LE
HAYGH,
SA
PÉRIODE
ET
SA
FÊTE.
DISCOURS
PRONONCÉ
LE
1
1AOÛT
l859,,
À
LA
VINGT-CINQUIEME
DISTRIBUTION
ANNUELLE
DES
PRIX,
COLLÈGE
ARMÉNIEN
SAMUEL
MOORAT,
par
Le
P.
Léon
M.
D.
Alishan
Directeur
de
Collège
PARIS.
IMPRIMÉ
PAR
AUTORISATION
DE
M.
LE
GARDE
DES
SCEAUX,
A
L'IMPRIMERIE
IMPÉRIALE.
M
DCCC
LX.
MESSIEURS,
Ce
jour
solennel
pour
toutes
les
maisons
d'éducation,
où
maîtres
et
élèves
présentent
au
public
les
fruits
de
leurs
mutuels
efforts
pendant
le
cours
de
l'année
scolaire;
ce
jour,
objet
de
tant
de
vœux,
récompense
de
tant
de
labeurs,
ramène
un
anniversaire
bien
glorieux
pour
la
nation
arménienne.
Ce
jour,
le
plus
grand,
le
plus
sacré
de
notre
calendrier
national,
ravive
d'impérissables
souvenirs,
sur
lesquels
je
demande
à
m'arrêter
un
instant,
persuadé
qu'un
retour
aux
vieux
âges
de
notre
histoire
ne
sera
pas
dépourvu
d'intérêt,
même
pour
des
personnes
appartenant
à
d'autres
nations,
et
principalement
pour
la
France,
qui
forme
la
plus
grande
partie
de
cette
assemblée.
Noble
et
brave
France,
qui,
douée
d'un
patriotisme
aussi
fier
qu'éclairé,
voit
sans
envie
la
prospérité,
protège
sans
égoïsme
l'infortune,
et
vole
au
secours
de
la
misère!
La
France
accueillit
de
tout
temps,
à
cette
heure
même
elle
accueille,
au
sein
de
sa
brillante
métropole,
les
envoyés
de
tous
les
peuples,
et
surtout
ceux
de
l'Orient,
qui
viennent
puiser,
dans
ce
grand
réservoir
de
la
civilisation,
la
force
de
maintenir
ou
de
rétablir
leur
nationalité.
Heureuse
notre
colonie
arménienne
de
se
familiariser,
de
se
lier
avec
cette
nation
hospitalière
du
lien
le
plus
sacré,
le
plus
indissoluble,
le
lien
de
la
religion
la
plus
sainte,
la
plus
glorieuse,
la
plus
universelle!
Jadis,
Messieurs,
en
Orient,
le
peuple
arménien
fut
le
premier-né
de
l'Église
[1],
comme
plus
tard,
en
Occident,
le
peuple
français,
dont
le
chef
porte
encore
le
titre
de
Majesté
très-chrétienne.
Lien
précieux
entre
la
plus
ancienne
des
nations
orientales
et
la
plus
grande
des
nations
modernes;
heureuses
si
elles
peuvent
le
maintenir
plus
généralement
et
plus
étroitement
encore!
Je
crois
honorer
et
moi-même
et
tout
le
collège
Moorat,
en
le
disant
à
mes
honorables
compatriotes,
qu'une
précieuse
sympathie
amène
aujourd'hui
parmi
nous,
que
cette
assemblée
compte
des
Français
de
haute
distinction,
sous
le
double
rapport
de
la
science
et
de
la
vertu.
La
présence
de
ces
dignes
personnages,
présidés
par
un
noble
et
illustre
membre
de
l'Institut,
protecteur
zélé
aussi
bien
de
la
religion
que
des
arts
et
des
sciences
[2],
est
un
témoignage
irrécusable
de
leur
bienveillance
pour
notre
établissement.
Messieurs
les
Français,
je
puis
vous
assurer
que
mes
honorables
nationaux,
placés
à
vos
côtés
pour
représenter
les
parents
de
nos
chers
élèves,
admirent
tous
sincèrementles
dons
qu'il
a
plu
à
Dieu
de
départir
à
votre
nation.
J'en
ai
aussi
l'intime
conviction,
ces
enfants
bien-aimés,
objets
de
notre
constante
sollicitude,
ne
se
borneront
pas
à
une
admiration
stérile.
Dévoués
au
service
et
au
profit
du
gouvernement
de
la
Sublime-Porte,
dont
ils
sont
les
sujets
reconnaissants,
fidèles
aux
vœux
de
leurs
familles,
ils
sauront,
sans
altérer
le
type
de
leur
nationalité,
s'assimiler
les
nobles
inspirations
dont
la
France
offre
le
brillant
assemblage.
La
Société
à
laquelle
j'ai
l'honneur
d'appartenir
a,
de
tout
temps,
professé
la
plus
haute
estime
pour
l'accord
des
idées
religieuses
et
des
idées
nationales,
et
c'est
sur
ces
deux
bases
qu'elle
s'efforce
d'asseoir
ce
collège,
fondé
par
la
générosité
de
l'homme
laborieux
et
éclairé
dont
le
nom,
à
jamais
vénéré,
est
gravé
dans
nos
cœurs
comme
au
frontispice
de
cet
établissement:
Samuel
Moorat.
Si
de
telles
convictions
n'étaient
pas
anciennes
chez
nous,
l'histoire
contemporaine,
de
récents
événements
nous
auraient
surabondamment
prouvé
que
les
besoins
impérieux
des
peuples
réclament
la
religion
comme
principe
de
la
civilisation,
et
le
patriotisme
comme
fondement
du
bien-être
et
de
l'honneur.
