NERSÈS
a
le
surnom
spécial
de
Lambroun,
lieu
de
sa
naissance,
comme
son
grand-oncle
paternel,
le
patriarche
S.
Nersès,
avait
celui
de
Rom-Cla,
lieu
de
sa
résidence.
Tous
deux
sont
des
personnages
vénérés
par
les
habitants
des
inexpugnables
forteresses
qu'ils
rappellent:
et
si
un
jour
les
ruines
de
ces
châteaux
doivent
disparaître,
leur
souvenir
n'en
restera
pas
moins
dans
les
archives
de
la
postérité,
grâce
à
la
mémoire
de
ces
deux
illustres
patriarches.
Après
Grégoire
l'Illuminateur
et
Isaac
le
Parthe,
c'est
le
Catholicos
de
Cla
qui
fut
leur
égal
sur
le
siége
patriarcal;
mais
comme
évêque,
notre
Lambrounien
les
surpasse
tous,
du
moins
sous
la
dynastie
des
Arméno-Ciliciens.
A
partir
de
lui,
personne
ne
l'égala
dans
le
haut
rang
où
il
s'était
élevé;
et
dans
toute
l'Arménie,
personne,
dans
une
vie
de
quarante-six
ans,
n'a
montré
un
ensemble
de
tant
de
vertus
et
de
mérites
[1].
Nersès
naquit
de
famille
noble
et
de
mœurs
très
pures;
il
était
doué
de
riches
talents
très
précoces,
d'une
âme
fervente,
d'un
cœur
plein
de
sagesse
et
de
connaissance
dans
les
sciences
théologiques
et
contemplatives.
Versé
dans
diverses
langues
et
dans
les
lettres,
habile
dans
l'éloquence
et
la
rhétorique,
il
a
laissé
des
idées
profondes
et
délicates
dans
ses
homélies
et
dans
ses
hymnes,
des
inspirations
divines
dans
ses
Commentaires
des
Psaumes
et
de
la
Messe:
des
désirs
et
des
implorations
ardentes
à
Jésus,
et
il
serait
difficile
de
trouver
dans
notre
langue,
des
expressions
plus
touchantes
et
plus
divinement
sublimes.
Pour
toutes
ces
prérogatives
et
pour
d'autres,
on
lui
a
très
convenablement
décerné,
le
surnom
d'
Aimable
de
son
vivant
même,
comme
on
a
donné
celui
de
Chrysostome
à
Saint
Jean
d'Antioche,
et
celui
de
Gracieux
à
Saint
Nersès
de
Cla.
Je
ne
sais
pas
qui
a
été
le
premier
à
lui
décerner
ce
surnom,
mais
qui
que
ce
soit,
qu'il
ne
reste
pas
sans
récompense
devant
Dieu
ni
devant
la
nation!
N'oublions
pas
qu'avec
lui
il
faudrait
aussi
louer
son
illustre
élève
le
Docteur
Samuel
de
Sghévra.
Celui-ci
l'année
1190,
copia
du
manuscrit
original
de
son
maître
les
Commentaires
des
Psaumes.
Persuadé
de
la
célébrité
de
Saint
Nersès,
prévoyant,
comme
par
inspiration,
sa
grande
renommée
dans
les
temps
à
venir,
il
a
ajouté
au
commencement
du
volume
l'abrégé
de
la
vie
du
saint
homme,
encore
dans
son
vivant,
afin
qu'il
n'y
ait,
pour
celui
qui
le
jugerait
dans
le
progrès
des
temps,
aucun
doute
sur
son
origine,
sur
le
lieu
de
sa
naissance
et
surtout
sur
la
qualité
de
sa
personne.
Comme
nous
ignorons,
dit-il,
la
vie
de
Moïse
de
Khorène,
de
David
et
de
Grégoire
de
Nareg,
«j'ai
pensé
de
rappeler
en
abrégé
sa
vie,
qui
est
jusqu'à
présent
de
38
ans;
et
nous
souhaitons
que
le
Seigneur
nous
l'accorde
encore
pour
plusieurs
années,
avec
un
bon
pastorat
et
une
sage
surveillance,
sur
la
sainte
communauté
(de
Sghévra)
et
sur
son
troupeau
de
fidèles.
Et ....
si
cet
arbre
qui
est
planté
au
courant
des
eaux
de
la
sainte
écriture,
produit
par
la
grâce
de
Dieu
d'autres
fruits,
que
le
Seigneur
donne
de
la
force
à
ses
disciples
plus
jeunes,
pour
recueillir
le
tout
dans
un
livre,
racontant
aux
postérieurs
la
continuation
de
sa
vie».
Hélas!
les
souhaits
du
pieux
biographe
ne
devaient
par
se
réaliser;
car
devant
le
Seigneur,
Nersès
devait
terminer
dans
peu
le
cours
de
sa
vie.
En
effet
huit
années
après
il
expira
dans
la
force
de
son
âge.
Dans
cet
espace
de
temps
il
travailla
tant,
fit
de
telles
œuvres
et
laissa
tant
de
glorieux
souvenirs,
qu'à
peu
de
personnes
il
fut
possible
de
l'égaler
même
dans
une
longue
vie.
Non
seulement
Samuel,
mais
d'autres
personnages
distingués
ont
reconnu,
dès
son
enfance,
les
dons
et
les
grâces
sublimes
de
l'illustre
Saint;
«et
plusieurs
d'entre
eux
se
demandaient
attentivement,
ce
que
deviendrait
plus
tard
cet
enfant?»
comme
le
rapporte
un
de
ses
plus
chers
compagnons,
Grégoire
de
Sghévra,
qui,
écrivant
sept
années
plus
tard
le
panégyrique
du
Saint,
témoigne,
«qu'un
de
ses
intimes
et
de
ses
plus
fervents
amis
l'a
déjà
loué
avant
lui».
Il
n'y
a
aucun
de
nos
personnages
des
plus
illustres
qui
aient
attiré
comme
lui
l'attention,
le
cœur
et
la
plume
des
autres
hommes
durant
sa
vie
et
après
sa
mort.
Son
nom
et
sa
réputation
étaientsi
répandus
qu'il
fut
obligé,
pour
sa
justification
personnelle,
de
le
confesser
devant
le
roi
Léon:
«Je
jouis,
dit-il,
d'une
bonne
réputation
chez
les
Latins,
les
Grecs
et
les
Syriens,
et
je
demeure
en
Arménie
»
[2].
Ses
admirateurs
enthousiasmés
avaient
grandement
raison
de
lui
donner
ce
tribut.
Car
qui,
à
l'âge
de
seize
ans,
s'est-il
élevé
à
la
dignité
du
sacerdoce
aussi
dignement
que
lui?
A
cet
âge
il
commença
à
écrire
les
premiers
Commentaires
des
Saints
Livres,
qui
forment
le
plus
grand
mérite
de
ses
ouvrages.
Sept
années
plus
tard
il
fut
institué
inspecteur,
c'est-à-dire
archevêque
du
grand
diocèse
de
Tarsus
(1175).
Il
est
aussi
distingué,
dans
les
mémoires
de
ces
temps,
avec
le
titre
de
Docteur
universel.
Durant
l'année
suivante,
il
acheva
son
incomparable
Pastorale;
je
veux
dire
les
Commentaires
de
la
Messe
qui
est
non
seulement
la
première
et
la
préférable
de
toutes
ses
œuvres,
mais
peut-être
le
premier
parmi
tous
les
écrits
de
ce
genre
écrits
en
arménien.
Sous
un
autre
point
de
vue,
ses
volumineuses
Interprétations
des
Psaumes,
apostillées
avec
beaucoup
de
sens,
et
avec
d'abondants
et
touchants
passages,
ne
sont
pas
de
moindre
valeur:
il
les
a
écrites
à
l'âge
de
26
à
28
ans
(1178-1180);
c'est,
à
vrai
dire,
l'ouvrage
d'un
esprit
éclairé,
d'une
haute
expérience
et
d'une
âme
mystique.
De
sa
part
le
vieux
moine
Samuel
ne
le
pouvait
autrement
comprendre
qu'en
lui
attribuant,
après
Dieu,
«l'assurance
d'un
savoir
et
d'une
science
incompréhensibles».
Qui
de
nos
érudits
de
ce
temps,
aurait
pu
composer
et
prononcer
après
lui
les
admirables
homélies
sur
l'
Ascension
de
J.
C.
et
la
descente
du
Saint-Esprit!
et
au
concile
national
de
toute
l'Eglise
arménienne
à
Rom-Cla
(1179),
le
fameux
discours
d'ouverture,
l'un
de
ses
chefs
d'œuvres!
Ce
fut
alors
une
preuve
palpable
non
seulement
de
sa
haute
éloquence,
mais
encore
de
ses
grâces
angéliques;
on
croyait
entendre
une
voix
surnaturelle.
Il
était
si
bien
rempli
des
dons
célestes,
qu'étant
le
plus
jeune
parmi
les
vieillards
vénérés
dans
le
concile,
il
en
devint
l'âme,
la
voix
et
l'inspirateur,
comme
nous
le
verrons
encore
dans
d'autres
circonstances.
