Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Il y avait encore à Ayas, le grand bureau du Proximus des Arméniens. Ce nom tiré du grec, n'indique pas les mêmes fonctions que celles du Πρόξιμος des Grecs, qui était, lui, l'adjoint ou le proche de l'intendant des Archives, ou du Grand Prince. Les Proximus des Arméniens correspondaient plutôt aux Πρόξενοι Grecs, intendants du commerce; ils étaient des fonctionnaires de la grande Douane royale de Sissouan. On pourrait les mettre sur la même ligne que les Consules Mercatorum et Marinariorum des Italiens, et les Consuls de Mer des Français. Le Baron Ochine occupait cette charge en 1288; Toros, seigneur de Jeoffrégla, en 1307; Ochine Ehannentz, en 1314: Pierre Khebdentz (?), en 1321. Le chef ou le directeur de la Douane à Ayas, qu'on appelait Capitanus, était sous les ordres du Proximus. Les plus connus de ces chef, de la douane, sont: Pagouran et Pierre, en 1228; Sir Toros Mikaïlentz, en 1314; Constantz, en 1321.

Dans les Archives de Montpellier, on conserve deux décrets royaux en arménien, et une signature d'ordres du Proximus ou chef de la douane. Le premier décret, écrit en 1314, pendant qu'Ochine était proximus, est ainsi conçu:

«D' Ochine Ehanentz proximus. Sache, Sir Thoros Michaïlentz, Capitaine de la douane d'Ayas; que lorsque tu auras reçu le haut ordre écrit par le roi, tu auras à te rendre à la douane, à la section du pesage, et agiras comme il est écrit et ordonné sur l'autre côté de l'ordre».

Le second est à peu près conçu de même. Il a été donné en 1321, au commencement du règne du jeune Léon IV, par le proximus Pierre, à Constantz.

Dans les brevets qui contiennent les privilèges royaux, on trouve encore mentionnés les Quaterni ou livres de comptes de la douane d'Ayas [1] .

Cette douane, appelée pagedoun, Բաժ - տուն, était renommée à si juste titre, que les Occidentaux qui en avaient entendu parler souvent, adoptèrent son nom dans la traduction latine des décrets et des privilèges, l'on trouve en effet Pasidonium ou Pacistonium. Elle entassait les droits d'entrée continuels des caravanes venues par terre ou par mer, et composées d'un très-grand nombre de voyageurs de l'Occident et de l'Orient, qui allaient de Byzance à Pékin, des golfes de la Méditerranée jusqu'aux Indes. La douane d'Ayas suffisait presqu'à elle seule à maintenir les finances du royaume, souvent accablé par les sultans d'Egypte; et ce pays tant de fois ruiné, si souvent à deux doigts de sa perte, fut relevé par la persévérance et les sacrifices des seigneurs de cette contrée. Ayas résista jusqu'à la fin, et se débattit de milles manières pour subvenir non seulement aux besoins du royaume, mais, on peut le dire, pour l'intérêt aussi du commerce universel, et particulièrement pour l'intérêt de quelques royaumes de l'occident. Car, sa ruine aurait nécessairement obligé le commerce à se porter sur un autre point et à ouvrir une autre route.

Les noms des principales stations d'une partie du chemin d'Ayas à Tabris, nous ont été conservés par le florentin Pegolotti [2] . Il y en avait trente-quatre pour les caravanes. Cependant, malgré tous nos soins, nous n'avons réussi qu'à préciser les situations de quelques-unes seulement. Ce qui est incontestable, c'est que toutes ces stations se trouvaient dans la Petite et dans la Grande Arménie. Dans le pays de Sissouan, il n'y avait que les deux premières: Ayas et Copitar. De ce dernier lieu à la septième station, Salvastro, (Sivas), les cinq noms nous sont inconnus; nous savons seulement que le chemin suivi montait directement vers le nord jusqu'à Salvastro, et que il tournait à l'est, vers Arzinga, Arzerone, et Polorbeech, Բոլորապահակ, (Polorabahag, le Pont du berger), puis il allait Alle tre chiese (Bagrevant), enfin il passait sotto l'arca di Noe (Bayezid); et tournant encore vers le sud-est, il allait aboutir à Tabris, capitale de l'Azerbedjan.

Les frais de route, pour chaque bête de somme, chameau ou âne, d'Ayas à Tabris, se montaient alors à deux cent neuf takvorines, (monnaie arménienne), ou aspres de Tabris de la même valeur. Dans le pays de Sissouan, c'est-à-dire d'Ayas à Copitar, on devait payer quarante et un takvorines, 3 1 /2 denars ou cartèz, քարտէզ; (nous verrons bientôt la valeur de ces monnaies); le reste du chemin jusqu'à Tabris, coûtait un peu plus de cent francs.