Ces
pensées
m'encouragent
à
inviter
cette
noble
assemblée
à
prendre
part
à
une
commémoration
qui
résume
les
plus
anciens
souvenirs
de
la
nation
arménienne:
elle
nous
est
chère
cette
commémoration
nationale,
d'autant
plus
chère,
qu'après
avoir
subi
tant
et
de
si
rudes
épreuves,
l'Arménie
ne
peut
guère
chercher
que
dans
les
souvenirs
d'un
glorieux
passé
des
consolations
pour
le
présent,
de
l'espoir
pour
l'avenir,
et
des
modèles
pour
tous
les
deux.
Je
désire
donc
vous
entretenir
de
ces
souvenirs,
vous
rappeler
ces
fêtes
établies
chez
nous
depuis
les
temps
les
plus
reculés,
principalement
la
fête
de
Haygh,
Հայկ,
souche
de
la
nation
arménienne,
fixée
à
ce
jour
même,
11
août.
C'est
non-seulement
le
navasart,
Նաւասարդ,
c'est-à-dire
le
jour
du
nouvel
an
arménien,
célébré
chez
nous
avec
une
pompe
extraordinaire,
aux
siècles
de
l'idolâtrie
comme
aux
siècles
du
christianisme,
et
même
aux
temps
des
patriarches;
non-seulement
le
commencement
d'une
ère
nationale,
peut-être
la
plus
ancienne
de
toutes
les
ères,
mais
encore,
et
surtout,
le
jour
commémoratif
de
la
nationalité
arménienne,
de
la
constitution
de
l'Arménie
en
état
indépendant,
affranchi
de
la
tyrannie
de
Nébroth
(le
Bélus
biblique),
par
la
bravoure
et
la
piété
de
Haygh,
arrière-petit-fils
de
Japhet
ou
de
Noé;
une
ère
remontant
à
4351
ans
avant
ce
jour,
ou
à
2492
ans
avant
J.
C.
chose
parfaitement
prouvée
par
la
durée
non
interrompue
d'une
ère
arménienne,
qui,
mesurée
erronément
par
des
années
vagues
ou
civiles,
(de
365
jours),
ne
nous
est
pas
moins
utile
pour
préciser
la
date
dont
je
parle,
et
pour
remonter
à
la
naissance
de
cette
période
fameuse,
connue
chez
les
Egyptiens
sous
le
nom
de
période
sothiaque
ou
caniculaire,
ou
encore
période
de
1461
années
vagues
et
de
146o
années
juliennes
ou
bissextiles,
au
bout
desquelles
le
commencement
de
l'année
vague
et
celui
de
l'année
solaire
coïncident
pour
le
mois
et
pour
le
jour:
c'est
ce
qui
a
donné
aux
Egyptiens
l'idée
du
retour
du
fabuleux
Phénix.
Cette
période
était
connue
aussi
de
nos
ancêtres
sous
le
nom
de
période
de
Haygh,
Հայկայ
շրջան,
non-seulement
en
mémoire
de
ce
héros,
mais
parce
qu'elle
fut
établie
par
lui-même,
en
l'année
que
je
viens
de
citer.
Deux
périodes
de
Haygh,
chacune
de
quatorze
cent
soixante
ans,
se
sont
écoulées
depuis
son
établissement:
la
première
commencée,
comme
je
viens
de
le
dire,
avec
la
constitution
ou
la
formation
même
de
notre
nation;
la
seconde
terminée
par
une
merveilleuse
mais
bien
triste
combinaison,
l'année
même
de
la
perte
de
notre
nationalité,
si
j'ose
le
dire;
car
c'est
dans
cette
année
428
de
l'ère
vulgaire,
la
dernière
de
la
seconde
période
de
Haygh,
que
l'Arménie,
dépouillée
de
son
autonomie,
fut
absorbée
par
divers
Etats.
Après
ce
jour
fatal,
après
ces
doubles
périodes
(2920
ans),
pendant
le
cours
de
la
troisième
période
qui
va
bientôt
finir,
elle
n'a
jamais
été
soumise
à
un
même
gouvernement
[3].
Cette
troisième
période
de
1460
ans
expirera
dans
29
ans,
l'an
1888
de
l'ère
vulgaire,
pour
faire
place
à
une
quatrième,
que
nous
souhaitons
plus
heureuse.
Pour
développer
le
fait
principal,
c'est-à-dire
pour
établir
la
date
et
la
fête
de
notre
nationalité,
il
est
nécessaire
d'entrer
dans
quelques
détails
et
de
recourir
à
certains
calculs:
toutefois
je
ne
voudrais
pas,
Messieurs,
abuser
de
votre
indulgence
et
vous
égarer
dans
les
champs
arides
des
supputations;
je
laisserai
l'un
des
savants
français
qui
m'honorent
de
leur
présence
mettre
en
pleine
lumière
l'organisation
du
calendrier
arménien,
dont
il
a
fait
une
étude
particulière
[4].
Je
me
borne
à
faire
observer
ici
que
chez
nous,
Arméniens,
il
y
eut
toujours,
comme
chez
les
Egyptiens,
deux
ères
et
deux
années:
une
ère
computée
par
années
vagues,
dont
le
commencement
varie
et
recule
d'un
jour
tous
les
quatre
ans:
ainsi
nous
sommes
dans
l'année
1308
de
notre
ère
civile,
dite
proprement
l'
ère
arménienne
[5],
différente
de
la
période
de
Haygh,
commencée
le
31
août
dernier,
et
qui
finira
le
30
du
mois
courant;
tandis
que
l'année
arménienne
suivante
finira
le
30
août,
et
l'année
1888
commencera
le
23
août,
qui
est
le
11
du
calendrier
julien
ou
de
l'ancien
style.