On
est
frappé
d'étonnement
quand
on
examine
ses
divers
ouvrages
qui
se
montent
maintenant
à
une
cinquantaine,
grands
et
petits,
soit
de
sa
composition,
soit
des
traductions
du
latin,
du
grec
et
du
syrien;
sans
compter
les
copies
des
divers
livres
saints,
ou
les
annotations
et
les
solutions
à
la
marge
des
livres
[3].
Nous
le
voyons
de
nos
propres
yeux
et
voici
une
pièce
tirée
d'un
des
manuscrits
écrits
de
sa
propre
main,
de
l'ouvrage
profondément
théologique
des
Scolies
de
Saint
Cyrille;
il
y
a
ajouté
en
marge
des
explications
et
des
réflexions
lors
qu'il
n'avait
que
21
ou
22
ans.
Lorsque
la
mort
vint
surprende
Saint
Nersès
le
Gracieux,
le
premier
de
nos
écrivains
du
XII
e
siècle,
vers
la
deuxième
moitié
de
ce
même
siècle,
paraissait
notre
Nersès
de
Lambroun.
Dans
la
poésie,
ce
dernier
ne
peut
pas
égaler
son
prédécesseur,
mais
dans
l'éloquence
et
dans
les
sciences
théologiques
il
nous
semble
qu'il
le
surpasse
par
son
érudition
et
par
la
connaissance
de
différentes
langues
et
d'autres
sujets:
et
je
crois
même
qu'il
excelle
sur
tous
les
écrivains
nationaux.
(p.
91.
Fac-simile,
tiré
du
manuscrit
autographe
de
Saint
Nersès
de
Lambroun)
Après
avoir
considéré
Saint
Nersès
dans
sa
vie
littéraire,
passons
à
sa
vie
active.
Nous
le
trouvons
partout,
dans
les
villages,
dans
les
ermitages,
dans
les
couvents
et
dans
les
capitales.
Il
est
élu
et
appelé
par
les
particuliers
et
les
savants,
par
le
clergé
et
par
la
cour;
et,
dans
diverses
questions
le
roi
et
le
Catholicos
l'envoient
à
l'empereur
des
Allemands,
aux
princes
et
aux
évêques
latins
venus
pour
la
délivrance
de
Jérusalem
et
quelquefois
à
la
cour
de
l'empereur
d'Orient
à
Byzance,
ou
aux
princes
Francs
à
Antioche.
Saint
Nersès
connaissait
les
langues
de
toutes
ces
nations
et
on
croit
qu'il
fut
envoyé
parfois
à
Rom-Cla
(1189)
et
à
Jérusalem
(1179),
sans
compter
ses
autres
pélerinages,
pour
des
affaires
importantes.
Ajoutons
aussi
ses
nombreuses
occupations
dans
les
couvents
arméniens,
grecs,
syriens
ou
francs,
qui
se
trouvaient
dans
le
territoire
de
Léon,
dans
les
Montagnes-Noires,
dans
la
province
d'Antioche
et
autour
du
Golfe
des
Arméniens.
«Notre
saint
homme
dans
tous
ces
endroits
(dit
un
écrivain
de
mémoires),
ramassa,
comme
une
abeille
active,
de
tous
les
illustres
saints
des
premiers
temps,
toute
espèce
de
bien
à
imiter...
Il
fut
reconnu
un
second
rabbi
dans
les
derniers
temps
de
notre
nation».
(p.
92.
Fac-simile,
du
manuscrit
authentique
de
Saint
Nersès
de
Lambroun)
Que
dire
de
sa
direction
de
la
communauté
de
Sghévra,
de
l'ermitage
et
du
couvent,
de
ces
deux
maisons
religieuses
que
ses
ancêtres
avaient
fondées
et
qui
furent
agrandies
et
embellies
par
son
père
et
son
frère
Héthoum?
Que
pourrions-nous
dire
de
son
inspection
du
siège
de
Tarsus,
cette
patrie
de
Saint
Paul!
tous
ceux
qui
le
voyaient,
témoignaient
qu'il
en
avait
hérité
aussi
la
puissance
et
l'esprit.
Des
hauteurs
de
Sghévra,
ainsi
que
Moïse
du
haut
du
Sinaï,
il
descendait
tous
les
jours
dans
la
ville
épiscopale,
consolant
par
sa
doctrine
et
s'attirant
par
ses
vertus
tous
ceux
qui
le
voyaient
et
qui
l'entendaient;
non
seulement
des
Arméniens
mais
encore
des
Francs
et
des
Grecs;
car
il
connaissait
tout
aussi
bien
les
lois
et
les
règlements
de
la
religion
de
chacune
de
ces
nations.
Son
jugement
était
fort
juste
et
sans
parti
pris
[4].
Lui-même
dans
ses
écrits
témoigne
qu'il
désirait
fondre
ensemble
toutes
les
nations
et
toutes
les
langues
par
la
charité
et
la
foi
de
Jésus,
et
ajoutait:
«Pour
moi
l'Arménien
est
comme
le
Latin,
le
Latin
comme
le
Grec,
le
Grec
comme
l'Egyptien
ou
le
Syrien»
[5].
Nous
possédons
le
manuscrit
authentique
(1195)
de
ses
pensées
sur
ce
sujet
écrit
dans
le
mémoire
de
la
Concordance
des
Evangiles
de
S.
Ephrem,
dans
lequel
il
a
même
posé
son
sceau,
que
nous
pourrions
nommer
le
sceau
de
la
douceur
de
son
cœur;
en
effet
le
sceau
porte
l'image
d'un
agneau.
En
considérant
les
si
féconds
travaux
de
son
esprit,
de
ses
mains
et
de
sa
langue,
comme
il
l'a
avoué
lui-même,
je
crois
devoir
affirmer,
qu'il
a
eu
l'infusion
des
grâces
divines
du
Saint-Esprit.
Une
preuve
qui
me
fait
croire
à
ce
que
j'avance
c'est
ce
que
je
le
tiens
de
lui-même:
car
il
dit
dans
son
premier
et
précieux
ouvrage,
les
Commentaires
de
la
Messe,
qu'il
écrivait
de
ses
propres
mains
«mais
selon
la
dictée
du
Saint-Esprit . . .
lorsque
j'avais
vingt-quatre
ans,
et
je
restais
dans
le
silence
et
dans
la
solitude
dans
les
montagnes
du
Taurus».
C'est
vraiment
un
moyen
propice
pour
l'effusion
des
grâces
du
Saint-Esprit,
que
le
silence
dédié
à
la
prière
et
à
la
retraite,
où,
semblable
à
Saint
Jean,
s'approchant
de
Jésus,
il
devenait
son
temple
et
s'avançait
dans
la
vertu,
de
toute
son
âme
et
de
tout
son
corps,
et
presque
comme
Saint
Jean
Baptiste,
étant
consacré
à
Dieu
du
sein
de
sa
mère.
Car
avant
sa
naissance
même,
ses
parents,
Ochine
son
père,
et
la
gracieuse
Chahantoukhte
sa
mère,
l'avaient
offert
à
Dieu
par
un
vœu
qu'ils
avaient
formé.
Plus
tard,
ils
eurent
l'idée
de
le
garder
chez
eux,
charmés
de
sa
vivacité
et
de
ses
qualités
aimables;
ils
voulaient
l'élever
dans
la
gloire
et
dans
les
honneurs
du
monde.
Mais
une
maladie
dangereuse,
dans
laquelle
l'enfant
faillit
mourir,
les
ravisa
et
les
retint
de
leur
dernière
décision.
La
mère
désespérée,
à
la
vue
du
visage
cadavérique
du
jeune
innocent,
courut
à
Sghévra,
et
s'adressant
à
la
Sainte
Vierge
vénérée
dans
ce
couvent,
elle
sauva
son
enfant
par
un
deuxième
vœu
rendu
irrévocable,
elle
le
délivra
de
la
mort
prochaine
et
de
la
perte
de
ses
mérites
dans
l'avenir
[6].
Dès
lors
sa
mère
le
consacra
tout
à
fait
à
Dieu,
l'instruisit
elle-même
et
le
fit
instruire
sous
la
direction
de
saints
personnages,
d'abord
dans
les
exercices
de
piété,
ensuite
dans
les
sciences
humaines,
donnant
ainsi
à
Dieu
ce
qui
est
de
Dieu,
et
conservant
pour
elle
ce
qui
est
de
la
mère.
De
cette
manière
elle
le
laissait
aller
dans
les
églises
et
dans
les
sanctuaires,
dans
les
ermitages
et
dans
les
couvents;
mais
elle
ne
lui
permettait
jamais
de
s'éloigner
trop
d'elle
dans
des
pays
lointains.
L'enfant
essaya
quelquefois
de
s'enfuir
secrètement
de
chez
ses
parents,
enflammé
de
l'amour
de
Dieu,
parcourant
les
chemins
escarpés
des
montagnes,
les
pieds
ensanglantés
et
meurtris,
les
vêtements
déchirés.
Son
intention
était
d'aller
à
la
province
de
Saint
Grégoire,
c'est-à-dire
à
Taranaghi,
dans
la
Haute
Arménie,
dans
la
retraite
où
ce
grand
saint
avait
passé
la
fin
de
sa
vie.
