Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Après la capitale, le lieu le plus renommé devait être la résidence de l'archevêque de Sis et son patrimoine; ce lieu qui ne pouvait pas être loin de la ville, était le fameux couvent de Trazarg, qui surpassait les autres couvents du territoire non seulement par le rang et la haute renommée du siége, mais encore par son ancienneté et par sa discipline. Aussi sommes-nous étonnés et douloureusement peinés de n'en point connaître exactement la situation. Personne, parmi les voyageurs ou les habitants du territoire, ne mentionne ce lieu, si non le Père Indjidji, qui écrit: «Du couvent de Trazarg il reste une église, dans un vallon, au milieu des bois, à une journée à l'ouest de Sis, et à deux jours d'Anazarbe. Un ruisseau passe à ses pieds, et on voit encore les ruines du célèbre monastère. On trouve à Trazarg un arbre qui donne un fruit d'une couleur jaune, appelé Ourgoumil, et des noisetiers en abondance, comme à Sis».

Les Occidentaux avec une naïve simplicité ont traduit le mot arménien Trazarg par Trois-arcs, et en latin, Abbas Trium Arcium, comme nous le montre la signature latine de Jean (plus tard catholicos), archevêque de Sis en 1201, et de Léon le Grand, dans son premier édit en faveur des Génois; on trouve aussi écrit en latin: Abbatia de Tresarco. L'époque de la fondation du couvent nous est inconnue; probablement elle est antérieure à la domination des Roupiniens. Thoros I er en fut le restaurateur au commencement du XII o siècle, avec le concours de deux docteurs savants, disciples et coadjuteurs du patriarche Grégoire le Martyrophile; l'un était Georges Meghrig du village d' Analure de Vaspouragan (dans la Grande Arménie); il passa une vie mortifiée durant 50 ans, ne se nourrissant que de pain, et passant ses nuits dans les veilles pieuses: «il fut un exemple pour un grand nombre de gens, et un père pour tous les Arméniens, selon Mathieu d'Edesse; il y rassembla une multitude d'anachorètes de Jésus-Christ, et il y établit l'ordre et la discipline des premiers Pères... Il leur donna par écrit, les règlements qu'on a conservés jusqu'à nos jours».

Il avait établi le même ordre aussi dans le monastère de Khorine, et, comme on le présume par les paroles de plusieurs historiens, les religieux y menaient une vie d'une grande austérité, entièrement voués à la prière; c'est pourquoi le nom de cette maison est toujours accompagné des épithètes les plus louangeuses, comme le grand, le saint hermitage, le célèbre, le remarquable, l'illustre, l' habitation des anges. Ce fameux docteur Georges, au tempérament doux, mourut en 1114, âgé de 70 ans, et fut enseveli dans ce couvent. Il accomplit une œuvre importante pour notre Eglise: il mit en ordre le Missel, en y ajoutant des fêtes avec des leçons appropriées, sur l'ordre et avec l'approbation du susdit patriarche Grégoire le Martyrophile. Un calendrier indiquant les fêtes des Saints, écrit en 1287, dit dans sa préface, à l'égard de la liste des fêtes de ces Saints: «Cet ordre a été introduit dans l'église arménienne, d'après le choix fait par les docteurs du célèbre couvent de Trazarg».

Treize ans après (1127) à côté du tombeau de Georges, on enterrait son compagnon, «le fondateur des règles du couvent de Trazarg [1] , le D. r Guiragos; il imita les premiers saints, approfondit le sens des Saints Testaments de Dieu, et par ses études sérieuses, arriva à la compréhension des passages difficiles de l'Ancien et du Nouveau Testament ... Ce monastère fut appelé Tombeau des Saints Docteurs ». Parmi ces derniers il faut citer, en 1162, « Basile le docteur glorieux plein de grâce divine, très intelligent, craignant Dieu, et très ardent dans la mortification et la prière; versé dans les écritures saintes; il était le protecteur et le refuge des affligés». Ce Basile étant le confesseur de Baudouin, comte de Marache et de Kessoun, composa une oraison funèbre et trouva des accents sublimes pour pleurer sa mort. Le comte, contre son conseil, s'était allié avec Josselin et avait trouvé la mort durant l'assaut d'Edesse. Basile montre dans ce discours sa tendresse pour son affectionné Sir Baghdin (Baudouin), comme il l'appelle; le cadavre n'ayant pu être retrouvé, Basile le nomme «le perdu introuvable». Il décrit habilement son ardeur dans l'armée et dans la bataille, vertu qui elle aussi enflamme l'enthousiasme de l'orateur: «Hélas! s'écrie-t-il, son tombeau ne s'élèvera dans aucun lieu! un seigneur pareil, maître d'une multitude de soldats, un prince si célèbre sera confondu parmi les morts! on ne le trouve point parmi les vivants; les cloches n'ont point sonné pour lui... de son vivant il n'eut point de repos... et maintenant à sa mort il disparaît sans trace, sans souvenir».