C'est
ce
même
jour,
11-23
août,
que
commence
toujours
l'autre
année,
l'année
fixe
ou
ecclésiastique
arménienne,
et
qui
compose,
par
conséquent,
une
ère
fixe,
dite
de
l'
ancien
calendrier
arménien.
Ainsi,
à
la
fin
de
la
période
actuelle,
ou
bien
l'an
1888,
les
commencements
des
deux
années
coïncident
au
même
jour,
11-23
août,
ce
qui
n'arrive
qu'au
bout
de
1460
années
solaires
ou
bissextiles,
et
1461
années
vagues
ou
civiles.
Voilà
ce
que
c'est
que
la
période
de
Haygh.
Il
nous
reste
à
savoir,
et
c'est
le
but
principal
de
nos
recherches,
pourquoi
on
a
fixé
le
nouvel
an
le
11-23
août,
pourquoi
la
période
de
Haygh
a
commencé
l'an
ci-dessus
indiqué
(2492
avant
J.
C);
car,
comme
tout
le
monde
le
sait,
aucune
époque
astronomique
dans
le
cours
de
l'année,
aucune
des
saisons
ne
se
combine
avec
la
donnée
d'un
tel
jour,
c'est-à-dire
avec
le
11
août
[6]
il
faut
donc
en
trouver
la
clef
dans
des
faits
historiques
[7].
En
consultant
d'abord,
chez
l'étranger,
l'histoire
ancienne,
nous
trouvons
en
effet,
chez
les
Egyptiens,
l'unique
peuple
qui
puisse,
par
l'antiquité
de
l'origine,
rivaliser
avec
l'Arménien
(indépendamment
de
plusieurs
traits
de
ressemblance,
qui
ne
sont
pas
jusqu'ici
assez
démontrés),
nous
trouvons,
chez
ces
habitants
des
bords
du
Nil,
la
fête
annuelle
des
Noces
de
ce
fleuve
fécond,
précisément
un
mois
avant
l'équinoxe
automnal,
ce
qui
revient
au
11-23
août,
jour
du
nouvel
an
arménien.
Dans
les
solennités
de
ce
jour
notre
nation
célébrait
aussi,
aux
siècles
du
paganisme,
la
commémoration
du
leur
déesse
Vénus,
tandis
que
le
commémoration
du
déluge,
qui
est
célébrée,
en
quelque
sorte,
même
de
nos
jours,
par
des
fêtes
où
l'on
joue
avec
l'eau
et
avec
le
vol
des
pigeons,
le
jour
de
la
Transfiguration
de
Notre
Seigneur,
que
nos
anciens
Pères
de
l'Eglise
ont
fixé
au
16
du
mois
d'août,
cinq
jours
après
le
nouvel
an,
et
le
jour
même
que
nos
ancêtres
païens
avaient
consacré
à
à
leur
déesse
Vénus,
Աստղիկ,
tandis
que
le
commencement
de
l'année
avait
sa
divinité
particulière
[8].
Mais
si
ces
deux
fêtes,
égytienne
et
arménienne,
avaient
quelque
rapport
entre
elles,
tant
par
la
coïncidence
du
jour
que
par
le
souvenir,
néanmoins
les
périodes
sothiaques
de
ces
deux
peuples
anciens
ne
correspondent
pas,
c'est-à-dire
que
leurs
périodes
ne
commencent
ni
ne
finissent
dans
un
même
espace
de
temps
[9].
D'ailleurs
la
célébration
de
ces
fêtes
n'explique
pas
la
cause
du
choix
d'un
tel
jour,
qui
ne
coïncide
guère
ni
avec
le
commencement
ou
la
fin
du
déluge,
ni
avec
la
crue
ou
la
décrue
des
eaux
du
Nil,
ni,
non
plus,
avec
l'époque
héliaque
de
la
canicule;
il
faut
donc
chercher
une
autre
cause,
et
pour
notre
période
de
Haygh,
et
pour
son
premier
jour.
Or
nos
anciens
auteurs
du
calendrier
et
nos
hagiographes
nous
disent
qu'après
la
confusion
des
langues
chaque
patriarche
ou
chef
de
tribu,
quittant
Babylone,
et
arrivant
à
la
terre
d'où
il
était
sorti
primitivement,
ou
dont
il
venait
prendre
possession,
ordonna
aux
gens
de
sa
suite
de
célébrer
l'anniversaire
du
retour
dans
la
patrie.
Notre
patriarche
Haygh,
disent-ils,
arriva
à
la
terre
d'Ararat,
au
pays
de
Thorgom,
son
père,
le
11-23
août
(le
13
selon
d'autres),
et
fixa
le
même
jour
pour
être
le
commencement
de
l'année
[10].
Ils
prétendent
encore
que
ce
héros
fut
le
premier
à
doter
d'un
calendrier
sa
nation
naissante,
qui
le
conserve
encore
en
partie
comme
il
lui
fut
transmis
dans
ces
siècles
primitifs
[11].
Telle
est,
chez
nous,
l'origine
de
la
fête
du
11
août.
Quant
au
commencement
de
l'ère
ou
de
la
période
de
Haygh,
il
le
fixa
vraisemblablement
peu
de
temps
après,
l'année
même
où
il
repoussa
l'invasion
de
Bel
et
le
tua,
ce
qui
arriva
l'an
2492
avant
J.
C.
[12],
comme
le
démontre
la
succession
non
interrompue
de
l'ère
arménienne.
La
chronologie
de
notre
histoire,
qui,
malheureusement,
n'est
pas
assez
détaillée
pour
ces
temps
anciens,
nous
indique
cependant
une
date
approximative
de
celle
démontrée
par
l'ère
arménienne
[13].
