
[4]
l'ont
cru
frère
d'Ochine
et
de
Halgam;
les
premiers
chroniqueurs
n'indiquent
ni
son
origine
ni
l'étendue
de
son
territoire.
Matthieu
d'Edesse
dit
seulement:
«Les
princes
qui
régnaient
sur
les
Montagnes
Taurus
étaient,
Constantin
fils
de
Roupin,
les
princes
Bazouni
et
Ochine.
Ces
princes
envoyèrent
des
vivres
nécessaires
à
l'armée
de
la
première
Croisade».
Il
y
avait
encore
une
puissante
famille
appelée
Nathanaël,
mais
le
lieu
de
son
origine
et
l'époque
de
son
arrivée
dans
le
pays,
nous
sont
également
inconnus.
La
forteresse
d'Ascourse
était
en
son
pouvoir
et
son
territoire
s'étendait
jusqu'à
celui
de
Héthoum.
La
renommée
du
général
Khatchadour,
(qui
peut
être
était
parent
d'Abelgharib),
devança
son
arrivée
dans
ce
pays;
il
était
prince
d'Antioche
de
Cracca,
ville
de
l'Isaurie,
ou
de
la
Cilicie
pierreuse,
où
des
Arméniens
habitaient
depuis
des
temps
très
reculés.
Sous
le
gouvernement
de
Khatchadour
en
1069,
les
Turcs
envahirent
le
pays
d'Iconium
et
s'avancèrent
jusqu'en
Cilicie;
mais
les
Arméniens
en
leur
dressant
des
embûches
et
des
surprises,
dans
les
passages
des
monts
de
Séleucie,
les
battirent,
les
dispersèrent
et
s'emparèrent
de
leur
immense
butin.
Les
mêmes
faits
se
renouvelèrent
sous
le
règne
de
son
frère
Thoros.
Ce
prince
donna
en
mariage
sa
fille
Arta
à
Baudouin,
frère
de
Godefroy,
chef
de
la
I
re
Croisade,
lui
promettant
pour
la
dot
de
sa
fille
60,
000
pièces
d'or
[5],
dont
17,
000
furent
payées
lors
de
la
célébration
du
mariage.
Baudouin
étant
élu
roi
de
Jérusalem,
sa
femme,
jadis
princesse
montagnarde,
fut
élevée
jusqu'aux
fastes
du
trône.
Ce
prince,
quelques
années
après,
répudia
lâchement
sa
malheureuse
femme;
mais,
pressé
par
la
crainte
et
l'approche
de
la
mort,
il
se
repentit,
la
rappela
et
renvoya
son
amante.
Ainsi
dès
leur
arrivée
en
Orient,
les
Occidentaux
entrèrent
en
relations
avec
les
Arméniens
et
ils
ne
tardèrent
pas
à
se
rendre
réciproquement
sympathiques.
Les
bouillants
et
preux
chevaliers
croisés
s'unissaient
aux
belles
Arméniennes
et
contractaient
par
le
mariage
des
alliances
étroites
[6].
Lorsque
ces
princes
arméniens
eurent
obtenu
la
couronne
royale,
ils
invitèrent
les
filles
princières
d'occident
à
s'unir
aux
grands
du
pays.
L'union
du
sang
de
deux
souches
de
Japhet
produisit
le
caractère
et
les
mœurs
semi-latins
des
Arméniens
de
Cilicie,
qui
se
familiarisèrent
avec
les
lois
et
les
coutumes
occidentales,
comme
au
reste
chacun
le
sait
Il
ne
faudrait
pas
croire
cependant
que,
si
les
mœurs
des
Occidentaux
se
propageaient
dans
la
société
arménienne,
les
habitudes
et
les
traditions
nationales
fussent
par
contre
oubliées
et
délaissées.
Comme
preuve
de
cette
dernière
assertion,
je
trouve
que
des
enfants,
fidèles
à
la
nationalité
de
leur
mère,
prirent
en
tout
les
habitudes
maternelles
et
s'appelèrent
Léon,
Héthoum,
Thoros,
etc.
Même
les
coutumes
orientales
furent
introduites
en
Europe.
Les
enfants
d'un
père
latin
étaient
nourris
dans
le
palais
maternel,
y
croissaient,
et
parvenaient
ainsi
aux
dignités
souveraines.
La
langue
parlée
des
Occidentaux
était
comprise
et
parlée
par
les
Arméniens,
de
même,
mais
plus
rarement,
la
langue
arménienne
était
parlée
par
les
croisés.
Cette
familiarité
avec
les
langues
et
les
coutumes
du
pays,
rendit
l'accès
du
trône
facile
aux
Lusignans,
vers
la
moitié
du
XIV
e
siècle.
Ces
princes
étaient
arméniens
par
leur
mère
et
successeurs
présomptifs
du
trône.
Nous
en
parlerons
plus
longuement
dans
la
suite.
Tandis
que
les
Arméniens
témoignient
aux
Latins
leur
estime
et
leur
affection,
se
présentaient
à
eux
avec
des
cadeaux,
leur
ouvraient
les
portes
de
leurs
forteresses
et
de
leurs
châteaux;
ces
derniers
étaient
loin
de
répondre
à
leurs
gentillesses.
La
froideur
entre
ces
grands
se
changea
en
mépris
lorsque
ceux-ci
enlevèrent
aux
Musulmans
la
ville
d'Antioche
et
les
côtes
de
la
Syrie.
Les
Latins,
fiers
des
succès
qui
leur
assuraient
la
paix
du
côté
du
dehors,
méprisèrent
la
valeur
arménienne,
et
profitant
de
leur
force
supérieure,
ils
chassèrent
les
Arméniens
des
villes
et
des
forteresses
dans
lesquelles
ils
commandaient,
et
les
dépouillèrent
de
leurs
richesses.
La
dévastation
s'étendit
au
delà
même
des
confins
de
la
Cilicie,
jusqu'aux
bords
du
fleuve
Euphrate,
rendant
ainsi
au
désespoir
ceux
auxquels
ils
devaient
de
la
reconnaissance.
Constantin
et
le
valeureux
Vassil
le
Voleur,
dans
la
crainte
d'avoir
à
subir
le
même
sort,
vinrent
protéger
les
Arméniens:
mais
ce
fut
peine
perdue;
les
Croisés
s'enfermèrent
dans
leurs
places
inexpugnables
qui
rendaient
inutiles
les
efforts
des
empereurs
mêmes.
Constantin
mourut
en
paix,
plein
de
gloire,
loué
et
pleuré
de
tous
[7].
Sa
mort
avait
été,
dit-on,
présagée
quelque
temps
auparavant
par
la
chute
de
la
foudre
qui
tomba
sur
sa
demeure,
ainsi
que
le
rapportent
religieusement
quelques
historiens
[8].
Thoros
I
er,
(1100-1129),
fils
et
successeur
de
Constantin,
hérita
du
trône,
du
courage
et
de
la
sagacité
de
son
père.
Ce
prince
fut
honoré
par
les
Grecs
qui
l'appelèrent
Protosebastos,
d'après
le
témoignagne
de
Matthieu
d'Edesse.
Cette
dignité
était
le
plus
grand
honneur
auquel
un
homme
pût
songer
à
la
cour
de
Byzance.
Je
ne
sais
ni
à
quelle
époque
ni
pour
quels
motifs
ce
titre
lui
fut
décerné;
mais
son
principal
mérite
est
d'avoir
vengé
dans
le
sang
des
Grecs,
le
meurtre
de
Kakigh.
Au
moyen
de
ruses
et
d'embuscades
il
se
saisit
des
Mantaléens
et
de
leur
forteresse
de
Guentrosgave,
la
rasa
complètement,
en
fit
esclaves
tous
les
habitants
qu'il
obligea
à
venir
s'établir
sur
les
bords
du
fleuve
Paradis
dans
la
Cracca
Intérieure.
Ensuite
il
les
dépouilla
de
tous
leurs
trésors
cachés,
parmi
lesquels
se
trouvait
l'épée
du
dernier
roi
des
Bagratides.
De
nos
jours
encore
existe
un
village
du
nom
de
Paradis
situé
aux
frontières
de
la
Phrygie
et
de
la
Galatie,
C'est
là
que
le
géographe
Ramsay
trouva
en
1872,
sur
une
pierre
de
délimitation,
l'inscription
suivante:
Finis
Cæsaris.
Ceux
qui
voudraient
s'informer
davantage
sur
ces
faits
et
connaître
mieux
les
circonstances
de
cette
lutte,
pourront
lire
l'ouvrage
de
Matthieu
d'Edesse
où
ont
puisé
d'autres
historiens
[9].
A
l'arrivée
des
Croisés
(1101),
Thoros
se
hâta
de
descendre
des
montagnes
à
la
tête
de
nombreuses
troupes,
et
alla
offrir
ses
services
au
brave
Tancrède,
qui
tenait
en
son
pouvoir
les
villes
de
la
plaine;
puis
en
1103,
il
rendit
inutiles
les
efforts
du
général
Boutoumite
envoyé
par
Alexis
Comnène,
qui,
ne
pouvant
nuire
aux
montagnards,
alla
s'emparer
de
Marache.
L'année
suivante,
lorsque
le
prince
d'Antioche
et
Josselin
se
rendirent
maîtres
de
cette
ville
[10],
Thoros
acheta
du
gouverneur
général
une
précieuse
image
de
la
Sainte
Vierge
qui
y
était
fort
honorée.
Il
faut
supposer
qu'il
y
avait
deux
de
ces
images
de
la
Vierge,
car
Thoros
en
aurait
trouvé
une
dans
les
trésors
des
Mantaléens,
qu'il
plaça
ensuite
dans
Anazarbe,
deuxième
ville
de
la
Cilicie,
comme
gage
de
son
triomphe
et
comme
Protectrice
de
son
trône
et
de
sa
maison.
Après
avoir
défendu
son
pays
du
côté
des
montagnes,
il
descendit
dans
la
plaine,
et
s'y
installa
définitivement
en
maître,
en
chassant
les
Grecs
qui
la
possédaient.
Il
plaça
alors
l'image
de
la
Vierge
dans
le
château
d'Anazarbe,
où
il
construisit
une
chapelle
dans
laquelle
il
plaça
solennellement
ce
tableau:
comme
cela
se
trouve
dans
l'inscription
de
la
chapelle,
ainsi
que
le
rapporte
l'historien.
Maintenant
tout
est
en
ruines,
il
ne
reste
plus
que
quelques
lignes
de
l'inscription;
mais
cela
suffit
pour
attester
la
piété
et
la
bravoure
de
Thoros.
L'église
fut
intitulée
du
nom
des
Saints
Généraux
martyrs.
La
piété
et
la
probité
de
Thoros
lui
avaient
attiré
l'estime
et
la
vénération
de
son
entourage.
Non
seulement
il
bâtit
un
grand
nombre
d'églises
et
de
monastères
qu'il
dota
généreusement,
mais
encore
il
jeta
les
fondements
de
nombreux
hospices
qui
devaient
servir
d'abri
à
tous
les
nécessiteux
sans
distinction
de
nationalité.
«De
cette
manière
il
se
fit
aimer
et
respecter
et
se
rendit
célèbre
parmi
toutes
les
nations
limitrophes,
qui,
laissant
de
côté
le
mot
Cilicie,
donnèrent
à
la
contrée
le
nom
de
Pays
de
Thoros
».
Un
de
ces
monastères
porte
le
nom
de
Machghévor,
mais
le
plus
célèbre
est
le
monastère
de
Trazargue
où
Thoros
fut
enseveli,
après
l'inhumation
du
moine
docteur
Méghrig,
son
premier
précepteur.
Tous
les
princes
du
sang
après
lui
furent
inhumés
dans
cette
enceinte
consacrée.
Ce
fut
donc
ce
prince
qui,
le
premier,
fonda
le
royaume
de
Sissouan
et
bâtit
un
cimetière
pour
ses
rois.
Ses
descendants
qui
s'étaient
même
dispersés
dans
les
villes
de
la
plaine,
s'appelaient
encore
les
Montagnards
ou
Princes
des
Montagnes.
Il
plaça
en
eux
toute
sa
confiance;
ce
qui
fut
comme
la
base
de
son
royaume
naissant,
se
contentant
en
même
temps
des
frontières
qu'il
possédait.
Ainsi
il
laissa
libre
le
brave
Tancrède,
de
marcher
contre
les
armées
impériales,
qu'il
battit
en
diverses
rencontres
et
s'empara
de
Tarsus
et
de
plusieurs
autres
villes.
Il
chassa
l'un
après
l'autre
les
généraux
impériaux,
au
nombre
desquels
se
trouvait
un
certain
prince
Arsacide,
noble
chevalier,
qui
avait
montré
beaucoup
de
bravoure,
avec
Alexis,
contre
Robert
Guiscard
l'Avisé,
sur
les
côtes
d'Italie
et
de
Grèce.
Alexis
fut
obligé
par
traité
d'abandonner
au
prince
d'Antioche,
la
partie
orientale
de
la
Cilicie,
les
Montagnes
Noires
et
leurs
alentours,
citées
textuellement
dans
le
traité
de
cession,
à
l'exception
du
territoire
que
tenaient
les
princes
arméniens
Thoros
et
Léon.
Cette
partialité
pour
ces
derniers
est
expliquée
par
les
bonnes
relations
de
l'Empereur
avec
les
petits-fils
de
Roupin,
comme
avec
les
Hé-thoumiens
et
les
Asgouraciens.
Il
était
nécessaire
à
Thoros
de
s'attirer
les
bonnes
grâces
de
l'empereur,
car
il
était
en
lutte
continuelle
avec
les
Turcs
et
les
Perses
qui
avaient
deux
ou
trois
fois
infesté
les
territoires
d'Anazarbe.
En
1107,
ils
envahirent
le
pays
pour
la
première
fois
en
passant
par
les
forteresses
du
Taurus;
mais
lorqu'ils
eurent
outrepassé
les
limites
des
possessions
de
Vassil
le
Voleur,
ils
furent
terriblement
battus
par
ce
dernier.
Il
est
probable
que
Thoros
les
ait
poursuivis
par
derrière.
Quelques
années
après,
ils
firent
une
nouvelle
incursion
dans
le
territoire
d'Anazarbe,
ravageant
et
pillant
tout.
Comme
leur
armée
était
très
nombreuse,
Thoros
n'osa
pas
leur
livrer
bataille,
et
ils
purent
s'en
retourner
impunément
dans
leur
pays
avec
un
grand
butin.
Trois
années
après
cette
razzia,
les
Turcs
dévastèrent
de
nouveau
les
frontières
du
royaume
des
Roupiniens.
Deux
princes
associés
à
cette
famille,
Tigrane
et
Ablassath,
qui
étaient
du
nombre
des
hommes
de
Vassil
le
Voleur,
tombèrent
dans
une
bataille.
La
coopération
de
Thoros
à
cette
dernière
lutte
n'est
pas
mentionnée
dans
les
chroniques.
Une
année
plus
tard
(1114),
un
grand
tremblement
de
terre
ravagea
la
Cilicie,
dans
la
direction
du
nord-est.
La
ville
de
Sis,
qui
devait
devenir
peu
après
la
capitale
du
royaume
des
Roupiniens,
fut
à
moitié
détruite.
On
cite
encore
un
autre
trait
de
la
vie
de
Thoros,
qui
se
rapporte
à
cette
époque;
mais
il
faudrait
en
connaître
les
causes
pour
le
juger
justement.
Le
fils
de
Vassil
le
Voleur,
qui
portait
le
nom
de
son
père,
était
venu
auprès
de
Léon,
frère
de
Thoros,
pour
épouser
leur
sœur.
