THÉODORE
LE
SALAHOUNIEN
Martyr
Arménien
Par
le
P.
Leonce
M.
Alishan
Traduit
par
J.
Hékimian
I.
Voici
Maréri
[1]
qui
distille
des
gouttes
de
miel.
Pour
l'Arménie,
notre
cher
pays,
et
pour
ceux
qui
lui
ressemblent,
c'est
le
plus
beau
des
douze
mois
de
l'année.
Chez
nous,
sous
l'azur
le
plus
pur
du
ciel,
Maréri
danse
avec
grâce
sur
les
collines
et
dans
les
vallées.
Elle
est
tout
habillée
de
vert
et
de
rose.
A
chaque
main
et
sur
son
sein,
sur
sa
tête
et
à
sa
ceinture,
elle
porte
des
bouquets
de
fleurs
aux
mille
couleurs
que
ses
pas
légers
ont
fait
naître.
On
entend
le
doux
murmure
des
sources
argentées;
les
oiseaux,
aux
ailes
fleuries,
chantent
et
exécutent
des
cheurs,
les
chevreaux
et
les
chevreuils
aux
frêles
épaules
errent
et
courent
ça
et
là.
Quand
la
reine
des
coteaux
arméniens
Maréri,
aux
noirs
sourcils,
se
glisse
de
vallon
en
vallon,
s'élance
de
colline
en
colline,
précipite
ou
arrête
ses
pas,
c'est
alors
que
la
brise
embaumée
et
les
doux
zéphirs
font
onduler
leurs
souples
cheveux.
Sous
son
haleine
vaporeuse
et
rayonnante,
les
fleurs
scintillent,
les
fruits
prennent
une
couleur
de
pourpre.
Et
si
la
douce
voix,
la
voix
de
Maréri
frappait
ton
oreille!
Oh!
lorsqu'il
y
a
plus
de
mille
ans,
notre
nation
était
maîtresse
et
héritière
de
tous
ses
pays
donnés
par
Dieu,
alors
sur
les
collines
ombragées
de
l'Arménie,
la
voix
de
Maréri
aux
noirs
sourcils
était
un
chant
incomparable,
incomparable
comme
Maréri
elle
même.
Comme
la
feuille
desséchée
ne
pourrait
résister
devant
l'éclat
d'une
rose
printanière,
ainsi
nos
accents
modernes
diffèrent
de
ceux
de
cette
charmante
chanteuse.
Ni
nos
musiciens,
ni
les
chanteurs
étrangers
ne
peuvent
réveiller
les
harmonies
dont
Maréri
faisait
retentir
autrefois
les
cavernes
de
la
Haute-Arménie.
Et
si
nous
voulons
en
faire
un
essai
quelconque,
si
nous
voulons
en
avoir
une
idée,
peut-être
que
la
voix
entendue
des
collines
de
Béthel
est
seule
digne
d'étre
comparée
à
celle
de
notre
Maréri
à
la
bouche
de
miel;
cette
voix
paraît
encore
sortir
d'un
vallon
obscur,
traversé
par
de
fougueux
affluents
de
l'Euphrate:
«L'hiver
s'est
éloigné,
les
pluies
ont
cessé,
et
les
fleurs
apparaissent
dant
notre
pays:
le
temps
de
la
taille
de
la
vigne
est
arrivé,
le
roucoulement
de
la
tourterelle
se
fait
entendre
dans
nos
campagnes;
le
figuier
étend
ses
bourgeons,
nos
vignes
fleuries
répandent
leurs
parfums»
[2].
Sans
doute,
ici
un
cœur
ardent,
ne
voudrait
pas
s'arrêter;
il
essayerait
d'appeler
avec
le
chantre
divin,
un
voisin
inconnu,
une
beauté
charmante,
un
jeune
visage
qui
eût
la
douceur
de
la
colombe,
et
caché
«à
l'abri
«d'un
rocher.....
».
Oui,
aujourd'hui,
le
calendrier
arménien
nous
découvre
un
tel
personnage
sacré,
dont
le
nom
et
le
pays
sont
peu
connus.
Le
voici,
se
délassant
à
l'ombre
d'un
arbre,
sur
un
rocher;
il
goûte
là
les
douceurs
du
repos;
repos
qui
précède
celui
de
l'éternité....
Le
voici,
semblable
en
effet
au
bien-aimé
de
l'Ecriture
[3],
sur
son
visage
le
lis
se
mêle
à
l'incarnat;
sa
taille
est
droite
et
bien
prise;
il
a
quelque
(8)
chose
du
lion
sous
le
regard
de
la
colombe:
il
sait
rugir,
mais
il
aime
mieux
gémir.
Il
est
étendu
comme
un
homme
harassé
de
fatigue,
dans
un
vallon
où
la
voix
humaine
ne
se
fait
entendre
que
rarement,
sous
un
arbre
solitaire
dont
les
branches
courbées
vers
la
terre
le
protègent,
on
dirait,
comme
les
bras
d'une
mère
alarmée.
Couché
en
ce
lieu,
il
a
posé
son
bras
droit
sur
une
pierre
qui
fait
saillie
au
penchant
du
vallon;
il
soutient
ainsi
sa
tête
appesantie;
sa
main
gauche
disparait
sur
son
sein,
dans
les
plis
d'un
vêtement
modeste.
On
serait
tenté
de
croire
que
Maréri
elle-même
ornée
de
mille
fleurs,
errant
dans
les
vallées
et
sur
les
collines,
allait
chercher
ce
jeune
homme,
ainsi
que
nous
l'apprend
un
historien
obligeant
[4].
«Il
avait
les
yeux
noirs,
les
cheveux
bouclés,
les
joues
roses,
la
taille
haute».
Son
vêtement
était
une
robe
simple
et
longue
qui
allait
du
cou
jusqu'aux
genoux;
aux
reins
il
avait
une
ceinture;
ses
jambes
étaient
couvertes
de
chaussures
parthes;
ses
poignets
jaunes
étaient
à-demi
découverts,
son
bonnet
arménien
semblable
au
bonnet
phrygien
en
forme
de
corne,
était
près
de
lui.
Sa
physionomie
était
loin
d'avoir
une
expression
soucieuse;
son
âme
cependant
était
en
proie
aux
plus
grandes
angoisses
que
l'on
remarquait,
quand
il
ouvrait
ses
yeux
étincelants
comme
le
diamant.
Parfois
quelque
chose
de
pareil
à
l'ombre
d'un
nuage
noir,
se
glissant
soudain
sur
son
visage,
lui
donnait
un
aspect
si
douloureux,
qu'on
pourrait
dire
que
pour
lui
toute
chose
terrestre
s'écoulait
sans
retour,
comme
les
eaux
qui
s'echappaient
de
ce
vallon,
et
qu'il
pouvait
s'écrier
comme
l'Homme
des
douleurs:
«Mon
âme
est
triste
jusq'à
la
mort».
Mais
bientôt,
une
lumière
paraît
sur
son
visage
comme
un
rayon
du
soleil
ardent
traversant
le
nuage,
et
un
paisible
repos
l'enchaîne
dans
une
douce
immobilité:
il
ferme
ses
paupières
aux
longs
cils;
et
on
le
voit
plongé
dans
la
douceur
d’un
sommeil
si
léger
qu'il
semble
murmurer
ces
mots :
«Je
dors
et
mon
cœur
veille».
O
sommeil
plus
désirable
que
l'état
de
veille!
O
admirable
repos!
O
tranquillité
d'une
ame
pure!
O
tristesse
sans
aigreur!