Pourtant
l'attention
et
la
vigilance
de
sa
mère
le
ramenait
toujours
à
la
maison:
et
cela
non
seulement
pendant
son
enfance,
mais
aussi
durant
son
sacerdoce
et
son
épiscopat.
Plusieurs
fois
son
amour
pour
les
choses
divines
le
conduisait
dans
les
déserts
et
dans
les
lieux
isolés,
mais
la
tendresse
de
ses
parents
l'obligeait
de
retourner
chez
lui
et
de
se
rendre
à
l'église
de
Tarsus.
Pendant
les
dernières
années
de
sa
vie,
quelques
évêques
soupçonneux
de
l'Arménie
orientale
l'ayant
calomnié,
il
eut
l'intention
d'aller
leur
parler,
de
disputer
avec
eux
et
de
chercher
à
les
persuader.
Toutefois
la
crainte
que
sa
famille,
par
tendresse,
ne
mit
un
obstacle
à
son
désir,
l'empêcha
de
mettre
son
projet
à
exécution.
Ainsi
Nersès
était
vraiment
aimé
de
Dieu
et
des
hommes
judicieux.
Autant
il
avançait
dans
la
vertu
de
la
charité,
autant
il
croissait
dans
le
prestige
de
ceux
qui
avaient
le
bonheur
de
l'entourer.
Il
cherchait
à
détourner
ses
admirateurs,
mais
cela
ne
lui
pouvait
réussir
que
difficilement.
Comme
il
est
impossible
d'empêcher
la
lumière
de
luire
aux
heures
de
midi,
de
même
l'est-il
pour
l'amour
et
la
grâce
qui
reluit
par
le
Seigneur.
Un
ancien
écrivain
judicieux
après
avoir
dit
pour
Nersès
de
Cla,
qu'après
l'Illuminateur,
Nersès
[7]
et
Sahag,
il
fut,
comme
le
premier,
un
second
Nersès
angélique,
qui
succéda
au
siège
patriarcal
de
ses
pères,
ajoute:
«C'est
de
sa
parenté,
ou
plutôt
de
son
école,
que
se
leva
et
brilla
après
lui,
par
une
doctrine
illuminée
et
une
vie
toute
pure,
son
neveu,
élevé
par
ses
propres
soins,
notre
saint
et
bienheureux
père
Nersès:
qui
a
mérité
qu'on
lui
attribue,
comme
au
fils
de
Zébédée,
le
beau
surnom
de
«Bien-aimé».
De
tout
cela
nous
sommes
obligés
à
conclure
que
selon
le
désir
prématuré
de
ses
parents,
le
Seigneur
lui
fit
le
don
d'un
génie
et
d'une
capacité
non
communs,
et
l'on
pourrait
dire
de
lui,
selon
notre
Jean
d'Otzoun
[8],
qu'il
était
un
enfant
d'un
esprit
vif
et
intelligent
et
déjà
dans
son
bas
âge
«il
méditait
et
pénétrait
de
toute
sa
volonté,
ce
qui
était
surnaturel
et
divin.
Lorsqu'il
entendait
parler
des
maîtres
érudits
et
savants
des
alentours
ou
des
pays
lointains,
il
y
courait
promptement
comme
un
oiseau
léger
et
intelligent,
volant
sur
les
prés
de
l'ancien
et
du
nouveau
testament»
etc. . . .
Peut-être
Nersès
pouvait-il
trouver
dans
les
monastères
célèbres
une
nourriture
suffisante
pour
son
esprit,
mais
pas
assez
pour
le
rassasier.
Il
fréquentait
pendant
sa
vie,
et
dans
ce
même
but
ses
compatriotes
et
les
étrangers
savants;
et
c'est
lui
qui
fut
le
premier
à
ouvrir
la
voie
de
traduire
du
latin
[9];
déjà
dès
son
enfance
par
les
soins
de
sa
mère,
il
s'était
instruit
dans
la
langue
grecque.
Il
fit
beaucoup
de
traductions
de
ces
deux
langues;
mais,
sans
doute
il
a
plus
lu
que
traduit.
Il
est
aussi
très
probable
qu'il
était
versé
non
seulement
dans
le
syrien,
mais
aussi
dans
l'hébreu,
et
toutes
ces
connaissances
furent
des
sources
de
sa
science
et
de
son
excellence.
Mais
plus
que
ces
dons
qui
luisaient
par
éclat,
il
en
eut
d'autres
intérieurs
qui
le
poussaient
à
l'avancement,
et
c'étaient
les
exercices
de
vertu,
une
conduite
toute
pure,
et
l'amour
de
la
prière.
Il
ne
s'épargnait
pas
les
mortifications
du
corps,
se
restreignant
même
dans
la
nourriture
nécessaire
et
dans
son
sommeil,
doublant
ainsi
le
temps
de
sa
courte
vie.
Selon
les
témoins
oculaires,
le
serviteur
qui
chaque
jour
lui
portait
à
manger,
retrouvait
le
jour
suivant
les
mets
intacts,
ou
à
peu
près,
sur
la
fenêtre
où
il
les
avait
placés:
le
saint
homme
souvent
ne
se
contentait
que
de
quelques
légumes.
Il
n'avait
ni
table
ni
lit;
«Il
ne
se
couchait
pas,
dit
son
biographe,
ni
pendant
le
jour,
ni
pendant
la
nuit.
Durant
la
journée
il
s'occupait
à
la
prière,
à
la
lecture
des
livres
saints,
à
l'instruction
et
aux
bonnes
œuvres;
pendant
la
nuit
il
payait
le
tribut
d'un
peu
de
sommeil
sur
une
chaise,
et
aussitôt
éveillé
il
se
mettait
à
la
prière ....
il
lisait
souvent,
il
apprenait
toujours,
et
écrivait
sans
cesse
le
jour
et
la
nuit».
Il
est
à
propos
de
dire
que
le
temps
qu'il
gagnait
en
sacrifiant
son
sommeil,
il
le
passait
dans
les
méditations
et
dans
des
explications
des
livres
saints.
A
ce
point,
Grégoire,
son
panégyriste,
fait
une
bonne
réflexion
lorsqu'il
dit:
«Si
je
passais
outre
tous
ses
dons
célestes,
celui
de
la
grâce
de
commentateur
suffirait
pour
étonner
les
lecteurs»
[10]:
et
après:
«Si
quelqu'un
désire
comprendre
les
profondeurs
inscrutables
du
Seigneur,
qu'il
le
lise
(qu'il
lise
Nersès)»
[11].
Ainsi,
l'objet
des
désirs
et
des
efforts
du
Saint,
était
non
seulement
de
pénétrer
dans
le
sens
des
écritures
saintes,
mais
encore
de
les
communiquer
à
d'autres,
surtout
aux
prêtres
et
aux
moines.
Il
écrivit
pour
les
premiers
les
Commentaires
de
la
Messe,
les
Réflexions
sur
la
foi
et
sur
les
ordres
de
l'Eglise,
qui
sont
généralement
unies
avec
celles
de
la
Messe,
et
les
Canons
de
diverses
Bénédictions
qui
manquaient
dans
le
Rituel
arménien».
Il
traduisit
du
latin
les
Livres
des
Ordres
de
l'Eglise
latine,
les
Lois
de
l'Eglise
Romaine
et
les
traités
des
cinq
patriarcats
de
Nil,
dit
le
Doxopatrios,
de
la
fin
du
onzième
siècle.
Pour
les
moines,
il
a
assemblé
et
développé
les
Vies
des
Pères;
il
traduisit
les
Dialogues
du
Pape
Saint
Grégoire,
les
Règles
de
saint
Benoît
et
les
Constitutions
particulières
du
Couvent,
rédigées
par
le
P.
Berenger,
du
même
ordre
[12].
Il
veillait
avec
soin
sur
la
conduite
des
moines,
lui
qui
aimait
dès
son
enfance
à
se
retirer
dans
les
solitudes
des
monts
de
la
Cilicie,
près
des
cours
paisibles
des
eaux
du
Cydnus
et
du
Jéragri(?).
Il
obtint
la
fortune
touchante
et
rare
de
consacrer
par
ses
propres
mains
et
de
vouer
au
Seigneur
celle
qui
lui
donna
le
jour
et
qui
l'avait
donné
à
Dieu
depuis
son
enfance.
Il
la
régénéra
spirituellement
en
l'introduisant,
avec
ses
deux
sœurs,
Dalitha
et
Suzanne,
sous
un
même
toit
religieux
comme
une
paire
de
colombes
ou
de
tourterelles,
dont
les
prières
ferventes
durant
sa
vie,
et
les
soupirs
après
sa
mort,
montaient
de
dessus
son
tombeau
vers
le
ciel.
Il
a
composé
pour
l'office
de
l'église
et
pour
les
personnes
dévotes,
outre
les
différents
commentaires
des
Livres
Saints,
aussi
une
interprétation
du
Bréviaire
[13]
et
des
prières
de
l'Eglise;
il
a
résolu
les
questions
et
les
doutes
sur
des
passages
difficiles
des
saints
Pères,
comme
ceux
de
saint
Denis
et
de
Saint
Grégoire
de
Nareg,
ainsi
que
d'autres
questions
théologiques,
difficiles
même
aux
savants.