Thoros
se
saisit
du
jeune
prince
et
le
remit
dans
les
mains
de
Baudouin,
comte
d'Edesse.
Celui-ci
avait
attaqué
plusieurs
fois
le
jeune
Vassil,
mais
en
avait
toujours
été
repoussé.
Mais
après
cette
trahison,
il
put
s'emparer
de
tout
son
territoire
et
renvoya
le
brave
jeune
homme
les
mains
vides.
Ce
dernier
après
être
resté
quelque
temps
chez
son
beau-frère
Léon,
partit
pour
Constantinople.
Thoros
reçut
chez
lui
l'année
suivante
Abelgharib,
prince
de
la
ville
de
Bir,
fils
de
Vassag
le
Bahlave,
qui,
attaqué
par
Baudouin,
avait
dû
lui
abandonner
sa
capitale
et
toute
sa
province
[11].
Ce
même
Baudouin
agit
de
la
sorte
envers
les
princes
de
la
vallée
de
l'Euphrate;
il
sema
le
désaccord
parmi
eux.
Matthieu
d'Edesse
en
racontant
toutes
ses
perfidies,
l'appelle,
ainsi
que
son
peuple:
«Ingrat
à
tous
les
bienfaits.
»
La
maison
des
Roupiniens
devint
ainsi
de
plus
en
plus
puissante
et
influente,
grâce
à
la
finesse
et
à
la
politique
de
Thoros.
Son
frère
cadet,
Léon,
qui
lui
succéda,
eut
tout
autant
de
courage
et
de
bravoure
que
lui,
mais
fut
loin
de
l'égaler
dans
son
habileté
politique.
Thoros
avait
eu
un
fils,
appelé
Constantin,
qui
devait
lui
succéder,
mais
il
fut
empoisonné
avant
la
mort
de
son
père.
Les
historiens
ne
font
que
citer
ce
fait,
sans
en
donner
la
date,
ni
aucun
détail.
Léon,
au
reste,
du
vivant
de
son
frère,
avait
eu
la
juridiction
d'une
partie
du
territoire,
du
côté
oriental,
probablement
de
la
partie
qui
se
trouvait
entre
les
possessions
des
princes
de
Marache
et
d'Antioche.
Il
avait
montré
beaucoup
de
courage
dans
la
guerre,
soit
qu'il
eût
à
combattre
pour
son
propre
compte,
soit
qu'il
le
fît
pour
ses
alliés,
les
Latins.
Il
s'était
distingué
aussi
dans
la
campagne
qu'il
avait
entreprise
en
1112
pour
aider
Roger,
prince
d'Antioche,
à
envahir
la
ville
d'Azaz,
alors
au
pouvoir
de
l'émir
d'Alep.
Il
fut
placé
à
la
tête
de
la
troupe
arménienne,
et
parvint
à
refouler
l'émir
dans
la
ville.
Il
repoussa
toutes
les
sorties
des
assiégés
et
les
força
bientôt
à
capituler,
moyennant
certaines
conditions.
Non
seulement
Léon
eut
la
gloire
d'avoir
pris
la
ville,
mais
il
sut
la
garder
en
son
pouvoir
[12].
L'historien
Vahram,
après
avoir
raconté
ce
siége,
ajoute:
«La
nation
persane
fut
dans
l'admiration;
mais
le
Turc
trembla
et
le
nomma
(Léon)
nouvel
Astiage»
[13].
Une
fois
appelé
à
gouverner
les
domaines
de
ses
pères,
Léon
s'élança
dans
la
vaste
plaine
cilicienne,
disent
les
historiens
grecs,
comme
un
lion
féroce
qui
sort
de
son
antre.
Il
frappait
à
gauche,
à
droite,
combattant
tour
à
tour
les
Turcs,
les
Latins
et
les
Grecs;
leur
ravissant
leurs
richesses
et
leur
territoire.
Cependant
il
lui
arriva
bien
aussi
quelquefois
d'être
battu
par
eux
et
de
devoir
leur
céder
même
une
partie
de
son
héritage
paternel.
Au
commencement,
comme
nous
l'avons
déjà
dit
plus
haut,
il
fut
l'allié
des
Grecs;
et
même,
il
fut
en
si
bons
rapports
avec
eux
qu'il
donna
sa
fille
en
mariage
à
Isaac,
frère
[14]
de
l'empereur
Alexis;
comme
dot,
il
lui
céda
les
villes
de
Messis
et
d'Adana.
Mais
des
difficultés
ayant
surgi
entre
eux,
Isaac
fit
alliance
avec
le
sultan
Maksoud.
Léon,
irrité,
attaqua
alors
les
Grecs,
s'empara
des
villes
de
Maméstie
et
de
Tarsus,
la
capitale.
Il
arriva
même
tout
près
des
rives
de
la
Méditerranée.
C'est
alors,
qu'ayant
eu
un
différent
avec
le
jeune
prince
d'Antioche,
Bohémond
II,
il
s'allia
avec
Zanghi,
l'émir
féroce
d'Alep.
Non
seulement
Bohémond
fut
complètement
battu,
mais
il
perdit
encore
la
vie
dans
la
bataille.
Avant
ou
après
cette
dernière
guerre
il
paraît
que
Léon
attaqua
les
Turcs
du
nord;
en
revanche,
le
puissant
émir
Danichmand-el-Ghazi
II
(1131)
s'avança
vers
les
terres
de
Léon.
Celui-ci
lui
promit
de
ne
plus
sortir
de
son
propre
domaine
et
le
Turc
se
retira.
Mais
Léon
foulant
aux
pieds
sa
promesse,
les
attaqua
une
seconde
fois.
Peu
après,
il
parvint
à
enlever
aux
Grecs
le
reste
de
leurs
possessions
et
leurs
places
fortes,
en
Cilicie.
En
1136,
il
réussit
à
s'emparer
de
la
fameuse
forteresse
de
Sarvanti-kar,
qui
appartenait
aux
Latins;
de
là
leur
colère
contre
Léon.
Les
Antiochéens,
s'allièrent
avec
le
roi
de
Jérusalem
contre
lui.
Léon
leur
répondit
par
un
traité
avec
son
neveu
Josselin
II,
comte
d'Edesse.
Ce
fut
le
point
de
départ
d'une
guerre
acharnée
qui
troubla
la
paix
des
chrétiens
et
causa
beaucoup
de
ravages.
Un
grand
nombre
des
esclaves
furent
emmenés
des
deux
côtés.
La
paix
était
à
peine
conclue
que
déjà
Léon
s'engageait
dans
une
autre
guerre
contre
Baudouin,
maître
de
la
ville
de
Marache.
Il
est
difficile
de
dire
qui
fut
vainqueur:
l'historien
royal
et
Sempad,
les
seuls
qui
mentionnent
cette
rencontre,
n'étant
pas
d'accord.
L'un
dit
que
Baudouin
fit
subir
de
grandes
pertes
à
Léon,
l'autre
affirme
le
contraire;
peut-être
cette
contradiction
est-elle
la
faute
d'un
copiste.
Toutefois
ce
qu'il
y
a
de
certain,
c'est
que
même
dans
le
cas
d'une
défaite
pour
Léon,
il
resta
libre.
Trois
mois
après,
il
fut
attaqué
frauduleusement
par
le
prince
d'Antioche
qui
parvint
à
s'emparer
par
ruse
de
sa
personne;
mais
la
lutte
entre
les
deux
princes
ne
dura
pas
longtemps.
Ayant
ouï
dire
que
les
Grecs
devaient
les
attaquer
tous
deux,
le
prince
d'Antioche
jugea
plus
utile
pour
lui
de
rendre
la
liberté
à
son
prisonnier
et
de
conclure
avec
lui
une
alliance
défensive.
Mais
de
peur
d'être
trahi
par
Léon,
il
prit
quelques
uns
de
ses
enfants
en
otage,
garda
la
ville
de
Sarvanti-kar,
celles
de
Messis
et
d'Adana
et
exigea
en
plus
une
rançon
de
60,
000
piastres
pour
la
personne
du
prince
arménien
qui
fut
ainsi
libéré
après
deux
mois
de
captivité.
Léon
accepta
ces
conditions,
gardant
l'espoir
de
reconquérir
un
jour
tout
le
territoire
fertile
qui
formait
la
frontière
orientale
de
ses
états.
En
attendant
une
occasion
favorable
de
revanche,
il
tourna
ses
armes
du
côté
occidental,
pénétra
dans
la
Cilicie
Pierreuse
et
vint
même
en
assiéger
la
capitale,
la
grande
et
forte
Séleucie.
A
cette
époque
la
dynastie
des
Comnènes
occupait
le
trône
de
Byzance.
Ils
n'étaient
irréprochables
ni
dans
leur
caractère
ni
dans
leur
conduite:
mais
ils
avaient
un
esprit
très
vif
et
surtout
une
grande
ardeur
pour
la
défense
et
la
conservation
des
territoires,
que
leur
avaient
laissés
leurs
prédécesseurs.
L'empereur
régnant
était
Jean.
Il
nourrissait
contre
le
prince
d'Antioche
et
contre
les
Arméniens
une
profonde
inimitié;
car
il
se
regardait
comme
le
maître
légitime
des
terres
qu'ils
avaient
envahies.
Une
fois
la
paix
établie
à
l'intérieur
de
son
empire,
il
rassembla
une
forte
armée,
arma
une
flotte
et
vint
débarquer
en
Cilicie.
Léon,
dès
qu'il
en
fut
averti,
leva
le
siége
de
Séleucie
et
s'empressa
de
fortifier
sa
résidence
et
ses
forteresses.
L'empereur
de
son
côté
s'avançait
rapidement
vers
le
cœur
de
la
Cilicie.
Les
villes
de
Tarsus,
Messis
et
Adana,
alors
sous
la
domination
des
Antiochéens,
capitulèrent
devant
l'empereur
et
lui
livrèrent
lâchement
leurs
défenseurs.
Mais
la
capitale
de
Léon,
Anazarbe,
bien
fortifiée
et
bien
défendue,
lui
opposa
une
grande
résistance.
L'empereur
tenta
de
s'en
emparer
par
ruse.
Il
envoya
devant
son
armée,
ses
alliés
turcs,
pensant
que
les
Arméniens
épargneraient
leurs
anciens
alliés.
Mais
les
assiégés
faisant
une
sortie,
tombèrent
sur
cette
avant-garde
et
la
forcèrent
de
se
replier,
après
lui
avoir
infligé
de
grandes
pertes.
Les
Grecs
accoururent
au
secours
des
Turcs
et
les
Arméniens
furent
obligés
de
rentrer
dans
la
ville.
Les
Grecs
s'occupèrent
activement
des
travaux
du
siège.
Ils
formèrent
des
bastions,
amenèrent
des
béliers
et
des
balistes;
mais,
malgré
tous
leurs
efforts,
ils
ne
purent
causer
aux
assiégés
autant
de
pertes
et
de
dégâts
que
ceux-ci
leur
en
faisaient
subir.
Leurs
balistes
étant
plus
puissantes,
ces
derniers
lançaient
des
pierres
massives
qui
brisaient
les
béliers
des
ennemis
et
écrasaient
leurs
soldats,
ou
bien
encore,
au
moyen
de
lances
ardentes,
ils
faisaient
éclater
des
incendies
dans
leur
camp.
Pendant
qu'une
moitié
des
assiégés
était
ainsi
occupée,
l'autre
faisait
de
vigoureuses
sorties.
Ils
s'élançaient
hors
de
la
ville
en
poussant
de
grands
cris,
renversaient
et
massacraient
tout
ce
qui
leur
opposait
quelque
résistance
et,
mettant
le
feu
aux
machines,
les
réduisaient
en
cendres.
Les
Grecs
souffraient
beaucoup;
un
grand
nombre
des
leurs
avaient
été
massacrés;
mais
ce
qui
les
exaspérait
le
plus,
c'étaient
les
injures
et
les
sarcasmes
des
assiégés.
Cela
les
excitait
à
outrance
et
enflammait
en
eux
le
désir
de
la
vengeance.
Leurs
machines
étant
pour
la
plupart
hors
d'usage,
ils
cessèrent
les
assauts
pendant
quelques
jours.
Ils
fabriquèrent
alors
de
nouveaux
engins
de
guerre
et
les
recouvrirent
d'argile,
trempée
d'eau,
afin
de
rendre
inutile
les
lances
ardentes.
Quoique
ces
dernières
ne
fussent
pas
l'obstacle
le
plus
terrible
et
que
les
sorties
réitérées
des
assiégés
fussent
beaucoup
plus
à
craindre,
les
Grecs
parvinrent
cependant
à
ruiner,
à
coups
de
bélier,
une
partie
des
murailles;
mais
quelle
ne
fut
pas
leur
surprise
de
rencontrer
une
seconde
muraille
interne
mieux
munie
et
mieux
défendue
encore
que
la
première.
Les
Arméniens
se
défendirent
avec
acharnement;
ils
infligèrent
de
grandes
pertes
aux
assiégeants.
Mais
ils
durent
enfin
céder
sous
le
nombre
et
furent
forcés
de
se
rendre.
L'empereur
se
montra
généreux
envers
des
ennemis
si
braves.
Non
seulement
il
leur
accorda
la
vie
sauve,
mais
il
leur
laissa
encore
tous
leurs
biens.
Il
se
montra
beaucoup
plus
sévère
pour
la
place
forte
de
Vahgah,
dernier
abri
de
Léon
et
dernier
refuge
de
la
maison
des
Roupiniens.
Irrité
de
la
résistance
que
lui
opposaient
les
défenseurs
de
cette
forteresse,
l'empereur
fit
serment
de
ne
pas
partir
avant
de
l'avoir
conquise,
d'y
rester
plusieurs
hivers
s'il
le
fallait,
et
même
jusqu'à
sa
mort.
Il
leur
fit
savoir
qu'en
cas
de
soumission
volontaire,
il
les
épargnerait,
si
non,
ils
seraient
tous
massacrés.
Les
assiégés
refusèrent
de
capituler,
préférant
mourir
plutôt
que
de
rendre
une
place
forte
presqu'inexpugnable.
Ils
s'encouragèrent
les
uns
les
autres
et
se
préparèrent
à
résister.
L'un
des
plus
ardents
était
un
chevalier
du
nom
de
Constantin:
il
était
d'une
taille
de
géant.
Souvent
il
montait
sur
une
tour
bâtie
sur
un
rocher
à
pic,
et
de
là
il
insultait
l'empereur
et
son
armée
et
invitait
les
ennemis
à
un
combat
singulier.
On
lui
envoya
un
soldat
macédonien,
appelé
Eustrate,
armé
d'une
longue
épée,
et
d'un
épais
bouclier.
Celui-ci
attendit
au
pied
de
la
muraille.
Dès
que
Constantin
l'aperçut,
il
descendit
du
rempart
avec
mépris
et
s'avança
vers
lui,
comme
un
nouveau
Goliath.
Le
combat
commença;
Constantin
frappait
de
grands
coups;
son
adversaire
les
parait
courageusement
et
se
couvrait
habilement
de
son
grand
bouclier.
Encouragé
par
les
applaudissements
des
siens,
il
essaya
à
plusieurs
reprises
de
porter
un
coup
d'épée
au
géant.
Enfin
il
parvint
à
fendre
son
bouclier,
et
pendant
que
les
Grecs
annonçaient
leur
victoire
par
des
cris
de
joie,
Constantin
tourna
le
dos,
s'enfuit
dans
la
forteresse
et
ne
reparut
plus.
