Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Mais toutes ces fêtes, toutes ces solennités cessèrent après le sac de Sis par les Egyptiens, en 1266. Ce que ceux-ci laissèrent debout fut détruit peu après par le grand tremblement de terre qui acheva la ruine de la ville. Après ces malheurs, Sis ne recouvra jamais sa gloire primitive quoiqu'elle eût été soigneusement restaurée.

Les grandes ruines que les Egyptiens avaient amoncelées à Sis, avaient en même temps ébranlé la tranquillité de la ville; et neuf ans après (1275), ils l'attaquèrent une seconde fois et incendièrent de nouveau les édifices; seulement, comme nous l'avons rappelé, ils ne réussirent pas à s'emparer de la forteresse, s'étaient réfugiés les habitants. Selon une chronique, les Egyptiens firent tous leurs efforts «pour prendre la forteresse; un prêtre se présenta devant leur armée et tua l'un de leurs sultans, mais lui aussi fut tué à son tour». Je ne sais pourquoi l'auteur ne donne pas le nom du prêtre et ne dit pas non plus comment il s'y prit pour tuer son adversaire, ni comment il fut tué lui-même. «Les Egyptiens revinrent l'année suivante, 1276, à Sis, mais le Seigneur ne leur accorda pas le succès; ils furent battus par le roi Léon, qui remporta sur eux une grande victoire; la plupart périrent, les autres s'enfuirent dans leur pays». C'est dans cette bataille que le connétable Sempad, en poursuivant l'ennemi, fut, par accident, blessé mortellement, ainsi que nous l'avons déjà raconté. A partir de cette époque, pendant un siècle, tant que le royaume des Arméniens dura, malgré les nombreuses invasions que firent les Egyptiens et les Turcomans, en ravageant partout le pays, nous ne trouvons aucun mémoire qui fasse mention d'un nouveau sac ou d'une nouvelle ruine de Sis; elle redevint prospère, autant que possible, durant le règne de Héthoum II: le patriarche des Arméniens, vint s'y établir, et les élections des catholicos et des rois y furent célébrées avec de grandes solennités.

Parmi ces fêtes, le sacre du roi Sempad, en 1296, est raconté en détail par un contemporain: «Dans la capitale magnifique, dit-il, s'assemblèrent les fils du roi, et les princes du sang, d'autres princes, ainsi qu'une grande multitude de bourgeois et de gens du peuple; c'était le jour de l'Epiphanie. Le célébrant, le catholicos Grégoire, assisté par plusieurs évêques et par tout le clergé, porta en procession la dextre de Saint Grégoire l'Illuminateur et les Saints Evangiles, puis conféra à Sempad, par l'imposition des mains, le titre et l'onction de roi. Toute l'assemblée applaudit à la cérémonie, et chacun se réjouit selon sa condition. Que le Seigneur nous conserve Sempad en paix et pour de longues années, toujours victorieux contre les ennemis de la croix de J. -C. »!

Mais hélas! la discorde et la jalousie vinrent diviser la famille du roi, et mêmes ses frères, pour la succession à la couronne. Enfin Héthoum, l'aîné, fit monter sur le trône, son neveu, Léon III, avec qui il fut tué par le général tartare Bilarghou. Ce dernier voulait aussi s'emparer de la capitale, mais Ochine, frère et oncle des assassinés, «se hâta de se rendre dans la forteresse de Sis; il y rassembla les princes, et une grande multitude de soldats, battit l'ennemi, et le chassa hors du pays (1308)».

Dix ans après, Tamour-dache pénétra en Cilicie et la dévasta; «il assiégea durant trois jours la ville de Sis, mais le Seigneur le frappa de terreur, lui et ses soldats et il dut se retirer».

Un demi-siècle plus tard, après une série d'événements de peu d'importance, l'agonie de la capitale, ou plutôt du royaume des Arméniens, était proche. Avant le dernier coup mortel (entre les années de 1366 et 1369, époque des plus obscures dans l'histoire arménienne, mais un peu éclairci dernièrement), le trône de Cilicie fut occupé par Constantin III, (qu'on dit petit fils de Léon IV, peut-être du côté de sa mère), mais en réalité fils du Baron Héthoum, (je le crois seigneur de Neghir). Il avait succédé à Constantin II, fils du maréchal Baudouin. «Les Ismaélites (les Turcomans?), ayant à la tête Chahar-oghlou, passèrent par les défilés d'Antzmentzoug et attaquèrent Sis; ils tuèrent Libaride » le brave commandant des Arméniens... Une seconde fois Chahar marcha contre Sis, incendia la ville et y séjourna vingt jours; ce fut alors qu'un boisseau de froment se vendit jusqu'à cinq cents piastres».

Ce brave commandant Libaride, devait être, comme son nom l'indique, d'origine étrangère: car ce nom appartient à la famille d'Orbels (de Géorgie]; mais, quelle que soit son origine, sa mort dut être héroïque, car les poètes l'ont célébrée plus encore que les historiens. Ainsi, Jean le Catholicos, natif de Thelgouran, raconte dans son poëme, les diverses péripéties de la bataille: l'attaque de 60, 000 Turcs sous la conduite d'un certain Mantchag, la faute calculée ou involontaire des Arméniens, la mauvaise défense du pont de leur refuge, les noms de la famille de Libaride, etc.

Peut-être les paroles d'un autre poète inconnu et populaire, sont-elles encore plus touchantes que celles du Thelgouranien; c'est ainsi qu'il chante le héros:

Tu es Saint, ton âme est pure:

Le Seigneur t'avait élu du haut du ciel

Tu fus la gloire des chrétiens;

O toi brave Libaride, grand et puissant.

Tu égalais Samson par ta force;

Quand tu ceignais la cuirasse,

Les ennemis tremblaient terrifiés.

Tu sacrifias ta vie pour l'église,

T'opposant toi seul contre mille.

Ton épée perça plusieurs cœurs;

O toi brave Libaride, grand et puissant.

Du territoire de Sis astre éclatant,

Tu étais toujours prêt,

Les ennemis te redoutaient comme la mort.

O toi brave Libaride, grand et puissant.

A ce moment fatal qui t'arriva,

Personne n'accourut à ton aide:

Ta personne fut teinte de rouge.

O toi brave Libaride, grand et puissant.

Le catholicos, les docteurs,

Tous les prêtres ensemble,

Versèrent des larmes abondantes et sincères.

O toi brave Libaride, grand et puissant.

A présent, le vent du nord,

Sarkis, (Serge) te rappelle [1] ;

Tu étais la colonne de salut

Pour nous Arméniens;

O toi brave Libaride, grand et puissant.

 

Dans la nuit de ces temps obscurs, brillent à côté de Libaride, deux autres astres lumineux: le brave Héthoum et sa femme Zarmantoukht: «Il tua, dit-on, aux temps du dernier Constantin, le capitaine des Egyptiens, le brave Eumer, sur le champ de bataille d'Adana... il y remporta une grande victoire; ce fut aussi lui qui dans la plaine de Sis, mit à mort Ali, l'autre général des Egyptiens, durant le règne du dernier Léon» [2] . Cet Héthoum, comme nous l'avons vu, mourut par la trahison d'un Arménien, séduit par un prince étranger des environs de Gantchi; il laissa comme successeur et continuatrice de ses exploits, son héroïque femme, Zarman-toukht.


[1] Il paraît que c'est le nom du poète.

[2] D'après l'histoire de Jean Dardel, récemment découverte; on ne trouve pas le récit d'un événement pareil, dans nos historiens.