Au
nombre
de
celles-ci
sont
celles
qui
regardent
le
Baptême
des
catéchumènes,
l'Extrême-onction,
et
la
vigile
de
Pâques.
De
plus,
il
a
composé
des
Vies
et
des
Martyrologes
des
Saints.
Il
a
écrit
pour
les
évêques
ses
confrères,
son
grand
discours
d'ouverture
dans
le
Concile
de
Rom-Cla
et
la
Cause
des
Epîtres
pour
l'union
des
Arméniens
et
des
Grecs,
à
la
demande
de
Héthoum
son
frère;
son
Message
à
Constantinople
(1197)
un
peu
avant
sa
mort,
où
il
parla
aux
Docteurs
grecs
si
éloquemment,
d'un
cœur
et
d'un
esprit
si
droit,
et,
en
même
temps
si
animé
par
un
zèle
patriotique,
qu'ils
lui
cédèrent
dans
diverses
questions
avec
des
applaudissements
mérités.
Comme
unique
moyen
d'union
il
proposait
aux
Grecs
quelques
conditions;
il
consterna
et
ferma
la
bouche
à
ceux
qui
ne
voulaient
pas
se
plier,
ni
s'éloigner
un
tant
soit
peu
de
certaines
de
leurs
coutumes
qui
étaient
non
seulement
contraires
aux
Arméniens
mais
aussi
aux
Romains.
Nersès
retourna
sinon
avec
profit,
ce
qui
ne
dépendait
pas
de
lui,
du
moins
avec
la
victoire
de
son
rigoureux
raisonnement
et
avec
les
éloges
de
ses
contradicteurs
mêmes
[14].
Il
s'en
retourna
mécontent
et
affligé
pour
leurs
mœurs
orgueilleuses,
comme
il
le
dit
lui-même,
dans
un
mémoire,
les
ayant
trouvés
ignorant
tout
à
fait
la
correspondance
qui,
dans
les
temps
anciens,
avait
eu
lieu
entre
les
deux
nations
sur
ces
questions
religieuses;
puis
il
ajoute,
qu'ils
étaient
très
grossiers
dans
leurs
paroles,
«difficiles
et
attachés
à
la
matière
à
la
manière
des
Juifs,
ne
voulant
pas
servir
Dieu
par
le
renouvellement
de
l'Esprit
mais
par
antiquité
de
ce
qui
est
écrit.
Tout
affligés
dans
notre
vouloir
spirituel,
nous
sommes
retournés
remplis
de
confusion
et
désespérés
de
leur
sagesse
supposée».
Il
faut
juger
que
c'est
pour
ces
mêmes
besoins
spirituels
qu'il
a
fait
la
traduction
des
épîtres
des
papes
Lucius
III
et
Clément
III,
dirigées
au
Catholicos
et
au
roi
Léon,
et
dont
les
originaux
manquent
dans
les
archives
du
Vatican.
Ajoutons
encore
les
Epîtres
adressées
pour
éclairer
les
esprits
et
les
opinions
de
quelques-uns,
comme
celles
au
moine
Oscan,
à
Jacques
le
Syrien,
et
celle
au
roi
Léon,
contre
les
accusations
des
moines
de
Haghpade.
Cette
dernière
pièce
est
très
souvent
citée
et
on
peut
la
comparer
à
l'apologie
personnelle
de
Cicéron.
Nous
pourrions
encore
ajouter
à
tout
cela
ses
traductions
des
restes
des
Ecritures
Saintes
et
d'autres
livres
qui
s'y
approchent,
telles
que
l'Apocalypse
de
Saint
Jean
et
son
Commentaire
par
André,
évêque
de
Crète;
l'Epître
de
l'apôtre
Barnabé
que
nous
indique
sa
remarque
personnelle
au-dessous
de
la
marge
d'une
copie
de
l'original
grec
[15]
qu'on
conserve
au
Vatican.
Pourtant
la
traduction
arménienne
n'a
pas
encore
paru.
Il
a
encore,
fait
pour
des
personnes
civiles
et
politiques,
des
traductions
des
Codes
des
empereurs
grecs,
Léon,
Constant
et
d'autres
[16];
leurs
Lois
civiles
et
militaires,
dont
il
se
servait
pour
exhorter
les
soldats
arméniens
[17];
l'Ordre
de
la
Bénédiction
des
rois
et
des
empereurs,
traduit
du
latin;
le
livre
d'Anatomie
selon
témoignage
de
celui
qui
a
écrit
un
abrégé
de
sa
vie;
on
croit
que
c'est
le
Commentaire
du
livre
de
Saint
Grégoire
de
Nysse.
Il
a
encore
d'autres
traductions,
et,
combien
n'y
en
aura-t-il
pas
de
perdues!
S'il
ne
pouvait
entreprendre
une
traduction
ou
un
ouvrage,
il
le
chargeait
d'autres
personnes
de
le
composer
ou
de
le
traduire.
Non
moins
qu'à
ses
travaux
littéraires
il
faut
prêter
foi,
sans
aucun
doute,
sur
ce
qu'attestent
ses
biographes,
pour
tout
ce
qu'il
a
fait
pour
les
réformes
du
clergé
et
des
constructions
des
églises
et
leurs
décorations,
en
y
ajoutant
encore
les
descriptions
des
images
et
des
mystères
de
la
rédemption.
Il
remit
à
leur
place
les
ornements
des
églises
qui
avaient
été
supprimés
d'une
manière
ou
d'autre.
Il
dépensa
pour
chacune
de
ces
deux
œvres,
l'embellissement
littéraire
et
ecclésiastique,
le
tiers
des
30,
000
besants
d'or,
sans
en
compter
beaucoup
d'autres,
que
pour
cette
fin
il
avait
reçus
de
son
père
Ochine,
dans
ses
premières
années
[18].
Non
seulement
il
augmenta
les
ornements
des
temples
du
Seigneur,
mais
encore
il
multiplia
le
nombre
des
églises,
—
si
nous
pouvions
interpréter
ainsi
les
paroles
vagues
de
l'historien
Gyriaque,
qui,
peut-être,
avait
visité
ces
bâtiments:
—
«Il
construisit,
dit-il,
des
églises
magnifiques
dans
le
couvent
qui
s'appelle
Sghévra,
près
de
l'inaccessible
forteresse
de
Lambroun».
Il
distribua
une
autre
partie
des
30,
000
besants
d'or,
à
ses
chers
amis,
les
pauvres,
comme
à
des
personnes
plus
intimement
attachées
au
Christ
et
à
lui;
il
ne
se
contenta
pas
seulement
de
cela,
mais
il
leur
donnait
tout
ce
qui
lui
tombait
dans
les
mains.
Il
prit
l'habitude
de
distribuer
le
mercredi
et
le
vendredi,
à
la
porte
de
la
cathédrale
de
Tarse,
du
pain
et
de
fèves,
à
trois
cents
indigents,
qui
arrivaient
quelquefois
au
nombre
de
quatre
cents,
comme
il
en
parle
dans
son
épître
à
Léon
et
comme
d'autres
personnes
le
rapportent.
Faut-il
pénétrer,
après
tout
ce
que
nous
venons
de
dire,
à
la
profondeur
de
son
cœur,
au
centre
du
foyer
de
son
amour
pour
Dieu!
à
cette
charité
ardente
qui
jetait
de
si
vifs
éclats
dans
toutes
ses
œuvres,
dans
ses
paroles
et
sur
son
visage!
Je
me
confonds
lorsque
je
cherche
à
me
pénétrer
dans
ce
foyer
sacré,
pour
en
donner
quelques
explications:
et
je
crois
impossible
qu'un
tel
personnage,
qui
se
mortifia
et
macéra
son
corps,
qui
dédaigna
tout
bien-être
du
monde,
et
qui
en
même
temps
aima
tout
le
monde,
n'ait
pas
été
converti
effectivement
à
l'image
de
Dieu,
et
ne
soit
pas
devenu
tout
saint,
tout
ange.
Et
si
tout
ce
que
nous
avons
dit
jusqu'à
présent
n'est
pas
suffisant
pour
convaincre,
ni
même
les
temoignages
de
ses
biographes
[19],
qui
nous
en
ont
fait
part,
il
suffit
de
se
rapporter
au
respect
des
étrangers,
qui
surpassait,
peut-être,
celui
de
ses
compatriotes,
et
qui
honoraient
dans
la
personne
de
Saint
Nersès
un
second
Paul
de
Tarse.
Nous
avons
en
outre
le
témoignage
de
l'adroit
et
intelligent
roi
Léon,
qui
le
proposait
au
siége
de
catholicosat,
et
même
sa
propre
confession
involontaire
pour
ses
travaux,
son
estime
et
sa
réputation;
confession
qu'il
fut
obligé
d'inserer
dans
son
épître
au
roi,
afin
de
rompre
une
fois
le
silence,
l'indulgence
et
les
prières
qu'il
adressait
pour
ses
calomniateurs
insensés
des
couvents
de
Haghpat
et
d'Ani,
qui
le
persécutaient
de
loin
par
de
noires
calomnies
et
qu'ils
faisaient
parvenir
jusqu'au
roi.
