Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Après les églises et les lieux de bienfaisance, nos recherches devraient tomber sur les sanctuaires de l'étude dans la ville royale de Sis; mais je ne trouve dans les livres aucun souvenir précis concernant les établissements d'éducation et les écoles; il est pourtant hors de doute qu'il dut y en avoir dans les couvents, surtout dans ceux de Medz-kar et de Trazarg, les lettres et la musique firent de grands progrès. Cette opinion est confirmée par l'histoire du couvent de Sghévra et d'autres encore, comme nous l'avons déjà vu, et comme nous le verrons ci-après.

Au commencement du siècle dernier, le Catholicos Ephrem mentionne à Sis une école qu'il appelle Institut de Saint Nersès de Lambroun; je ne sais pas quand elle fut fondée: c'est d'elle que sortit le Catholicos Lucas, un des Atchbahs. Les historiens et les quelques mémoires qui nous sont parvenus, témoignent de l'amour des Héthoumiens pour les lettres, surtout de Léon II et de ses fils. Pendant le règne du dernier de ces princes, Ochine, évêque de Sébaste, vint à la cour, l'an 1320: le roi voulant lui faire un cadeau, l'évêque choisit quelques livres, et écrit: «Je suis entré dans les armoires de la maison, se trouvaient amassés les Saints Testaments »; il en choisit un évangile peint en diverses couleurs et orné de figures.

Les nobles doivent aussi avoir eu leurs bibliothèques, et les plus lettrés parmi eux auront sans doute fondé des écoles pour les enfants. Le grand nombre de manuscrits exécutés dans les couvents des alentours de Sis et dans la ville [1] même, (comme nous l'indiquent aussi les mémoires des églises), et les louanges décernées dans ces manuscrits aux lettrés de Sis, nous sont un motif de satisfaction; plusieurs fois, surtout dans les antipho-naires, nous voyons indiqué que «les originaux étaient des meilleurs exemplaires des premiers savants et des premiers maîtres de Sis». Parmi ces premiers maîtres qui ont étudié et vérifié la musique des hymnes, il convient de placer au premier rang, comme l'attestent les mémoires, le célèbre prêtre Grégoire, surnommé Khoul (le Sourd), d'où l'exemplaire lui-même est appelé Khelguetzi, comme nous l'avons dit ailleurs. Ce prêtre était connu comme «premier maître et brave copiste»; je ne saurais préciser la date à laquelle il a vécu, mais il est certain que c'est au temps de la dynastie de nos rois.

Au XIII e siècle, surtout durant le règne de nos quatre premiers rois, notre pays traversa une période de tranquillité et de progrès. Passionnés pour les études et la magnificence de leur royaume, ces princes contribuèrent de toute leur puissance aux réformes intellectuelles; plusieurs livres utiles et nécessaires furent écrits, grâce à leur générosité, et distribués non seulement dans le territoire de la Cilicie, mais encore aux couvents de l'Orient, et même en Occident, les Arméniens avaient formé des colonies et bâti des couvents et des églises, je veux dire en Italie.

De hauts personnages, illustres par leur science et par leur dignité ecclésiastique, accouraient d'Orient en Cilicie, pour y nourrir leur esprit et y chercher des livres; quelques-uns y venaient à découvert, d'autres cachaient leur haute position, pour poursuivre, comme de simples étudiants, avec plus de liberté, le cours de leurs études. Ainsi firent le célèbre Mekhitar Koche, l'historien Vartan, auteur de plusieurs livres, qui demeura longtemps dans la cour du roi, et composa une grammaire pour le passetemps de Héthoum et de Zabel. Son compagnon d'étude, le Docteur Guiragos, autre historien, termina aussi dans la Cilicie son Ménologe, trois ans avant sa mort, (1271).