Les
assiégés
indignés
de
la
lâcheté
de
celui
qui
était
regardé
comme
l'un
des
plus
braves
de
leurs
chefs,
le
livrèrent
à
l'ennemi
et
entrèrent
en
négociations
pour
capituler.
Constantin
fut
chargé
de
chaînes
et
envoyé
à
Constantinople;
mais
délivré,
une
nuit,
par
ses
serviteurs,
il
attaqua
ses
gardiens,
les
tua
et
parvint
à
s'enfuir;
cependant
il
fut
repris
et
livré
de
nouveau
à
d'autres
gardiens.
Léon,
de
son
côté,
se
retirait
à
pas
lents
au
milieu
des
montagnes;
protégé
par
le
terrain,
il
put
soutenir
la
lutte
assez
longtemps.
Enfin,
assiégé
dans
un
défilé
très
étroit,
après
avoir
consommé
toutes
ses
provisions,
il
fut
obligé,
bon
gré
mal
gré,
de
se
rendre
et
de
se
livrer
à
l'ennemi
avec
sa
femme
et
trois
de
ses
fils:
Thoros,
Roupin
et
Stéphané.
Le
quatrième,
Meléh,
se
trouvait
alors
chez
Josselin.
En
voyant
enfin
son
implacable
ennemi
en
son
pouvoir,
l'empereur
ressentit
une
joie
indicible.
Il
le
fit
charger
de
chaînes
et
l'envoya
avec
sa
famille
à
Constantinople.
Parmi
le
butin
qui
accompagnait
ce
convoi,
se
trouvait
la
célèbre
image
de
la
Vierge,
dont
nous
avons
déjà
parlé
[15].
Léon
fut
tout
d'abord
emprisonné;
mais
au
bout
d'une
année,
on
lui
laissa
un
peu
plus
de
liberté
et
on
finit
par
lui
permettre
d'entrer
au
palais,
où
il
mangea
de
fois
à
autre
avec
l'empereur.
Mais
le
jeune
prince
Roupin,
son
fils,
ne
tarda
pas
à
avoir
des
envieux
et
à
tomber
victime
de
leurs
calomnies.
Accusé
par
eux
auprès
de
l'empereur,
celui-ci
lui
fit
crever
les
yeux
et
le
malheureux
prince
succomba
aux
douleurs
(1139).
L'empereur
alors
craignant
la
vengeance
de
Léon,
l'emprisonna
de
nouveau.
Tout
cela
accabla
si
tristement
le
cœur
de
ce
lion
captif,
qu'il
mourut
peu
de
temps
après.
Il
aurait
prédit,
à
ce
que
l'on
raconte,
que
Thoros,
son
fils,
réussirait
à
s'échapper,
à
reconquérir
plus
tard
la
Cilicie
et
à
étendre
sa
domination
non
seulement
du
côté
de
la
plaine,
mais
encore
de
la
mer
[16].
La
vie
de
Léon
avait
été
courte;
mais
sa
réputation
fut
si
grande,
que
les
Turcs
donnèrent
au
territoire
sur
lequel
il
avait
régné,
le
nom
de
«Pays
de
Léon».
La
Cilicie
resta
durant
sept
années
sans
prince
indigène.
L'empereur
Jean,
dispersa
toute
l'armée
arménienne
et
envoya
12,
000
soldats
grecs
pour
garder
les
villes
et
les
places
importantes.
Il
avait
l'intention
de
faire
un
royaume
de
la
Cilicie,
de
la
Pamphylie
et
de
l'Isaurie,
d'y
ajouter
même
Antioche
et
de
placer
sur
ce
trône
son
fils
cadet
Manuel.
Après
la
mort
de
Léon
il
fit
un
voyage
en
Cilicie
(1142)
en
compagnie
de
ce
jeune
prince.
Il
y
revint
encore
l'année
suivante
(1143).
Comme
il
chassait
aux
environs
d'Anazarbe,
il
fut
blessé
par
une
flèche
empoisonnée
et
mourut
en
désignant
son
fils
Manuel
pour
son
successeur.
Ce
dernier,
après
avoir
repris
aux
Turcs
quelques
forteresses
et
y
avoir
placé
des
garnisons
grecques,
s'en
revint
à
Constantinople
avec
les
restes
de
son
père.
Il
avait
à
peine
quitté
la
Cilicie,
que
Bohémond,
prince
d'Antioche,
envahissait
déjà
le
territoire
qui
avoisine
cette
ville.
Les
places
les
plus
fortes,
dans
les
montagnes:
Vahga,
Gaban
et
d'autres,
étaient
déjà
depuis
une
ou
deux
années,
occupées
par
l'émir
Mélik-
Ahmad-Danicheman
[17]
(1138-1139).
Après
avoir
cessé
d'exister
pendant
sept
années
sous
l'autorité
des
princes
Roupiniens
[18],
la
Cilicie
se
releva
de
ses
ruines
et
bientôt
une
ère
de
liberté
nouvelle
et
plus
belle
que
jamais
brilla
pour
ce
pays.
Un
des
survivants
des
prisonniers
de
Constantinople,
le
fils
aîné
de
Léon,
Thoros
II,
fut
tiré
de
prison
par
l'empereur,
touché
de
compassion
par
les
malheurs
de
cette
famille
et
aussi
gagné
par
les
grâces
du
jeune
prince.
C'était,
paraît-il,
un
fort
beau
jeune
homme,
plein
d'ardeur,
mais
modeste,
poli
et
très
instruit.
Il
était
très
versé
dans
la
connaissance
des
livres
saints
et
fort
habile
dans
l'interprétation
des
textes
difficiles,
chose
que
nos
historiens
considèrent
comme
le
signe
d'un
esprit
prophétique.
Les
traits
de
son
visage
étaient
aussi
pleins
d'élégance
et
d'attrait,
—
bien
qu'il
fût
«d'un
teint
brunâtre
et
qu'il
eût
un
menton
un
peu
long;
sa
figure
était
belle
et
imposante,
ses
cheveux
frisés,
et
plein
de
grâce».
—
Ce
portrait
cité
par
l'historien
de
la
famille
royale
est
assurément
celui
d'un
témoin
oculaire.
Quoi
qu'il
en
soit,
les
œuvres
accomplies
plus
tard
par
le
jeune
prince,
attestent
bien
qu'au
courage
de
son
père,
il
unissait
la
prudence
de
son
oncle,
dont
il
portait
le
nom;
et
ces
deux
qualités
se
trouvaient
en
lui
dans
une
plus
grande
mesure
encore
que
chez
ses
prédécesseurs.
C'est
pourquoi,
il
est
regardé
comme
le
second
fondateur
de
la
maison
des
Roupiniens.
Il
surpassa
tous
les
autres
princes
de
cette
famille,
à
l'exception
du
roi
Léon
I
er.
Les
événements
remarquables
du
règne
de
Thoros
sont
nombreux
et
variés:
on
pourrait
même
en
faire
un
roman.
Mais
la
mesure
de
notre
travail
ne
nous
permet
pas
d'entrer
dans
des
détails
trop
minutieux.
Il
existe
plusieurs
traditions
variées
au
sujet
de
la
mise
en
liberté
du
jeune
prince,
et
les
historiens
se
trouvent
assez
embarrassés
à
ce
sujet.
Quelques-uns
croient
qu'il
revint
dans
sa
patrie,
deux
ou
trois
années
après
le
retour
de
l'empereur
Jean
à
Constantinople:
d'autres
affirment,
et
il
paraît
plus
vraisemblable,
qu'il
parvint
à
plaire
à
une
princesse
byzantine,
et
aurait
ainsi
obtenu
sa
liberté
et
plus
tard
celle
de
sa
patrie.
Cette
princesse
lui
aurait
fourni
en
outre
des
provisions
pour
son
voyage,
et
même
une
lettre
déclarant
son
authenticité.
Thoros
s'enfuit
secrètement,
s'embarqua
pour
Chypre,
et
après
des
efforts
sans
nombre
put
débarquer
enfin
sur
les
rives
de
sa
patrie.
Il
se
fit
connaître
tout
d'abord
à
un
prêtre,
et
par
son
intermédiaire,
à
un
évêque
syrien,
du
nom
d'Athanase.
Celui-ci
se
conduisit
à
l'égard
du
prince,
comme
s'il
eût
été
arménien:
il
lui
céda
même
son
cheval,
et
lui
donna
douze
hommes
pour
l'escorter.
Thoros
se
mit
en
route
et
vit
bientôt
le
nombre
de
ses
compagnons
augmenter
rapidement;
beaucoup
de
ses
partisans
l'ayant
reconnu,
vinrent
en
effet
se
joindre
à
son
escorte.
Le
jeune
prince
de
son
côté,
tantôt
se
faisait
connaître,
tantôt
gardait
l'incognito.
Avec
une
grande
habileté,
doublée
d'une
grande
prudence,
il
parvint
à
gagner
à
sa
cause
les
plus
habiles
parmi
les
prêtres
et
les
laïcs.
Avec
l'aide
de
Dieu,
il
ne
devait
pas
tarder
à
reconquérir
le
royaume
de
ses
ancêtres,
«au
sein
duquel,
disent
les
historiens,
il
ressentit
un
grand
attrait
pour
les
montagnes
de
ses
pères
et
un
grand
désir
de
revoir
le
lieu
de
sa
naissance.
»
Il
commença
par
arracher
des
mains
de
l'étranger
la
forteresse
inexpugnable
de
Vahga,
après
quoi,
il
reconquit
l'une
après
l'autre
les
places
fortes
de
Hamouda,
Simanaglas,
Ariudz-pérte
et
plusieurs
provinces.
Les
montagnards
arméniens
du
Taurus,
qui
étaient
restés
dans
le
pays,
l'aidèrent
beaucoup,
comme
nous
l'apprend
un
mémorial,
dans
lequel
nous
trouvons
en
outre
que
la
prise
de
Vahga
lui
assura
la
domination
sur
toute
la
Phrygie
et
que
peu
après
il
était
maître
d'Anazarbe
et
de
toute
la
plaine.
Ayant
été
informés
de
ces
événements,
ses
deux
frères,
Stéphané
et
Meléh,
qui
se
trouvaient
auprès
de
Nouréddin,
vinrent
se
joindre
à
lui.
C'étaient,
deux
vaillants
guerriers;
peut-être
égalaient-ils
leur
frère
aîné
en
bravoure,
mais
ils
étaient
loin
d'avoir
autant
de
prudence;
s'ils
lui
rendirent
plusieurs
fois
des
services
importants,
ils
furent
aussi
quelquefois
un
obstacle
à
ses
plans.
Dès
que
Thoros
se
vit
solidement
établi
sur
le
trône,
il
pensa
à
mettre
en
ordre
les
affaires
de
sa
maison
par
le
mariage
(1149-1150).
Dans
ce
but
il
se
rendit,
dit-on,
à
Raban,
pour
demander
à
Josselin
II,
son
parent,
la
main
de
sa
fille
[19].
Il
n'avait
avec
lui
que
douze
cavaliers
et
un
petit
nombre
de
soldats;
il
fut
attaqué
en
chemin
par
les
Turcs.
Il
parvint
cependant
à
les
battre
complètement
et
arriva
à
destination
sain
et
sauf
[20].
Après
son
mariage,
il
recommença
ses
conquêtes.
Il
prit
d'abord
le
bourg
Til-Hamdoun,
qui
était
près
d'Anazarbe,
sa
résidence;
puis,
en
1157,
il
reconquit
Messis,
et
s'empara
même
de
son
gouverneur,
le
duc
grec
Thomas.
Lorsque
l'empereur
Manuel
apprit
ces
faits,
il
était
occupé
à
d'autres
guerres:
ne
voulant
pas
laisser
perdre
un
pays
qui
avait
coûté
tant
de
sacrifices
à
son
père,
et
à
la
conquête
duquel
il
avait
lui-même
coopéré,
il
envoya
son
cousin
Andronic
contre
Thoros.
Andronic
était
un
prince
de
mœurs
plus
ou
moins
dissolues,
méchant
et
dangereux.
Quelques
seigneurs
arméniens
les
princes
de
la
Cilicie
occidentale
s'unirent
à
lui,
c'étaient
sujets
des
Grecs,
les
Héthoumiens,
et
les
Natanaëls,
maîtres
des
forteresses
de
Babéron
et
de
Partzer-pérte.
Devenu
plus
fort
par
leur
assistance,
Andronic,
avec
douze
mille
soldats,
vint
assiéger
Thoros
dans
Maméstia.
Plein
d'orgueil
et
de
présomption,
le
général
grec
envoyait
des
messages
pleins
de
sarcasmes
à
Thoros,
l'invitant
à
se
rendre
et
à
subir
le
même
sort
que
son
père
infortuné.
Mais
Thoros
n'attendait
qu'une
occasion
favorable
pour
faire
une
sortie.
Profitant
d'une
nuit
pluvieuse
et
troublée
par
la
tempête,
il
sortit
soudain
de
la
ville
et
fondit,
au
milieu
des
ténèbres,
sur
le
camp
des
Grecs.
Ceux-ci
furent
battus
complètement;
quelques-uns
s'enfuirent,
le
plus
grand
nombre
furent
faits
prisonniers.
Thoros
renvoya
le
bas
peuple
après
leur
avoir
enlevé
leurs
armes,
et
garda
les
chevaliers
et
les
nobles.
Parmi
ceux-ci
se
trouvaient:
Ochine,
gouverneur
de
Lambroun
et
père
de
saint
Nersès;
Basile,
gouverneur
de
Partzer-pérte,
et
Tigran,
gouverneur
de
Pragana.
Sempad,
gouverneur
de
Babéron,
frère
d'Ochine
(et
aïeul
du
père
du
roi
Constantin),
mourut
dans
le
combat
qui
s'engagea
devant
la
porte
de
la
ville.
Ochine
promit
pour
sa
rançon
40,
000
piastres:
la
moitié
fut
payée
comptant;
comme
garantie
pour
le
reste,
il
laissa
en
otage
son
jeune
fils
Héthoum.
Ce
jeune
prince
sut
gagner
les
bonnes
grâces
de
Thoros
qui
lui
donna
sa
fille
en
mariage
et
renonça
aux
20,
000
piastres
que
lui
devait
Ochine.
Tous
les
autres
princes
arméniens
imitèrent
Ochine,
et
moyennant
une
rançon
plus
ou
moins
forte,
purent
recouvrer
promptement
leur
liberté.
Les
Grecs
pensèrent
pouvoir
y
réussir
tout
aussi
facilement;
ils
prièrent
Thoros
de
fixer
le
prix
de
leur
rançon
selon
leur
mérite.
Mais
celui-là
leur
répondit
avec
ironie:
«Pensez-vous
que
si
vous
aviez
du
mérite,
je
vous
eusse
attrapés?»
Les
Grecs
se
montrèrent
vivement
offensés
de
ces
paroles;
ils
n'en
payèrent
pas
moins
une
forte
rançon.
Dès
que
Thoros
eut
reçu
cet
argent,
il
le
distribua
à
ses
soldats,
sous
les
yeux
des
Grecs,
en
disant,
qu'il
agissait
ainsi
afin
que
ceux-là
«missent
plus
d'ardeur
encore
à
les
rattraper,
si
jamais
l'occasion
s'en
présentait
une
seconde
fois».
L'empereur
voyant
qu'il
n'était
pas
si
facile
de
vaincre
Thoros,
ne
pouvant
marcher
contre
lui
en
personne
et
n'ayant
pas
assez
de
confiance
dans
les
siens,
excita
contre
le
jeune
prince
arménien
le
sultan
d'Iconie,
Maksoud,
prince
renommé
pour
sa
valeur
guerrière.