Mais
ce
qui
est
plus
important
pour
notre
cause,
c'est
que
l'ancienne
chronologie
étrangère
concorde
parfaitement
avec
la
date
de
Haygh,
car
Jules
l'Africain
et
Eusèbe,
avec
leurs
calculs
minutieux,
nous
donnent,
pour
la
fin
du
règne
de
Bel,
précisément
l'an
2492
avant
J.
C.
[14].
Cette
concordance
de
l'ère
arménienne
avec
la
date
donnée
par
les
chroniqueurs
étrangers,
le
témoignage
de
nos
computistes
du
calendrier
et
de
nos
hagiographes,
prouvent
assez,
ce
semble,
que
nous
pouvons
accepter,
sans
hésitation,
pour
commencement
de
la
période
de
Haygh
et
de
la
nationalité
arménienne,
l'an
2492
avant
J.
C.
et
pour
notre
fête
nationale
le
11
du
mois
d'août,
qui
tombait,
dans
sa
première
année,
un
samedi,
jour
férié
chez
les
patriarches
de
l'ancienne
loi
[15];
ce
qui
pourrait
venir
à
l'appui
de
l'assertion
de
nos
historiens
qui
remarquent
dans
les
faits
de
Haygh
plus
qu'un
acte
d'héroïsme,
une
démonstration
religieuse,
la
délivrance
de
la
domination
du
premier
idolâtre,
ou
de
celui
qui
s'arrogeait
l'hommage,
le
culte
dû
à
Dieu
seul.
C'est
ce
qui
rend
notre
fête
plus
sacrée
et
plus
chère
encore.
Après
tant
de
témoignages
de
la
tradition,
de
l'histoire,
de
la
chronologie
indigène
et
étrangère,
reçus
par
toute
une
nation
pendant
quarante
siècles,
et
sanctionnés
par
ses
plus
illustres
écrivains
et
même
par
ses
Pères
de
l'Église,
n'est-il
pas
raisonnable
d'accueillir,
d'honorer
et
de
célébrer
un
souvenir,
une
fête
telle
que
celle
de
Haygh
?
Ne
serait-il
pas
téméraire,
absurde,
de
tenir
pour
fabuleux
tout
ce
qui
précède
l'époque
ordinaire
des
temps
historiques,
surtout
quand
il
s'agit
d'un
peuple
aussi
ancien
que
le
peuple
arménien,
auquel
est
obligé
de
remonter
tout
peuple
qui
cherche
ses
origines,
c'est
à-dire
la
terre
natale
de
l'homme,
le
pays
d'Éden?
Rien
de
plus
facile
que
de
nier,
mais
rien
de
plus
difficile
que
de
nier
avec
raison.
Quant
à
nous,
il
nous
plaît
de
voir,
même
avec
la
critique
la
plus
impartiale,
dans
notre
patrie,
après
un
Adam
et
un
Noë,
un
Haygh,
et
nous
nous
félicitons
de
sa
fête,
à
laquelle
nous
n'hésitons
pas
à
inviter
les
descendants
de
la
race
japhétienne,
qui
certes
n'avait
pas,
à
cette
époque-là,
un
chef
ou
un
représentant
aussi
illustre
que
Haygh.
Cependant,
Messieurs,
je
ne
prétends
pas
qu'on
doive
ajouter
foi
à
tout
ce
que
l'histoire
ou
la
tradition
nous
ont
rapporté
de
Haygh;
mais
je
crois
hors
de
doute
que
la
nation
arménienne
avait
un
chef
ou
patriarche
contemporain
de
Bel,
pendant
la
fondation
de
la
tour
de
Babel,
qui,
après
la
destruction
de
ce
monument,
vint
s'abriter
dans
la
terre
d'Ararat,
à
laquelle
il
légua
son
nom.
Ce
nom,
selon
les
Géorgiens,
Haos,
est
figuré
chez
nous,
ses
descendants,
par
Haygh,
Հայկ,
qui,
selon
les
lois
grammaticales
de
notre
langue,
n'est
que
le
diminutif
du
monosyllabe
Hay,
Հայ,
mot
par
lequel
se
nomme
notre
nation
elle-même,
et
jamais
arménienne,
comme
la
nomment
les
étrangers.
Souvent
le
nom
de
notre
patriarche
prend
l'article
final
et
se
prononce
Haygën,
le
Haygh,
surtout
quand
il
désigne
l'Orion
[16],
car
c'est
ainsi
que
cette
constellation
se
trouve
appelée
dans
notre
Bible
et
dans
les
autres
anciennes
écritures
par
nos
saints
et
doctes
Pères
de
l'Eglise,
qui,
sans
doute,
suivaient
en
cela
une
antique
tradition
nationale,
où
les
Grecs
auront
probablement
puisé
leur
fable
sur
l'Orion,
s'il
faut
que
l'une
des
deux
nations
l'ait
empruntée
à
l'autre.
Croyance
populaire
ou
flatterie
des
anciens
bardes
de
l'Arménie,
l'éclat
de
cette
constellation
jette
un
nouveau
jour
sur
la
réalité
d'un
Haygh.
Cette
réalité
est
encore
constatée
plus
irrévocablement
par
une
foule
de
noms
géographiques,
dont
l'origine
est
attribuée,
par
l'histoire
ou
la
tradition,
à
notre
héros.
C'est
surtout
sur
le
fameux
plateau
de
Van
[17],
que
se
trouvent
ces
anciennes
localités
illustrées
par
le
patriarche
arménien,
dont
les
fils
ont
conservé,
durant
la
longue
série
de
presque
cent
vingt
générations,
les
noms
consacrés
et
même
les
restes
de
ces
primitives
fondations
de
la
terre,
localités
où
se
trouvent
encore
leurs
foyers
domestiques.