Nersès
se
vit
contraint,
pour
faire
connaître
son
état
au
prince,
de
lui
déclarer,
non
seulement
l'ignorance
de
ces
contradicteurs,
mais
encore
leurs
mœurs
corrompues
[20].
Mais
plus
qu'à
tout
cela
il
faut
se
rapporter
à
ses
contemplations,
à
ses
admirations:
il
affectionne
particulièrement
les
exemples
et
les
écrits
des
personnes
d'une
vie
toute
pure,
édifiante,
angélique,
comme
Saint
Jean
l'Evangéliste
et
Saint
Grégoire
de
Nareg:
c'est
vraiment
le
cas
d'affirmer
ici
que
chacun
aime
ses
semblables:
et
encore
plus
à
ses
paroles,
à
ses
désirs
tout
divins,
qui
lui
échappaient
assez
souvent
de
sa
plume,
et
qui
ne
sont
que
des
saintes
saillies.
En
verité,
un
saint
et
un
grand
saint
seul
pouvait
dire
et
écrire
franchement:
«J'ai
soif
de
toi,
ô
Jésus;
je
te
désire
ardemment;
j'ai
soif
de
boire
des
deux
ruisseaux
de
ton
côté
et
m'enivrer
de
leurs
sources;
je
suis
ravi
par
ton
amour;
je
soupire
de
voir
ta
face! ...
Mon
âme
languit
de
ton
ineffable
amour...
je
m'anéantis
quand
je
te
regarde!...
Quand
viendrai-je
à
te
voir!».
Et
d'autres
semblables
aspirations.
Grégoire
de
Sghévra
l'ayant
entendu
plusieurs
fois
les
répéter
avec
des
soupirs,
écrivait:
«Nersès
s'écriait,
de
fait,
en
les
écrivant:
Quand
viendrai-je
à
te
voir!...
».
Ainsi
l'amour
vers
J.
C.
faisait
couler
des
yeux
de
son
bien-aimé
Nersès
des
ruisseaux
continuels.
Une
personne
qui
l'aimait
le
plus,
son
serviteur
et
son
disciple,
Khatchadour,
les
appelle
Torrents
de
larmes;
gémissements
continuels,
des
sources
intarissables!
«Et
qui
est
qui
voyant
ses
torrents
de
larmes,
ne
recueille
pas
de
fruits
des
biens
impérissables?
Qui
regardant
la
forme
de
ses
signes
sensibles,
ne
se
transporterait
à
la
vue
des
Séraphins
immatérielles?
Car
la
splendeur
pudique
et
l'éclat
éblouissant
de
son
visage,
déclarait
qu'il
se
trouvait
en
présence
de
Dieu;
et
les
larmes
qu'il
versait
doucement,
inspiraient
aux
spectateurs
la
passion
du
Sauveur
et
la
science
de
la
Croix»
[21].
Autant
son
amour
grandissait,
autant
le
torrent
de
ses
larmes
devenait
plus
abondant:
et
«quelques-uns
disent,
qu'on
avait
l'habitude,
pendant
qu'il
offrait
le
saint
sacrifice
de
la
Messe,
de
mettre
un
linge
sur
sa
poitrine...
et
que
le
diacre
l'essuyait
deux
ou
trois
fois»
[22].
O
admirable
éponge
d'amour
divin!
Nersès
lui-même
témoigne
trois
fois
dans
sa
lettre
au
roi
Léon,
qu'il
restait
devant
Dieu
«en
versant
sans
cesse
des
larmes»;
et
puis:
«illuminé
de
plus
par
la
magnificence
divine,
je
verse
des
larmes
devant
Dieu
le
Pére».
Il
a
encore
beaucoup
d'autres
passages
dans
le
Commentaire
des
Psaumes
qui
laissent
apercevoir
la
ferveur
de
cet
amour,
qui
se
traduisait
par
ces
larmes:
et
nous
concluons
par
ses
brèves
paroles:
«Ce
n'est
pas
celui
qui
craint
Dieu,
ni
celui
qui
le
contemple
qui
peut
voir
Dieu,
mais
celui
qui
l'aime».
Combien
devait
être
attrayant
et
admirable
le
sourire
du
miroir
extérieur
de
son
cœur,
c'est-à-dire,
l'aspect
de
son
visage
!
et
combien
«ce
doux
modèle
faisait
apercevoir
son
attouchement
à
l'amour
véritable»
[23]
!
Mais
autant
la
charité
est
douce
pour
l'âme,
autant
elle
est
un
tourment
pour
le
corps
de
la
personne
vertueuse.
Et
comment
le
couvercle
matériel
de
celui
qui
portait
dans
son
âme
une
si
grande
dévotion
et
le
feu
d'un
tel
amour,
aurait-il
pu
persister
longtemps?
Ainsi
du
bien-aimé
Nersès
ne
pouvait-on
espérer
une
longue
vie,
tant
désirée
par
nous.
«Avec
tant
de
vertus,
disait
à
propos,
Grégoire
de
Sghévra,
de
jour
en
jour
Nersès
jaillissait
comme
une
source,
s'avançait
comme
un
fleuve,
s'étendait
comme
une
mer»!
Mais
enfin
il
fallait
qu'il
arrivât
dans
peu
à
l'embouchure,
pour
se
précipiter
de
toute
sa
force,
dans
l'immense
océan
de
la
Divinité.
Nersès,
qui
avait
passé
une
vie
sublime,
devait
avoir
aussi
une
fin
sublime;
il
l'avait
pressentie,
comme
par
une
révélation
d'en
haut.
Ce
signe
était
une
douleur
légère
qui
devait
délier
les
liens
de
sa
vie.
Et
comme
en
tant
de
rapports
il
fut
semblable
à
Saint
Jean
Crysostome,
dans
l'ardeur
de
son
cœur,
dans
la
ferveur
de
son
âme,
dans
la
fécondité
et
dans
la
force
de
ses
paroles
et
de
ses
écrits,
dans
l'interprétation
des
livres
saints,
dans
la
longanimité
magnanime
et
dans
l'indulgence
envers
ses
détracteurs
et
ses
calomniateurs,
il
lui
fut
encore
semblable
dans
l'accomplissement
des
lois
de
la
mort.
«Il
se
remplit,
—
dit
son
biographe,
—
d'une
joie
ineffable;
revêtit
les
vêtements
sacrés
et
offrit
le
saint
sacrifice,
et
après
s'être
communié
du
mystère
vivifiant
et
expiatoire,
dont
il
ne
s'était
jamais
désisté,
il
appela
ses
frères,
leur
parla
de
sa
mort;
et
après
avoir
brièvement
répété
ses
conseils
à
ses
fils
bien-aimés,
il
les
exhorta
à
y
rester
fermement
fidèles. ...
Et
tandis
que
ceux
qui
étaient
présents
pleuraient
et
gémissaient
avec
une
douleur
excessive,
en
entendant
ce
touchant
adieu,
il
éleva
ses
yeux
vers
le
ciel,
d'où
il
ne
les
avait
jamais
abaissés...
et
d'un
visage
gai,
et
d'une
joie
qui
lui
faisait
couler
les
larmes,
il
dit:
O
Jésus,
je
remets
mon
âme
dans
tes
mains.
Et
à
l'instant
son
âme
pure
s'envola
dans
le
sein
du
Dieu
qu'il
avait
toujours
si
ardemment
désiré».
Il
est
juste
d'ajouter
ici,
que
ce
n'est
pas
lui
qui
eut
peur
de
la
mort,
mais
plutôt
la
mort
qui
eut
peur
de
lui;
lui
qui
disait
et
écrivait
d'avance
(Comment.
Psaume
CVI):
«Personne
ne
descend
de
l'amour
à
la
peur,
mais
de
la
peur
on
s'élève
à
l'amour».
Selon
les
assertions
d'un
biographe
contemporain,
Nersès
avait
toujours
Jésus-Christ
présent:
il
était
le
but
de
ses
aspirations
et
comme
son
archétype;
et
selon
un
autre:
«Il
fut
placé
au
milieu
comme
un
miroir
pour
tout
le
monde
par
Celui
qui
a
créé
tous
les
hommes».
Et
son
neveu
également
appelé
Nersès,
également
écrivain
et
élevé
par
ses
soins,
s'écrie
emporté
d'amiration:
«O
admirable
force
de
l'Esprit
Saint,
qui
souffle
où
il
veut,
donnant
aux
siens
sans
mesure,
ce
qui
est
propre
à
lui-même».
Ce
même
prêtre
Nersès,
son
élève,
portait
dignement
le
nom
et
l'esprit
de
son
oncle;
après
la
mort
duquel
il
devint
le
disciple
de
Grégoire
de
Sghévra,
et
sur
ses
instances
ce
dernier
écrivit
le
panégyrique
du
Saint.
Tous
deux
témoignent
d'accord
que
les
personnes
honnêtes
et
pieuses
ne
tardèrent
pas
à
célébrer
le
jour
glorieux
de
sa
mort,
qui
tomba
le
14
juillet,
1198.
C'est
la
seule
personne
dans
l'ordre
de
l'épiscopat
arménien,
qui
soit
indiquée
dans
le
calendrier
parmi
les
défunts
de
la
famille
royale:
«Aujourd'hui
se
reposa
en
J.
