Mais
la
connaissance
purement
physique
de
ces
lieux
ne
nous
suffit
pas;
ce
que
nous
voudrions
savoir
et
pouvoir
affirmer,
c'est
s'il
existe
des
mémoires
et
des
souvenirs
nationaux
qui
se
rattachent
à
cette
région:
de
plus,
il
reste
à
éclaircir
si
l'extinction
de
la
dynastie
des
Bagratides,
et
en
même
temps
le
commencement
de
la
fortune
des
Roupiniens,
eurent
pour
théâtre
ces
lieux
ou
un
autre
territoire?
et
c'est
ce
dernier
point
surtout
qui
nous
intéresse;
en
un
mot
nous
voudrions
découvrir
dans
ces
régions
la
forteresse
fatale
où
Kakig
II,
fut
traitreusement
fait
prisonnier;
forteresse
que
le
brave
et
courageux
Thoros
réussit
à
reprendre
plus
tard
des
mains
des
traîtres.
Ce
lieu
est
désigné
par
deux
noms
différents:
Ghizistra
ou
Ghizistré,
et
Guendroscavi;
nous
trouvons
le
premier
de
ces
noms
dans
Mathieu
d'Edesse
et
dans
Sempad;
mais
Mathieu,
dans
un
autre
chapitre
de
son
histoire,
alors
qu'il
mentionne
la
prise
de
la
place
par
Thoros,
use
du
second
nom.
Ce
même
nom
est
encore
employé
ordinairement
dans
les
mémoriaux
du
commencement
de
la
dynastie
des
Roupiniens;
nous
le
rencontrons
dans
l'historien
royal,
dans
Héthoum,
dans
la
chronologie
de
Samuel,
et
dans
d'autres
mémoires.
Comme
des
deux
côtés
les
auteurs
affirment
ces
noms,
nous
pensons
que
ce
lieu
avait
deux
noms
ou
que
son
nom
fut
modifié,
ou
encore
plus
justement
que
l'un
de
ces
noms
désignait
la
forteresse
et
l'autre
le
village.
Il
est
en
tous
cas
certain
que
la
forteresse
portait
le
nom
de
Guendroscavi
qui
a
pu
subir
quelque
altération.
Parmi
les
Grecs,
ce
nom
n'est
point
cité,
quoique
Ptolémée
mentionne
Ghizistra
(
Κύζιστρα
)
parmi
les
villes
de
la
Cappadoce,
à
une
latitude,
de
39°
20',
et
quoique
selon
l'Itinéraire
Peutingérien,
elle
soit
située
entre
Césarée
et
Tyana;
ce
nom
de
Ghizistra
n'est
pas
exact,
nous
verrons
dans
la
suite
qu'on
devrait
mieux
le
changer
en
celui
de
Gubistra.
Les
auteurs
arméniens,
quoiqu'il
en
soit
du
nom,
placent
cette
forteresse
dans
la
plaine
d'Ardjias,
qui
avoisine
le
mont
Argé,
ou
«près
d'Ardjias».
L'historien
royal
et
Sempad
précisent
davantage,
en
disant
que
Guendroscavi
est
une
forteresse
solide
près
de
Tzeguentchour
(Eau
de
poisson)
qui
regarde
sur
le
territoire
de
la
Cappadoce;
et
Mathieu
fait
remarquer
que
par
Tzeguen-tchour
il
ne
faut
pas
entendre
seulement
une
rivière
de
ce
nom,
mais
tout
un
district,
puisqu'il
dit:
«près
du
territoire
appelé
Tzeguen-tchour».
Nous
ne
connaissons
actuellement
aucun
lieu,
ni
aucune
rivière
de
ce
nom.
Il
y
a
bien
dans
cette
région
la
rivière
Balékli-sou
(Eau
poissonneuse),
mais
elle
est
plus
au
nord-est
du
côté
de
Gurune,
tandis
que
la
forteresse
que
nous
cherchons
était
près
de
la
plaine
d'Ardjias
au
sud-ouest.
Il
serait
ridicule
d'admettre,
comme
l'ont
fait
quelques
auteurs,
que
cette
forteresse
fût
bâtie
dans
la
plaine,
d'autant
plus
que
Mathieu
dit,
«qu'elle
était
fortifiée
par
sa
terrible
hauteur»,
et
du
haut
de
la
montagne
regardait
la
Cappadoce.
Héthoum
semble
nous
donner
les
meilleures
indications:
dans
ses
mémoires
chronologiques,
il
place
cette
forteresse
dans
la
province
de
Licanton.
Ce
nom,
que
l'on
trouve
aussi
écrit
Lucanton,
était
celui
d'une
province
au
temps
de
la
domination
byzantine.
Il
est
dérivé
de
Lycanitis,
ancien
nom
de
cette
même
province.