Le
plateau
que
je
viens
de
nommer,
élevé
de
cinq
à
sept
mille
pieds
au-dessus
du
niveau
de
la
mer,
avec
une
étendue
d'environ
trois
mille
lieues
carrées,
dont
un
quart
est
couvert
par
les
eaux
salées
d'un
lac
profond
et
magnifique,
le
plus
grand
de
tous
ceux
de
l'Asie
occidentale
et
de
l'Europe
méridionale;
ce
plateau,
dis-je,
est
un
des
plus
remarquables
du
globe
sous
plusieurs
rapports.
La
formation
de
son
terrain,
malgré
l'état
imparfait
des
observations
géologiques
faites
jusqu'à
présent,
offre
plus
d'un
phénomène
attrayant
pour
le
géologue
et
le
naturaliste.
Se
trouvant
sur
la
grande
ligne
volcanique
qui
entoure
le
globe
du
sud-est
au
nord-ouest,
le
plateau
de
Van
est
hérissé
de
grandes
montagnes
volcaniques,
éteintes
à
la
vérité,
mais
dont
la
dernière
éruption
est
de
la
veille
ou
du
matin
même
d'une
jour
née
géologique;
car
on
rapporte
à
l'an
1441
de
l'ère
vulgaire
l'éruption
d'une
montagne
qui
porte
encore
le
nom
de
Nébroth
(le
même
que
Bélus),
l'antagoniste
de
Haygh;
elle
a
plusieurs
cratères
remplis
maintenant
d'une
eau
potable.
Sur
le
plus
haut
de
ces
volcans
[18]
on
sent
encore
des
exhalaisons
sulfureuses.
Tout
le
pourtour
du
lac,
qui
s'est
d'ailleurs
beaucoup
agrandi
[19]
depuis
les
jours
de
Haygh,
offre
des
vues
pittoresques,
sublimes,
quelquefois
aussi
sombres
et
sévères,
par
le
manque
de
verdure.
Le
temps,
ou
plutôt
les
flots,
ont
englouti
quelques-unes
des
îles
qui
élevaient
leurs
sommités
du
sein
de
ces
ondes
insatiables,
et
qui
portaient
naguère
des
couvents
et
des
villages
populeux.
Il
en
reste
encore
quatre
[20],
occupés
depuis
longtemps
par
des
hommes
pieux
et
voués
à
la
vie
contemplative.
Une
dizaine
de
villes
[21]
et
plus
de
cent
cinquante
villages
entouraient
le
lac;
la
plupart
sont
encore
habités,
d'autres
n'ont
conservé
que
des
ruines
remarquables
par
la
richesse
de
l'architecture
arménienne
et
sarrasine
[22].
Pour
l'archéologue
il
y
a
là
un
vaste
champ
de
longues
et
laborieuses
études;
car
il
y
pourrait
découvrir
des
traces
de
la
plus
haute
antiquité,
commençant
de
la
forteresse
de
Van,
nommée
par
les
auteurs
anciens
Samiramocerta,
bâtie
par
la
première
femme
qui
gouverna
les
hommes,
sur
des
rochers
taillés
à
pic,
où
l'ambition
des
premiers
conquérants
de
l'Asie
a
voulu
s'immortaliser
par
des
centaines
d'inscriptions
cunéiformes,
copiées
la
première
fois
par
un
envoyé
du
Gouvernement
français
le
savant
Schulz,
victime
malheureuse
de
son
zèle.
Mais
je
m'éloignerais
trop
de
mon
sujet,
si
je
voulais
mentionner
tout
ce
que
l'antiquité
y
a
laissé
de
ruines
ou
de
souvenirs:
ces
bancs,
ces
gradins
taillés
en
amphithéâtre
sur
les
rocs;
ces
puits
et
ces
aqueducs
pratiqués
pareillement
sur
des
hauteurs
escarpées;
des
digues
et
des
murailles
fondées
sur
les
profonds
abîmes,
et
des
fleuves
conduits,
par
des
canaux
artificiels,
au
travers
des
fondements
des
montagnes
[23].
Ce
plateau
merveilleux
par
l'art
et
la
nature
fut
le
théâtre
des
faits
à
jamais
mémorables
de
Haygh,
qui
retentissent
encore
sous
les
débris
des
monuments
célèbres
dans
l'histoire
et
dans
la
tradition.
Ce
sont
d'abord
des
cantons
entiers
bordant
le
nord
et
l'ouest
du
lac,
qui
portent,
l'un
le
nom
d'un
des
fils
de
Haygh,
Khor,
Խոռ,
l'autre
le
nom
de
son
petit-fils,
Paz,
duquel
le
lac
même
a
reçu
son
nom
primitif,
la
mer
des
Paziens,
Ծով
Բզնունեաց
[24].
C'est
ensuite
le
mont
de
Nébroth
[25],
dont
nous
avons
parlé
plus
haut,
au
sommet
duquel,
selon
la
tradition
de
ces
contrées,
ce
tyran
voulait
bâtir
un
palais,
bientôt
renversé
par
des
foudres
vengeresses,
et
englouti
dans
des
gouffres
naissants.
Du
pied
de
cette
montagne
on
voit,
vers
le
midi,
une
longue
série
de
quartiers
de
roches
énormes,
que
le
vulgaire
nomme
les
Pierres-Chameaux,
Ուղտու
քարեր,
car
il
pretend
que
c'étaient
des
chameaux
de
Nébreth
employés
à
porter
du
sable
des
bords
du
lac,
pétrifiés
par
le
courroux
des
cieux,
et
qui,
probablement,
sont
des
blocs
et
des
jets
volcaniques
d'une
éruption
des
plus
violentes.
Sur
le
côté
méridional
du
lac,
et
se
baignant
dans
ses
eaux,
s'élève
la
haute
montagne
de
Côte-Bleue
[26],
Կապուտկող,
connue
dans
l'antiquité
par
ses
mines
de
fer
et
de
plomb.
