Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Un peu au sud du village de Sari-saki, à trois ou quatre kilomètres de Payas, et au nord d'Alexandrette, se trouve l'un des célèbres passages des montagnes appelés Portes de la Cilicie et des Syriens, ( Πύλαι τη ̃ ς Κιλιχίας χαι τη ̃ ς Συρι ̀ ασ ), Pylœ Ciliciœ, ou aussi Pylœ Syriœ Ciliciœ. Au moyen âge, les Européens les appelaient Piliers de Jonas, et quelques Arabes Porte d'Alexandrette; on affirmait que le prophète Jonas avait été rejeté de la gueule du poisson en cet endroit. On y voit encore quelques ruines, parmi lesquelles une porte à voûte ogivale, que les Sarrasins appellent Sakal-toutan, طوتان صقال, comme si celui qui passe par cette porte étroite devait, dans son angoisse, porter sa main à la barbe. Quelques-uns croient que cette construction n'est autre que les Autels d'Alexandre, dont nous avons déjà parlé; en tout cas il ne faudrait pas lui donner le nom de Porte de la Cilicie, puisqu'on désignait habituellement par ce nom toute la partie étroite du chemin maritime, celle que Sa-nudo, appelle plus justement Passage de la Porte, Passus Portellœ. (p. 498- Sakal-toutan, Porte de la Cilicie Syrienne)

A une demi-lieue environ de cet endroit, à deux lieues au nord d'Alexandrette, et au sud de Kersus, la route est pavée, et des deux côtés on remarque les traces des murailles d'un fort, peut-être construit par le roi Héthoum. Les historiens arabes le citent, et ils rapportent que Béibars dans sa grande invasion y campa pendant quelque tempe, en 1274, puisqu'il parcourut la contrée jusqu'à Mancab, lieu qui m'est tout à fait inconnu. A l'extrémité des murs, sur la plage, on remarque deux tours l'une en face de l'autre.

Cyrus le Jeune et Alexandre franchirent ce passage, nous l'avons déjà rappelé. Mille ans après, l'empereur Justinien le fit élargir, dit-on, en brisant les rochers au marteau. Ce lieu nous intéresse par les souvenirs de Léon et de Héthoum, qui, maîtres de ce passage, le gardaient avec un soin jaloux: ils y avaient établi une douane très productive, qui devint avec Ayas une source de prospérité pour Sissouan. Les Occidentaux l'appelaient Portella, et les Arméniens tout simplement Porte, comme l'indique l'historien royal dans le récit de la bataille de Mari, «la moitié des soldats arméniens se trouvait au lieu qui s'appelait Porte ». C'est que 110 ans auparavant, en 1156, leurs pères avec l'aide des Chevaliers, avaient remporté une grande victoire sur les Iconiens: tandis que le sultan excité par l'empereur Manuel marchait contre Thoros II, sans pouvoir le soumettre, «il confia à son gendre Yaghoub Arslan, personnage cruel et méchant, une grande armée et lui enjoignit de dévaster le territoire d'Antioche. Lorsque cette armée traversa le défilé appelé La Porte, tout à coup, comme par miracle, les soldats chrétiens des Frères, de même que Stéphané, le frère du généralissime Thoros, survinrent et infligèrent une sanglante défaite aux ennemis. Yaghoub, leur général, fut tué d'un coup de lance, et exhala son dernier soupir en poussant un grand cri. A cette nouvelle toute 1'armée fut saisie d'une grande frayeur»; de plus une épidémie sévit dans les rangs de leurs chevaux et contribua à  accélérer leur fuite [1] .

Willebrand, le premier parmi les étrangers qui ait donné à ce lieu le nom de Portella, nous le dépeint comme un beau village, à côté duquel on voit une porte de marbre blanc, sur le chemin au bord de la mer. On raconte, dit-il, qu'Alexandre avait ordonné qu'on l'ensevelît sur cette porte, et que tous les rois et les princes qui se trouvaient de son vivant sous son empire, fussent obligés à passer au-dessous après sa mort [2] .

Léon, qui par son premier chrysobulle aux Vénitiens, en 1201, les exemptait des taxes dans les autres régions du territoire, obligeait cependant ceux qui demeuraient dans ces lieux à payer les impôts ordinaires comme tous les autres chrétiens qui allaient et revenaient [3] ; cela nous montre qu'avant le XIII e siècle ces lois étaient en vigueur, et que les Arméniens y avaient une douane. Les Génois étaient aussi soumis à cette obligation, quoique on n'en trouve pas mention dans 1'édit qui leur a été octroyé. Ces ordonnances furent confirmées aussi par Héthoum I er (1245) et par Léon II (1271) dans leurs édits. Dans un autre édit de Léon II aux Génois, en 1288, la Porte n'est plus mentionnée, car vingt ans avant Béibars s'en était emparé, après la conquête d'Antioche. Mais son petit-fils Léon III, la cite de nouveau, et dans les mêmes termes que ceux du chrysobulle de 1291 (mais en français) [4] ; elle avait été reprise aux Egyptiens par son oncle Héthoum II. Léon IV la cite également dans ses traités d'alliance avec les Vénitiens, en 1321; après cette date, on n'en trouve plus aucune mention.


[1] C'est Mathieu d'Edesse qui rapporte ce fait en 605 de l'ère arménienne. Le même fait est mentionné aussi par Aboulfaradj le Syrien: «les Sarrasins, dit-il, ne purent pénétrer dans les défilés des montagnes, car ils étaient occupés par les Arméniens qui les surveillaient ».

[2] «Venimus ad Portellam: hoc est casale bonum, prope se habens Portam, a que ipsum denominatur: h æ c sola sita est in strata publica, in ripa maris, et est ornatissima, albo et valde politi marmore composita: in cujus summitate, ut dicitur, ossa Alexandri pr æ nominati requiescunt»; etc. Willebrand.

[3] «Venetici habitantes in Cismarinis partibus, et transierint per Portellam, tenentur ibi persolvere dricturam, sicut solitum est ab omnibus christanis transeuntibus et retrumeuntibus persolvere». - Cartulaire, 110.

[4] «Sauf les Venetiens che demorans sont deça mer, se il passent par la Portele, che il soient tenus de paier droiture, si cum est usage dou leue». Cartulaire, 152.