Non
seulement
il
lui
donna
beaucoup
d'argent,
mais
il
promit
de
lui
en
donner
davantage
encore.
De
1153
à
1155
le
sultan
passa
trois
fois
la
frontière
avec
des
forces
considérables;
mais
il
n'aboutit
à
rien.
La
première
fois,
il
trouva
les
défilés
des
montagnes
gardés
par
Thoros,
qui
l'attendait
sur
les
hauteurs;
il
lui
offrit
la
paix
et
s'en
retourna.
La
seconde
fois,
il
confia
son
armée
à
Yakoub;
mais
ce
général
ne
sut
pas
rencontrer
Thoros;
il
vint
se
heurter
à
l'armée
des
chevaliers
francs
et
de
Stéphané.
La
bataille
se
livra
près
d'Antioche
[21]:
les
Turcs
furent
complètement
battus.
La
troisième
fois
le
sultan
envoya
une
armée
plus
nombreuse
encore
que
les
précédentes,
avec
la
mission
de
ravager
et
de
détruire
tout.
Elle
vint
camper
devant
Til,
afin
d'en
commencer
le
siége.
Les
chevaliers
et
Stéphané,
frère
de
Thoros,
y
étaient
déjà
entrés
pour
la
renforcer.
Mais
ce
furent
moins
les
armes
qu'un
événement
providentiel
qui
amena
la
retraite
des
ennemis.
Une
épidémie
vint
décimer
et
les
soldats
Turcs
et
leurs
chevaux.
De
plus
la
pluie
commença
à
tomber
en
grande
abondance,
et
il
y
avait
fréquemment
des
tempêtes
terribles,
des
orages
et
des
ouragans
qui
déracinaient
les
plus
gros
arbres,
et
c'était
pendant
l'été.
Ce
contraste
effraya
les
Turcs;
ils
crurent
à
un
signe
du
ciel
et
ils
s'en
retournèrent.
Le
Sultan
Maksoud
mourut
quelques
mois
plus
tard.
L'empereur
ayant
échoué
de
ce
côté,
imagina
un
autre
stratagème.
Il
excita
contre
Thoros
la
plupart
des
occidentaux:
les
Antiochiens
et
les
Templiers
surtout.
Les
Grecs
qui
se
trouvaient
en
Cilicie,
se
joignirent
à
eux.
Une
bataille
acharnée
eut
lieu
près
d'Alexandrette.
Des
deux
côtés
le
nombre
des
morts
fut
considérable.
La
victoire
était
indécise,
lorsqu'une
nouvelle
troupe
de
Templiers
arriva
au
secours
des
alliés.
Thoros,
sentant
que
ses
forces
ne
lui
permettraient
pas
de
résister
beaucoup
plus
longtemps,
proposa
la
paix
à
ses
adversaires.
Il
consentit
[22]
dans
ce
but
à
leur
laisser
les
forteresses
qui
avoisinaient
le
territoire
d'Antioche,
et
qui
étaient
alors
en
son
pouvoir.
Lorsque
Renaud,
prince
d'Antioche,
chef
des
alliés,
vit
que
les
Grecs
le
trompaient
et
qu'ils
ne
lui
donnaient
point
les
récompenses
promises,
il
changea
de
politique.
Il
fit
avec
Thoros
une
alliance
contre
eux.
Comme
il
possédait
une
flotille,
il
opéra
une
descente
sur
les
côtes
de
Chypre;
cette
île
se
trouvait
dans
ce
temps
sous
la
domination
des
Grecs.
Il
ordonna
alors
un
massacre
aussi
cruel
qu'indigne.
Selon
quelques
chroniqueurs
arméniens
[23],
Thoros
aurait
participé
à
cet
acte
barbare
et
même
l'aurait
suggéré.
Cependant,
l'historien
très
scrupuleux
des
occidentaux,
Guillaume
de
Tyr,
qui
raconte
en
détail
ce
massacre,
ne
parle
que
de
Renaud,
et
un
peu
plus
loin
il
parle
de
Thoros
en
termes
très
élogieux.
S'il
y
eût
réellement
un
prince
arménien
de
mêlé
à
cette
affaire,
ce
fut
probablement
l'un
des
frères
de
Thoros,
Meléh
ou
Stéphané.
Ce
dernier
nourrissait
une
haine
très
vive
contre
les
Grecs
et
cherchait
à
leur
nuire
en
toute
occasion.
Il
agissait
sans
aucun
ordre
de
Thoros,
et
souvent
contre
sa
volonté.
Ainsi,
l'an
1157,
il
réunit
une
troupe
d'aventuriers
et
pénétra
sur
les
terres
du
sultan,
avec
lequel
Thoros
avait
conclu
un
traité
de
paix.
Il
parvint
à
s'emparer
de
Goguisson
et
de
Bertousse.
Une
telle
conduite
excita
au
plus
haut
degré
la
colère
du
sultan,
qui
vint
en
personne
reprendre
Cucusus.
Thoros,
de
son
côté,
s'empressa
de
lui
rendre
Bertousse.
Stéphané
n'en
continua
pas
moins
son
expédition.
Il
chercha
à
s'emparer
de
Marache,
mais
ne
réussit
pas.
Alors
il
se
dirigea
sur
Béhésnie:
c'était
un
bourg
bien
fortifié,
mais
les
habitants,
ayant
eu
à
souffrir
de
leur
gouverneur,
avaient
eux-mêmes
appelé
Stéphané.
Tandis
qu'il
s'avançait
vers
cette
place,
le
gouverneur
en
fut
informé;
il
fit
arrêter
les
traîtres
et
les
précipiter
des
murailles
de
la
forteresse.
La
plupart
des
habitants
effrayés,
s'enfuirent
et
vinrent
se
réfugier
auprès
de
Stéphané.
Celui-ci
les
fit
camper
dans
la
plaine
d'Anazarbe;
mais
la
plupart
moururent,
car
la
chaleur
qui
régnait
dans
ces
lieux
était
insupportable.
Thoros,
justement
irrité
de
la
conduite
de
son
frère,
le
fit
prendre
et
jeter
en
prison,
et
ne
l'en
délivra
qu'au
bout
de
dix
mois.
Peut-être
était-ce
déjà
Stéphané
qui,
en
1155,
avait
fait
des
incursions
aux
environs
d'Alep,
dans
les
états
de
Nouréddin,
quoiqu'un
mémorial
arménien
les
attribue
à
Thoros:
«Le
pieux
et
grand
prince
Thoros,
vint
jusqu'à
Alep,
s'empara
de
beaucoup
de
places
et
de
forteresses,
les
réduisit
en
ruines
et
s'en
retourna
victorieux
dans
sa
résidence.
»
Thoros
se
vit
une
seconde
fois
obligé
d'entrer
en
campagne
contre
les
Grecs.
Il
occupait
la
plus
grande
partie
de
la
Cilicie,
ainsi
que
la
province
d'Isaurie;
l'empereur
Manuel
ne
pouvait
plus
le
supporter.
Il
lui
opposa
successivement
trois
généraux.
Le
troisième,
Andronic
dit
Euphorpène,
familier
de
l'empereur,
vint
assiéger
Tarsus
(1156-1157).
Thoros
arriva
avec
ses
alliés,
les
Antiochiens,
battit
les
Grecs,
qui
perdirent
plus
de
3000
des
leurs;
le
reste
eut
à
peine
le
temps
de
prendre
la
fuite
et
de
se
réfugier
sur
les
vaisseaux
qui
les
avaient
amenés.
Le
roi
de
Jérusalem,
Baudouin
IV,
qui
devait
épouser
la
fille
de
l'empereur,
les
aida
à
rentrer
dans
leur
patrie.
L'empereur,
dès
qu'il
fut
débarrassé
de
la
guerre
de
Sicile,
vers
la
fin
de
l'année
1158,
rassembla
une
nouvelle
armée
et
vint
débarquer
à
Atalie,
afin
de
se
venger
de
ses
deux
ennemis,
Thoros
et
les
Antiochiens.
Thoros
abandonna
Tarsus,
conduisit
sa
famille
dans
une
forteresse
inaccessible,
appelée
Dadjeguikar,
puis
se
retira
dans
les
montagnes
avec
sa
troupe,
changeant
continuellement
de
place.
L'empereur
ne
le
pouvant
surprendre,
se
contenta
de
soumettre
le
pays
environnant
et
résolut
de
passer
l'hiver
dans
la
ville
de
Tarsus.
Le
prince
d'Antioche
vint
alors
de
lui-même
faire
sa
soumission,
comme
un
condamné.
Il
remit
à
Manuel
son
épée
dégainée
et
obtint
sa
grâce
par
l'intermédiaire
du
roi
de
Jérusalem.
Comme
un
vassal
à
l'égard
de
son
suzerain,
il
reçut
l'empereur
à
Antioche
avec
une
grande
pompe
(1159).
C'est
là
que
le
roi
de
Jérusalem
et
les
principaux
chevaliers
intercédèrent
auprès
de
l'empereur
en
faveur
de
Thoros;
lui
représentant
que
c'était
un
prince
très
noble,
courageux
et
magnanime,
très
nécessaire
pour
la
défense
des
chrétiens,
libéral
et
doué
des
plus
belles
qualités.
Thoros
se
présenta
en
personne,
et
plus
que
leurs
paroles,
son
maintien
vaillant
et
noble
servit
à
calmer
la
colère
de
l'empereur.
Lorsque,
quelques
jours
plus
tard,
Thoros
lui
envoya
des
chevaux
et
des
vivres
pour
son
armée,
la
réconciliation
sembla
complète.
Il
paraît
qu'alors
Thoros
fut
nommé
sébaste
et
institué
par
décret
spécial,
et
comme
un
des
grands
de
la
cour
impériale,
au
gouvernement
du
pays;
et
même,
dans
cette
occasion,
l'empereur
lui
offrit
un
sceau
d'or,
selon
le
témoignage
du
D.
r
Vahram.
Mais
cet
accord
parfait
ne
dura
pas
longtemps;
dès
que
Manuel
se
fut
éloigné,
Thoros
reprit
l'offensive.
Thoros,
dit-on,
aurait
accompagné
l'empereur
jusqu'au
port
où
il
devait
s'embarquer,
tout
comme
les
autres
princes.
Mais
sur
des
soupçons
fondés
ou
faux,
quelques-uns
d'entre
eux
l'auraient
accusé
de
machinations
contre
l'empereur.
Alors
Thoros,
craignant
d'être
conduit
dans
les
prisons
de
Byzance
et
d'y
subir
le
même
sort
que
son
père,
s'enfuit
durant
la
nuit
et
vint
s'enfermer
dans
la
forteresse
de
Vahga.
Lorsqu'il
fut
certain
du
départ
de
l'empereur,
il
attaqua
et
reconquit
bientôt
Anazarbe,
Messis
et
les
villages
d'alentour
[24].
Alors
il
se
mit
à
veiller
avec
plus
de
circonspection,
chercha
à
augmenter
de
plus
en
plus
ses
forces
militaires
et
à
se
faire
craindre
et
respecter
de
ses
voisins.
Il
était
en
paix
avec
le
prince
d'Antioche,
et
étroitement
lié
avec
le
vaillant
roi
de
Jérusalem,
Baudouin
III,
dont
la
mère
était
une
Arménienne.
Il
marcha
avec
ce
dernier
contre
Nouréddin
pour
venger
le
prince
d'Antioche,
Renaud.
Celui-ci
s'était
en
effet
engagé
imprudemment
dans
une
guerre
contre
Nouréddin,
avait
été
pris
dans
une
embuscade,
conduit
en
esclavage
et
depuis
seize
ans
se
trouvait
emprisonné.
Mais,
Baudouin
III
étant
mort
prématurément,
au
commencement
de
l'an
1162,
Thoros
ne
voulut
pas
continuer
seul
la
guerre
et
se
retira.
L'année
suivante,
ou
déjà
dans
le
courant
de
cette
même
année,
(1162),
Thoros
se
trouvant
tout
à
fait
libre,
fit
un
pélerinage
aux
Lieux-Saints.
Lorsqu'il
vint
présenter
les
félicitations
d'usage
à
Amaury,
frère
et
successeur
de
son
ami
Baudouin,
ce
prince
lui
fit
une
réception
royale.
Ces
marques
d'estime
et
de
sympathie
de
la
part
du
nouveau
roi,
décidèrent
Thoros
à
conserver
fermement
l'amitié
qui
l'unissait
à
ces
vaillants
chevaliers.
Il
promit
de
rester
pour
toujours
l'allié
du
roi
de
Jérusalem
et
des
Croisés,
et,
—
ce
qui
mérite
d'être
remarqué,
—
s'engagea
d'envoyer
à
Amaury
une
armée
de
trente
mille
soldats,
et
lui
en
donna
quinze
mille
immédiatement.
Ceci
est
un
témoignage
important
de
sa
force
et
de
l'étendue
du
territoire
soumis
à
son
sceptre.
Il
resta
l'allié
des
rois
de
Jérusalem,
jusqu'aux
jours
où
quelques
membres
du
clergé,
sans
prévoyance
ou
excités
par
la
cupidité,
exigèrent
de
Thoros
qu'il
leur
livrât
la
dîme;
alors
ils
se
privèrent
sottement
des
plus
grands
bienfaits
qu'ils
pouvaient
recevoir
de
lui.
Un
voyageur
célèbre,
le
juif
Benjamin
de
Toudel,
visitait
presque
à
cette
époque
le
royaume
de
Thoros
(1163-1164).
Il
parle
de
la
puissance
du
roi
et
de
l'étendue
de
ses
possessions.
Il
en
place
le
commencement
des
frontières,
du
côté
du
sud-ouest,
au
château
de
Coricus,
et
la
fin,
à
la
ville
de
Douguime
ou
Douguia,
qui
certes
n'est
pas
la
ville
d'Eudoxie,
mais
quelle
ville
est-ce?
on
ne
l'a
pas
encore
vérifié.
Peut-être
aura-t-on
écrit
Douguia
pour
Antioche,
car
l'écrivain
ajoute
que
cette
ville
se
trouve
à
la
frontière
du
territoire
des
Tocarmas,
c'est-a-dire
des
Turcs.
Bientôt
une
nouvelle
ligue
se
forma
contre
Nouréddin.
Les
chevaliers
latins,
le
nouveau
prince
d'Antioche,
Bohémond
III,
et
son
frère
Raymond,
prince
de
Tripoli,
s'unirent
avec
le
duc
grec
Constantin
Calaman,
gouverneur
de
Tarsus.
Ils
invitèrent
Thoros,
qui
venait
de
rétablir
Bohémond
sur
le
trône
en
le
délivrant
des
mains
de
son
ambitieuse
mère
qui
l'avait
dépossédé,
de
se
joindre
à
eux.
Tous
ces
princes
réunis,
attaquèrent
Nouréddin
sur
les
frontières
de
Tripoli
et
le
vainquirent.
Le
sultan,
furieux
de
cette
défaite,
rassembla
une
armée
formidable
et
s'avança
contre
eux.
Thoros
conseilla
alors
à
ses
alliés
de
ne
pas
courir
à
sa
rencontre
mais
de
se
retrancher
chacun
dans
son
territoire;
ce
qu'il
fit
lui-même.
Ils
ne
voulurent
pas
l'écouter;
ils
livrèrent
bataille,
et
furent
battus
complètement
(10
Août
1164).
Tous
les
chefs
furent
pris
et
conduits
dans
les
prisons
du
sultan,
où
se
trouvaient
déjà
Renaud
et
Josselin
III.
Seul,
Meléh,
frère
de
Thoros,
parvint
à
se
sauver,
aidé
par
une
tribu
de
Turkomans
qui
étaient
ses
amis.
