Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Un autre lieu plus remarquable dans le district de Messis, et dont il subsiste encore quelques traces, c'est le château Chahi-maran شاه مران ou Cheykhi-méran, appelé aussi Yelan-kaléssi: Château des serpents ou Roi des serpents; il est à présent tout en ruines. La tradition populaire rapporte que les serpents, se rassemblaient dans ce lieu pour s'y faire la guerre, ou bien parce que leur chef y résidait. Selon d'autres, il y aurait eu dans ce château un homme monstre à la tête de serpent, qui, voulant ravir la fille du roi, fut étranglé dans les bains de Tarse [1]. On trouve en effet parmi ces ruines des serpents et des lézards, mais leur nombre ne semble pas plus considérable qu'ailleurs. Selon une autre tradition, conservée par les Turcs, un charmeur de serpents du nom de Cheykh-Imran, choisit ce lieu pour sa demeure, et dès lors les serpents y accoururent en grand nombre. Jacques Nalian (patriarche arménien) cite près de Messis, le château Chah-Merdan-kaléssi, sur le sommet de la montagne: ce serait alors la forteresse inaccessible d'Anazarbe; quelques-uns pourtant le placent dans le vallon, près d'Adana.

Quoi qu'il en soit, le château qui nous occupe est à sept lieues au nord de Messis, et couronne un rocher calcaire, séparé de la chaîne des montagnes par le fleuve Djahan; le rocher reste à la droite; à ses pieds on remarque les traces d'un grand bourg et d'une église à demi-ruinée: ces ruines sont un signe éloquent de l'importance de ce lieu: il est dommage que je n'aie pu en vérifier ni le nom ni les faits historiques. Sur le versant est du rocher on voit l'entrée du château, des fortifications et des constructions en forme de porte, qui vont jusqu'à la porte principale à côté de cette dernière s'élèvent deux tours rondes couronnées de lions ailés. Les murailles extérieures ont une hauteur de 40 m. Elles sont formées de pierres de taille énormes; l'aspect en est vraiment formidable, mais l'intérieur n'a rien de remarquable. Le côté oriental est fortifié par un rocher escarpé de la même hauteur que les murailles extérieures, A droite de la porte, on monte par un escalier à la grande tour; à une petite distance à gauche sont les citernes creusées dans le roc; à l'ouest se trouvent trois tours semi-circulaires; le côté nord est couronné par une haute tour carrée et on y monte par un escalier construit dans le rocher. De même à l'est il y a des constructions en forme de remparts, dominant les parois du rocher. On y remarque encore une grande chapelle creusée dans la pierre, mais il semble qu'elle ait été abandonnée inachevée. L'explorateur de ce châteaului trouva une grande ressemblance avec celui d'Anacha, et le style des constructions, l'emploi de l'argile et des briques, n'indiquent pas une grande ancienneté.

Un de nos historiens, qui a vécu au commencement du XVIII e siècle, affirme qu'il y a deux Chahi-maran, un Grand et un Petit. (p. 292- Chahi-Maran) Kotschy qui visita ce lieu en 1859 (le 29 avril), aperçut sur les fentes de très jolis orchis, mais il ne put se livrer à l'examen de ces lieux, étant pressé pour le retour, et de plus obligé de fuir les Kurdes, errant aux alentours et nourrissant une inimitié contre les Turcomans de Sarkand-oghlou et la tribu de Bozan.