C.
le
Saint
Père
Nersès
de
Lambroun,
l'archevêque»;
et
parmi
les
soixante
défunts
dont
les
noms
sont
inscrits
dans
ce
livre,
(Ménologe),
il
est
le
seul
à
qui
soit
attribué
le
titre
de
saint.
La
seule
consolation
et
la
seule
joie
qui
resta
à
tant
de
personnes
désintéressées
et
pieuses
qui
avaient
été
témoins
oculaires
du
saint
homme
et
qui
avaient
entendu
sa
voix,
fut
le
souvenir
de
la
sainteté
et
des
œuvres
de
celui
qui,
durant
sa
vie
même,
parmi
les
nombreuses
grâces
dont
il
avait
été
enrichi,
avait
encore
possédé
le
«don
des
miracles....
entre
autres
celui,
de
chasser
les
démons,
et
de
guérir
les
malades»;
comme
le
témoignent
son
biographe
contemporain
et
Grégoire
de
Sghévra.
Cependant
si
la
sainteté
de
Nersès
causa
de
la
joie
à
tous
ceux
qui
étaient
présents,
sa
mort
les
laissa
tous
accablés
d'une
grande
douleur:
ils
se
voyaient
privés
d'un
grand
saint
et
d'un
grand
écrivain,
et
restaient
abandonnés
comme
des
orphelins.
Qui
pourrait
mettre
en
doute
ou
décrire
l'affliction
et
la
consternation
de
ses
parents,
de
ses
proches
et
de
ses
disciples,
et
de
sa
mère
Chahantoukhte,
qui,
(peut-être),
vivait
encore,
cependant
la
dernière
mention
qui
en
soit
faite
dans
l'histoire
remonte
à
huit
années
avant
la
mort
de
son
fils.
Une
chose
aussi
nous
semble
extraordinaire,
c'est
que
ses
admirateurs
nous
font
un
récit
très
court,
ou
passent
sous
silence
les
cérémonies
qui
se
firent
à
ses
funérailles.
Grégoire
de
Sghévra
seulement
nous
a
laissé
ce
qui
suit:
«On
lui
paya
le
tribut
légitime:
les
prêtres
le
conduisirent
au
lieu
du
repos
en
chantant
des
psaumes
et
des
bénédictions
sacerdotales.
Celui
qui
était
devenu
le
temple
de
la
très
Sainte
Trinité
avec
une
pureté
éclatante,
on
le
remettait
avec
de
grands
honneurs
dans
un
tombeau
dans
le
temple
du
Seigneur;
on
plaçait
le
Saint
dans
le
sanctuaire
des
Saints,
et
on
fixait
sa
fête
au
quatorze
juillet
de
chaque
année».
Le
neveu
de
Saint
Nersès
nous
informe
que
le
lieu
de
son
repos
fut
à
Sghévra;
mais
il
paraît
aussi
qu'une
partie
de
ses
restes
sacrés
fut
offerte
au
sanctuaire
de
Tarsus;
car
on
faisait
ainsi
aux
personnes
illustres
et
à
celles
qu'on
aimait
et
qu'on
vénérait,
et
qui
tour
à
tour
avaient
habité
dans
ces
deux
lieux:
c'est
ainsi
q'on
le
fit
aussi
avec
le
roi
Léon.
J'ignore
le
nom
de
celui
qui
a
prononcé
le
panégyrique
le
jour
de
ses
funérailles
ou
de
l'anniversaire
de
sa
mort,
mais
certainement
ce
fut
dans
les
premiers
jours
du
deuil
que
son
serviteur
et
son
disciple
Khatchadour
composa
ses
lamentations
rimées
en
langue
vulgaire,
qui
sont
profondément
touchantes,
surtout
par
ses
exclamations
au
commencement
et
à
la
fin
de
ces
lignes,
inimitables
et
uniques
en
leur
genre,
dans
notre
littérature
arménienne.
Je
ne
doute
pas
qu'on
lira
avec
attention
et
avec
plaisir
et
attendrissement
ces
paroles
touchantes.
Oui,
tous
ceux
qui
l'auront
connu
devront
aimer
le
bien-aimé
Nersès
de
Lambroun;
et
pourrait-on
ne
pas
l'aimer
quand
on
à
un
esprit
et
un
cœur!
LAMENTATIONS
SUR
SAINT
NERSÈS
ARCHEVÊQUE
DE
TARSE
Prononcées
par
le
Ministre
Khatchadour
son
élève.
«Am
!
Oh!
je
laisse
de
côté
la
peur,
j'oublie
la
honte,
Je
rends
honneur
à
mon
étincelant
Maître.
Je
lui
paie
le
tribut
de
m'avoir
nourri.
Je
m'en
souviens
et
j'y
reviens
par
esprit.
Lorsque
je
me
suis
rappelé
de
mon
Maître,
mon
appui,
Ma
lumière
s'est
éteinte,
ma
force
m'a
abandonné.
Mon
esprit
et
mon
âme
sont
confondus.
Je
me
rappelle
mon
maître
dans
le
Scikiron(?)
Je
me
rappelle
mon
maître
dans
Grégoire
de
Nareg
[24].
Je
me
rappelle
mon
maître
devant
la
lampe:
Je
me
rappelle
mon
maître
dans
l'église:
Je
me
rappelle
mon
maître
dans
la
sacristie:
Je
me
rappelle
mon
maître
dans
sa
chasuble»
Je
me
rappelle
mon
maître
devant
le
saint
autel
Je
me
rappelle
mon
maître
durant
la
sainte
messe.
C'est
à
vous
que
je
parle,
(prophètes)
de
l'Ancien
Testament,
Venez,
pleurons
ensemble,
vous
n'êtes
plus
bons
à
rien.
Viens,
Salomon,
toi
qui
ne
sers
à
rien;
Viens,
Daniel,
toi
qui
es
délaissé;
Viens,
Genèse,
pleure
toi
qui
as
été
fermée;
Viens,
David,
qui
n'as
pas
été
vaincu(?)
Je
prends
saint
Jean,
fils
du
Tonnerre,
pour
compagnon
de
mes
larmes,
Moi,
j'ai
entendu
amèrement
le
jour
de
la
confusion.
Vous
qui
pleurez,
(auteurs
des)
épîtres
catholiques,
Venez,
soyez
les
compagnons
de
mes
pleurs;
Nous
n'avons
plus
le
maître
qui
nous
les
fasse
comprendre,
Ni
un
autre
écrivain
qui
les
renouvelle.
Viens,
ô
apôtre
de
Tarse
(S.
Paul)
Prends,
et
recueille
les
discours
que
j'ai
entendus.
Viens
Athanase,
compagnon
de
mes
pleurs,
Ce
sont
vos
oraisons
de
la
Messe.
Mais
mon
maître
vigilant
ne
paraît
point;
Plus
de
Commentaires,
plus
d'explication,
On
n'entend
plus
le
Prédicateur
illuminé:
On
ne
trouve
plus
un
maître
comme
toi.
Plus
de
personne
qui
s'enflamme
de
tes
paroles;
Tes
ailes
vigilantes
ne
s'étendent
plus;
Tes
yeux
veillants
ne
se
tournoient
plus,
Les
torrents
de
larmes
n'en
descendent
plus.
On
n'entend
plus
tes
gémissements
touchants.
Je
crie
au
couvent
qui
n'a
plus
de
pasteur:
Il
a
besoin
d'un
pasteur
vigilant;
Par
Dieu!
j'ai
écrit
cela
(sans
en
douter).
Qui
que
ce
soit,
personne
ne
deviendra
comme
lui».
Mon
maître
était
vigilant
partout,
Il
était
versé
et
pratique
dans
toute
science;
Il
était
saint
de
vie
et
non
négligé.
Dans
sa
conduite
il
était
pur
comme
Moïse;
Par
son
cœur,
compatissant
comme
Paul;
Aimant
les
pauvres
comme
Jésus.
Nersès
était
une
couronne
dans
l'église,
Il
encourageait
tous
vers
le
bien.
Nersès
ne
condescendait
pas
aux
indolents:
Il
était
doux
et
paisible
pour
le
bien
des
éveillés.
Nersès
veillait
pendant
la
nuit,
Il
passait
toute
la
nuit
sans
dormir;
En
récitant
les
prières
nocturnes
selon
les
règlements:
Ensuite
il
mettait
en
ordre
ce
qu'on
devait
faire.
Il
méditait,
après
quoi
il
rédigeait
par
écrit;
Au
point
du
jour,
il
commençait
l'office
de
la
Messe.
Nersès
était
un
fléau
contre
le
vice;
Aucune
mauvaise
pensée
n'a
jamais
pénétré
en
lui,
Il
était
tout
à
fait
joyeux
durant
la
messe;
Indulgent
et
obligeant
envers
tous
les
frères.
Nersès
avait
une
source
intarissable
dans
sa
tête
excellente:
Il
s'attendrissait
sans
cesse
envers
tous,
Il
pleurait
sans
cesse
pendant
la
Messe.
Nersès
se
confiait
dans
l'amour
de
Jésus,
Il
ouvrait
l'église
aux
pécheurs;
Il
se
souvenait
des
paroles
du
Sauveur,
Je
suis
venu
pour
les
pécheurs.