Ce couvent de Trazarg fut de même le lieu de sépulture de plusieurs personnages illustres, de rois, de patriarches et de docteurs. Trois Thoros, seigneurs de la contrée, y furent inhumés: les deux premiers étaient des Roupiniens, deux barons courageux. Le premier y fut enterré en 1129 et le second en 1169; l'un fut le restaurateur de ce lieu et l'autre le régénérateur de tout le territoire. Le troisième était de la famille des Héthoumiens; roi malheureux et peu fait pour son époque, petit-fils de Héthoum I er, il fut étranglé avec une corde par son frère Sempad (en 1298), et inhumé dans ce lieu. De même le jeune et l'ardent Baron, Roupin II, surnommé le Montagnard, le frère de Léon le Grand, (1186), trouva ici son tombeau. Ajoutons encore le magnanime Héthoum I er (1270) qui gouverna longtemps notre nation, (durant 45 ans). (p. 267- Le roi Héthoum I er, d'après une monnaie) Proclamé roi dès son enfance, ayant l'appui du talent et de la vigueur indomptable de son père et tuteur Constantin, le Bailli, et de son frère Sempad le Connétable, il s'affermit sur le trône, agrandit son pouvoir de plus en plus et brilla tant en Orient qu'en Occident, comme une forte colonne posée sur les fondements de Léon le Grand. Après une vie riche de gloire, mais aussi abreuvée d'infortunes, il se retira dans ce couvent, quelques temps avant sa mort. «Il se fit religieux, fut appelé Macaire, et il rendit son âme au Seigneur dans la plus grande piété». Dix-huit ans auparavant la reine la plus glorieuse et la plus digne d'admiration de Sissouan, Zabel, fille de Léon, à la main de laquelle aspirèrent plusieurs princes royaux, s'y reposait pour toujours (+le 22 janvier 1252), après avoir embaumé sa vie des plus nobles vertus. Dans ce même lieu fut encore enterré le jeune Stéphané, fils de Léon II, délivré dès son âge d'innocence, il échappa aux désastres que ses cinq frères causèrent en voulant s'emparer par force de la couronne. Ses deux frères cadets et jumeaux, le brave Alinakh qui périt dans les eaux du Cydnus, sous les coups des pieds de son cheval arabe (1317), et le roi Ochine (1320), furent aussi enterrés dans ce même monastère.

Parmi les personnes du clergé également inhumées à Trazarg on peut citer: le catholicos magnanime Grégoire Degha, de la famille des Bahlaves (le 25 mai 1193), qui y fut enterré en grande pompe par le glorieux Nersès de Lambroun et par l'assistance du grand roi Léon. Deux ans après (1195) eurent lieu les funérailles du jeune catholicos Grégoire Karavège (le Précipité), inhumé près du tombeau du roi Héthoum. On y enterra aussi Jean VII, le Catholicos «au caractère magnanime», l'homme au grand cœur, qui ne craignit pas de s'opposer à Léon, dont le naturel fougueux ne souffrait guère d'être contrarié. Jean sut, selon l'historien, mettre obstacle à ses «manèges secrets et évidents». S'étant reconcilié avec le roi, il fut transféré de son siège de Romcla, à Trazarg en 1218, et, succédant à Héli-Héthoum, qui avait pris l'habit religieux dans ce monastère, en avait été élu supérieur (1200), et probablement aussi y avait été enterré. De même il paraît que Basile, frère du roi Héthoum dont on parle avec beaucoup de louanges, et qui avait été élu supérieur du couvent et archevêque de Sis, fut inhumé dans ce même couvent le 19 avril, 1275. On y enterra encore le vieux Catholicos Constantin I er de Partzerpert, en 1267, et après lui Constantin III de Lambroun. Lors de l'enterrement de ce dernier on ouvrit le tombeau du premier, «et on n'y trouva que le pluviale à demi consumé, les cordons du pallium en bon état, le bâton pastoral et les cheveux: des ossements on ne voyait plus aucune trace. On rendit alors grâce au Seigneur qui rend glorieux ses Saints»!