Le
zéphir,
la
vallée,
toute
la
beauté
du
printemps
semble
se
taire
et
s'en
dormir
avec
ce
jeune
homme.
—
O
Haigag
[5]
!
si
tu
savais
pourquoi
cette
solitude,
pourquoi
ce
besoin
de
sommeil;
si
tu
connaissais
le
dernier
réveil
qui
doit
lui
succéder,
sans
doute
tu
désirerais
que
ce
sommeil
durat
au
moins
autant
que
celui
des
Dormants
d'Éphèse
[6],
ou
plutôt
que
ce
dernier
repos
se
confondît
avec
le
repos
éternel,
et
nous
n'aurions
sous
les
yeux
qu'un
corps
qui
a
la
blancheur
immaculée
du
lis;
le
corps
d'un
martyr
inanimé,
étendu
au
milieu
des
violettes
et
des
marguerites!...
II.
Mais
quel
est
ce
vallon
inconnu,
cette
contrée
inconnue?
Quel
est
ce
jeune
homme
si
remarquable?
Les
historiens
l'ont-ils
oublié
à
dessein?
Les
géographes,
en
particulier
notre
digne
et
savant
historien
et
géographe
Moïse
de
Khorène,
qui
nous
fait
connaître
les
deux
cents
districts
de
la
Haute
Arménie,
n'ont-ils
pu
nous
indiquer
le
pays
de
Godère,
le
canton
de
Salahounik,
le
bourg
de
Sourénachène,
le
château
des
Parthians,
et
ce
tragique
vallon
de
Sélemnoud,
où
nous
transporte
aujourd'hui
le
calendrier
arménien?
Le
majestueux
Euphrate,
descendant
des
hauts
plataux
de
Garine
(Erzéroum)
traverse
les
cantons
de
Tertchan,
et
d'Erzengha
(Acilisene);
le
vallon
que
nous
cherchons
est
situé
au
milieu
de
ces
deux
derniers
cantons
[7].
Ce
pays
nous
est
inconnu,
et
cependant
il
y
a
dans
cette
contrée
une
foule
de
noms
propres
à
le
faire
connaître.
On
l'appelle
aussi
le
pays
des
Cordouens:
désignation
qui
appartient
encore
à
d'autres
provinces
de
l'Arménie.
On
nomme
ainsi
ce
pays,
peut-être
parce
qu'il
est
comme
la
fameuse
province
de
Corduène
[8],
une
terre
inculte
et
pierreuse,
ou
plutôt
parceque
ses
habitants
sont
venus
de
la
même
région:
on
le
designe
plus
proprement
sous
le
nom
de
Godère,
à
cause
du
bourg
de
Gother,
mais
son
nom
classique
parait
venir,
sans
doute,
d'une
noble
famille
ancienne,
de
Salahounik.
Dans
cette
contrée,
il
s'est
passé,
il
y
a
plus
de
quinze
cents
ans,
un
événement
que
nous
allons
raconter.
Nous
sommes
à
une
époque
où
une
grande
incertitude
règne
dans
l'histoire
politique
de
notre
pays:
car
c'est
le
temps
d’Ardachir
le
Sassanien
devenu
roi
des
Perses,
chassant
de
leurs
trônes
les
rois
Arsacides
des
Parthes
et
des
Arméniens,
s'emparant
de
leurs
vastes
possessions.
C'est
le
temps
ou
le
jeune
Teridate,
fils
de
notre
roi
Khosrov
I,
tué
par
les
intrigues
d'Ardachir,
s'était
sauvé,
par
le
secours
de
ses
tuteurs,
sur
les
terres
de
l'Empire
romain,
alors
allié
de
l'Arménie,
et
où
ce
guerrier
futur
se
préparait
à
la
délivrance
de
sa
patrie.
Quant
à
nos
satrapes,
quelques
uns
étaient
soumis
au
tyran;
les
autres,
rassurés
par
la
position
imprenable
de
leurs
pays,
attendaient
leur
maître
légitime.
L'un
de
ces
satrapes
était
aussi
gouverneur
du
district
des
Salahouniens:
il
s'appelait
Sourène.
L'histoire
de
sa
race
n'existe
pas;
on
dit
seulement
qu'il
était
ou
de
la
famille
royale,
ou
allié
à
cette
famille:
son
nom
donnerait
lieu
de
le
croire.
Il
avait
bâti
un
bourg
qui
porta
son
nom,
-
Sourénachène,
puis
celui
de
Zourain.
Près
de
ce
bourg
se
trouvait
l'ancien
château
des
Parthiens,
qui
fut
dans
la
suite
appelé
Bertoden
(Pied-du-fort).
Il
est
également
facile
de
voir
par
ce
nom
qu'il
était
bâti
sur
le
flanc
d'une
montagne
où
se
trouvait
une
forteresse
construite
par
les
Parthiens
ou
Parthes.
Ce
pays
était
situé
sur
les
confins
de
la
grande
et
de
la
petite
Arménie,
près
de
l'Arménie
Grecque,
sur
le
territoire
des
Romains
qui
avaient
étendu,
à
cette
époque,
jusque
là
leur
domination.
Sourène,
voisin
des
Grecs,
leur
emprunta
quelques
usages
qui
adoucirent
tant
soit
peu
ses
mœurs
trop
rudes.
Il
semblerait
que
sa
femme
aussi
fût
grecque:
elle
s'appelait
Alouitha,
ce
qui
signifie
en
grec
aimable;
à
moins
que
ce
nom
ne
vienne
de
l'arménien
Aghou
(douce)
ou
Aghavni
(colombe);
peut-être
aussi
que
cette
femme
portait
ce
nom
à
cause
de
la
douceur
de
ses
mœurs
distinguée
dès
son
enfance.
Son
aimable
fils
aussi
donne
quelque
valeur
à
cette
assertion :
c'est
sans
doute
à
cause
de
sa
mère
et
du
voisinage
des
Grecs
qu'il
fut
nommé
Athénodore,
ce
qui
veut
dire
Don
de
Minerve,
déesse
de
la
sagesse:
nom
sublime,
qui
n'annonce
pas
tant
le
goût
excellent
de
ses
parents
que
l'attrait
de
la
grâce
divine
qui
le
délivrant
des
ténèbres
du
paganisme,
lui
découvrit
la
lumière
de
Jésus-Christ.
Dans
son
baptême
il
reçut
le
nouveau
nom
de
Théo
dore,
qui
veut
dire
Dieudonné.
III.
C'est
dans
le
mois
où
les
fruits
abondent,
l'an
269
de
notre
ère,
que
naquit
Athénodore,
courageux
comme
son
père,
gracieux
comme
sa
mère.
En
grandissant,
il
arriva
à
cette
taille
et
à
cette
physionomie
que
nous
avons
admirées
dans
le
jeune
homme
au
repos
dans
le
vallon
de
Sélemnoud.
Au
sortir
de
l'enfance,
tandis
qu'il
grandissait
comme
un
myrte
bien
droit,
avec
ses
cheveux
bouclés,
son
teint
rose,
et
ses
yeux
d'un
noir
d'ébène
et
pleins
d'une
ineffable
splendeur,
il
fut
atteint
d'une
de
ces
dangereuses
maladies
ennemies
du
jeune
âge:
il
était
dans
sa
quinzième
année,
dans
tout
l'éclat
de
sa
beauté,
quand
des
plaies
incurables
se
répandirent
sur
ce
charmant
visage,
comme
des
nuages
obscurs
sur
une
belle
étoile:
cette
épreuve
affligea
plus
encore
le
cour
de
ses
parents
que
le
corps
du
fils.