Nersès,
soigneux
pour
les
veuves,
Etait
un
refuge
pour
les
orphelins,
Pour
les
riches
un
modèle
de
bien,
Pour
les
pauvres
un
hôtel
de
repos.
Hélas!
pour
la
pensée
qui
cessa;
Hélas!
pour
la
plume
qui
devint
inutile;
Hélas!
pour
le
discours
qui
manqua;
Hélas!
pour
le
visage
qui
se
flétrit;
Hélas!
pour
la
parole
qui
fut
dissoute.
Hélas,
pour
nous
ses
serviteurs
qui
sommes
restés
orphelins.
O
toi,
mon
maître,
tu
as
trouvé
celui
que
tu
as
désiré;
Toi,
mon
maître,
tu
es
arrivé
près
de
Celui
que
tu
souhaitais;
Toi,
mon
maître,
tu
as
recueilli
ce
que
tu
as
semé.
Toi,
mon
maître,
tu
vois
Celui
pour
lequel
tu
t'efforçais;
Toi,
mon
maître,
tu
fus
donné
à
qui
tu
était
dédié,
Toi,
mon
maître,
tu
te
repose,
car
tu
as
travaillé!
Je
te
prie
ô
toi
mon
bon
Maître,
Moi,
ton
serviteur
élevé
par
tes
mains;
Moi,
qui
ai
écrit
ces
paroles
plaintives.
Je
sais
que
tu
es
à
présent
près
de
Jésus:
Prie
avec
ferveur,
en
l'adorant,
pour
moi;
Fais
des
prières
avec
instance
Que
je
retourne
à
la
terre;
la
vie
ne
m'est
plus
nécessaire».
Après
avoir
dédié
à
Saint
Nersès
de
Lambroun
ce
petit
chapitre,
tribut
de
reconnaissance,
tournons
une
dernière
fois
les
yeux
sur
les
restes
du
château
qui
l'a
vu
naître,
et
reste
caché
dans
l'histoire
pendant
trois
siècles
et
demi,
jusqu'aux
nouvelles
exploitations
faites
dans
les
derniers
temps
par
Langlois
et
autres.
J'ignore
les
événements
qui
y
ont
eu
lieu
depuis
la
moitié
du
XIV
e
siècle
jusqu'à
la
fin
du
XVII
e.
Les
Mahométans
ont
appelé
et
appellent
encore
ce
château
la
Forteresse
des
Géants,
(p.
102.
Vue
des
portes
de
la
Forteresse
de
Lambroun)
soit
à
cause
de
son
éminente
position
et
de
ses
fortifications,
soit
à
cause
d'exploits
traditionnels;
ou
mieux
encore
des
souvenirs
glorieux
de
ses
premiers
Seigneurs,
et
surtout
de
l'immortel
Nersès.
Au
mois
de
janvier,
l'année
1706,
le
voyageur
français
Paul
Lucas,
qui
avait
parcouru
plusieurs
des
territoires,
vint
à
Tarse.
Il
examina
du
côté
de
la
plaine,
cette
grande
forteresse,
qu'il
trouve
à
trois
lieues
loin
de
la
ville,
et
il
écrit
plein
d'admiration:
«Il
y
a
en
bas
de
la
ville
(Nemrod)
«trois
grands
gradins,
du
côté
d'où
l'on
voit
la
porte;
ils
sont
de
trente
à
quarante
pieds
de
hauteur
chacun!
et
sont
faits
sans
doute
à
proportion
des
jambes
de
ceux
qui
les
montaient
—
(sans
doute
il
écrit
ceci
par
plaisanterie):
—
c'était
par
là
que
les
Géants
descendaient
dans
la
plaine.
Ce
qu'il
y
a
de
certain,
c'est
que
les
portes
que
j'ai
vues
de
mes
propres
yeux,
ont
plus
de
cent
pieds
de
haut
chacune;
et
que
les
bâtiments
que
l'on
remarque
sur
la
montagne,
sont
d'une
grandeur
absolument
prodigieuse.....
Ces
monuments
sont
des
plus
merveilleux
de
l'antiquité.
L'on
voit,
dans
ce
qui
paraît
être
la
ville,
des
tours
qui
surpassent
encore
infiniment
les
autres
édifices
par
leur
hauteur:
jamais
je
n'en
avais
vu
de
si
élevées».
A
une
petite
distance
des
autres
édifices
de
Lambroun
le
P.
Sibilian,
le
dernier
visiteur
de
ces
places,
a
vu
une
tour
carrée
plus
grande,
ou
si
l'on
veut
un
grand
édifice
qui
a
la
forme
d'une
tour,
appelée
Sinab-Kalé.
C'est
comme
un
donjon
isolé,
à
la
partie
supérieure
duquel
on
avait
disposé
une
chapelle;
la
partie
inférieure
était
un
lieu
de
refuge.
Je
ne
peux
pas
concevoir
à
quoi
servait
cet
édifice
dans
les
temps
anciens,
ni
quel
était
son
nom:
pourtant
il
était
compté
dans
l'apanage
de
Lam-broun.
Près
de
ce
château-fort
et
entre
la
forteresse
il
y
avait
une
autre
place
habitée,
située
au
nord-est
de
la
montagne
Armén,
nommé
Hovani-acarag,
c'est-à-dire
Villa
de
Jean.
Il
y
avait
là
certainement
un
couvent
de
solitaires,
car
ce
lieu
est
parfois
appelé
Lieu
de
silence
et
aussi
Ermitage,
quelquefois
du
nom
de
Jean,
ou
du
nom
de
la
montagne
Armén.
Ainsi,
Etienne
Kouyner,
célèbre
miniaturiste
et
intelligent
écrivain,
lorsqu'il
copiait
en
1290,
un
évangile,
écrivait:
«Dans
une
chambre
de
l'ermitage,
au
flanc
nord
de
la
montagne
qui
s'appelle
Armén».
Ce
même
écrivain,
qui
est
cité
trois
fois
dans
l'ermitage
d'Armén,
est
cité
encore
d'autres
fois
dans
les
limites
de
ce
dernier,
comme
dans
le
couvent
de
Sghévra
et
ailleurs;
sa
patrie
était
Gaïdzaron,
localité
inconnue.
Il
était
l'un
des
écrivains
les
plus
savants
de
son
temps:
quelques-uns
des
livres
qu'il
a
copiés
ou
composés
sont
parvenus
jusqu'à
nous.
On
trouve
mentionné
en
1271,
un
noble
chevalier,
qui
porte
le
même
nom,
Sire
Kouyner;
peut-être
était-il
parent
ou
frère
d'Etienne.
[1]
Son
plus
fidèle
ami,
son
disciple
et
serviteur,
Khatchadour,
jure
au
nom
de
Dieu,
que
personne
qui
que
ce
soit
ne
saurait
égaler
Nersès:
et
il
est
parfaitement
justifié
jusqu'à
nos
jours.
[2]
Pendant
que
je
m'occupais
à
écrire
mes
réflexions
sur
Nersès,
un
auteur
français
relativement
aux
faits
des
Croisés
écrivait
ainsi:
Ce
Prélat
est
une
des
plus
grandes
figures,
sinon
la
plus
considérable,
de
l'histoire
religieuse
des
principautés
latines
d'Orient,
par
le
rôle
qu'il
remplit
et
se
faisant,
parmi
les
Arméniens,
le
propagateur
des
doctrines,
institutions,
coutumes
et
idées
importées
en
Syrie
par
les
Francs,
en
même
temps
qu'il
travaillait,
de
tout
son
pouvoir,
à
amener
l'union
des
diverses
Églises
d'Orient.
Devenu,
à
vingt-trois
ans,
archevêque
de
Tarse,
sa
charité
et
sa
tolérance
en
firent
le
médiateur
entre
les
diverses
Eglises
Orientales:
Grecs,
Latins,
Syriens
écoutèrent
sa
parole
avec
avidité,
et
tous
lui
témoignèrent,
non
moins
que
ses
compatriotes,
la
plus
vive
admiration,
ainsi
qu'un
profond
respect,
et,
par
allusion
au
siège
qu'il
occupait,
l'avaient
surnommé
le
Nouveau
Saint
Paul.
Une
Lettre
adressée
par
lui
au
roi
Léon
II
nous
est
parvenue;
c'est
un
des
documents
les
plus
curieux
et
les
plus
propres
à
bien
faire
juger
la
situation
religieuse,
sociale
et
politique
qui
s'opérait,
parmi
eux,
sous
l'influence
de
ces
derniers.
—
E.
Rey,
Les
Colonies
Franques
en
Syrie,
(1883),
page
85.
[3]
De
ce
nombre
sont
la
Concordance
des
Evangiles
de
Saint
Ephrem,
que
Saint
Nersès
de
Lambroun
a
écrite
de
ses
propres
mains,
l'an
1195:
—
Les
Scolies
de
Saint
Cyrille
et
de
Saint
Denis
l'Aréopagite;
des
homélies
de
Saint
Athanase,
et
un
autre
livre
probablement
écrit
de
ses
mains.