Sur
son
penchant
méridional
se
trouve
encore
le
village
de
Pèlou,
c'est-à-dire
de
Bel.
La
tradition
dit
que
là
fut
déposé
le
cadavre
de
ce
géant.
Du
même
côté
du
lac,
beaucoup
plus
vers
l'orient,
se
trouve
le
village
de
Dëchogh,
Տշող,
où,
selon
la
tradition
locale,
fut
tiré
du
corps
du
géant
le
trait
parti
de
l'arc
de
Haygh;
et,
par
l'ouverture
qu'il
y
laissait,
les
rayons
du
soleil
perçaient
d'un
côté
à
l'autre.
D'une
quarantaine
de
cours
d'eau,
plus
ou
moins
longs,
qui
se
déchargent
dans
le
lac,
le
plus
considérableestla
rivière
de
Horgom,
Հորգոմ,
le
Khoschab
des
modernes,
dont
les
sources
ne
sont
pas
encore
découvertes,
mais
qui,
venant
de
l'est,
tombe
à
l'angle
sud-est
du
lac,
près
du
village
dont
il
prend
le
nom
de
Horgom
[27].
La
vallée,
très-large
et
très-longue,
de
cette
rivière,
vallée
qui
contient
encore
plus
de
quarante
villages
habités
par
les
Arméniens
et
portant
des
noms
tout
à
fait
arméniens,
dont
quelques-uns
offrent
le
cachet
d'un
archaïsme
remarquable,
conserve,
depuis
les
jours
de
Haygh,
le
nom
le
plus
touchant
et
le
plus
sacré
de
tout
un
pays
presque
aussi
vaste
que
la
France:
elle
se
nomme
la
Vallée
des
Arméniens,
Հայոց
ձոր,
titre
le
plus
simple
et
le
plus
sublime
que
pût
donner
le
chef
et
le
père
d'une
nation
naissante,
qui
a
vu,
sur
ces
plages
lointaines,
ses
braves
fils
et
petits-fils
se
battre
à
ses
côtés
contre
l'ennemi
le
plus
redoutable
du
monde,
le
terrasser
et
remporter
sur
lui
la
première
des
victoires,
et,
en
même
temps,
la
plus
légitime,
la
plus
glorieuse
et
la
plus
féconde
en
résultats.
En
remontant
cette
vallée,
éminemment
arménienne,
on
arrive
au
centre
même
du
champ
de
bataille,
et
aux
monuments
les
plus
vénérables;
ce
sont
trois
endroits
ou
trois
bâtiments
contemporains
et
synonymes
des
faits:
c'est
le
village
de
Haygh,
"les
Arméniens",
Հայք
(Խեք)
(d'où
le
nom
de
la
vallée)
bâti,
par
notre
héros
vainqueur
sur
le
lieu
même
du
combat
[28].
Un
peu
plus
loin,
vers
le
midi,
se
trouve
le
village
Asdouadzachène,
Աստուածաշէն,
ce
qui
signifie,
en
quelque
sorte,
Théopolis,
Bâti
par
Dieu,
ou
Bourg-le-Dieu;
car
la
tradition
dit
qu'en
cet
endroit
Dieu
parut
à
Haygh
et
bénit
son
arc,
qui
fut
pour
lui
l'instrument
de
gloire,
et
pour
son
adversaire
l'arme
de
mort.
L'histoire
reconnaît
Haygh
pour
le
premier
et
le
plus
brave
archer.
Entre
ces
deux
villages
se
trouve
le
monument
par
excellence,
la
forteresse
de
Haygh,
Հայկայ
բերդ,
au
sommet
d'une
haute
colline
isolée,
s'élevant,
comme
par
enchantement,
du
milieu
de
la
plaine;
elle
porte,
tout
le
long
de
sa
crête,
l'enceinte
de
la
forteresse
en
ruines,
dont
il
reste
encore
trois
ou
quatre
rangs
de
pierres
et
de
blocs
énormes,
d'une
construction
cyclopéenne,
bien
qu'on
y
trouve
des
pierres
de
taille.
Au
milieu
de
l'enceinte
on
voit
une
excavation
dans
la
roche,
peut-être
pour
servir
de
citerne.
Aucun
voyageur
européen
ne
s'est
aventuré
jusqu'à
ces
contrées
reculées,
qui
datent
de
la
première
page
des
mémoires
humains.
Aucun
étranger
n'y
a
en
tendu
cet
écho
mystérieux
qui
répète
encore
la
voix
héroïque
de
Haygh
aux
oreilles
de
ses
derniers
fils;
on
dirait
qu'une
horreur
divine
y
plane
sur
les
origines
sacrées
d'une
nation
prédestinée,
et
qu'un
esprit
paisible
se
plaît
à
parcourir
cette
vallée
protégée
par
les
mânes
des
pères
de
cette
nation
[29].
Mais
qu'est-ce
qu'on
voit
si
près
du
berceau
et
des
sources
mêmes
d'un
peuple
modeste
et
noble?
Des
tombeaux,
et,
pour
ainsi
dire,
des
embouchures
d'un
autre
peuple
cruel
et
turbulent!