Cependant
quand
cette
langueur
produite
par
la
souffrance
se
mêlait
aux
grâces
naturelles
d'Athénodore,
quand
sa
tête
blonde
reposait
sur
les
genoux
de
sa
mère,
quand
ses
mains
étaient
entre
celles
de
son
père,
et
que
ses
yeux
brillants
étaient
à
demi
ouverts,
à
demi
clos,
pleins
de
mélancolie,
on
aurait
dit
que
ces
cruelles
souffrances
lui
donnaient
plus
de
charme
qu'elles
ne
lui
en
ôtaient:
son
visage
charmant
n'était
pas
obscurci;
seulement
il
était
couvert
d'ombres
transparentes.
A
cause
même
de
sa
maladie,
l'enfant
était
aimé
plus
tendrement
de
ses
parents,
qu'à
son
tour
il
aimait
davantage.
Etait-il
possible
qu'un
père,
qu'une
mère
aimassent
avec
moins
de
tendresse
un
héritier
de
leur
nom,
l'espérance
de
leur
vieillesse,
le
plus
cher
des
enfants,
en
le
voyant
dans
une
telle
épreuve?
L'argent
qui
devait
servir
aux
plaisirs
de
Sourène
et
aux
parures
d'Alouitha
fut
employé
à
payer
les
médecins
et
les
remèdes:
mais
leur
fils
ne
fut
pas
guéri.
Ils
firent
des
yeux
et
des
offrandes
à
toutes
les
divinités,
sans
en
excepter
une
seule:
tout
fut
inutile.
Les
sept
années
de
la
jeunesse
pendant
lesquelles
la
taille
se
forme,
se
passèrent
pour
Athénodore
dans
les
douleurs,
et
pour
ses
parents,
dans
la
perspective
d'une
situation
regrettable.
Tout
espoir
s'évanouit
bientôt.
Ainsi
découragés,
le
père
et
la
mère,
ne
pensaient
plus
qu'aux
moyens
de
prolonger
le
plus
possible
cette
existence
si
chère
et
si
chancelante.
Mais
le
fil
de
ses
jours
ne
tenait
à
rien;
les
Parques
semblaient
à
chaque
instant
devoir
le
briser:
ces
images
s'offraient
sans
cesse
à
l'esprit
d'Alouitha,
et
sa
douleur
ne
faisait
que
s'accroître,
quand
elle
se
représentait,
sans
le
vouloir
aucunement,
la
taille
si
frêle
de
son
fils
fléchissant
comme
un
roseau,
et
s'affaissant
vers
la
terre,
comme
un
pommier
abattu
sous
le
fer
fatal.
Mais
taisons-nous:
peut-être
blesserions
nous
quelques
cœurs
en
proie
à
de
semblables
angoisses.
Il
n'y
a
qu'un
seul
médecin
et
un
seul
remède
qui
puissent
guérir
de
telles
douleurs.
Croyants,
levez
quelque
peu
les
yeux
vers
le
Ciel,
et
vous
verrez
!
Mais
que
feront
ceux
qui
sont
privés
de
la
lumière
divine
de
notre
réligion?
Heureux
encore,
si
éclairés
par
la
lumière
de
la
raison,
il
n'ont
pas
perdu
la
connaissance
du
Créateur,
et
ne
sont
pas
sourds
aux
sentiments
charitables
du
cœur
qui
ne
peut
se
défendre
de
soulager
le
malheureux
qu'il
rencontre:
ceux-là
goûtent
encore
un
peu
de
bonheur.
Alouitha
était
dans
ce
cas:
privée
de
la
lumière
chrétienne,
elle
n'en
était
cependant
pas
éloignée.
Dans
ses
possessions
territoriales,
il
y
avait
un
lac
nommé
Sighipolon
[9],
qu'on
ne
voit
pas
maintenant
sur
nos
cartes
géographiques;
ce
lac
devait
être
assez
grand
pour
qu'Alouitha
ait
pu
bâtir
sur
ses
bords
une
maison,
des
fermes
et
des
jardins,
dont
l'ensemble
formait
un
bourg.
Souvent,
elle
allait
en
ces
lieux
avec
son
jeune
agneau,
Athénodore,
pour
calmer
les
douleurs
de
celui-ci
et
les
siennes
en
présence
du
ravissant
spectacle
de
la
nature.
Qui
sait
combien
de
longues
heures
ils
passèrent
à
contempler
ce
miroir
mobile
revêtu
de
l'azur
du
ciel
et
de
la
verdure
des
bocages
d'alentour:
heures
qui
leur
paraissaient
des
minutes!
Parfois
Athénodore
semblable
à
un
jeune
rosier,
posait
sa
tête
sur
le
sein
de
sa
mère
qui
le
couvrait
de
ses
cheveux
épars,
pareils
à
de
flexibles
branches
de
saule.
La
jeune
mère
regardait
tantôt
les
eaux
paisibles,
tantôt
son
fils
doux
et
calme;
et
les
feux
ardents
de
son
cœur
affligé
s'éteignaient
dans
le
charme
plein
de
fraicheur
de
ce
double
spectacle.
De
l'autre
côté
du
lac,
en
face
du
hameau,
coulait
l'onde
douce
d'une
claire
fontaine
qui
s'appelait
Arpénoud
[10]:
peut-être
venait-elle
se
jeter
dans
le
sein
du
lac
avec
un
doux
murmure,
comme
Athénodore
dans
les
bras
de
sa
mère.
Sans
doute,
Alouitha
avait
lavé
maintes
fois
dans
cette
onde
argentée
les
plaies
de
son
aimable
fils.
Avant
d'offrir
à
sa
mère
des
fleurs
diverses,
semblables
à
des
perles,
que
Maréri
faisait
éclore
dans
les
parages,
Athénodore
après
en
avoir
formé
des
bouquets
les
posait
près
de
cette
fontaine.
Alouitha
vivement
touchée
des
maux
de
son
enfant,
se
rappelait
les
autres
infirmes,
surtout
à
la
vue
de
quelques-uns
d'entre
eux
exclus,
selon
les
coutumes
barbares
du
paganisme,
des
habitations
et
des
cités,
et
errant
dans
les
lieux
solitaires,
comme
des
maudits
et
des
hommes
frappés
d'anathème.
Chez
nous
aussi,
cet
usage
était
en
vigueur;
mais
plus
tard,
Saint
Grégoire
Illu
minateur
et
son
imitateur
Saint
Nersès
le
Grand
[11],
son
arrière-petit-fils,
n'omirent
rien
pour
essayer
de
l'abolir.
Ils
établirent,
hors
des
villes,
pour
les
lépreux,
des
hôpitaux
et
des
asiles
qui
furent
les
premiers
monuments
de
ce
genre.
Mais
avant
ces
deux
grands
Patriarches
mentionnés,
Alouitha
au
noble
cour,
fit
construire
un
hospice
près
de
la
fontaine
d'Arpénoud,
où
se
rassemblèrent
trente-cinq
malades
qui,
vivant
des
aumônes
d'Alouitha,
bénissaient
leur
bienfaitrice.
Parmi
eux
se
trouvait
le
vénerable
vieillard
Dassius
ou
Dassic,
(Դասիկ)
considéré
comme
le
père
des
infirmes,
d'Athénodore
et
d'Alouitha
elle-même,
qui
pouvait
être
considérée
à
son
tour
comme
la
mère
de
tous.
On
le
prit
d'abord
pour
un
prêtre
de
Dir
[12],
à
cause
de
son
air
respectable
et
de
sa
barbe
argentée.