Parmi les autres personnages inhumés dans-ce couvent, citons Padloun, nom qui peut nous paraître étrange dans ce lieu: son histoire est du reste assez curieuse. C'était le petit-fils de l'émir persan gouverneur d'Ani; «il avait entendu dire que sa grand'mère Gada, de la famille royale des Pacratides, était chrétienne; la lumière de l'amour de J. -C s'alluma dans son esprit et dans son cœur; il alla au mont de Saint Grégoire l'Illuminateur, y reçut le baptême, s'y fit religieux et y demeura quinze ans... menant une vie de grande mortification... après il se rendit à Trazarg, il mourut en J. -C. » [2] , l'an 1130.

Plusieurs autres personnages de la famille royale et du clergé reposent aussi dans cette terre abandonnée et dans ces tombeaux de Trazarg, l'un des plus illustres et des plus mystérieux cimetières des grands seigneurs Arméniens. C'est pourquoi les mémoires et les historiens du temps l'appellent le caveau et «l'enceinte sépulcrale de nos rois, de nos» reines et de nos patriarches». Heureux si leurs restes sacrés n'ont pas été profanés par des mains impies et sacrilèges! Qu'ils restent donc cachés et à l'abri des buissons touffus et des forêts du Taurus, sous la garde du signe de la paix, de la Sainte Croix, avec les restes glorieux des magnifiques églises et des palais somptueux de Sissouan! Il faut espérer qu'un meilleur temps renaîtra, que de nouveau descendra la rosée, bénite sur ces fleurs fanées, et que des cendres de ces tombeaux éclatera un rayon de vie pour ceux qui aiment leurs ancêtres, et leur gloire éteinte, jadis si brillante! Transportons-nous de cette nécropole de Trazarg, symbole de la mort, vers les lieux qui se rattachent à l'immortalité: aux églises.

L'une de ces églises était sous le vocable de Saint-Thoros, mais la principale était dédiée à la Sainte Vierge, comme l'indique le mémoire de l'évangile écrit en 1217, sous le règne de Léon le Magnifique, «dans le célèbre et renommé monastère de Trazarg, sous la protection de la Sainte Vierge et dans la demeure de notre Sauveur Jésus». Peut-être y avait-il dans l'église un autel ou une croix dédiée au nom du Sauveur. Ce livre [3] est écrit avec la coopération du prêtre Grégoire «pour le religieux Thoros, surnommé Korkatsi, qui vivait retiré dans une cellule étroite, forcé de garder le lit à cause de sa vieillesse bien avancée. Cependant quoique vieilli de corps et très avancé dans l'âge, la providence et la bonté de Dieu lui avaient donné la force et le courage de persévérer dans l'observation des saints préceptes et dans la lecture des livres saints. Il regardait cet évangile comme une consolation pour sa vieillesse, comme un trésor impérissable, une perle sans prix pour son âme souffrante pour les vanités de ce monde malheureux. Mais quand il fut sur le point de mourir et de s'unir à Jésus, l'espérance de tous les hommes, il légua cet évangile à son neveu Pierre, également prêtre, afin qu'il le gardât comme un patrimoine propre et un souvenir pour lui et pour ses parents».

Un siècle avant, en 1113, un autre évangile avait déjà été copié dans ce même couvent, par Georges, par ordre du grand docteur Guiragos, l'ordinateur des règles du monastère. On trouve aussi dans ce manuscrit la mention de l'église de la Sainte Vierge. Un autre évangile encore écrit par Thoros en 1182, et enluminé par le prêtre Khatchadour, est conservé maintenant au British Muséum. L'écrivain ou le brave enlumineur nous a laissé, en témoignage de son travail, cette naïve exclamation: «O saint livre, tu connais mes fatigues!» Le supérieur du monastère s'appelait alors Samuel; il paraît avoir été aussi l'évêque du diocèse. Dix ans auparavant (1173), l'écrivain Thoros mentionne déjà cet abbé.