Thoros
pria
instamment
Nouréddin
de
délivrer
les
prisonniers;
sur
son
refus,
il
attaqua
la
place
de
Marache,
battit
les
Turcs
et
obligea
même
l'ambitieux
conquérant
à
lui
demander
la
paix.
Thoros
y
consentit
mais
à
condition
que
les
prisonniers
fussent
mis
en
liberté
contre
rançon.
Le
prince
d'Antioche
paya
pour
la
sienne
cent
mille
besants
d'or.
La
fin
du
règne
de
Thoros
fut
marquée
de
plusieurs
événements
douloureux
pour
lui,
la
plupart
dus
à
l'intrépidité
irréfléchie
de
ses
frères.
Stéphané,
comme
nous
l'avons
déjà
dit,
était
un
ennemi
implacable
des
Grecs;
ils
les
vexait
de
toutes
les
manières
possibles,
s'efforçant
sans
cesse
de
leur
reprendre
toutes
leurs
conquêtes.
Il
parvint
à
se
rendre
maître
des
Monts
Noirs,
ce
qui
irrita
les
Grecs
à
un
si
haut
point
que
pour
s'en
venger,
ils
n'hésitèrent
pas
à
commettre
un
acte
plus
cruel
encore
que
celui
des
Mantaléens.
Ils
chargèrent
le
gouverneur
de
la
forteresse
de
Hamousse
d'inviter
Stéphané,
comme
par
amitié.
Celui-ci
se
rendit
à
cette
invitation
sans
le
moindre
soupçon;
les
Grecs
s'emparèrent
alors
de
sa
personne
et
lui
firent
souffrir
une
horrible
mort:
ils
le
jetèrent
dans
une
chaudière
pleine
d'eau
bouillante
(1165),
sans
égards,
comme
le
dit
un
historien,
ni
pour
ce
vaillant
soldat,
ni
pour
eux-mêmes
[25];
car
ils
auraient
bien
dû
prévoir
que
les
frères
de
la
victime,
justement
irrités,
useraient
de
représailles
envers
eux.
Ils
se
vengèrent
en
effet
très
cruellement
sur
des
Grecs
innocents.
Le
plus
coupable
fut
le
duc
de
Hamousse
qui
en
livrant
traîtreusement
Stéphané
à
ses
ennemis,
fut
la
cause
de
tous
ces
massacres.
Le
Catholicos
de
Syrie
(Michel),
contemporain
de
ces
événements,
fait
monter
jusqu'à
dix
mille
le
nombre
des
morts;
mais
il
est
probable
qu'il
comprend
dans
le
nombre,
non
seulement
les
victimes
des
massacres
qui
accompagnèrent
les
incursions,
mais
encore
ceux
qui
tombèrent
dans
les
luttes
auxquelles
elles
donnèrent
lieu.
Andronic
Comnène,
ce
prince
aussi
efféminé
que
lâche,
après
un
emprisonnement
de
douze
ans
ayant
recouvré
sa
liberté,
s'empressa
de
venir
prêter
main-forte
aux
Grecs;
d'autant
plus
qu'il
avait
à
venger
son
ancienne
défaite.
Il
rassembla
de
nombreuses
troupes,
qu'il
déguisa,
par
dérision,
en
bêtes
sauvages.
Thoros
dissimula
habilement
ses
troupes
dans
les
forêts;
puis
fondit
tout
à
coup
sur
cette
bande
d'hommes
qui
semblait
un
troupeau
de
bêtes;
en
massacra
un
grand
nombre
et
dispersa
le
reste.
Cependant
dans
la
mêlée,
Andronic
réussit
à
donner
un
coup
si
violent
au
bouclier
de
Thoros,
qu'il
le
fit
tomber
de
cheval;
Thoros
se
releva
d'un
bond;
mais
Andronic
sans
perdre
temps
s'enfuyait
déjà
lâchement
vers
Antioche.
Peut-être
est-ce
dans
cette
même
campagne
que
les
Grecs
attaquèrent
la
forteresse
de
Partzer-pérte,
sous
les
murs
de
laquelle
ils
furent
également
battus
par
Thoros,
qui
leur
prit
un
grand
nombre
de
prisonniers.
Vahram
et
un
autre
chroniqueur
racontent
ce
siége
comme
ayant
eu
lieu
lors
de
la
première
guerre
avec
les
Grecs,
à
l'arrivée
de
l'empereur
Manuel
en
Cilicie
[26].
Quoi
qu'il
en
soit,
l'autre
Andronic,
surnommé
l'Euphorpène,
pria
le
prince
d'Antioche
d'intervenir
pour
mettre
fin
aux
représailles
de
Thoros
et
de
Meléh.
C'est
à
cette
occasion
qu'une
querelle
éclata
entre
Thoros
et
les
Héthoumiens,
partisans
des
Grecs.
Ochine,
à
ce
que
l'on
dit,
aurait
excité,
contre
Thoros,
une
bande
de
maraudeurs
turkomans.
Ceux-ci
auraient
alors,
dans
une
razzia,
enlevé
cinq
cent
jeunes
filles.
Thoros,
débarrassé
de
ses
ennemis
étrangers,
tourna
aussitôt
ses
armes
contre
Ochine
et
vint
dévaster
les
alentours
de
la
forteresse
de
Lambroun.
De
deux
côtés
on
se
prépara
à
une
guerre
acharnée,
bien
que
depuis
la
bataille
de
Maméstie,
Héthoum
et
Thoros
fussent
liés
par
des
liens
de
parenté.
Mais
dès
que
le
bruit
de
la
guerre
se
répandit
au
dehors,
Nersès
de
Cla,
frère
du
Catholicos
Grégoire,
accourut
et
parvint
à
rétablir
la
paix
entre
les
deux
adversaires.
Thoros
venait
à
peine
de
renouer
des
relations
amicales
avec
son
parent,
qu'il
faillit
être
la
victime
de
son
propre
frère,
le
seul
qui
lui
restait,
l'impétueux
Meléh.
Celui-ci,
secondé
par
une
bande
d'aventuriers,
conçut
le
projet
d'assassiner
son
frère
un
jour
qu'ils
se
rendaient
ensemble
à
la
chasse
entre
Messis
et
Adana.
Thoros
averti
à
temps
du
complot,
fit
saisir
le
traître.
Après
lui
avoir
reproché
sa
trahison
en
présence
de
ses
soldats
et
de
ses
princes,
il
lui
fit
remettre
des
provisions,
des
armes
et
de
l'argent,
et
le
chassa
du
pays.
Meléh
retourna
à
la
cour
de
Nouréddin
et
parvint
à
recouvrer
les
bonnes
grâces
du
sultan.
Ainsi
Thoros,
guerrier
aussi
brave
que
prudent,
après
avoir
apaisé
tant
de
rébellions
et
soutenu
tant
de
guerres,
légua
à
sa
famille,
si
non
toute
la
Cilicie,
au
moins
la
plus
grande
partie
de
ce
pays.
Il
lui
en
rendit
la
possession
plus
sûre
en
faisant
des
Templiers
et
des
Hospitaliers
ses
amis.
Occupé
de
guerres
et
de
luttes
politiques
pendant
la
majeure
partie
de
son
règne,
il
parvint
néanmoins
à
relever
le
bien
être
de
ses
états
et
de
son
église.
Enfin
il
cacha
sous
l'habit
des
religieux
la
splendeur
de
sa
gloire
et
l'éclat
de
ses
armes
triomphantes,
qui
avaient
fait
de
lui
l'un
des
personnages
les
plus
célèbres
de
notre
histoire.
Il
mourut
en
1169.
Ce
fut
le
premier
des
princes
souverains
inhumés
parmi
les
Docteurs
(Vartabieds),
dans
le
cimetière
du
célèbre
monastère
de
Trazargue.
Ce
prince
laissa
en
pleine
prospérité
le
pays
de
ses
pères.
Un
auteur
de
courts
mémoires
sur
les
actes
des
Roupiniens,
qui
écrivait
vers
la
fin
du
XIII
e
siècle,
ajoute,
après
avoir
loué
la
haute
intelligence
de
Thoros:
«Il
a
commenté
nombre
de
passages
obscurs
des
saintes
écritures,
et
nous
conservons
encore
ces
commentaires».
—
Que
nous
serions
heureux,
si
nous
les
possédions
à
l'heure
actuelle!
Thoros
avait
laissé
le
trône
à
son
fils
Roupin,
encore
tout
jeune.
Il
lui
avait
donné
comme
régent
et
bailli,
un
chevalier,
nommé
Thomas,
que
quelques-uns
ont
prétendu
être
le
propre
beau-frère
de
Thoros;
mais
il
est
plus
probable
qu'il
était
son
neveu,
le
fils
de
sa
sœur.
C'était
un
des
plus
nobles
seigneurs
d'Antioche.
Thoros
avait
toujours
eu
pour
lui
la
plus
grande
confiance,
et
c'est
avec
lui
et
un
certain
Georges,
qu'il
s'était
enfui
dans
les
montagnes
lorsque
l'empereur
avait
envahi
la
Cilicie.
A
cette
époque
pourtant,
Thoros
avait
encore
son
frère,
Meléh.
Ce
prince
apparaît
comme
une
lugubre
figure
dans
l'histoire
de
sa
famille
et
dans
celle
de
son
pays.
Resté
seul
en
Cilicie,
durant
la
captivité
de
ses
frères,
il
avait
grandi
comme
un
vagabond,
privé
de
toute
noble
éducation,
au
milieu
des
Sarrasins.
Une
partie
de
sa
jeunesse
se
passa
à
la
cour
de
Nouréddin.
Lorsqu'il
fut
chassé
de
son
pays
par
son
frère,
à
la
suite
du
complot
dont
nous
avons
parlé,
il
retourna
chez
les
Sarrasins
et
reçut
alors
la
seigneurie
de
la
province
de
Couris.
Mais,
avant
cet
événement,
il
avait
passé
certain
temps
chez
les
Templiers,
dont
il
acquit
l'intrépidité
et
la
vaillance,
mais
il
y
développa
en
même
temps
son
caractère
indocile
et
présomptueux.
Il
fut
expulsé
de
l'ordre
ou
il
le
quitta
de
son
plein
gré,
ce
qui
fit
croire
à
quelques-uns
qu'il
renia
sa
foi
et
se
fit
musulman;
mais
ce
n'est
pas
probable.
Quoi
qu'il
en
fût,
il
ne
se
conduisit
guère
en
chrétien:
il
n'aima
jamais
à
avoir
des
relations
avec
ceux-ci,
persécuta
et
tourmenta
également
le
bas
peuple,
la
noblesse,
les
bourgeois
et
le
clergé.
Lorsqu'il
apprit
la
mort
de
Thoros,
il
partit
avec
une
petite
armée
que
lui
donna
son
protecteur
Nouréddin,
et
vint
s'emparer
par
force
de
l'autorité
de
son
frère.
Le
bailli
Thomas
n'eut
que
le
temps
de
se
sauver
à
Antioche.
Quant
au
jeune
Roupin
qu'on
avait
cru
mettre
en
sûreté
à
Romcla,
sous
la
protection
de
Saint
Nersès
Chenorhali,
il
fut
assassiné
brutalement
par
des
malfaiteurs.
Furent-ils
soudoyés
ou
non
par
Meléh?
je
l'ignore.
Le
règne
de
ce
tyran
dura
six
ou
sept
ans
au
milieu
des
troubles.
Il
fut
exécré
des
Arméniens
et
devint
l'épouvante
des
étrangers.
N'ayant
aucun
égard
pas
plus
pour
ses
amis
que
pour
ses
ennemis,
il
ne
prit
pour
lois
que
sa
volonté
et
ses
caprices.
Il
n'avait
peur
de
personne,
car
il
se
sentait
soutenu
par
Nouréddin
qu'il
affectionnait
comme
un
frère.
Il
fit
battre
monnaie
à
son
nom
et
à
celui
de
Nouréddin.
Allié
à
son
autre
puissant
voisin,
le
sultan
de
Koniéh,
il
était
tranquille
et
sûr
de
tous
les
côtés
[27].
Comme
on
peut
le
supposer,
il
songea
d'abord
à
tirer
vengeance
de
l'humiliation
qu'il
avait
essuyée,
en
se
voyant
chassé
du
pays.
«Alors,
dit
l'historien,
il
se
vengea
de
tous
ses
adversaires,
leur
prit
tout
ce
qu'ils
possédaient,
et
les
fit
jeter
en
prison
après
les
avoir
enchaînés.
Sur
son
ordre
les
évêques
furent
pris
et
on
leur
arracha
les
dents.
Où
il
soupçonnait
qu'il
se
trouvait
de
l'or
et
de
l'argent,
il
allait
le
dérober.
Il
entassa
de
cette
façon
des
trésors
immenses
et
s'enrichit
en
dépouillant
les
innocents.
C'était
un
être
sauvage,
au
caractère
malicieux
et
cruel.
Tous
le
haïssaient
et
voulaient
s'en
débarrasser,
mais
ils
ne
purent
en
trouver
l'occasion
favorable».
On
nous
permettra
de
passer
sous
silence
ses
actes
d'immoralité.
Le
roi
de
Jérusalem
et
les
autres
princes
avaient
envoyé
auprès
de
l'empereur
Manuel
un
grand
personnage,
le
Comte
Etienne
de
Blois.
Il
devait
passer
sur
les
terres
de
Meléh;
ce
dernier
en
fut
informé,
il
se
mit
en
embuscade
près
de
Messis,
le
surprit,
le
dépouilla
complètement
et
le
laissa
libre
après
lui
avoir
donné
toutefois
la
plus
pitoyable
monture.
Du
reste,
Meléh
avait
l'habitude
de
dépouiller
de
même
tous
les
pélerins
qui
passaient
par
son
pays.
Comme
il
avait
une
haine
profonde
contre
les
Templiers,
dont
il
avait
jadis
revêtu
l'habit,
il
les
chassa
tous
de
la
Cilicie,
après
s'être
emparé
de
toutes
les
possessions
qu'ils
avaient
jusqu'aux
frontières
d'Antioche.
Il
ne
se
fit
aucun
scrupule
d'envahir
la
principauté
d'Antioche,
surtout
après
que
le
bailli
Thomas
s'y
fut
réfugié.
Le
prince
d'Antioche
marcha
contre
lui,
sollicité
du
reste
par
quelques
princes
arméniens.
Mais
avant
qu'ils
ne
fussent
en
face
l'un
de
l'autre,
le
roi
de
Jérusalem
entra
en
question
comme
réconciliateur
et
envoya
coup
sur
coup
ses
ambassadeurs
pour
conjurer
Meléh
de
signer
la
paix.
Ce
dernier
ne
voulut
pas
l'écouter;
alors
le
roi
de
Jérusalem
envahit
la
plaine
du
territoire
de
Meléh,
avec
d'autres
alliés,
car
il
n'osait
pas
s'aventurer
dans
les
montagnes
et
il
avait
peur
du
Montagnard.
Aussitôt
Meléh
fit
avertir
Nouréddin
de
l'invasion;
les
alliés
eurent
peur
de
l'intervention
du
sultan
et
s'en
retournèrent
chacun
chez
soi.
Meléh
à
son
tour,
enhardi,
songea
alors
à
faire
une
invasion
dans
les
possessions
du
roi
de
Jérusalem;
mais
les
chevaliers
Hospitaliers
accoururent
et
arrêtèrent
sa
marche,
c'était
en
1172.
Implacable
ennemi
des
Grecs,
Meléh
tourna
alors
ses
armes
contre
eux.