Parmi les habitants de ces lieux, et ceux qui y vivent en nomades, il est à remarquer une tribu de race noire répandue dans deux villages, vers les pentes occidentales des montagnes de Messis: ce sont de bonnes gens de belle et bonne complexion. L'époque de leur établissement dans cette région n'est pas certaine, mais les derniers explorateurs [2] croient que ces habitants ont émigré de l'Egypte avec l'armée d'Ibrahim pacha. Outre cette tribu on trouve encore des Circassiens dans plusieurs villages autour du mont de Chahi-maran, au nord, au sud et à l'est; leur centre principal est Ismaël-beg, village situé à l'extrémité d'un rameau du Djahan, sur la rive gauche. Les maisons en sont dispersées sur une lieue et plus. On y trouve quelques magasins, un khan et une mosquée, dont la haute tour blanche se peut voir de très loin. On a jeté un pont de bateaux pour traverser la rivière. Une autre partie des habitants descendent de la tribu tartare Nogha, ils ont les cheveux rouges, les pomettes saillantes et d'épais sourcils; ils cultivent surtout le coton. Un Français y avait établi une fabrique pour dépurer les grains, et il adoucissait ainsi le caractère de ces émigrés, qu'il trouvait plus traitables que les Circassiens: ceux-là, disait-il, bien qu'ils n'aient aucune crainte de Dieu, redoutent pourtant le diable, tandis que ceux-ci ne craignent ni Dieu ni diable.

A quelques heures vers l'est, entre les châteaux Chahi-maran et Thoumlou, on en trouve un autre, appelé Kourd-kaléssi (château du loup), ou Kourd-koulaghi (oreille du loup). A vrai dire ce n'est pas un château, c'est plutôt un grand khan fortifié, construit, dit-on, par le Sultan Mourad III, vers 1580, pour servir de lieu de halte aux caravanes; il peut abriter 2, 000 voyageurs, avec leurs bagages et animaux; il est formé par des murailles de 30 pieds de hauteur. Bien que les pierres de taille employées à la construction soient massives et très solides, cet édifice tombe en ruines par suite d'un trop long abandon. Selon notre historien, ce même sultan y aurait fondé une petite ville et l'aurait nommée Yéni-chehir (Ville neuve). Le même auteur cite au nord de ce lieu un pont appelé Ghournaze, probablement sur le Djahan.

Au sud-est de Messis, il y a un autre endroit remarquable, sur la pente de la montagne Djeb-el-Nour; c'est Djafar-dédé, lieu de pèlerinage pour les Turcs. Cette contrée est toute boisée par des chênes, des térébinthes, des tamaris et des platanes, sur une longueur de 25 à 30 kilomètres; au sud elle touche presqu'aux plages de la mer, et s'appelle Bouze-aghadj ou Boze-aghadj. Toute la pente de la montagne du côté du sud est couverte de gros chênes; au pied de la montagne on voit un grand nombre de tombeaux; les morts des villages voisins sont apportés ici, car on considère ce lieu comme sacré. Au sommet de la montagne, sur un rocher escarpé, se voient les restes d'un grand château.

Les canards et les oies sauvages abondent dans les marécages du fleuve: les sangliers mêmes y trouvent un repaire.

Entre le Djeb-el-Nour au sud, et le Havdé au nord, on aperçoit plusieurs villages récemment bâtis. Au nord, à gauche du fleuve Djahan, s'élève le fort Guéval-oghlou; il est bâti au sommet d'un rocher isolé, entre les deux montagnes citées; je ne sais pas son nom ancien, peut-être faut-il le regarder comme Κάβαλα, le Kabala, mentionné dans l'histoire des faits de Mithridate; quelques-uns l'ont jugé le même que Kastabala. De nos jours, les Circassiens l'appellent Moscou, peut-être en souvenir des Moscovites qui les chassèrent de leurs montagnes.

A quelque distance à l'ouest de ce château, le fleuve Djahan reçoit un affluent qui vient de l'ouest des montagnes qui séparent les provinces d'Adana et de Messis. On doit chercher à la droite du Djahan deux villages aux noms arméniens: Davtichèn et Terkichèn, ( Դաւդիշէն, Թրքիշէն ) ; qui sont indiqués sur les cartes géographiques. Langlois et Bouthovski le numismate, pensent que le dernier de ces villages occupe l'emplacement de la ville de Séleucie sur le Pyramis.


[1] D'après V. Langlois qui l'avait entendu dire.

[2] Favre et Mandrot (p. 45), qui contredisent en plus d'un point ce que rapporte V. Langlois; ce dernier dépeint en effet ces tribus comme cruelles et sauvages.