  (p. 268- Hymnaire écrit à Trazarg, en 1313 [4] )

Samuel doit avoir eu pour successeur, comme supérieur et comme évêque, Jean, plus tard catholicos; durant son catholicat, le supérieur du monastère fut Héthoum-Héli, frère de Saint Nersès de Lambroun. Après lui le même Jean catholicos reprit pour quelque temps la direction du couvent. Puis ce fut Basile, qui au commencement de son gouvernement, en 1220, copia une partie des livres prophétiques [5] . En 1241 nous trouvons dans un livre distinctement mentionné «le supérieur, le grand Basile, frère du roi Héthoum». L'écrivain du livre (hymnaire) un certain Jean de la Grande Arménie, ne trouvant pas dans sa patrie, comme il le déclare lui-même, «un lieu de lettres et de musique, à cause du manque de culture intellectuelle, vint au milieu des personnes lettrées et des philosophes de la Cilicie, dont le gardien protecteur est J. -C. ... Il chercha longtemps un exemplaire de rhétorique, et finit par en trouver un très bon d'un certain Joseph, musicien, très versé dans cette matière, jusqu'à ne pas trouver son égal».

Après Basile, frère du roi (+ 1275), je ne trouve pas mentionnés d'autres supérieurs de ce couvent, sinon le catholicos Constantin III, appelé aussi Constantin de Trazarg.

Au commencement du XIV e siècle (1301), on cite Jean, évêque de Sis, qui était probablement supérieur de Trazarg avant Constantin. Celui-ci, en 1321, dans l'édit de Léon IV en faveur des Vénitiens, ajoute à sa signature, non seulement le titre d'archevêque de Trazarg, mais encore celui de chancelier du royaume des Arméniens [6] .

Le dernier mémoire et souvenir de Trazarg qui me soit connu, est un évangile. Je l'ai sous les yeux: ce manuscrit fort bien écrit et bien enluminé, fut copié en 1332, d'après un excellent exemplaire, par Thoros de Romcla, pour le prêtre Sarkis, fils de Mardiros et de la Dame Mama.

Dans la liste des évêques de Sis, mentionnés plus haut, il faut ajouter Basile en 1342. Il assista au concile convoqué par le catholicos Mekhitar. Enfin, l'évêque Jean est mentionné comme dernier parmi tous ces évêques, en 1372. Le Pape Grégoire XI, dans son épître à Philippe, prince de Tarente, parle de cet évêque et l'annonce comme ambassadeur envoyé par la reine des Arméniens [7] .

En résumé de ce que nous avons dit, les supérieurs de Trazarg, en même temps archevêques de Sis, se succédèrent dans l'ordre suivant:

+1113. Georges Meghrig.

1113-27. Guiragos, le Docteur savant.

1173-1182. Samuel.

1198. Jean Medzaparau (le Magnanime) plus tard catholicos.

1200. Héli-Héthoum, de Lambroun.

1218. Jean, (le catholicos), pour la deuxième fois.

1220. Basile.

1241-1275. Basile, frère du roi.

1294. Thoros.

1295. Constantin.

1301. Jean.

1323 Constantin (III, catholicos).

1341. Basile.

.....................

1372. Jean.

Assurément outre l'archevêque, il y avait, aussi un supérieur ou directeur immédiat dans le monastère; ainsi en 1325 le supérieur du monastère était Haïrabied, prêtre vénéré et savant; il était assisté de son frère Soukias, prêtre célibataire. D'après leur conseil et exhortation, un certain Grégoire, fils du religieux Mikaël et neveu du prêtre Sarkis, copia un évangile. L'inscription de ce manuscrit mérite d'être signalée: l'auteur après avoir dit qu'il fut écrit dans le célèbre monastère de Trazarg, sous la protection de la Sainte Vierge et d'autres Saints vénérés dans ces lieux, demande, par trois fois, qu'on se souvienne des religieux et des officiants, tant morts que vivants, du monastère de la Fosse, qui, selon le contexte, semble être le même que celui de Trazarg; puisqu'il prie de nouveau de «se rappeler des bons pères du saint monastère de la Fosse, de Haïrabied et de tous ses frères, et de tous les habitants de la Fosse, les prêtres et les religieux». D'où il suit que Trazarg portait un double nom, et à cause de sa position s'appelait aussi la Fosse, ou bien qu'il était partagé en deux, comme c'était alors l'habitude dans les monastères célèbres de séparer les solitaires des religieux vivant en communautés; la Fosse en ce cas devait être l'ermitage.