Il
les
chassa
de
toutes
les
villes
qui
étaient
encore
sous
leur
domination
et
se
rendit
maître
de
Tarse,
d'Adana
et
de
Messis,
ou
pour
mieux
dire
de
toute
la
Cilicie.
L'empereur
Manuel,
furieux
de
ce
qu'après
tant
de
peines
il
ne
pouvait
parvenir
à
garder
la
Cilicie,
envoya
contre
Meléh
trois
généraux
célèbres
qui,
auparavant,
avaient
été
les
gouverneurs
de
quelques-unes
de
ces
villes:
Michel
Vrana,
Constance
Euphorpène
et
Constance
Calaman
le
jeune.
Meléh
se
hâta
de
marcher
à
leur
rencontre,
vers
la
fin
de
1172
ou
au
commencement
de
1173;
il
avait
probablement
avec
lui
des
troupes
que
lui
avait
fournies
Nouréddin.
Il
écrasa
les
Grecs
et
revint
chargé
de
butin
et
emmenant
de
nombreux
prisonniers.
Il
en
envoya
une
partie,
entre
autres
trente
officiers,
au
Sultan:
celui-ci
les
offrit
au
Califfe
de
Bagdad.
Cette
victoire
de
Meléh
fut
considérée
par
le
Sultan
comme
une
des
plus
grandes
de
ses
propres
victoires.
Il
ne
restait
plus
que
très
peu
de
châteaux
en
Cilicie
au
pouvoir
des
Byzantins.
L'un
de
ces
châteaux
était
Lambroun.
Il
appartenait
au
plus
obstiné,
au
plus
acharné
rival
de
la
maison
des
Roupiniens.
Meléh
ressentait
autant
de
haine
pour
les
seigneurs
de
Lambroun
qu'il
en
avait
ressenti
pour
les
Grecs.
Il
en
voulait
surtout
au
Sébaste
Héthoum
d'avoir
répudié
sa
femme,
fille
de
Thoros,
après
la
mort
de
celui-ci.
«Meléh,
profondément
irrité,
alla
(en
1173)
assiéger
Lambroun
avec
une
forte
armée,
et
cerna
ses
habitants ...
il
les
fit
cruellement
souffrir
par
les
armes
et
par
la
famine».
Meléh
aurait
encore
fait
plus
de
mal
à
ce
château,
s'il
avait
pu
le
réduire
par
la
famine;
mais
l'archevêque
Grégoire
Degha
ou
le
Jeune
[28],
dont
on
affirme
que
Meléh
était
le
beau-frère,
le
supplia
d'accorder
la
paix.
Deux
ans
après
ce
siége,
1175,
Meléh
mourut
assassiné.
Ne
pouvant
plus
le
supporter
et
las
de
sa
tyrannie,
les
princes
et
la
milice
des
Arméniens
formèrent
un
complot
et
le
tuèrent
à
Sis.
Ce
fut
le
premier
des
princes
de
cette
dynastie
arménienne
qui
mourut
assassiné.
Il
fut
inhumé
au
couvent
de
Medzkar
(Grande
Roche)
qu'il
avait
fait
bâtir.
Ce
qui
prouverait
que
les
sentiments
religieux
n'étaient
point
tout-à-fait
éteints
dans
ce
sombre
cœur.
Cependant
la
date
exacte
de
la
construction
de
ce
monastère
n'est
pas
connue.
Roupin
II,
qui
succéda
à
Meléh,
ne
voulut
pas
laisser
impuni
l'assassinat
de
son
oncle.
Cet
attentat
était,
malgré
tout,
un
crime
de
lèse-majesté.
A
force
de
ruse,
il
finit
par
connaître
et
retrouver
les
auteurs
de
ce
délit,
qui,
du
reste,
se
vantaient
comme
des
bienfaiteurs
de
la
nation.
C'était
Tchahane
et
l'eunuque
Aboulgharib.
On
leur
attacha
une
pierre
au
cou
et
on
les
jeta
dans
un
fleuve.
Ce
Roupin
était
le
fils
de
Stéphané,
frère
de
Meléh
et
de
Thoros.
Sa
mère
Ritha,
fille
de
Sempad,
seigneur
de
Babéron,
l'avait
sauvé
avec
son
frère
cadet,
Léon,
des
mains
de
Meléh
le
tyran,
et
l'avait
conduit
elle-même
auprès
de
son
frère
Pagouran,
à
Babéron.
C'est
là
que
Ritha
les
éleva,
dit
l'historien
qui
prodigue
des
éloges
à
la
mère
et
aux
deux
enfants:
«Elle
était
pieuse
et
sage,
cette
femme,
et
craignait
Dieu».
Pour
son
frère,
le
seigneur
de
Babéron,
il
dit:
«C'était
un
prince
bon
et
généreux,
affable
pour
tous,
aimé
de
Dieu
et
des
hommes».
Après
la
mort
de
Meléh,
sur
la
demande
des
princes
du
pays,
Pagouran
leur
envoya
Roupin,
muni
de
«beaucoup
de
présents
d'or
et
d'argent»,
et
agit
comme
s'il
ne
voulait
plus
se
souvenir
que
Sempad,
son
père
à
lui,
avait
été
tué
jadis
dans
un
combat
contre
Thoros,
l'oncle
des
jeunes
princes
Roupin
et
Léon.
Roupin
fut
reçu
par
les
princes
arméniens
au
milieu
des
acclamations
et
des
démonstrations
de
joie.
«Car,
dit
l'historien,
c'était
un
jeune
homme
affable
et
généreux,
à
l'aspect
noble;
il
avait
trente
ans;
il
était
exercé
dans
le
maniement
des
armes,
habile
à
lancer
des
flèches.
Il
commença
par
distribuer
à
tous
des
présents.
Ayant
réuni
les
trésors
de
«Meléh,
il
les
distribua
à
tort
et
à
travers.
Il
s'attira
la
bienveillance
de
tous
en
donnant
des
festins
somptueux.
Partout
où
il
alla
avec
ses
soldats,
il
arrêta
la
résistance
de
ses
ennemis.
C'est
ainsi
qu'il
se
rendit
maître
de
Messis,
d'Adana
et
de
Tarse».
On
voit
clairement
par
ce
passage,
que
ces
villes
de
la
Cilicie
étaient
retombées
au
pouvoir
des
Grecs.
Non
pas
que
Meléh
les
eût
laissé
échapper
de
ses
serres,
mais
il
les
avait
redonnées
de
plein
gré,
par
traité,
au
prince
d'Antioche.
On
en
donne
l'assurance
formelle
quant
à
la
ville
de
Tarse.
Comme
cette
ville
était
trop
éloignée
de
la
capitale
pour
être
facilement
défendue,
les
Antiochéens
la
revendirent
à
Roupin
en
1182,
mais
à
un
prix
très
élevé.
Depuis
lors,
elle
resta
toujours
aux
Arméniens;
les
Grecs
durent
abandonner
l'espoir
de
la
reprendre,
aussi
ils
quittèrent
la
contrée
sous
la
conduite
de
Kyr-Isaac,
leur
gouverneur.
Selon
les
uns,
ce
Kyr-Isaac
se
rendit
alors
à
Chypre;
d'autres
affirment
que
ce
fut
autrepart;
d'autres
enfin
qu'il
resta
à
Tarse
ou
tout
au
moins
dans
une
des
villes
des
provinces
appartenant
aux
Arméniens.
Les
historiens
contemporains
disent
de
cet
Isaac
qu'en
1183,
il
marcha
contre
le
sultan
de
Koniéh,
mais
que
Roupin
arrivant
avant
son
voisin
et
allié
le
sultan,
repoussa
Kyr-Isaac,
le
défit,
s'en
saisit
et
voulut
le
remettre
entre
les
mains
du
sultan.
Celui-ci
refusa
de
le
recevoir;
alors
Roupin,
le
livra
au
prince
d'Antioche,
avec
lequel
il
s'était
brouillé
et
cela
amena
leur
reconciliation
[29].
Kyr-Isaac
était
parent
de
Roupin;
il
avait
épousé
la
fille
de
Thoros.
Après
bien
des
années,
le
vieil
ennemi
des
Arméniens,
le
lâche
Andronic,
leur
déclara
une
nouvelle
guerre.
Ce
tyran
occupait
le
trône
impérial;
c'était
en
1185.
Il
manda
une
ambassade
secrète
au
fier
Kurde
Salahéddin
et
l'engagea
à
s'emparer
de
la
principauté
de
Koniéh
et
de
celle
de
la
Cilicie.
Mais
avant
d'avoir
pu
mettre
son
projet
à
exécution,
Andronic
fut
tué
par
ses
sujets,
et
la
conquête
de
la
Cilicie
sortit
pour
toujours
de
la
pensée
des
Byzantins.
Une
fois
affranchis
de
la
suzeraineté
des
Grecs,
les
Héthoumiens,
seigneurs
de
Lambroun,
devinrent
princes
indépendants
dans
la
Cilicie.
Roupin
en
voulait
à
ces
derniers.
Il
suivait
l'exemple
de
ses
ancêtres.
Dès
le
commencement
de
son
principat,
il
vint
attaquer
leur
château
qu'il
assiégea
pendant
trois
ans
et
qu'il
réduisit
à
la
famine.
Il
ne
put
s'en
rendre
maître,
d'autres
affaires
étant
survenues.
Vers
la
fin
de
1180,
le
puissant
Salahéddin,
après
la
conquête
de
Koniéh,
avait
tourné
ses
armes
contre
le
pays
de
Roupin.
C'est
ainsi
qu'on
appelait
alors
la
Cilicie.
Les
historiens
arabes,
prétendent
que
Roupin
avait
permis
à
une
peuplade
turkomane
de
venir
paître
leurs
bestiaux
sur
son
territoire
et
qu'ensuite
il
les
dépouilla.
Salahéddin
entra
donc
dans
le
pays
des
Arméniens,
mais
quand
il
vit
combien
les
montagnes
étaient
fortifiées,
il
s'arrêta
dans
la
plaine.
Il
porta
la
dévastation
de
côté
et
d'autre.
Roupin
supposant
que
le
musulman
avait
envie
de
s'emparer
de
l'un
des
châteaux
où
il
avait
enfermé
ses
richesses,
le
fit
abattre.
Mais
avant
qu'on
eût
eu
le
temps
d'emporter
les
trésors,
les
Sarrasins
arrivèrent
et
s'en
emparèrent.
Roupin
consentit
à
ce
que
le
butin,
qu'il
avait
prit
aux
Turkomans,
leur
fût
restitué
avec
les
prisonniers
qu'il
leur
avait
faits
et
éloigna
de
cette
façon
le
grand
conquérant
[30].
A
cette
époque,
en
1181,
Roupin
contracta
des
liens
de
parenté
avec
les
Latins,
en
épousant
la
fille
de
Humfroi,
seigneur
de
Karak
ou
Crak
et
de
Toron.
IL
se
rendit
en
personne
à
Jérusalem
et
y
fit
célébrer
magnifiquement
ses
noces.
Il
revint
avec
sa
femme,
dont
il
eut
deux
filles,
Alice
et
Philippine,
qui
devinrent
célèbres
par
la
suite,
surtout
la
première
qui
fut
cause
de
longs
démêlés
politiques
sous
le
règne
de
Léon,
et
encore
après.
Roupin,
par
son
mariage,
rendit
plus
étroite
l'amitié
des
Latins
et
des
Arméniens
[31].
Plusieurs
des
princes
latins,
qui
avaient
été
en
guerre
avec
le
roi
de
Jérusalem
ou
qui
étaient
mal
avec
lui,
se
réfugièrent
auprès
de
Roupin.
Celui-ci,
en
paix
maintenant
avec
tous
et
aimé
de
tous,
se
laissa
aller
à
d'indignes
passions.
C'est
«pour
mieux
les
satisfaire,
dit-on,
qu'il
se
rendit
à
Antioche
où
le
prince
Bohémond
le
fit
mettre
en
prison
en
1185»,
selon
les
coutumes
barbares
du
temps
qui
permettaient
d'attenter
à
la
vie
de
ses
voisins
et
même
de
ses
amis.
Bohémond
exigea
de
Roupin
qu'il
lui
livrât
la
contrée
qui
confinait
à
sa
principauté,
située
sur
la
rive
gauche
du
fleuve
de
Tchahan.
Roupin
écrivit
alors
à
son
oncle
Pagouran
et
à
son
frère
Léon,
d'envoyer,
comme
otages,
sa
mère
et
d'autres
grands
personnages
arméniens.
Il
ne
fut
remis
en
liberté,
qu'après
avoir
encore
livré
au
prince
d'Antioche
quelques
châteaux
que
celui-ci
avait
exigés:
Til,
Sarouantikar
et
Djigher,
et
lui
avoir
donné
en
outre
mille
besants
d'or
comme
rançon.
Les
otages
furent
renvoyés.
Peu
de
temps
après
Roupin
redevint
maître
de
ces
contrées,
soit
par
lui-même,
soit
à
l'aide
de
Léon.
On
prétend
que
l'acte
du
prince
d'Antioche
avait
été
commis
à
l'instigation
des
Héthoumiens,
seigneurs
de
Lambroun,
car
Roupin
ne
cessait
point
de
harceler
ces
derniers.
Roupin
était
encore
en
captivité
lorsqu'il
fit
passer
secrètement
l'ordre
à
son
frère
Léon,
de
ne
point
abandonner
le
siége
de
Lambroun
et
de
cerner
étroitement
le
château,
comme
il
le
fit
lui
même
à
son
retour,
pour
se
venger.
Mais
il
ne
persévéra
pas
dans
ces
sentiments
de
haine
terrible,
car,
en
1187,
à
l'approche
de
sa
mort
il
s'en
repentit
et
se
fit
pardonner
des
Héthoumiens,
les
mauvais
traitements
qu'il
leur
avait
fait
endurer.
Roupin
remit
son
sceptre
à
son
frère
Léon
qu'il
chargea
aussi
de
l'éducation
de
ses
filles.
Il
lui
conseilla
paternellement
de
bien
gouverner
le
pays
qu'il
avait
agrandi
et
qu'il
espérait
lui
voir
agrandir
encore
et
consolider.
Roupin
avait
reconnu
la
haute
intelligence
et
la
vaillance
de
Léon.
Ensuite,
suivant
l'exemple
de
son
oncle
Thoros,
il
revêtit
l'habit
religieux,
et
renonçant
entièrement
au
monde,
mourut
en
paix.
Il
fut
enterré
dans
le
cimetière
de
Trazargue
[32].
La
Cilicie,
surtout
la
plaine
de
cette
province,
après
bien
des
évolutions
et
des
bouleversements,
après
avoir
été
occupée
tantôt
par
les
Grecs,
tantôt
par
les
Arméniens,
les
Francs
et
quelquefois
même
les
Sarrasins,
allait
trouver
une
paix
complète
sous
Léon
et
ses
successeurs,
pendant
près
d'un
siècle
entier;
quant
aux
montagnes,
elles
furent
toujours
leur
possession
incontestée.
Léon
recula
les
frontières
de
son
pays
au-delà
de
la
Cilicie
et
de
l'Isaurie.
Alors
les
antiques
divisions
grecques
de
l'Asie
Mineure
durent
se
modifier
au
gré
de
l'autorité
des
Arméniens;
elles
durent
changer
de
noms
malgré
elles,
et
nous
citerons
ceux
qui
nous
paraissent
les
plus
authentiques.
Nous
voudrions
connaître
la
manière
d'administrer
des
premiers
princes
Roupiniens
dont
nous
avons
relaté
les
actes,
soit
civils,
soit
militaires.