Au
pied
de
cette
colline
même,
où
tomba
Bel
avec
ses
formidables
guerriers,
avec
ses
soixante
géants,
Haygh
creusa
leur
dernière
demeure,
et
il
nomma
ce
lieu
Les
Tombeaux,
Գերեզմանք
։
Quant
à
lui,
on
croirait
qu'il
habita
quelque
temps
près
de
la
ville
actuelle
de
Van,
car,
dans
les
vastes
jardins
et
vignes
de
cette
ville,
qui
s'étendent
du
côté
de
l'orient,
il
y
a
un
endroit
nommé
Haygavank,
Հայկավանք,
Demeure
ou
Hôtel
de
Haygh,
tout
auprès
d'une
colline
rocailleuse,
dans
laquelle
on
avait
découvert,
depuis
longtemps,
des
cavernes
artificielles
et
des
tablettes
d'inscriptions
cunéiformes;
mais
récemment,
l'année
dernière,
en
fouillant
au
pied
de
cette
colline,
on
parvint
à
trouver
des
antiquités
de
plus
haute
importance:
des
vaisseaux
métalliques
avec
les
mêmes
caractères
cunéiformes,
des
idoles
dorées
et
même
des
pièces
en
or
massif;
des
vases
céramiques
d'une
facture
inconnue,
contenant
des
grains
de
céréales
plus
gros
que
nature,
qui,
à
peine
touchés,
s'en
allaient
en
poussière
[30].
A
l'extrémité
du
plateau
de
Van,
dans
le
long
rempart
qui
en
forme
le
côté
oriental,
parmi
ces
montagnes
nommées
anciennement
Zagros,
se
trouve
aussi
Kélishine,
qui
veut
dire,
en
persan,
Colonne
bleue;
c'est
une
montagne
de
plus
de
neuf
mille
pieds,
auprès
de
la
quelle
on
a
pratiqué,
depuis
les
temps
les
plus
reculés,
un
passage
qui
conduit
de
l'Arménie
à
la
Perse;
sur
le
sommet
de
la
montagne
subsiste
un
monument
gravé
en
caractères
cunéiformes;
à
son
pied,
où
au
voisinage,
se
trouvait
encore
un
village
portant
le
nom
de
Haygh,
mentionné
par
les
auteurs
syriens
[31].
D'ailleurs
tous
ces
endroits
qui
portent
le
nom
de
notre
héros
ne
furent
pas
pour
lui
des
demeures
stables,
des
lieux
de
prédilection,
ou
sa
résidence
habituelle:
celle-ci
fut
choisie
sur
un
autre
plateau,
vers
le
centre
de
la
grande
Arménie,
non
loin
des
sources
de
l'Aradzani,
ou
du
Mourad
moderne,
qui
est
l'Euphrate
oriental.
A
cette
plaine
Haygh
donna
un
nom
aussi
bien
adapté
que
les
autres;
il
la
nomma
Hark,
Հարք,
Les
Pères,
pour
indiquer
que
là
s'installèrent
ceux
qui
venaient
d'être
les
pères
de
la
nation
arménienne.
Il
y
bâtit
un
bourg
auquel
il
imposa
naturellement
son
nom
Հայկաշէն,
Haygachène,
Bâti
par
Haygh,
ou
Bourg
de
Haygh.
Le
voyageur
prussien
Ch.
Koch
a
rencontré
dans
cette
plaine,
qui
maintenant
se
nomme
Khenouss,
un
village
du
nom
de
Hayk
ou
Payk.
Mais
je
crois,
Messieurs,
que
c'en
est
assez
des
monuments
matériels
pour
nous
convaincre
de
la
vérité
des
principaux
faits
de
l'histoire
de
Haygh;
pourquoi
ne
m'est-il
pas
donné
de
citer,
outre
le
témoignage
des
historiens
qui,
depuis
deux
mille
ans,
ont
traité
de
ce
héros,
quelques
fragments
antérieurs
à
leurs
récits,
quelques
uns
de
ces
chants
populaires
qui
célébraient
jadis
les
prouesses
d'un
si
digne
ancêtre
?
Cependant
j'ai
le
bonheur
d'annoncer
à
l'élite
des
philologues
qu'une
grande
épopée
sur
Haygh
vient
d'être
publiée,
tout
récemment,
en
notre
langue,
par
un
vénérable
poëte
et
célèbre
grammairien,
le
R.
P.,
Arsène
Bagratide,
membre
de
la
Société
mékilariste.
Après
avoir
travaillé
sur
ce
bien-aimé
sujet
plus
d'un
quart
de
siècle,
il
a
élevé
un
monument
des
plus
durables
à
la
gloire
de
son
héros
et
de
sa
race.
La
littérature
arménienne
en
est
fière,
et
si,
pour
les
charmes
poétiques,
elle
peut
faire
question
en
regard
des
plus
grands
maîtres
de
cet
art
divin,
pour
la
pureté
et
la
richesse
de
sa
langue
classique
elle
ne
le
cède
à
aucun
auteur
contemporain.
Quant
à
moi,
Messieurs,
en
vous
exposant
aujour
d'hui
la
cause
de
notre
fête
nationale,
son
authenticité,
ses
preuves,
ses
monuments,
j'ai
moins
l'intention
de
faire
revivre
un
souvenir
si
noble
et
si
cher
par
lui
même,
ou
de
le
publier
à
l'étranger,
que
de
m'élever
au
niveau
des
sentiments
d'honneur
et
de
devoir
que
réclament
la
position
et
le
caractère
dont
je
suis
revêtu.
Et,
pour
mieux
m'expliquer,
permettez-moi
d'emprunter
encore
un
trait,
un
dernier
trait,
au
sujet
que
j'ai
développé.
Lorsque
Haygh,
dit
l'histoire,
terrassa
l'ennemi
commun,
il
ordonna
d'embaumer
et
de
colorier
le
cadavre
du
vaincu,
de
l'emmener
à
son
domaine
de
Hark
(le
pays
des
pères),
et
de
l'ensevelir
sur
une
hauteur,
pour
qu'il
fût
à
la
portée
du
regard
des
personnes
moins
braves
et
des
enfants.