Avec
ses
paroles
plus
douces
que
les
accords
de
la
lyre
d'or
d'Appolon,
Dassius
charmait
les
cœurs
de
tous
ceux
qui
l'entouraient;
et
s'il
ne
parvenait
pas
à
les
guérir,
au
moins
en
leur
découvrant
les
bienfaits
et
les
trésors
de
la
nature,
il
élevait
leur
esprit
peu
à
peu
jusqu'au
Maître
de
toutes
choses.
Ayant
suffisamment
préparé
ces
malheureux,
il
leur
fit
enfin
voir
sa
flûte
pastorale
qu'il
avait
cachée
jusque
là,
et
il
exécuta
une
mélodie
inconnue
qui
ravit
tous
les
auditeurs:
dès
lors,
chacun
s'attachait
à
ses
pas.
Le
vieillard
avait
appris
ce
nouvel
air
du
chef
Nazaréen
des
pasteurs:
il
chantait
les
oracles
de
l'Evangile,
la
parole
de
Jésus
Christ.
Dassic
était
un
prêtre
déguisé.
Il
fut
le
pasteur
de
ses
compagnons,
et
en
adoucissant
les
maladies
corporelles,
il
ressuscita
les
âmes
mortes.
Il
les
convertit
au
Christianisme.
Pour
ces
hommes
éprouvés
par
de
si
pénibles
douleurs,
il
eut
l'idée
ingénieuse
d'ouvrir
un
jardin
tout
fleuri,
une
sorte
d'Eden
plein
de
roses,
où
la
souffrance
goûtait
enfin
quelque
relâche,
loin
de
cette
société
qui
la
bannissait
de
son
sein.
Ces
hommes
dans
cette
retraite,
étaient
plus
libres
et
plus
heureux
que
les
Arméniens
idolâtres
qui
s'illustrèrent
dans
ce
temps-là
en
secouant
le
joug
d'un
long
esclavage,
grâces
à
la
valeur
de
notre
grand
et
victorieux
roi
Tiridate.
Alonitha
et
Athénodore
ouïrent
à
leur
tour
la
voix
de
Dassius
et
celle
de
Jésus,
et
leurs
cours
furent
transformés:
s'ils
ne
reçurent
pas
encore
le
baptême
de
l'eau,
ils
reçurent
au
moins
le
baptême
de
désir
par
l'amour
qui
pénétra
leurs
âmes.
Ils
allaient
secrètement
et
avec
un
réel
attrait
écouter
la
prédication
évangélique
du
vieux
prêtre
qui
lisait
les
Ecritures
en
grec
et
les
expliquait
à
ceux
qui
ne
les
comprenaient
pas.
Tandis
que
là,
comme
de
l'autel
d’Abel,
s'élevaient
doucement
vers
Dieu
les
vœux
de
la
sainte
religion,
les
prières,
et
les
sacrifices;
en
face
de
ce
bourg,
les
personnes
valides
et
les
malades
étaient
conviés,
dans
les
temples
païens,
à
l'adoration
d'Hercule
et
d'Esculape,
dieu
de
la
santé,
dont
les
fêtes
étaient
célébrées
chaque
année
avec
une
solennité
particulière.
Les
prêtres
païens
et
le
peuple
bien
veillant,
quoiqu'idolâtres,
pressaient
de
leur
côté
Athénodore
à
demander
la
santé
à
ces
Divinités
secourables.
Mais
Athénodore
trouvait
toujours
quelque
prétexte
pour
se
refuser
à
leurs
instances;
son
père
lui
même
le
voyant
arrivé
à
l'âge
nubile
(il
a
vait
alors
plus
de
vingt
ans)
se
joignait
aux
solliciteurs
et
l'exhortait
à
ne
pas
négliger
plus
longtemps
sa
religion:
«Il
y
a
six
ans,
lui
disait-il,
que
vous
n'avez
pas
fait
un
seul
sacrifice:
peut-être
est-ce
pour
cette
raison
que
votre
maladie
se
prolonge
ainsi».
Cependant,
Athénodore
prétextait
la
maladie
même
pour
ne
pas
sacrifier
aux
dieux:
il
sut
de
la
sorte,
pendant
douze
ans,
résister
aux
instances
de
son
père,
à
toutes
les
sollicitations.
Il
est
probable
que
Sourène
qui,
en
qualité
de
préfet
et
de
prince
royal,
attendait
l'arrivée
de
Tiridate,
se
hâta
d'aller
à
sa
rencontre,
et
qu'il
était
dans
l'armée
de
la
cour
campée
(prés
de
son
pays,
Salhonie)
dans
la
province
d'Egheliatz,
sur
les
bords
de
la
rivière
du
Lycus
qui-est
un
confluent
de
l'Euphrate.
IV.
Les
choses
en
demeurèrent
là
quelque
temps,
lorsqu'un
jour
le
bourg
de
Sourénachène
retentit
du
bruit
des
armes.
On
y
avait
vu
un
corps
de
l'armée
royale
commandé
par
le
prince
Mazènde
(Մազենտ).
Cette
troupe
partie
du
bourg
d'Erèse
[13],
dans
le
district
d’Eghéliatz,
pour
aller
à
Artachad,
ancienne
capitale
de
l'Arménie,
passait
par
le
canton
de
Salahounik
qui
se
trouvait
sur
son
chemin.
Elle
n'allait
pas
combattre
l'ennemi,
ni
défendre
la
patrie,
mais
conduire
en
prison,
pour
délits
politiques,
un
criminel
enchaîné,
en
révolte
contre
le
roi.
La
prison
était
l'un
des
souterrains
de
la
ville
d'Artachad;
le
coupable
s'appelait
Grégoire...
Il
est
tout
naturel
qu'une
foule
de
curieux
accourût
de
toutes
parts
pour
demander
quel
était
cet
homme
et
quel
crime
il
avait
commis.
Apprenant
que
c'était
le
fils
du
meurtrier
de
Khosrov,
père
du
héros
Tiridate,
ils
voulaient,
dans
l'excès
de
leur
colère,
l'exécuter
sommairement
et
immoler
ainsi
celui
qui
devait
être,
quelques
années
plus
tard,
l'
Illuminateur
de
leurs
âmes
alors
plongées
dans
les
ténèbres.
Les
soldats
et
les
geôliers
furent
obligés
d'éloigner
la
foule
en
furie,
et
de
faire
passer
le
prisonnier
par
un
chemin
plus
sûr.
Sans
doute
c'était
une
retraite
assurée
que
l'asile
de
nos
malades,
d'où
s'éloignaient
avec
dégoût,
à
cette
époque,
les
Arméniens
forts
de
leur
santé,
de
leur
bravoure,
de
leur
liberté.
Les
pauvres
affligés
entouraient
Grégoire,
et
les
gardiens
émus
de
pitié
les
laissaient
faire.
C'est
par
ce
moyen
que
Dassic,
avec
ses
compagnons
et
avec
Athénodore,
put
s'approcher
de
Grégoire,
dont
il
avait
entendu
d'avance
la
confession.
Sans
doute,
ce
prêtre
sachant
par
une
inspiration
divine,
quel
était
ce
prisonnier,
à
quel
avenir
il
était
réservé,
conduisit,
comme
un
berger
vigilant,
ses
agneaux
malades,
au
futur
chef
des
pasteurs;
sans
doute
aussi
les
pauvres
malades
ayant
vu
les
premiers
miracles
et
éprouvé
les
premiers
bienfaits
du
saint
confesseur,
rentrèrent
chez
eux
guéris
et
consolés.