Nous
voudrions
savoir
au
juste
en
quoi
consistait
l'autorité
qu'ils
avaient
sur
les
nobles
et
les
bourgeois
arméniens,
et
quels
hommages
ils
en
recevaient.
Nous
manquons
de
documents
à
ce
sujet
ou
plutôt
nous
n'en
avons
que
très
peu.
Ceux
qui
nous
sont
parvenus,
c'est-à-dire
les
lettres
qui
ont
été
adressées
à
ces
princes,
nous
apprennent
qu'on
leur
donnait
le
nom
de
Prince
[33],
auquel
on
ajoutait
les
épithètes
de
Grand
et
Pieux.
Nous
n'avons
pas
trouvé
chez
les
contemporains,
la
dénomination
de
Baron.
Cependant
nos
derniers
auteurs
contemporains
ont
attribué
à
leurs
ancêtres
ce
titre,
qui
était
donné
également
aux
princes
européens
de
leur
temps.
Il
avait
été
introduit
par
des
européens.
Les
premiers
occidentaux
qui
connurent
les
Roupiniens
les
ont
appelés
souvent
les
Montagnards.
Quelquefois
aussi,
Princeps,
ainsi
que
le
dit
Guillaume
de
Tyr,
l'historien
des
croisades,
en
ajoutant
presque
toujours:
Potentissimi.
Il
donne
souvent
ce
dernier
titre
à
Thoros
II,
à
Meléh
[34]
et
à
Roupin
[35].
Quelquefois
aussi
cet
auteur
les
qualifie
de
Très-grand
et
de
Satrape.
Aussi,
il
dit
pour
Roupin
[36]
Rupino
Armeniorum
Satrapœ
potentissimo.
Il
emploie
les
mêmes
termes
pour
tous
les
princes
arméniens
et
turcs.
Le
traducteur
français
ou
celui
que
l'on
appelle
le
continuateur
d'Eracle,
donne
seulement
le
nom
de
Seigneur
aux
princes
Roupiniens.
Ainsi
il
dit:
«Rupin,
Seigneur
d'Erménie»
ou
bien
Sire:
«Thoros,
qui
Sire
estoit
d'Erménie»
[37].
Nos
souverains
les
plus
fidèles
à
l'empereur,
—
comme
nous
l'avons
déjà
dit,
—
furent
honorés
du
titre
de
Sébaste
et
plus
tard
de
celui
de
Protosébaste
[38].
Les
seigneurs
de
la
Cilicie
furent
réputés
liges
non
seulement
de
l'empereur,
mais
aussi
des
princes
d'Antioche
et
leur
devaient
hommage.
La
cause
en
est
que
les
Croisés
qui
eurent
d'abord
sous
leur
autorité
les
villes
de
la
Cilicie,
donnèrent
ensuite
ces
villes
aux
princes
d'Antioche.
Les
princes
en
furent
effectivement
les
maîtres,
surtout
de
la
ville
de
Tarse.
Cette
coutume
subsistait
encore
à
la
mort
de
Roupin
II,
et
même
au
commencement
du
règne
de
Léon,
qui
s'affranchit
de
ce
joug
importun
et
se
reconnut
seulement
vassal
de
l'empereur
d'Occident.
On
ne
mettra
pas
en
doute
que
les
souverains
de
la
Cilicie
se
soient
montrés
véritablement
grands.
Nous
avons
pour
en
témoigner
leurs
liens
de
parenté
avec
les
rois
d'Occident
et
les
grandioses
dots
qu'ils
faisaient
à
leurs
fils
et
à
leurs
filles.
On
a
vu
aussi
quelles
énormes
rançons
ils
donnaient
pour
recouvrer
leur
liberté.
Les
sources
de
leur
richesse
étaient
d'abord
les
butins
pris
à
l'ennemi
et
les
rançons
des
prisonniers
qu'ils
faisaient;
en
second
lieu
les
impôts
que
devaient
acquitter
leurs
sujets.
On
ignore
quel
était
le
mode
de
perception
de
ces
impôts.
Enfin,
c'était
les
droits
de
péage
que
l'on
devait
payer
pour
passer
les
montagnes
ou
les
rivières.
Ces
ressources
s'accrurent
sous
les
rois
leurs
successeurs
et
emplirent
les
coffres
du
trésor
de
l'Etat.
Ces
richesses
furent
employées
au
maintien
du
pays,
dans
ses
fréquents
bouleversements,
ainsi
qu'aux
jours
d'envahissement
par
les
ennemis.
Nous
croyons
nous
être
suffisamment
étendu
sur
la
conquête
de
la
Cilicie
par
les
Arméniens,
sur
la
puissance
de
la
famille
des
Roupiniens
jusqu'à
l'avénement
de
Léon-le-Magnifique,
qui
donna
tant
d'éclat
à
cette
province
chancelante,
et
qui
en
fit
un
royaume
sûr,
et
lui
appropria
le
nom
d'Arménie.
Ces
renseignements
sur
les
différents
noms
et
sur
les
variations
des
frontières
sont
suffisants;
mais,
je
n'ai
trouvé
dans
aucun
livre,
pas
même
noté
en
passant,
comment
et
en
combien
de
provinces
ou
de
districts
était
divisée
la
Cilicie.
En
considérant
le
petit
nombre
de
villages,
de
hameaux
et
de
lieux
habités,
la
Cilicie
paraîtrait
pauvre
en
noms
topographiques;
et
même
dans
les
quelques
livres
qui
nous
restent
de
l'antiquité,
on
trouve
mentionnés
plus
de
couvents
et
de
forteresses
que
d'endroits
habités.
Il
est
vrai
que
sous
le
nom
de
forteresse
on
pourrait
comprendre
aussi
bien
le
village
ou
le
lieu
habité,
surtout
dans
les
montagnes;
mais
malgré
cela
la
plus
grande
partie
du
pays
est
formée
par
la
plaine,
facile
à
être
habitée.
Si,
donc,
comme
nous
l'avons
rapporté
ailleurs,
même
de
nos
jours
le
nombre
des
villages
s'élève
à
300;
combien
en
devait-on
compter
dans
les
anciens
temps?
Il
est
très
regrettable
que
pour
la
plupart
de
ces
villages,
les
noms
anciens
soient
perdus;
tout
au
plus
en
connaît-on
encore
une
ou
deux
douzaines.
Quant
aux
provinces,
actuellement
objet
de
nos
recherches,
le
nombre
mentionné
est
tellement
grand,
qu'il
surpasse,
on
pourrait
dire,
celui
des
villages;
mais
leur
exacte
étendue
territoriale,
ainsi
que
la
situation
de
quelques-unes,
nous
sont
inconnues.
La
recherche
des
différents
diocèses
serait
encore
le
moyen
le
plus
exact
pour
découvrir
la
division
des
provinces,
quoique
les
diocèses,
selon
la
coutume
d'alors,
ne
soient
guère
autrement
indiqués
que
par
le
nom
de
la
résidence
de
l'évêque.
Cette
résidence
était
ordinairement
un
couvent.
Cependant
quelquefois
on
trouve
mentionné
avec
le
couvent,
la
ville
la
plus
proche;
ce
qui
indiquerait
que
la
juridiction
temporelle
de
l'évêque
ne
s'étendait
pas
seulement
sur
les
domaines
du
monastère,
mais
qu'il
gouvernait
encore
tout
son
diocèse
qui
formait
une
province.
[1]
Selon
Michel
le
Syrien,
«Les
dits
Roupiniens,
étaient
de
la
famille
des
deux
dynasties
des
nobles
et
fiers
rois,
les
Haïcaniens
et
les
Sénékérimiens,
unis
entre
eux
par
des
liens
de
parenté».
[3]
L'historien
Héthoum
dit
aussi:
«Après
lui
(Kakigh),
Roupin,
son
parent,
alla
habiter
dans
les
alentours
de
Gossidar,
de
là
il
se
rendit
dans
le
village
de
Coromozol
où
il
mourut».
Vahram
dit
à
peu
près
la
même
chose.
[4]
C'est
ainsi
que
le
rapporte
l'auteur
moderne
de
notre
histoire,
Tchamitchian,
mais
je
ne
sais
à
quelles
sources
il
a
puisé.
Est-ce
dans
des
documents
antiques
ou
n'est-ce
que
son
opinion
personnelle?
[5]
On
prétend
qu'il
tarda
bien
à
payer
le
reste.
Un
chroniqueur
latin
ajoute
que
Thoros
avait
imposé
pour
condition
à
Baudouin
de
laisser
croître
sa
barbe,
ce
à
quoi
ce
dernier
consentit.
Un
an
après,
Baudouin
voulant
obtenir
une
partie
de
ce
que
lui
devait
son
beau-père,
lui
envoya
dire
qu'il
avait
beaucoup
de
créanciers
qui
le
contraignaient
à
se
faire
raser
la
barbe.
Thoros
lui
écrivit
bien
vite
de
ne
pas
faire
cet
affront
à
sa
fille
et
lui
envoya
immédiatement
trente-trois
mille
besants
d'or.
—
(Jacques
de
Vitry.
74).
[6]
C'est
vers
cette
époque
que
Gabriel,
gouverneur
arménien
de
Mélitine,
donna
à
l'autre
Baudouin
(de
Bourg),
d'abord
comte
d'Edesse
et
ensuite
roi
de
Jérusalem,
sa
fille
Marcille
ou
Morphie,
dont
naquirent
quatre
filles.
L'aînée
Mélissinde,
fut
donnée
en
mariage
à
Foulques,
comte
d'Anjou,
qui
succéda
à
Baudouin
II
sur
le
trône
de
Jérusalem.
Mélissinde,
après
la
mort
de
son
mari,
n'en
resta
pas
moins
souveraine
de
Jérusalem
et
comme
telle
lança
des
édits
en
1160,
sous
le
règne
de
son
fils
Baudouin
III,
à
qui
succéda
son
frère
Amaury
Ier.
Celui-ci
avait
épousé
Agnès,
fille
de
Josselin
II,
lui-même
fils
de
la
fille
de
Constantin
Ier,
et
de
Josselin
Ier.
De
son
mariage
avec
Agnès,
Amaury
eut
un
fils,
Baudouin
IV,
qui
naquit
en
1160,
et
mourut
en
1185,
sans
laisser
de
fils.
Deux
ans
après,
la
ville
sainte
fut
prise
par
les
Sarrasins
et
le
royaume
de
Jérusalem
finit
en
fait
sans
finir
de
nom.
Parmi
ses
rois
nominaux
un
des
premiers
et
le
plus
fameux,
Jean
de
Brienne,
avait
épousé
la
fille
du
premier
roi
arménien,
Léon
le
Magnifique.
Ainsi
donc
toutes
les
reines
de
Jérusalem
furent
ou
arméniennes
ou
de
sang
arménien.
La
famille
de
Baudouin,
gendre
du
prince
arménien,
est
citée
dans
les
Lignages
d'Outremer,
ouvrage
qui
fut
traduit
par
un
écrivain
arménien
presque
contemporain,
qui
paraît
être
l'historien
Héthoum.
Voici
ce
qu'il
y
est
dit
(selon
le
texte
arménien):
«Le
second
roi
de
Jérusalem
fut
Baudouin
de
Bourg
leur
parent
(des
Bouillon).
Il
épousa
la
fille
d'un
prince
arménien
qui
se
nommait
Gabriel
le
Baron
et
qui
commandait
Mélitine.
Le
nom
de
sa
femme
était
Morphie.
Elle
lui
donna
quatre
filles
dont
voici
les
noms:
Mélisanthe,
Alice,
Hodiarde
et
Djiavié
ou
Djoié.
Mélissanthe
devint
l'épouse
de
Foulques,
comte
d'Anjou;
Alice
devint
la
femme
du
prince
d'Antioche;
Hodiarde,
celle
du
comte
de
Tripoli.
Djoié
se
fit
religeuse
et
on
lui
bâtit
un
couvent
qui
s'appelle
St.
Lazare
de
Béthanie.
»
[7]
Un
antique
auteur
de
Mémoires,
raconte
en
peu
de
mots
sa
vie.
Il
dit:
«Constantin
(fut)
un
homme
brave
et
juste.
Il
fut
aimé
par
le
plus
grand
nombre
des
habitants
du
pays
(Cilicie),
avec
les
bras
desquels
il
s'agrandit
jusqu'au
littoral
(?)
du
Taurus;
il
s'empara
de
cette
région.
D'abord
il
occupa
le
château
de
Vahgah,
d'où
il
s'élança
à
la
conquête
d'autres
points
de
la
plaine
et
des
châteaux-forts.
Il
défit
les
Grecs
à
mainte
reprise.
S'étant
allié
aux
soldats
francs
de
la
garnison
d'Antioche
contre
les
Ismaëlites,
et
ayant
déployé
une
vaillance
extraordinaire,
il
émerveilla
l'armée
de
ces
braves,
dont
il
reçut
le
titre
de
Comte
et
de
Marquis.
Après
avoir
mené
une
existence
de
conquérant
et
avoir
eu
deux
fils,
Thoros
et
Léon,
il
mourut
en
bon
chrétien.
»
[8]
Matthieu
d'Edesse
entre
autres,
et,
surtout
l'historien
royal,
qui
dit;
«Avant
qu'il
(Constantin)
ne
mourût,
on
vit
un
fait
extraordinaire.
Un
feu,
semblable
à
la
foudre,
vint
jaillir
sur
le
château
de
Vahgah.
Il
frappa
un
plat
d'argent
qu'il
rejeta
de
l'autre
côté
de
l'édifice,
sous
sept
autres
plats.
On
disait
que
c'était
un
présage
de
la
mort
de
Constantin.
Il
mourut
pendant
cette
année-là,
après
s'être
confessé
en
digne
chrétien,
et
fut
enterré
dans
le
saint
monastère
de
Castalon.
»
[9]
«Dans
la
même
année
fut
vengé
le
sang
innocent
de
Kakigh
par
le
meurtre
des
trois
fils
de
Mantalé.
Ces
derniers
possédaient
une
redoutable
forteresse
près
de
Tzoughentchour
Ձուկնջուր
(Rivière
aux
poissons),
qui
dominait
le
pays
des
Kamirs
(la
Cappadoce).
Ce
fort
s'appelait
Guendrosgave.
Le
premier
de
ces
frères
avait
de
l'amitié
pour
Thoros,
fils
de
Constantin
et
seigneur
de
Vahgah.
Tous
les
trois
avaient
promis
à
ce
dernier
de
lui
donner
ce
château,
car
il
se
trouvait
sur
la
frontière
et
ils
étaient
beaucoup
inquiétés
par
les
Turcs.
Thoros
alla
leur
rendre
visite
en
ami,
mais
escorté
de
ses
soldats.
S'étant
arrêté
dans
un
lieu
voisin,
il
leur
envoya
dire
qu'il
les
y
attendait.
Un
des
trois
frères,
prenant
avec
lui
des
présents
(qu'il
voulait
offrir
à
Thoros)
se
rendit
auprès
de
celui-ci
et
lui
présenta
une
magnifique
épée
et
de
riches
vêtements.
Après
qu'ils
eurent
mangé
et
bu,
Thoros
lui
rappela
sa
promesse
de
lui
céder
le
château.
L'autre,
reniant
sa
promesse,
lui
répondit:
«Nous
ne
pouvons
pas
vous
abandonner
notre
propriété
patrimoniale».
Quand
Thoros
vit
qu'il
avait
été
trompé
par
eux
(les
trois
frères),
il
dit
à
celui
qui
était
venu:
«Lève-toi,
garde
tes
présents
et
va-t'en.
Dorénavant
prenez
garde
à
moi».