Dans le mémorial [8] d'un autre livre il est encore fait mention de ce couvent de la Fosse il est dit qu'il contient quelques religieux seulement; mais comme je n'ai pas vu le manuscrit et que j'ignore sa date, je ne puis rien ajouter. Mais nous possédons encore sur ce lieu un mémoire plus ancien datant de la moitié du XIII e siècle. Le catholicos Constantin écrit dans un évangile: «Je l'ai fait copier pour moi en 1254, d'après un excellent exemplaire et je l'ai orné d'or et d'argent; et ayant visité le monastère de la Fosse, j'ai réuni tous ses membres afin qu'ils n'aient qu'un seul but et une vie commune; ils reçurent des règlements selon leur pouvoir; je m'unis avec eux et leur fis le don de cet évangile, que j'avais fait écrire pour moi, en ma mémoire et en celle de mon neveu, le prêtre Thoros », etc.

Ce monastère, si célèbre, portait encore un autre nom ou épithète: il s'appelait Avak-Vank (le Grand monastère); comme nous l'atteste l'écrivain Thoros, en 1173, après avoir cité le supérieur Samuel, il ajoute: «Dans le couvent de Trazarg, appelé Avak-Vank».

Parmi les dignitaires du monastère, nous pouvons en citer un, dont le nom est mentionné dans les Archives d'Angleterre: Thoros le Musicien, ou maître de chapelle de Trazarg. Il fut envoyé en ambassade avec Baudouin (maréchal, père du roi Constantin II), par l'ordre de Léon III et de son régent et oncle Héthoum II, en 1307, à Edouard II roi d'Angleterre et à d'autres princes. Edouard, avant d'avoir appris la triste nouvelle de la mort de Léon et de son oncle, leur écrivait quelques mois plus tard une lettre, pour leur accuser la réception de leur missive et de leur ambassade. «Litteras vestras de credentia, per discretos viros, Theodorum Cantorem Abbatiœ de Tresarco, Dominum Baudivinum filium domini de Negrino, consobrinum vestrum, et dominum Leonem, milites familiares vestros et nuncios speciales... recepimus» [9] . Si Thoros, dans cette ambassade, a la préférance sur ses deux compagnons, c'est qu'il était un personnage érudit, habile diplomate, et versé dans les affaires de la cour. C'était probablement lui que l'on appelait le Thoros Thaprontz, l'archiprêtre de la cour, dont la mort est ainsi indiquée dans les mémoires de la maison du roi: «Ce même jour rendit son âme à J. -C., le savant, l'homme de talent, le musicien Thoros, l'archiprêtre Thaprontz, en 1342, le 27 décembre; que N. Seigneur J. -C., ait pitié de son âme»!

(p. 270- Fac-simile, tiré d'un évangile écrit à Trazarg, en 1331 [10] . )

Digne de mémoire est aussi la personne qui a orné et doré deux évangiles écrits en 1325, et en 1331; nous avons ce dernier entre les mains; il est dans un état de parfaite conservation. Le pieux artiste qui copia et enlumina ces deux ouvrages était un religieux du nom de Sarkis, fils du prêtre Grégoire et d'Hélène; nous en reproduisons ici une page de cet évangile pour donner une idée de son habileté et de son talent. Il vaut la peine de remarquer dans le dessin, la croix sur l'oriflamme de la tour, et la construction du château en forme de temple. Nous avons ajouté en marge de la page quelques ornements du même livre. Au pied de l'image de S. Luc, on voit l'imagier avec cette note: «Souvenez-vous de l'indigne prêtre Sarkis qui a décoré cet évangile, et de ses parents».

Nous possédons encore d'autres livres qui rendent témoignage de l'adresse et du succès de Sarkis dans l'art de l'enluminure et de la dorure. Ces livres furent sauvés des mains des barbares et partant de la perte éternelle. Citons d'abord:

1. ° Un évangile, écrit en 1334 par Grégoire, le copiste du premier évangile de 1325, et enluminé par Sarkis qui se dit «Indigne prêtre qui a orné et doré le saint livre».

2. ° Les Assises d'Antioche et les Institutes de Sempad le Connétable, écrites et ornées de miniatures en 1331, par l'ordre de Léon IV, dont le portrait se trouve dans une vignette.

3. ° Une Bible, écrite en 1319 par un écrivain habile: le frontispice est orné d'or par Sarkis. Son habilité et sa réputation sont affirmées par Etienne, évêque de Sébaste. Celui-ci était venu pour rendre hommage au roi Ochine, il reçut sur sa demande un évangile, mais l'ouvrage était inachevé: «On y voyait, dit-il lui-même, la main d'un artiste intelligent, d'un bon calligraphe, et d'un habile imagier; mais il ne l'avait pas terminé.... c'est pourquoi je me mis à la recherche d'un brave imagier, et je trouvai le chaste prêtre Sarkis, surnommé Bidzag, très habile dans l'art d'imagier. Je lui donnai 1300 piastres; il consentit, et après avoir travaillé avec grand soin, il compléta le reste des images dorées qui manquaient dans l'évangile. Je l'ai reçu comme de la part de Dieu, et je me réjouis en moi-même».