Un autre auteur qui imita les premiers et les surpassa même, fut le D. r Jean d'Ezinga; il fréquentait la cour et les couvents pour des questions littéraires. Dans les grandes solennités religieuses et civiles, on l'invitait dans les églises et à la cour, pour y prononcer des discours et des panégyriques: c'est ainsi qu'une fois il prêcha dans la ville royale de Sis, «Sur le mystère de l'Incarnation et le Baptême de Notre Seigneur».

En 1283 il parla à l'occasion de la fête dans laquelle furent armés chevaliers les fils du roi (Léon II), Héthoum et Thoros, et d'autres enfants des princes, et des personnes attachées au service de la cour.

Jean Orbélian, archevêque de Sunik, rapporta de Sis un bon exemplaire de l'Histoire des Saints, et d'autres rapportèrent de la Cilicie différents livres.

Citons encore parmi les personnages lettrés, contemporains de ces derniers, un certain Jean, qui se plaignait de n'avoir pas trouvé dans la Grande Arménie, assez de ressources pour pousser ses études, selon le désir de son coeur; il vint également en Cilicie durant le règne de Héthoum I er et dit lui-même: «Je me suis rendu de nouveau au lieu des savants et des lettrés, au territoire de la Cilicie, dont le protecteur est Jésus-Christ, et c'est lui-même qui la garde sous son bras droit».

Après ces témoignages nous en avons encore plusieurs autres à propos du séjour des étrangers dans la capitale de l'Arméno-Cilicie. Les gouvernements d'Occident, eurent-de fréquentes relations avec nos princes qui leur accordèrent de nombreux privilèges dont nous possédons les édits. Tout cela nécessitait l'étude et la connaissance des langues; aussi trouvait-on à la cour des interprètes et des secrétaires pour les langues latine, française, italienne, arabe, turque ou tartare [2] . Nous connaissons les noms de quelques-uns d'entre eux, par des signatures qu'on rencontre au bas des édits; par ex. pour la langue latine: Bavon, en 1214; pour la langue française: Jouffroy, en 1271; Paumier, en 1307; Nicole de Bars, en 1321; etc. Quelquefois ces interprètes étaient des Arméniens versés dans les langues étrangères. Léon le Grand avait même ordonné, dès les premières années de son règne, d'ouvrir un cours de latin dans les écoles et d'y exercer les enfants, dès leur douzième année et même avant; on ne peut douter que plusieurs de ses successeurs, sinon tous, aient suivi son exemple.

Les Assises d'Antioche, (traduites du français en arménien), par Sempad le Connétable, et la Lettre qu'il a écrit de la Tartarie à son beau-frère, le roi de Chypre, indiquent clairement l'usage de la langue, française à la cour, comme le prouvent aussi les fréquentes alliances des familles royales ou princières des pays occidentaux avec les nôtres, leurs usages et leurs lois, adoptées dans les tribunaux et à la cour de Sis. De même les noms des principaux ministères étaient tirés, plutôt des langues étrangères que de l'arménien.

Ces quelques détails suffiront pour donner au lecteur une idée de la prospérité intellectuelle et morale de notre capitale, au XIII e et au XIV e siècle. Que ne pouvons nous donner des détails aussi précis sur les édifices de la ville, élégants et magnifiques sans doute, quoique nous n'ayons plus pour en juger maintenant que des décombres et des ruines.


[1] Un historien poète qui conte en vers les faits de Nicol, évêque des Arméniens de Pologne, dit: «Les évangiles écrits en lettres d'or, tous ces livres rares et précieux transportés à Love, (Lemberg), reliés en argent, étaient sortis des trésors de Sis». L'historien Arakel rapporte qu'il y avait plus de mille manuscrits.

[2] Nous ne croyons pas nous tromper en supposant qu'il y avait même des interprètes pour les langues des nations encore plus lointaines, comme les Ethiopiens; car l'historien Héthoum, dans son exhortation pour la délivrance de la terre sainte, suggère au Pape d'écrire aussi une lettre au roi des Ethiopiens et de l'envoyer au roi des Arméniens, pour qu'il en fasse faire la traduction.