Thoros
s'en
retourna
chez
lui,
laissant
l'autre
là;
mais
il
revint
en
secret
pendant
la
nuit;
il
plaça
ses
fantassins
en
embuscade
autour
du
château-fort
et
se
tint
plus
loin
avec
sa
cavalerie.
Le
matin
arrivé,
chacun
se
rendait
à
ses
affaires.
Quand
ils
aperçurent
les
soldats
en
embuscade,
ils
revinrent
sur
leurs
pas
et
s'enfuirent
au
château;
les
soldats
de
Thoros
les
y
poursuivirent.
Arrivés
au
château,
les
Grecs
en
fermèrent
la
porte
intérieure
contre
les
fantassins,
mais
ils
n'eurent
pas
le
temps
de
fermer
la
porte
extérieure.
Les
soldats
de
Thoros
emportèrent
la
porte
et
mirent
le
feu
dans
le
château.
Les
habitants,
épouvantés,
ouvrirent
bien
vite
la
porte
de
l'autre
côté
et
se
mirent
à
se
sauver.
Les
soldats
de
Thoros
firent
prisonniers
les
fuyards,
s'emparèrent
du
château
et
coururent
annoncer
(leur
victoire)
à
Thoros.
Il
en
fut
émerveillé,
arriva
joyeux
et
entra
dans
le
fort.
Il
commença
à
réclamer
tous
les
trésors;
car
l'or
et
l'argent
de
toute
la
province
y
étaient
entassés.
Thoros
cria
aux
fils
de
Mantalé:
Apportez-moi
le
glaive
et
les
vêtements
royaux
de
Kakigh!
Ils
les
lui
apportèrent.
Thoros,
à
leur
aspect,
se
mit
à
fondre
en
larmes
et
tous
ses
soldats
pleurèrent
avec
lui.
Thoros,
furieux,
s'écria:
Où
est
le
trésor?
Ils
s'obstinèrent
à
ne
pas
le
lui
dire.
Alors
on
commença
à
les
torturer.
L'un
d'eux
se
précipita
du
haut
du
fort
et
se
tua.
On
recommença
les
tortures
sur
l'aîné
qui
dit
insolemment
à
Thoros:
Toi
tu
es
un
Arménien,
mais
nous,
nous
sommes
princes
grecs,
que
diras-tu
à
notre
souverain?
Thoros,
exaspéré,
lui
répondit:
Et
vous,
qui
avez
tué
un
homme
puissant
et
sacré
roi,
qui
venait
se
réfugier
humblement
auprès
de
vous,
comme
un
père
près
de
ses
enfants,
qui
vous
aimait,
et
que
vous
avez
assassiné,
Kakigh,
que
direz-vous
à
la
nation
arménienne?
Thoros,
la
rage
au
cœur,
se
leva,
et
s'emparant
du
manche
d'un
marteau,
se
jeta
sur
lui.
En
sanglottant,
il
se
mit
à
le
frapper
jusqu'à
ce
qu'il
l'eut
tué.
Alors
Thoros
rendit
grâces
au
Seigneur
qui
l'avait
jugé
digne
de
venger
le
sang
de
l'innocent
Kakigh,
massacré
perfidement.
Le
père
de
son
père,
Roupin,
était
des
princes
du
roi
Kakigh.
Ensuite
il
(Thoros)
s'empara
d'un
grand
nombre
de
trésors
d'or
et
d'argent
et
de
toutes
les
provisions.
Il
emmena
avec
lui
à
Vahgah,
le
troisième
frère
et
laissa
une
garde
au
château».
[10]
En
1100,
selon
Matthieu
d'Edesse,
il
y
avait
un
certain
Thathoul,
ministre
à
la
Cour
de
l'Empereur,
prince
des
princes,
homme
brave,
qui
avait
courageusement
repoussé
Bohémond
quand
il
était
venu
pour
s'emparer
de
cette
ville.
Les
historiens
byzantins
disent
qu'en
1103,
Boutomite
s'était
rendu
maître
de
cette
ville
et
qu'il
l'avait
remise
au
général
Monastre.
D'où
nous
pouvons
conclure
que
la
ville
de
Marache
tomba
dans
les
mains
des
Francs
entre
1100
et
1103.
Lorsqu'elle
fut
reprise
par
ces
derniers,
notre
historien
Matthieu
d'Edesse
ne
donne
plus
le
nom
de
son
gouverneur
d'alors,
il
l'appelle
seulement
le
prince
des
princes.
[11]
Thoros
ne
protégeait
pas
seulement
ses
compatriotes,
il
protégeait
aussi
les
étrangers
qui
venaient
se
réfugier
auprès
de
lui.
On
donne,
pour
exemple,
Palac,
devenu
après
le
puissant
prince
d'Alep,
qui
fut
vaincu
par
Maksoud,
le
sultan
de
Konieh,
et
vint
chercher
un
refuge
près
de
Thoros.
(Aboul-Faradjy
l'an
1122).
[12]
Mathieu
d'Edesse
raconte
ce
fait
plus
longuement:
«Après
cela,
Roger
invita
à
la
guerre
les
soldats
arméniens.
Il
fit
venir
Léon
et
lui
dit:
Tu
viendras
combattre
demain;
nous
allons
mettre
les
soldats
arméniens
à
l'épreuve.
Alors
le
grand
seigneur
arménien
réunit
tous
ses
soldats
qui
se
trouvaient
au
camp.
Tous
entourèrent
le
brave
guerrier
du
Christ,
Léon.
Celui-ci
les
encouragea
l'un
après
l'autre.
Le
lendemain
les
Sarrasins
vinrent
à
la
rencontre
des
Francs;
le
prince
des
Arméniens
acharna
ses
hommes
contre
les
Turcs;
il
excita
leur
courage
et
ils
se
précipitèrent
contre
les
Infidèles.
Il
(Léon)
rugit
comme
un
lion,
et,
avec
ses
soldats,
donna
un
choc
terrible
contre
les
ennemis,
qu'il
mit
en
fuite
et
(poursuivit)
l'épée
dans
les
reins,
jusqu'à
la
porte
de
la
ville
et
en
tua
beaucoup.
Il
les
assiégea
et
les
tint
si
serrés
dans
la
ville
qu'ils
ne
purent
faire
une
sortie
pour
combattre
ses
hommes.
Léon,
le
prince
des
Arméniens,
se
fit
un
nom
glorieux
ce
jour-là
et
reçut
des
louanges
des
soldats
francs.
De
ce
jour,
Roger
admira
les
guerriers
arméniens.
(Léon)
serra
de
si
près
la
ville
d'Azaz,
qu'après
un
combat
cruel,
il
la
força
de
se
rendre
et
s'en
empara
tranquillement.
Il
ne
fit
aucun
mal
à
personne
et
permit
à
ses
habitants
de
sortir
en
toute
sécurité.
»
[14]
C'est
de
cette
manière
que
je
comprends
ce
que
rapporte
Aboul-Faradjy
le
syrien;
mais
on
peut
comprendre
tout
le
contraire
dans
la
traduction
latine
de
cet
historien.
Isaac
fut
le
beau-père
de
Léon;
mais,
comme
celui-ci
avait
déjà
des
fils,
parvenus
à
un
certain
âge,
et
qui
lui
étaient
nés
de
la
fille
de
Baudouin
de
Bourg,
on
ne
peut
pas
le
croire
gendre
d'Isaac.
[15]
Parmi
les
villes
connues
dont
l'empereur
s'empara,
les
Grecs
en
citent
quelques-unes
tout
à
fait
inconnues,
entre
autres:
Périclyton,
Περιχλντο
̀
ν,
et
Kolonia,
Κολω
̀
νια.
—
Ephrem-Le
Moine.
[16]
Voici
ce
que
l'on
prétend
que
Thoros
aurait
dit
à
son
père:
«J'ai
vu
dans
mon
songe
qu'un
homme
m'offrait
un
pain
avec
un
poisson
dessus.
Je
le
pris
et
je
t'en
donnai
aussi.
Le
père,
émerveillé,
devina
la
signification
du
songe
de
son
fils:
Tu
régneras
encore,
lui
dit-il,
sur
le
pays
de
la
Cilicie
que
nos
ancêtres
ont
acquis
par
la
force,
et
tu
étendras
ton
domaine
jusqu'à
la
mer;
c'est
ce
que
le
poisson
veut
dire.
Mais
moi
je
ne
le
verrai
pas.
»
[17]
Beaucoup
de
chroniqueurs
le
citent,
entre
autres,
notre
Héthoum,
qui
dit:
«l'année
587
(1138),
vint
Ahmad-Mélik
qui
arracha
des
mains
des
Grecs
différentes
possessions
de
Léon:
Vahga,
Gaban
et
la
Montagne-Rouge.
»
[18]
L'historien
Sempad
dit
seulement:
«Trois
ans
resta
pris
notre
pays
par
des
étrangers»,
c'est-à-dire
par
les
Antiochiens
et
par
Mélik-Ahmad.
Sempad
croit
ou
que
cette
domination
des
étrangers
eut
lieu
plus
tard,
ou
que
Thoros
revint
plus
tôt
en
Cilicie.
D'après
les
plus
fidèles
historiographes,
Thoros
ne
rentra
dans
le
pays
qu'en
1144
ou
1145.
Pourtant
il
paraît
que
Stéphané
s'évada
et
revint
avant
cette
époque.
On
ignore
comment
il
opéra
son
évasion.
L'historien
royal
parlant
quelque
part
de
ces
deux
princes,
Thoros
et
Stéphané,
dit
qu'ils
s'enfuirent
en
cachette.
Vartan
(LXXIII)
dit
de
même
et
ajoute
qu'ils
s'en
revinrent
ensemble
mais
plus
tard,
en
1151.
[19]
Selon
Michel
le
Syrien.
Selon
d'autres,
Thoros
se
serait
marié
avec
la
fille
du
bailli
Thomas
qui
était
fils
de
la
tante
de
Thoros.
Ces
deux
assertions
peuvent
être
vraies,
mais
il
faut
supposer
que
Thoros,
aussitôt
après
la
mort
de
sa
première
femme,
en
aurait
pris
une
seconde,
ou
bien
qu'il
n'ait
réusi
à
prendre
la
première.
[20]
Le
même
Michel
dit
que
les
Turcs
écrasés
par
Thoros
étaient
au
nombre
de
3000.
Il
dit
aussi
qu'avant
cet
exploit,
Thoros
avait
envahi
«le
pays
de
la
Cappadoce
et
avait
marché
sur
les
Turcs
et
qu'il
s'en
était
retourné
avec
un
grand
nombre
de
prisonniers,
chargé
de
butin,
et
avec
un
nom
glorieux».
[21]
L'historien
d'Edesse
(Mathieu)
s'exprime
ainsi:
«Le
sultan
envoya
un
des
grands
princes
de
son
fils
Mélik,
qui
se
nommait
Yakhoub.
C'était
un
homme
méchant
et
cruel.
(Le
sultan)
lui
donna
une
armée
forte
de
près
de
3000
hommes
pour
aller
dévaster
Antioche.
Après
qu'ils
(Yakhoub
et
son
armée)
eurent
passé
le
lieu
appelé
Les
Portes,
tout-à-coup,
comme
si
le
ciel
les
envoyait,
les
chevaliers
francs
et
le
frère
du
généralissime,
Stéphané,
se
jetèrent
sur
eux
et
les
écrasèrent.
Yakhoub
fut
transpercé
d'une
lance
qui
lui
atteignit
le
foie.
Il
jeta
un
grand
cri
et
mourut.
»
Vartan
dit
de
même,
mais
plus
brièvement
(LXXIII);
«Aghoub,
leur
chef,
voulut
se
rendre,
à
la
tête
de
3000
hommes,
à
Anazarbe,
vers
la
province
d'Antioche,
mais
Stéphané,
frère
de
Thoros,
fondit
sur
eux
et
les
écrasa
tous.
Les
cris
des
mourants
furent
entendus
jusqu'au
camp
(d'Aghoub),
où
tous
frémirent
et
s'enfuirent
sans
reprendre
haleine.
Le
sultan
n'eut
que
le
temps
de
se
sauver
et
de
se
réfugier
dans
son
repaire».
[22]
Guillaume
de
Tyr
(XVIII,
10)
dit
que
Renaud,
repoussa
Thoros,
après
lui
avoir
infligé
de
grandes
pertes.
[23]
Entre
autres,
Sempad
et
Matthieu
d'Edesse.
—Michel
le
Syrien,
bien
qu'il
dise
que
ces
massacres
furent
commis
du
consentement
de
Thoros,
prétend
que
ce
fut
Renaud
qui
les
commit.
[24]
Vahram
lui
aussi
parle
de
cela
comme
ayant
eu
lieu
bien
avant.
Un
auteur
de
mémoires
dit
de
même,
mais
cet
auteur
n'est
pas
contemporain.
D'après
ce
qu'ils
rapportent
l'un
et
l'autre,
on
serait
tenté
de
croire
que
Manuel
serait
venu
deux
fois
en
Cilice
pour
faire
la
guerre
à
Thoros,
et
qu'il
y
serait
venu
soit
avant,
soit
après
l'époque
où
eut
lieu
la
grande
bataille
près
de
Messis,
et
que
suivirent
de
près
les
invasions
du
sultan
de
Koniéh.
[25]
Quelques-uns
prétendent
que
ce
fait
eut
lieu
en
1163
ou
1164,
mais
l'historien
royal
dit
que
ce
fut
en
1165.
C'est,
du
reste,
ce
qu'exige
l'ordre
du
cours
des
événements
du
principat
de
Thoros.
[26]
C'est
comme
nous
l'avons
dit
plus
haut,
avant
que
Manuel
fût
venu
pour
la
première
fois
en
Cilicie.
Lors
de
cette
première
guerre,
Partzer-pérte
n'était
pas
encore
aux
mains
de
Thoros.
[28]
Je
suppose
que
c'est
ce
que
veut
dire
un
auteur
de
mémoires
contemporain:
«C'est
pour
cela
qu'il
(Grégoire
Degha)
alla
vers
les
deux
gouverneurs
(
ոստիկան
),
pour
les
engager
à
faire
la
paix.
Ils
le
laissèrent
passer
et
le
conduisirent
dans
l'imprenable
château
de
Romcla».
[30]
C'est
ce
que
racontent
les
historiens
arabes:
El-Atir,
Abouféda
et
autres.
[31]
Ce
ne
furent
pas
seulement
des
relations
civiles,
mais
encore
des
relations
religieuses
qui
commencèrent
entre
eux
dès
l'époque
de
Roupin;
car
le
pape
Lucius
III,
en
1184,
écrivit
une
lettre
à
notre
Catholicos
Grégoire
Degha.
[32]
Roupin
paraît
être
mort
le
6
mai
1187,
car,
dans
une
nécrologie
royale,
il
est
dit
qu'il
est
mort
au
commencement
du
mois
de
mai.
A
propos
de
cette
date
du
6
mai,
il
est
écrit:
«Mourut
le
brave
et
victorieux
Baron
Roupin,
le
parent
du
Roi
Kakig».
On
sait
d'ailleurs
que
Roupin
est
mort
le
premier
mai.
[33]
En
arménien
Ichekhan;
c'est
ainsi
que
sont
appelés,
dans
les
mémorandum
de
nos
livres
écrits
en
1137:
Léon
I.
en
1155:
Thoros
II
en
1182:
Roupin
II.
en
1193:
Léon
II.
—
Un
autre
historiographe,
écrivant
en
1217,
sous
le
règne
de
Léon,
appelle
le
frère
de
celui-ci,
Roupin
le
Grand.