Dassic
dit
à
Grégoire
quel
était
ce
jeune
homme
qui
était
à
ses
côtés;
il
ajouta
qu’Athénodore
était
secrètement
chrétien,
mais
qu'il
n'avait
pas
encore
reçu
le
baptême.
Grégoire
releva
le
courage
du
vieux
prêtre
et
lui
ordonna
d'amener
l'enfant
à
la
source
voisine:
elle
était
située
vers
l'Est
(on
ne
sait
pas
si
c'était
la
fontaine
d'Arpénoud
ou
une
autre).
Il
voulut
qu'Athénodore
fut
baptisé
et
reçut
le
nom
de
Théodore,
changeant
ainsi
le
don
de
Minerve
en
don
de
Dieu.
Voilà
comment
la
lumière
cachée
de
l'Illuminateur
et
les
eaux
du
baptême,
en
donnant
une
nouvelle
vie
au
généreux
enfant,
le
purifièrent
de
toutes
ses
souillures.
Le
visage
de
Théodore
devint
plus
brillant
qu'aux
jours
de
son
enfance,
et
son
âme
fut
plus
brillante
encore:
il
fut
non
seulement
dès
lors
un
jeune
homme
beau
et
brave,
mais
encore
pur
et
saint,
rayonnant
d'un
éclat
tout
céleste.
Son
heureuse
mère
avait
à
son
tour
participé
au
don
divin,
et
ils
étaient
l'un
et
l'autre
assidus
auprès
de
Dassic.
Dans
les
dernières
années
de
la
lutte
du
paganisme
arménien,
lorsqu'il
livrait
un
dernier
assaut
à
la
religion
nouvelle,
la
vallée
d'Arpénoud,
tout
entière
convertie
au
christianisme,
ressemblait
à
un
vaste
temple
voilé
par
des
forêts.
C'était
à
l'époque
où
Teridate,
à
l'instigation
de
Dioclétien,
persécutait
les
chrétiens
des
pays
qu'il
avait
nouvellement
conquis
et
de
son
royaume,
dont
il
avait
étendu
les
frontières:
ses
satrapes,
ses
alliés,
adorateurs
d'Anahid,
animés
du
même
esprit,
surveillaient
leurs
départements.
Cependant
Sourène,
adorateur
du
démon,
ne
put
jamais,
malgré
son
ardente
idolatrie,
savoir
si
son
fils
était
chrétien;
il
ne
put
entendre
sa
douce
psalmodie
mêlée
aux
murmures
de
la
la
fontaine
d'Arpénoud
et
au
bruit
des
vagues
se
brisant
sur
les
rives
de
Sikipolon.
Six
ans
plus
tard,
les
familiers
de
Sourène
comprenant
que
Théodore
était
chrétien,
livrèrent
le
fils
à
son
père,
l'innocence
à
la
cruauté.
Sourène,
comme
réveillé
d'un
pénible
sommeil,
comprit
alors
pourquoi
Athénodore
n'allait
pas
porter
ses
offrandes
et
ses
hommages
dans
les
temples
d'Hercule
et
d'Esculape;
pourquoi,
même
après
sa
guérison,
son
fils
semblait
chercher
dans
la
solitude
et
l'isolement,
le
souvenir
aimé
de
son
enfance
et
de
sa
maladie.
Tout
ce
que
le
zèle
d'une
fausse
religion,
la
tendresse
et
l'autorité
du
père
pouvaient
faire,
Sourène
le
fit.
Il
travailla
six
mois
entiers
à
changer
l'esprit
de
son
fils,
lui
faisant
beaucoup
de
promesses,
et
lui
montrant
toutes
la
richesse
du
grand
district
des
Salahouniens:
il
ne
put
faire
aucune
impression
sur
le
jeune
et
zélé
chrétien.
Dès
lors,
la
paternité
s'effaça
devant
l'autorité,
et
l'autorité
se
changea
en
tyrannie:
Sourène
fut
le
persécuteur
et
le
bourreau
de
son
fils;
des
promesses
les
plus
agréables
il
passa
aux
menaces
les
plus
terribles,
et
lui
fit
subir
toutes
sortes
de
châtiments
et
de
mauvais
traitements.
Avec
une
cruauté
en
quelque
sorte
fatale,
et
plus
involontaire
que
libre,
il
déchirait
ses
propres
entrailles
en
punissant
son
fils,
mais
sans
pouvoir
l'arracher
à
son
éternel
et
nouveau
père,
Jésus-Christ.
Après
ces
six
mois
d'épreuves,
le
malheureux
Sourène
fut
en
proie
au
plus
violent
désespoir:
son
épée,
voilà
ce
qu'il
considérait
comme
son
dernier
et
seul
moyen
pour
perdre
ou
pour
sauver
son
fils.
Il
se
décida
donc
pour
le
genre
de
mort
le
plus
horrible.
Théodore
ne
craignait
pas
la
mort:
car
elle
lui
assurait
un
repos
qu'il
désirait
ardemment.
Mais
pour
le
jeune
homme,
c'était
une
chose
plus
douloureuse
que
la
mort,
c'était
cent
fois
la
mort
que
de
voir
un
nouveau
Caïn,
et
d'être
tué
par
la
main
de
son
père...
Infortunée
Alouitha!
ni
ses
droits
d'épouse,
ni
sa
tendresse,
ni
sa
compassion
maternelles,
ne
purent
sauver
son
fils
unique.
Sourène
était
devenu
farouche:
ses
yeux
étincelaient
d'une
ardeur
sanguinaire;
sa
bouche
ne
proférait
que
des
menaces
de
mort:
personne
ne
pouvait
s'approcher
de
lui.
Le
temps
des
menaces
lui-même
était
passé:
Sourène
allait
en
venir
aux
faits.
Théodore
jeta
un
dernier
regard
sur
ses
parents,
animés
de
sentiments
si
divers:
ses
yeux,
semblables
à
l'astre
du
jour,
étaient
éclairés
par
les
feux
de
l'amour
filial
et
chrétien.
Comme
un
général
invincible
qui,
après
tous
ses
compagnons,
tombe
bravement
en
face
d'un
ennemi
puissant,
Théodore,
retenant
ses
larmes,
quitta
la
maison,
lieu
de
sa
naissance,
qui
n'est
plus
désormais
pour
lui
qu'un
lieu
de
solitude
et
de
désolation,
comme
le
monde
entier.
Pour
ne
pas
offrir
aux
yeux
de
sa
mère
un
spectacle
horrible,
Théodore
partit
promptement
et
sans
retour!
Ni
le
lac,
ni
le
vallon,
ni
les
fontaines,
ni
les
hôpitaux
ne
purent
l'arrêter:
il
contempla
toutes
ces
choses
une
dernière
fois,
leur
fit
un
dernier
adieu.
Qu'il
eût
été
touchant
de
le
voir
déposer
dans
le
sein
de
Dassic
le
fardeau
qui
oppressait
son
cour,
et
après
avoir
reçu
de
lui
le
gage
de
l'immortalité
et
le
pain
de
vie,
se
dégager
de
ses
bras
tremblants,
et
de
son
sein
ému
de
pitié,
pour
s'éloigner
du
vallon
d'Arpénoud!
Il
arriva
ainsi
dans
un
autre
vallon
solitaire
et
peu
connu
du
voisinage,
nommé
Sélémnoud.