Mais
les
géographes
contemporains
restent
dans
l'indécision,
lorsqu'il
s'agit
d'en
fixer
la
position
exacte:
les
plus
versés
la
placent
à
l'extrémité
nord-est
de
la
Cilicie,
ce
qui
s'accorde
mieux
avec
les
indications
de
Héthoum;
même
ceux
qui
veulent
la
regarder
comme
une
partie
de
la
Cappadoce
ne
sauraient
avoir
tort:
car
nos
historiens
ne
les
contredisent
pas
quand
ils
disent
que
cette
forteresse
du
côté
du
nord
regardait
le
territoire
des
Kamirs
(Cappadocéens),
et
qu'elle
avait
au
sud
les
lieux
que
nous
venons
de
décrire.
Ces
mêmes
historiens
affirment
en
outre
que
Guendroscave
ou
Ghizistra
était
située
près
du
domaine
paternel
de
Thoros,
c'est-à-dire
de
Vahga,
et
ils
regardent
la
position
de
cette
forteresse
comme
le
motif
de
la
promesse
que
les
frères
Mandaléens
firent
à
Thoros,
de
lui
céder
leur
place,
d'autant
plus
qu'elle
était
toujours
menacée
par
les
Turcs.
Je
passe
sous
silence
leur
trahison
et
la
mort
pitoyable
de
Kakig,
le
dernier
de
sa
dynastie.
Son
cadavre
fut
pendu
au
haut
des
murailles
de
la
forteresse
pour
mieux
le
faire
voir
aux
Arméniens
et
les
irriter
davantage.
L'un
de
ces-derniers,
Panig
de
Chirag,
parvint
à
ravir
le
corps
de
l'infortuné
monarque
et
l'enterra
dans
le
couvent
de
Bizou.
Trente
ans
plus
tard
le
petit
fils
de
Roupin,
Thoros
I
er,
tirait
vengeance
des
traîtres:
il
s'empara
de
la
forteresse
et
des
seigneurs
du
lieu,
et
prenant
tous
les
trésors
qui
s'y
trouvaient
entassés,
il
les
emporta
dans
sa
résidence,
à
Vahga,
puis
dans
d'autres
places
fortes.
Il
établit
une
garnison
dans
Ghizistra;
mais
peu
après
il
fit
détruire
cette
place
et
envoya
les
«habitants
s'établir
au
bord
du
fleuve
Paradisse;
ces
lieux
s'appellent
actuellement
Cracca
».
D'après
les
mentions
que
nous
avons
cités
de
Ghizistra,
on
voit
qu'elle
était
située
sur
une
hauteur.
En
effet
il
est
dit
que
les
soldats
de
Thoros
«couraient
sur
les
pentes
qui
avoisinent
la
forteresse».
Elle
était
munie
de
deux
enceintes:
les
Grecs
dans
leur
fuite
devant
Thoros
ne
purent
fermer
que
les
portes
de
l'enceinte
intérieure.
Les
soldats
de
Thoros
mirent
le
feu
à
tout
ce
qui
était
renfermé
dans
la
première
enceinte.
Les
habitants
tout
effrayés
ouvrirent
la
porte
qui
était
du
côté
opposé
et
prirent
la
fuite.
Près
de
la
forteresse
il
y
avait
un
rocher,
du
haut
duquel
l'un
des
trois
frères
Mandaléens
se
précipita
et
mourut
ainsi
misérablement.
Nous
connaissons
donc
actuellement
la
proximité
des
deux
forteresses
de
Ghendroscavi
et
de
Vahga;
il
nous
reste
à
préciser
autant
que
possible
l'étendue
des
domaines
de
Roupin
I
er,
et
à
découvrir
sa
résidence.
Elle
devait
être
dans
ces
régions,
puisqu'il
fut
enterré
à
Castalon;
cependant
les
historiens
nous
indiquent
deux
résidences,
d'une
manière
confuse,
sans
nous
donner
aucun
détail
explicatif.
Les
uns
disent
que
Roupin
possédait
la
forteresse
de
Gossidar,
même
avant
la
mort
de
Kakig;
un
autre
dit
qu'après
la
mort
de
ce
dernier
seulement,
Roupin
s'empara
de
Gossidar,
y
installa
le
siège
de
son
pouvoir
et
conquit
peu
à
peu
les
régions
qui
touchent
aux
montagnes
de
la
Phrygie.
Un
troisième
dit
que
ce
prince
possédait
d'abord
Gossidar,
et
qu'après
il
s'avança
du
côté
de
la
Phrygie
et
se
rendit
maître
du
village
de
Colmozol.
Le
Docteur
Vahram
est
tout
à
fait
confus;
il
dit:
«Roupin,
fuyant
sur
les
montagnes
du
Taurus,
Descendit
vers
les
côtés
de
la
Phrygie.
Il
s'élança
sur
un
village
appelé
Cormozole
et
y
fixa
sa
demeure».
Un
autre,
dans
un
abrégé
de
l'histoire
des
Roupiniens,
daté
de
la
fin
du
XIII
e
siècle,
dit
sans
nommer
aucun
lieu:
«
Il
(Roupin)
partit
de
l'est,
arriva
aux
environs
de
Tarsus,
sur
les
hauteurs
de
la
Cilicie,
s'empara
de
ces
lieux
et
y
étendit
peu
à
peu
sa
domination».
Tout
cela
ne
nous
donne
aucune
idée
exacte
de
la
position
de
la
forteresse
de
Gossidar,
ni
des
conquêtes
de
Roupin.