Il y avait une autre route commerciale au sud-est de notre pays, du côté de la Syrie; elle partait d'Alep ou d'Antioche. Cette route devait passer par les fameuses Portes de la Syrie et de la Cilicie, qu'on appelait Portella, sous la dynastie de nos rois arméniens, comme nous le verrons plus loin. Il y avait, de ce côté aussi, une douane près du fort de Sarvantikar, par devaient passer les caravanes qui se rendaient à Ayas, ou qui devaient passer par Missis [3] et l'autre Porte non moins fameuse du fort de Gouglag, pour entrer dans le territoire du Sultan d'Iconium et se rendre vers le Pont-Euxin ou à Constantinople. A leur retour, les caravanes de Tabris rapportaient des marchandises de la Perse et des Indes, et de la lointaine Chine. En même temps, les navires européens déchargeaient leurs cargaisons dans les magasins ou sur les quais d'Ayas, ou les transportaient dans d'autres pays, après avoir enrichi la douane de la ville.

Les taxes prélevées sur le trafic des marchandises et les achats faits sur la place d'Ayas, faisaient entrer dans le trésor royal une grande somme d'argent et d'or. Ces taxes [4] n'étaient pas énormes, elles étaient réglées d'après la qualité des marchandises. On n'exigeait que 2 ou 4 pour cent, à l'entrée et à la sortie des marchandises vendues, selon leur qualité. A cause de leur fréquentation continuelle, les Vénitiens, les Génois et les Florentins étaient presque exemptés de taxes; des traités leur avaient accordé cette faveur. C'est pour cela aussi que tant de lettres furent échangées; le temps en a épargné une trentaine en différentes langues [5] . Malgré ces concessions, les revenus royaux ne diminuaient pas, ils augmentaient plutôt; car les marchands chrétiens abandonnaient l'Egypte les taxes étaient très considérables, et se rendaient volontiers à Ayas.

Les marchandises orientales qui payaient de plus grand droits et qui enrichissaient le pays, étaient à peu près les mêmes que celles que l'Orient envoie encore de nos jours à l'Occident. C'étaient diverses espèces d'épiceries, mais surtout du sucre, du brésil, du gingembre et du gros poivre [6] . Quelques économistes modernes voudraient faire reprendre au commerce son ancienne route, et amener les grandes caravanes des Indes, à ce Golfe arménien de la Méditerranée, en face de l'Ayas abandonnée, à Alexandrette, ou à une autre station voisine.


[1] «Extrahere fecimus de dictis nostris Quaternis de l'Ayacio», écrit Léon IV au doge de Venise, à propos du compte du coton que les Vénitiens avaient acheté aux Egyptiens, moyennant la somme de 24, 107 takvorines, mais ceux qui le leur avaient livré, en avaient exigé 27, 000, et Léon les leur avait payés.

[2] Balducci Pegolotti, Pratica della Mercatura, Ch. VI.

[3] Le géographe Edrizi, cite les stations des caravanes entre Alep et Ayas; les voici: Hazarte (Azaze), Curis, le passage d'Amanus par le défilé de Sarouantikar, Missis, d'où l'on se rendait à Adana et à Tarse.

[4] Un peu plus loin, on trouvera la liste et l'énumération de ces taxes, d'après le décret de Léon II.

[5] Ces lettres qui ont été recueillies par V. Langlois et imprimées à l'Imprimerie de notre monastère sous ce titre: Trésor des Chartes de l'Arménie ou Cartulaire de la Chancellerie royale des Roupiniens, vont de 1201 à 1341. Toutes se répètent à peu de chose près. Elles sont écrites sur le ton d'un édit de privilège de Léon I er aux Vénitiens et aux Génois, l'an 1201. Léon a pris pour modèle les libelles des privilèges accordés par les rois de Jérusalem, de 1111 à 1123, aux mêmes trafiquants à Ptolémaïs.

[6] Dans les documents conservés aux archives de Venise, il est souvent parlé de ventes et d'achats de poivre à Ayas. Ainsi, l'an 1330, un certain Rubeo en avait emporté 300 livres. Ce qui donne à supposer, ou que les Arméniens l'apportaient des Indes, ou que ce fut un monopole. Quant au brésil, il est dit qu'en 1279, à Ayas, il en fut vendu par les Génois 510 rottoli, pour près de 2850 besants arméniens.