C'est
en
ces
lieux
qu'il
mena
pendant
sept
jours
une
vie
errante,
semblable
à
la
jeune
fille
de
Jephté
[14]
et
à
Abdelmesseh
[15]:
il
s'essayait
au
sacrifice
de
la
vie,
d'un
brillant
avenir,
des
caresses
d'une
mère
abattue,
et
l'offrait
à
Dieu,
auteur
et
principe
des
grâces,
dans
le
sein
duquel
viennent
se
confondre
les
actions
et
les
âmes
des
justes.
C'est
là,
dans
ce
vallon
solitaire,
que
Théodore
fatigué
et
tranquille,
s'étendit
sous
un
arbre,
à
l'abri
du
rocher
où
nous
l'avons
vu
la
première
fois,
au
commencement
de
notre
histoire...
V.
Tu
sais
maintenant,
Haigag,
où
tu
es;
tu
sais
qui
est
ce
vertueux
jeune
homme.
De
meure
ici
une
heure
encore:
les
instants
sont
comptés.
Approche-toi
de
ce
rocher,
va
sous
ces
pruniers
[16]
de
Sélemnoud.
Je
me
tais;
toi,
considère
et
comprends!...
Mais
que
vois-je,
qu'entends-je!
Est
ce
le
sifflement
du
dragon
qui
s'approche,
le
rugissement
du
lion
qui
descend
du
côteau
?..
Le
voilà:
il
vole
comme
un
aigle
au
noir
plumage,
il
se
précipite
vers
l'arbre,
sous
l'arbre,
près
du
rocher...
C'est
un
monstre
aux
longues
dents,
plus
redoutable
que
le
dragon,
que
le
lion,
que
l'aigle.......
C'est
lui,
c'est
lui!
C'est
Sourène,
l'épée
à
la
main.
Irrité
de
la
fuite
de
son
fils,
poussé
par
la
vengeance
la
plus
noire
et
avide
de
sang,
Sourène
tire
son
épée
rouillée
d'un
antique
fourreau:
«O
fer
de
ma
jeunesse!
insatiable
encore,
après
avoir
bu
le
sang
de
tant
d'ennemis,
était
tu
donc
réservé
à
t'abreuver
aux
jours
de
ma
vieillesse,
du
sang
de
mon
fils!»
Il
dit,
et
brandissant
l'arme
fatale
il
sort
comme
un
furieux,
il
court
de
rocher
en
rocher,
de
vallon
en
vallon,
au-devant
de
son
fils...
Sans
doute
l'esprit
infernal
le
poussait,
comme
autrefois
Caïn
contre
Abel;
ou
selon
le
chanteur
du
Paradis
perdu,
comme
autrefois
Satan
lui
même,
sorti
des
gouffres
des
enfers,
cherchant
la
porte
de
l'Eden
pour
attirer
dans
le
péché
et
perdre
nos
premiers
parents.
Après
une
course
vagabonde
et
diabolique,
Sourène
arrive
enfin
au
vallon
de
Sélémnoud;
semblable
au
vautour
affamé,
voyant
sa
proie
étendue
sous
l'arbre,
il
l'atteint
rapidement.
Mais
par
une
sorte
d'instinct
naturel,
il
s'arrête
soudain,
à
deux
pas
de
son
fils:
sans
doute
les
sentiments
paternels
dominant
un
instant
la
fureur
qui
l'anime,
Sourène
est
comme
fasciné
par
la
grâce
de
ce
sommeil
ravissant
de
l'innocence:
rien
d'aussi
touchant
n'a
encore
frappé
ses
regards.
Oh!
pourquoi
ne
laisse-t-il
pas
son
épée?
Pourquoi
ne
se
jette-t-il
pas
dans
les
bras
de
son
fils?
Pourquoi
ses
lèvres
paternelles
n'effleurent-elles
pas
ce
front
si
pur?
Sans
le
toucher,
il
lui
crie
d'une
voix
rauque
et
puissante:
«Athénodore,
mon
fils!»
Théodore
ouvrant
à-demi
ses
yeux
paisibles
et
soulevant
légèrement
sa
tête
lui
répond:
«Mon
père!»
Dernière
appellation
d'un
père
et
d'un
fils!
Sourène,
troublé
par
l'accent
de
cette
voix
si
tendre,
demande
de
nouveau
à
Athénodore
s'il
consent
à
quitter
Jésus-Christ,
à
adorer
les
dieux
?
—
«Je
crois
au
Christ,
et
pour
ma
foi,
je
veux
rester
ici.
»
Il
dit,
et
incline
de
nouveau
sa
tête
sur
la
pierre,
ferme
les
lèvres
et
les
yeux.....
Adieu
soleil,
vie
et
monde!.....
--
Théodore
avait
ouvert
une
seconde
fois
ses
yeux
et
ses
lèvres,
au
moment
où
Sourène,
bondissant
comme
un
tigre
cruel,
et
levant
sa
main
gauche,
saisit
la
blonde
chevelure
de
son
fils
et
souleva
cette
tête
colorée
comme
une
pomme;
son
cou
s'allongeant
comme
celui
d'un
cygne,
sortit
du
collet
de
sa
tunique
modeste.....
Oh!
quelle
figure,
quels
regards
angéliques!
mais
en
même
temps
comme
ses
traits
s'altèrent!
De
la
main
droite
de
Sourène
on
vit
alors
jaillir
un
éclair....
Ici
la
plume
de
l'historien
tombe
avec
l'horrible
épée!...
Et
la
tête
ensanglantée
de
Théodore
se
détache
de
son
cou
d'albâtre,
comme
une
grenade
partagée
en
deux.
VI.
Où
sont
maintenant
les
fleurs
que
le
mois
de
Mai
fait
éclore?
Où
sont
les
fruits
de
Maréri
aux
noirs
sourcils?
Pas
une
fleur
née
de
la
terre
qui
ne
doive
se
flétrir!
Pas
un
fruit
qui
ne
doive
se
séparer
de
sa
tige!
Les
prairies
vont
perdre
leur
éclat,
et
la
lumière
va
s'obscurcir!
La
fleur
par
excellence
est
celle
qui,
détachée
de
sa
tige,
conserve
sa
première
fraîcheur,
son
premier
parfum,
plus
belle
que
jamais,
surpassant
en
éclat
le
charme
périssable
des
fleurs
qui
durent
un
jour.
Tel
était
Théodore,
immolé
par
son
père:
fleur
charmante
ou
mieux
encore
innocent
agneau.
Son
corps
avait
roulé
sous
l'arbre,
à
l'ombre
du
rocher
où
il
se
reposait
tout
à
l'heure,
au
milieu
de
la
prairie
émaillée
de
camomilles
et
de
violettes,
dans
le
vallon
attristé
de
Sélémnoud.
Une
brise
légère
se
joue
dans
ses
cheveux
ensanglantés;
la
fraicheur
de
la
nuit
refroidit
les
gouttes
du
sang
vermeil
qui
tombaient
du
tronc
mutilé.
Le
globe
lumineux
de
la
nuit
vit
pâlir
ses
rayons
vacillants
et
argentés
auprès
de
l'éclatante
lumière
qui
jaillissait
du
corps
de
Théodore.
Cette
même
lumière,
sans
doute,
servit
à
guider
les
pas
de
celle
qui
avait
nourri
et
caressé
ce
corps
virginal:
elle
servit
à
guider
la
mère
de
Théodore
qui
cherchait
son
fils,
le
cœur
étreint
par
une
mortelle
angoisse.
Mais
détournons
nos
yeux,
n'examinons
pas
cette
mère
dans
le
vallon
de
Sélémnoud.