Nous n'avons qu'à être reconnaissants envers l'évêque qui nous a fait connaître le surnom de Sarkis: celui-ci ne l'a jamais ajouté dans les mémoires des livres que nous connaissons; de même il ne parle pas non plus de sa condition de prêtre, ni de ses parents. Mais le contexte, les dates, surtout la ressemblance des dessins et des physionomies, nous confirment l'identité de l'auteur. Selon Grégoire, copiste des deux évangiles de 1325 et de 1334, Sarkis est son oncle d'après la généalogie suivante:

 

Grégoire, prêtre=Hélène, sa femme

Bidzag Sarkis, prêtre dessinateur

Théfano, femme du religieux Mikaël

Grégoire, écrivain.

 

Sarkis fait remarquer qu'avant l'achèvement de l'évangile de l'an 1325, ses parents et sa sœur étaient déjà morts. «J'ai beaucoup travaillé dit-il, pour dorer et orner les Concordances, les évangiles, les arcades, et les lettres iniciales, tout cela me donna beaucoup de peine».

Tous ces mémoires nous ont démontré clairement que le monastère de Trazarg était l'un des plus célèbres, et que les lettres y fleurirent surtout du commencement du XII e siècle jusqu'à la moitié du quatozième. Sa longue durée comme son ancienneté, montrent qu'il surpassait presque tous les autres couvents de Sissouan. Nous pouvons même présumer le grand nombre de livres qui doivent avoir été écrits à Trazarg et dans le couvent succursal de Saint Thoros; la plupart ont disparu comme des feuilles de l'automne qu'une tourmente disperse et fait disparaître, à part quelques-unes qui se sauvent dans un coin abrité. Nous devons regarder comme de rares et précieux débris les fac-similés des mémoires que nous avons publiés dans nos pages.

Vue de la ville d'Anazarbe, d'après V. Langlois


[1] C'est ainsi que l'appelle le chroniqueur Samuel d'Ani.

[2] D'après le D. r Vartan l'historien.

[3] Ce livre précieux, ainsi que plusieurs autres, fut détruit par les habitants de Tiflis, qui avaient un différent avec le propriétaire, Chirmazanian Kaloust, homme de lettres, qui en même temps était leur maire.

[4] Traduction du fac-simile:

«Ce livre de musique, qu'on appelle graduel, fut écrit en 762 de l'ère (arménienne), dans le saint et renommé ermitage de Trazarg; par le grand pécheur qui porte faussement le nom d'écrivain; sous la protection», etc.

[5] Basile écrit de lui-même dans la même année, 1220: «Moi Basile, évêque, le dernier des hommes et vil entre tous,... j'ai écrit ce livre de la Bible, en 1221 durant le patriarcat de Jean et la domination des princes Arméniens; la même année mourut Léon, roi des Arméniens; sous l'ombre du couvent de Trazarg... ».

[6] «Par la main dou Reverent pere en Christ Der  Constantin, par la grace de Dieu Arcevesque de Trasarc, aujordhui Canceller dou Royaume d'Ermenie». Charte de Léon IV.

[7] «Venerabilem fratrem Joannem Archiepiscopum Sitiensem, præfatæ Reginæ (Armeniæ Mariæ) nuncium, latorem præsentium (literarum), audivimus, et audiri fecimus diligenter», etc. EPIST. Greg. XI. Avinione, 22 Jann., 1372.

[8] Ce manuscrit porte le N. ° 258, des manuscrits d'Etchmiadzine, (d'après un catalogue).

[9] Rymer. Fœdera, I. IV, 110.

[10] Traduction du fac-simile:

... «Fut copié d'un bon exemplaire, en 780 de l'ère (arménienne), sous le règne de Léon, et le catolicat du Seigneur Jacques, dans l'ermitage de Trazarg qui ressemble au ciel, par la grâce de Jésus; à qui soit rendu gloire. Amen.

O! souvenez-vous en Jésus-Christ, du condamné pour ses péchés, du relieur de cet évangile, Grégoire, et de ses parents et de tous ses compatriotes; et que J. -C. se souvienne de vous, lui qui est béni pour toute l'éternité».