Dans
la
grande
bibliothèque
de
Paris
on
conserve
le
livre
des
Evangiles,
en
grec
et
en
face
l'arménien,
écrit
de
même
par
lui
avec
ce
mémoire:
«Nersès
humble
évêque
de
Tarse,
travailla
avec
amour
à
ce
livre,
qu'il
trouva
en
grec
et
le
traduisit
en
arménien;
j'espère
trouver
lieu
dans
les
prières
de
ceux
qui
jouiront
de
ce
livre».
Avant
ces
livres
est
la
copie
de
ceux
de
Saint
Cyrille
avec
des
annotations
aux
marges,
écrits
l'an
1175,
avec
le
même
modèle
et
la
même
forme
qu'on
voit
dans
la
figure
du
fac-simile
ci-dessus.
[6]
L'enfant
se
montrait
reconnaissant
à
la
Sainte
Vierge
à
peine
arrivé
au
grade
ecclésiastique,
en
faisant
son
apologie
à
l'Assomption:
«Je
fus
comme
une
vigne
plantée
par
lui
parmi
des
milliers
de
tiges
dans
ce
temple
sacré»;
comme
il
disait
encore:
«Je
suis
comme
Samuel
consacré
à
la
Mère
de
Dieu,
dédié
par
mes
parents
et
avec
ma
tunique,
nourri
dans
le
service
du
temple»;
il
invitait
aussi
le
peuple
«à
entendre
ses
réflexions
le
même
jour
de
la
fête,
comme
un
vrai
et
familier
serviteur
de
la
sainte
et
toujours
bénie,
Vierge».
[7]
Nersès
I
le
Grand,
l'arrière-petit-fils
de
S.
Grégoire
l'Illuminateur;
il
occupa
le
siége
patriarcal
de
365
à
367.
Nersès
(IV)
de
Cla
ou
le
Gracieux,
précisément
200
ans
après
lui,
1165-1173.
[9]
Nous
sommes
heureux
de
savoir
par
une
lettre
d'Innocent
II,
dont
l'original
est
inconnu,
que
le
grand
oncle
de
notre
Lambrounien,
Nersès
IV
le
Gracieux,
connaissait
aussi
le
latin.
[10]
Dans
ses
Commentaires
sur
les
12
Prophètes
il
cite
plus
de
50
fois
le
texte
hébreu;
mais
peut-être
aussi
qu'il
puisait
ces
remarques
dans
les
commentaires
de
S.
Ephrem
qu'il
avait
sous
les
mains
et
qu'il
confrontait
avec
ceux
de
S.
Cyrille;
c'était
en
1190-1.
[11]
Les
Livres
commentés
par
S.
Nersès
et
parvenus
à
nous,
sont,
La
Genèse,
les
quatre
livres
de
Salomon,
les
douze
Prophètes,
Daniel,
les
Psaumes
(l'un
de
ses
chefs
d'œuvres);
l'Evangile
de
S.
Mathieu,
en
abrégé,
les
Epîtres
Catholiques,
l'Apocalypse
de
l'apôtre
S.
Jean,
l'Oraison
dominicale,
les
Paraboles
de
N.
Seigneur,
le
Credo.
[12]
Voir,
Benedictinum
Statutum
Monasticum,
a
Magistro
Berenger
concinnatum;
a
Sancto
Narsete
Lambronensi
olim
ex
latina
in
armeniam
linguam
conversum,
et
recens
latinæ
fidei
rursus
redditum
S.
Lazari,
1880.
[13]
Le
livre
de
la
vie
des
Saints
dit:
«il
commenta
aussi
les
prières
de
l'église».
[14]
Après
la
solution
du
concile,
selon
les
paroles
d'un
Arménien,
«Un
religieux
savant
vint
à
S.
Nersès
lui
dire:
Tu
as
reçu
de
grands
louanges
de
la
part
des
métropolites,
des
clercs,
des
princes
et
de
tout
le
peuple
en
général.
Assurément
celui
qui
entre
en
guerre
connaît
la
violence
de
son
coup,
mais
les
assistants
le
voit
plus
encore,
ainsi
que
nous
avons
été
présents
à
ta
victoire
sur
l'ennemi.
De
même
les
princes
répétaient
avec
admiration:
un
seul
homme
a
été
la
grandeur
de
toute
l'Assemblée».
[15]
Dans
le
Code
grec,
N°.
859
du
Vatican,
on
trouve
entre
autres,
la
lettre
de
S.
Barnabé;
à
la
fin
de
laquelle
notre
S.
Nersès
a
écrit
de
ses
propres
mains:
«J'ai
traduit,
moi
Nersès,
cette
lettre
en
langue
arménienne,
dans
la
ville
royale,
pour
la
gloire
de
Jésus-Christ,
notre
Dieu.
Qu'il
soit
à
jamais
béni!
Amen».
(p.
96.
)
[16]
Cette
compilation
des
lois
-
écrit
Nersès
-je
l'ai
traduite
du
livre
grec,
moi
humble
évêque
de
Tarse
en
1196,
dans
le
nouveau
château
de
Loulou.
[17]
Lui-même
écrit
à
la
fin
des
lois:
«Moi
Nersès
humble
traducteur
et
compilateur
de
la
constitution
des
soldats;
je
voudrais
avec
cela
exciter
la
vigilance
des
militaires
».
[18]
Au
nombre
des
livres
copiés
pour
Nersès,
outre
ceux
que
nous
avons
déjà
cité,
nous
devons
marquer
un
recueil
de
34
discours
de
St.
Jean
Chrysostome,
qui
se
conserve
aujourd'hui
à
Etchmiadzin
(N°.
887).
[19]
Un
auteur
d'un
abrégé
de
sa
vie,
qui
semble
avoir
été
témoin
oculaire
ou
un
de
ses
parents,
et
dont
je
répète
quelquefois
les
paroles
en
lui
appropriant
le
nom
de
son
biographe,
pose
de
la
sorte
le
titre
de
son
ouvrage:
«Panégyrique
et
souvenir
de
notre
bienheureux
et
Saint
père
Nersès,
érudit
universel,
docteur
très
savant
et
archevêque
de
Tarse».
Cela
fut
trouvé
dans
un
livre
d'histoires
des
Saints;
dans
d'autres
livres
plus
communs
on
traite
en
abrégé
sa
vie,
mais
son
caractère
est
passablement
bien
rédigé;
on
dit:
«Il
était
humble
et
affable,
sans
parure,
miséricordieux,
aimant
la
solitude
et
la
prière;
sa
dévotion
lui
causait
une
abondance
de
larmes».
—
Grégoire
de
Datève
qui
dans
plusieurs
points
avait
des
vues
différentes
de
celles
du
Saint,
le
surnomme
pourtant,
Le
Grand
Nersès
dans
le
Commentaire
des
Psaumes,
et
il
en
prend
des
passages
dans
son
interpretation
de
Mathieu.
[20]
Peut-être
ces
paroles
et
ces
satires
à
quelques-uns
paraîtront
un
peu
dures
dans
la
bouche
de
Nersès,
contre
le
Doudéorti
et
Basile
l'évêque
d'Ani,
et
de
leurs
semblables.
Mais
qu'ils
se
rappellent,
ainsi
que
les
détracteurs
de
notre
Saint,
l'exemple
du
Sauveur:
il
supporta
tout
avec
patience
et
résignation,
mais
non
point
les
hypocrites
et
ceux
qui
travaillaient
à
tromper
les
simples
de
cœur,
sous
une
frauduleuse
apparence
de
zèle;
ces
loups
qui
s'étaient
déguisés
en
agneaux:
il
les
reprit
et
les
menaça
de
grands
châtiments;
et
quoique
il
menaça
le
feu
éternel
à
ceux
qui
osaient
donner
aux
autres
les
épithètes
de
fous
et
d'aveugles,
lui-même
par
les
mêmes
paroles
les
décrala
fous
et
aveugles.
Nous
connaissons
déjà
assez
et
nous
connaîtrons
plus
encore
la
sainteté
et
la
mansuétude
de
Nersès,
mais
jamais
suffisamment
l'arrogance
de
ses
ennemis.
Le
Catholicos
Grégoire
Degha
avait
déjà
déclaré
la
hardiesse
et
l'entêtement
de
l'un
d'eux
(Doudéorti),
dans
son
épître
aux
religieux
de
Haghpat,
et
après
lui
l'historien
Cyriaque
plus
clairement.
Il
s'était
à
peine
sauvé,
par
la
fuite,
de
la
punition
que
voulait
lui
infliger
le
sénéchal
Zacharie.
Pour
Basile
d'Ani,
Nersès
affirme
clairement
ses
mauvaises
inclinations;
il
paraît
que
non
seulement
il
avait
des
mœurs
dépravés,
mais
encore
il
aspirait
au
siége
du
catholicosat,
comme
l'avait
fait
d'avance
l'autre
Basile,
évêque
de
la
même
ville
d'Ani.
Leurs
œuvres
et
leurs
paroles
ignominieuses
contre
Nersès
ne
font
qu'augmenter
de
plus
sa
gloire
et
sa
perfection;
car
la
vie
des
Saints
et
des
personnages
pieux
semblerait
défective,
si
elle
manquait
de
persécutions
et
de
souffrances.