-
O
mère!
quitte
ces
lieux,
retourne
vers
Dassius
et
dis
lui:
«Lève-toi,
mon
père,
lève-toi;
va
à
Sélémnoud,
tu
y
trouvera
mon
agneau
immolé
par
son
père,
mon
rosier
détruit
par
l'orage,
le
fruit
de
mes
entrailles
languissantes.
Prends-le,
lave
ce
front
brillant;
et
quand
tu
l'auras
à-demi
lavé,
apporte-moi
une
mèche
de
ses
blonds
cheveux,
afin
que
j'en
fasse
une
dernière
couronne
pour
ma
tête
courbée;
couvre
ses
lèvres
de
lis
de
baisers
paternels
et
maternels;
puis
enveloppe-le
dans
un
blanc
linceul;
voile
ce
visage
semblable
au
soleil
que
je
verrai
dans
le
Ciel
bientôt;
et
qu'il
repose
dans
la
terre!»
Le
vieillard
consterné
va,
accompagné
des
anciens
compagnons
de
Théodore
et
d'autres
chrétiens,
des
frères
et
des
sœurs
fidèles,
de
pieuses
vierges
qui
cachant
leurs
larmes
sous
leurs
voiles
et
leurs
cheveux,
tenant
en
mains
des
flambeaux
agités;
il
va
procéder
aux
funérailles
de
Théodore.
Y
avait-il
parmi
les
jeunes
personnes
présentes,
quelqu'une
qui
nourrit
l'espoir
de
posséder
la
confiance
du
defunt
et
de
l'appeler,
après
sa
mère,
Mon
Théodore?
L'histoire
ne
le
dit
pas.
Tous
les
rites
sacerdotaux
propre
pour
un
martyr
furent
observés,
les
prières
récitées;
bien
des
larmes
furent
versées.
A
l'ombre
de
cet
arbre,
près
de
cette
pierre
devenue
un
autel,
la
tombe
du
jeune
chrétien
fut
creusée,
et
le
corps
du
martyr
enseveli.
Une
simple
croix
de
pierre
marque
le
lieu
du
sacrifice
et
du
tombeau
de
Théodore.
Alouitha
peut
venir
maintenant
prier
sur
les
restes
d'un
saint
et
heureux
fils.
La
voici
cette
dame
pieuse
dont
les
cheveux
sont
épars
comme
les
branches
d'un
saule;
elle
s'est
couchée,
le
front
dans
la
poussière
!
Comme
les
deux
mères
du
jugement
de
Salomon,
la
terre
et
Alouitha
se
disputent
Théodore,
criant
l'une
contre
l'autre:
A
moi
ce
cher
fils.
Attends
un
peu,
Alouitha!
Le
roi
de
la
paix
rendra
l'arrêt
que
tu
désires,
et
ton
Théodore
sera
toujours
à
toi.
VII.
Et
son
père
!
Dieu
nous
préserve
de
lui
donner
ce
nom:
il
n'en
est
pas
digne.
Sourène
de
plus
en
plus
furieux,
possédé
de
l'esprit
du
démon,
l'épée
à
la
main
fuyait
plus
vite
qu'il
n'était
venu.
Le
théâtre
de
son
crime
n'était
plus
sous
ses
yeux,
mais
il
ne
pouvait
se
fuir
lui-même.
Le
sang
de
son
fils
criait
vengeance
sur
la
terre
et
dans
le
ciel.
Le
sang
du
doux
agneau,
maintenant
devenu
martyr
trouble
le
cœur
de
Sourène:
ce
souvenir
déchire
son
âme
plus
cruellement
que
ne
ferait
son
épée.
Furieux
il
se
hâte
d'aller
à
la
fontaine
voisine;
il
y
efface
les
traces
accusatrices
de
son
épée
souillée:
et
ainsi
le
seul
lien
qui
réunit
encore
le
père
et
le
fils
est
rompu
pour
toujours.
Pendant
quatre
ans,
Sourène,
ce
bourreau
cruel,
traîna
dans
l'ennui
sa
vie
criminelle:
tourmenté
par
les
remords
de
sa
conscience,
il
mourut
impénitent
et
idolâtre,
sans
espérance;
son
souvenir
resta
un
objet
de
malédiction
et
d'horreur. ...
Le
cœur
qui
fut
sourd
à
la
voix
d'un
fils,
ne
fut
pas
digne
d'entendre
les
voix
du
fils
de
Dieu
et
de
notre
Illuminateur,
et
de
se
convertir
à
la
religion
de
Théodore,
avec
tous
les
Arméniens
qui
deux
ans
plus
tard,
eurent
le
bonheur
de
posséder
ce
grand
don.
Saint
Théodore,
en
effet,
fut
martyrisé
en
296,
le
11
Mai,
à
l'âge
de
28
ans
et
6
mois;
Sourène
mourut
en
l'an
300;
St.
Grégoire
Illuminateur
sortit
de
son
puits
l'année
suivante
(301).
Et,
quand
l'année
d'après,
il
allait
à
Césarée
pour
être
sacré
archevêque
de
l'Arménie,
il
passa
par
son
chemin
ordinaire,
par
le
canton
et
le
bourg
des
Salahouniens.
Quelle
différence
entre
le
premier
voyage,
qui
avait
eu
lieu
15
ans
auparavant
et
celui-ci!
Les
chaines
et
les
geôliers
ont
fait
place
aux
chars
victorieux
de
Teridate,
qui
portent
son
ancien
prisonnier
maintenant
son
sauveur:
le
Saint
est
entouré
des
plus
grands
satrapes.
Mais
notre
humble
et
éminent
Père
n'enviant
pas
la
gloire,
cherchait
son
filleul :
il
appelle
Dassic
et
lui
demande
Théodore.
Dassic,
prenant
par
la
main
le
chef
élu
des
pasteurs,
le
conduit
là,
où
depuis
six
ans
dormait
Théodore,
qui
avait
été
baptisé
avec
la
permission
de
St.
Grégoire.
Que
de
larmes
pures
tombèrent
des
yeux
de
l'Illuminateur,
du
père
spirituel
de
Théodore,
sur
les
restes
du
jeune
martyr,
qui
était
le
premier
fruit
de
ses
sueurs
!
Ce
fut
sur
le
lieu
de
son
martyre,
que
le
premier
temple
chrétien
fut
construit
en
Arménie,
après
celui
des
saintes
Rhipsimiennes,
à
l'époque
de
la
renaissance
de
la
sainte
foi
dans
notre
pays.
Grégoire
lui-même,
avant
d'être
sacré,
y
fit
bâtir
une
chapelle
et
la
confia
à
Dassic,
comme
autrefois
il
lui
avait
confié
le
jeune
catéchumène.
Et
quand
le
petit
temple
tant
désiré
éleva
son
front
vers
l'orient,
à
l'angle
droit
furent
déposées
les
chastes
reliques
du
saint
martyr.
A
l'autre
angle
également,
en
face
de
la
tombe
fut
déposée
la
pierre
sacrée,
sur
laquelle
fut
immolé
notre
bienheureux.
C'est
entre
ces
deux
mémorables
pierres
qu'Alouitha
cherchait
son
loisir
et
son
repos.
Elle
fut
gardienne
de
la
chapelle
de
son
fils:
comme
une
veuve,
chrétienne
elle
y
mena
une
vie
sainte,
quoi
que
cette
vie
ne
fut
pas
longue.
Sept
ans
après
le
martyre
de
son
fils,
l'anniversaire
de
sa
fuite
de
la
maison
paternelle,
le
jour
même
de
cet
anniversaire
(5
Mai),
Alouitha,
comme
si
elle
eût
senti
de
nouveau
les
mêmes
douloureuses
passions,
et
comme
si
elle
eût
cherché
son
fils,
rendit
à
Dieu
son
âme
pure
comme
une
colombe;
et
ce
corps
soumis
à
tant
d'angoisses
fut
enseveli
près
de
son
fils,
en
dehors
de
la
porte
du
temple.
Une
pierre
exactement
semblable
aux
deux
premieres
et
à
celle
d'Alouitha,
vis-à-vis
de
cette
dernière
fut
elevée,
vers
la
parti
occidentale
du
temple:
c'est
là
que
reposa
Dassic:
lui
qui
était
le
premier
par
l'âge,
et
avait
eu
avant
les
autres
son
rôle
dans
cette
œuvre
divine,
s'éteignit
le
dernier.
Après
avoir
mis
la
dernière
main
à
cette
œuvre
de
bénédiction,
il
put
dire
avec
Siméon,
vieillard
comme
lui:
«Seigneur,
laissez
aller
maintenant
votre
serviteur
en
paix
selon
votre
parole:
car
mes
yeux
ont
vu
votre
salut.
J'ai
vu
la
lumière
(Grégoire)
et
la
gloire
(Teridate)
de
votre
peuple
d'Arménie».
Et
il
reposa
parmi
les
justes.
VIII.
Le
temple
de
Théodore
et
la
fontaine,
où
tombèrent
quelques
gouttes
de
son
sang,
quand
Sourène
y
eut
lavé
son
épée,
devinrent
un
lieu
de
pèlerinage
où
furent
guéris
beaucoup
de
malades
et
de
possédés;
il
y
eut
même
des
infirmes
qui
furent
guéris,
au
rapport
de
l'historien,
à
qui
nous
devons
être
reconnaissants,
avant
la
construction
de
la
chapelle
et
avant
la
conversion
des
Arméniens
par
l'Illuminateur.
Nous
n'avons
pas
l'intention
de
rapporter
ici
une
à
une
toutes
ses
guérisons.
Nous
laissons
à
ceux
qui
aiment
les
martyrs,
le
soin
d'examiner
les
faits
posterieurs.
Si
quelqu'un
désire
voir
la
chapelle
ou
le
lieu
du
pèlerinage
à
Saint
Théodore,
qu'il
aille
vers
l'orient
d'Erzengha
et
qu'il
y
demande
le
couvent
de
Saint
Thoros
de
Corope
[17],
dont
nous
trouvons
des
souvenirs
dans
les
livres,
onze
cents
ans
après
le
martyre
du
Saint.
Il
est
dit
de
cette
chapelle
que
c'est
«un
très-glorieux
et
très-honorable
pèlerinage».
-
Que
le
même
voyageur
cherche
là,
qu'il
trouve
et
qu'il
baise,
en
souvenir
de
nous,
les
quatre
pierres
qui
portent
l'enseigne
des
Saints
et
surtout
celle
qui
est
à
l'angle
du
nord;
qu'il
s'y
arrête
un
instant
et
qu'il
baise
(si
elle
est
encore
conservée)
la
langue
de
Théodore
qui
parlait
si
doucement
de
Jésus
Christ.
Cette
langue
avait
été
enchâssée
dans
une
croix
mise
au
haut
d'une
perche:
c'est
pour
quoi
les
Turcs
nomment
cet
endroit
Serekly
sourpe
Thoros
[18].
Nous
désirerions
que
quelqu'artiste,
amateur
dévot
de
St.
Théodore
prît
la
peine
de
chercher,
de
nous
décrire
et
de
nous
présenter
le
théâtre
de
cet
événement,
les
deux
vallons,
les
deux
fontaines,
le
lac,
les
bourgs,
les
châteaux.
Puissent
des
voix
unies
aux
cœurs
inspirés
exécuter
des
chants
dignes
à
l'honneur
de
notre
Théodore
et
de
l'Église
elle-même!
Puissent
aussi
les
chefs
de
notre
église
ne
pas
laisser
languir
le
nom
d'un
tel
bienheureux
Martyr
dans
les
traditions
confuses
de
la
légende;
mais
de
le
faire
célébrer
sur
les
autels,
à
haute
voix:
coopérant
ainsi
à
l'œuvre
et
aux
sentiments
de
notre
Grégoire
l'Illuminateur,
pour
augmenter
la
gloire
de
Dieu
dans
ses
Saints
et
ses
Martyrs!
[1]
Le
mois
de
Mai
arménien.
[2]
Cantique
des
Cantiques,
II,
v.
11-13.
[5]
Haïg
(prononcez
Haygue)
ou
Haïghen
est
l'ancêtre
et
l'homonyme
des
Arméniens,
Haigag
(Haygague),
diminutif
de
ce
nom,
signifie
ici
l'auditeur
ou
le
lecteur
de
notre
récit.
[6]
Selon
une
ancienne
tradition
de
l'Eglise
orientale,
sept
frères
chrétiens,
pendant
la
persécution
de
Dèce,
après
avoir
confessé
J.
-C.
et
enduré
des
tortures,
furent
enfermés
à
Ephèse
dans
une
caverne
dont
les
païens
murèrent
l'entrée.
Les
sept
confesseurs
y
restèrent,
par
un
miracle
extraordinaire,
dans
un
état
de
torpeur
ou
dans
un
sommeil
tranquille,
à
peu
près
140
ans,
et
ils
ne
se
réveillèrent
que
sous
l'empire
de
Théodose-le-Grand;
de
là
vient
leur
nom
de
Dormants.
Leurs
corps
sont
honorés
maintenant
à
Marseilles,
où
ils
furent
transportés
vers
la
fin
du
V
siècle.
[7]
Tous
ces
lieux
se
trouvent
dans
la
Haute-Arménie,
c'est
à-dire
vers
le
N.
-
O.
de
notre
pays,
entre
l'Euphrate
et
le
Ponte.
[8]
Corde,
կորդ,
signifie
en
arménien
terre
inculte.
[9]
Nom
derivé
sans
doute
des
mots
grecs;
si
toutefois
il
n'est
pas
altéré,
il
indique
quelque
souvenir
dos
figuiers.
[10]
On
pourrait
traduire
Potable
ou
délicieux
à
boire.
[11]
Tous
deux
célèbres
et
saints
chefs
de
l'Eglise
arménienne
au
IV
siècle;
l'un
fondateur
mème
du
patriarcat
de
notre
pays
(302-350),
l'autre
son
cinquième
successeur
(365-373).
[12]
Le
Mercure
et
l'Apollon
arménien,
protecteur
des
lettres
et
des
sciences,
et
augure
des
songes.
[13]
Aujourd'hui,
la
ville
d'Erzengian
Երզնկա,
ou
près
d'elle.
[14]
Livre
des
Juges,
XII,
37.
[15]
Jeune
berger,
Juif,
baptisé
par
ses
compagnons
chrétiens
et
tué
par
son
père.
Sa
mémoire
est
celebrée
dans
notre
église
le
15
Juillet.
Sa
legende
est
très-belle
et
très-pathétique.
[16]
Allusion
au
verset
37,
ch.
XXII
du
Genèse,
et
au
sacrifice
d'Abraam.
[17]
C'est
ainsi
que
se
nomme
(nous
ne
savons
pas
pourquoi)
un
couvent
de
ces
contrées,
ou
se
conserve
une
relique
insigne
de
Saint
Théodore.
[18]
Saint
Théodore
-
à
la
Perche :
car
serek
en
turc
signifie
une
perche,
un
long
laton.