C'est
à
la
contemplation
d'un
pareil
tableau
que
je
vous
invite
aujourd'hui,
fils
de
Haygh,
enfants
chéris,
sur
cette
nouvelle
terre
de
vos
pères,
Moorat
et
Mékhitar,
pour
observer
les
vaines
dépouilles
de
l'orgueil,
de
l'ignorance
et
de
l'impiété,
sur
lesquelles
triomphent
le
noble
courage,
la
sagesse
et
la
piété
de
votre
patriarche
et
de
vos
pères
semblables
à
lui!
Si
haut
que
soit
ce
trophée
ignominieux,
il
n'arrive
pas
même
au
piédestal
de
la
colonne
de
dignité
nationale,
élevée
par
Haygh,
soutenue
par
ses
dignes
fils,
et
enrichie
des
noms
de
leurs
descendants
braves,
sages
et
pieux,
qu'y
grava
le
long
cours
de
quarante-quatre
siècles.
A
la
vue
d'un
monument
moins
gigantesque,
mais
plus
touchant
et
encore
plus
âgé
que
les
pyramides
des
Pharaons,
ne
sentez-vous
pas
vos
cœurs
s'animer
des
plus
purs
sentiments
d'humanité,
de
sagesse
et
de
piété,
que
vous
suggèrent,
que
vous
imposent
l'exemple
de
notre
nation,
le
désir
ardent
de
vos
parents
et
de
vos
maîtres;
l'attente
du
Gouvernement
qui
vous
protège
comme
de
fidèles
sujets,
et
de
celui
qui
vous
accueille
comme
des
hôtes
intelligents;
enfin
cette
ardeur
même
de
votre
âge
et
la
noble
émulation
qu'on
a
raison
de
vous
demander?
Votre
position
exceptionnelle,
pour
ainsi
dire,
au
cœur
de
l'humanité,
près
de
ce
foyer
du
mouvement
intellectuel
qui
caractérise
cette
capitale
entre
toutes
les
autres,
exige
encore
un
nouvel
effort
sur
vous-mêmes.
Et
que
veut
cette
noble
assemblée
qui
vous
entoure,
sinon
vous
rappeler
que
la
meilleure
partie
de
votre
vie,
votre
âge
actuel,
a
une
haute
mission;
que
vous
devez
employer
toute
votre
activité
pour
conquérir
une
triple
éducation:
l'éducation
de
l'esprit,
pour
en
exercer
les
nobles
privilèges,
qui
sont
acquis
par
les
sciences;
l'éducation
du
cœur,
qui
vous
enseigne
à
chercher,
autant
que
les
vôtres,
les
intérêts
de
vos
familles,
de
votre
patrie,
en
un
mot
de
tous
vos
semblables;
enfin
l'éducation
de
l'âme,
qui
vous
montre
une
fin
bien
au
delà
de
la
terre,
qui
vous
dévoile
une
autre
patrie
plus
belle
que
celle
d'ici-bas,
une
société
des
élus,
des
fils
de
Dieu,
à
laquelle
conduit
sûrement
le
chemin
de
votre
sainte
religion!
Courage
donc,
chers
élèves!
Que
cette
joie,
fruit
de
vos
travaux
annuels,
mêlée
à
celle
de
votre
plus
grande
fête
nationale,
et
aux
encouragements
de
cette
assemblée,
ravive
votre
zèle
pour
la
nouvelle
année
scolaire,
de
manière
que
vos
progrès
éclatants
ne
laissent
aucun
doute
que
vous
ne
soyez
dignes
d'inscrire
vos
noms
sur
le
monument
de
la
gloire
nationale,
si
ce
n'est
à
titre
de
héros,
du
moins
à
titre
d'hommes
de
piété,
de
science
et
de
patriotisme!
[1]
Une
dizaine
d'apôtres
et
de
disciples
de
J.
C.
ont
évangélisé
dans
diverses
contrées
de
la
Grande
et
de
la
Petite
Arménie,
où
le
christianisme
se
conserva
toujours;
mais
c'est
la
première
année
du
IV
siècle
que
la
nation
arménienne
tout
entière,
avec
son
roi,
le
vaillant
Tiridate,
embrassa
le
christianisme
à
la
prédication
de
saint
Grégoire
l'Illuminateur.
[2]
M.
le
baron
I.
Taylor.
[3]
La
dynastie
où
plutôt
la
puissance
fondée
par
Haygh,
et
conséquemment
nommée
Hayghanide,
l'an
2492
avant
J.
C.
finit
vers
l'an
331
avant
l'ère
chrétienne,
par
l'invasion
d'Alexandre
le
Grand
en
Asie:
elle
dura
donc
2161
ans.
Bien
que,
dans
ce
long
intervalle,
l'Arménie
subît
diverses
fortunes,
cependant
nous
avons
encore
les
noms
des
60
souverains
ou
lieutenants
arméniens
qui
gouvernèrent
l'Arménie
depuis
Haygh
jusqu'à
Vahé,
tué
dans
la
bataille
contre
les
Macédoniens,
après
laquelle
l'Arménie,
nominalement
fief
des
Séleucides,
se
gouverna
néanmoins
par
des
princes
indigènes,
jusqu'à
l'an
149
avant
J.
C.
où
Valarsace
l'Arsacide
fonda
une
nouvelle
dynastie,
qui,
sous
26
souverains,
dura
577
ans,
et
finit
l'an
428
de
l'ère
vulgaire,
où
expirait
aussi
la
seconde
période
de
Haygh,
où
2920
ans
s'accomplissaient
depuis
l'affranchissement
de
Haygh.
A
dater
de
ce
jour
l'Arménie
fut
partagée
d'abord
entre
les
Byzantins
et
les
Sassanides,
puis
entre
les
divers
conquérants
de
l'Asie
occidentale.
Bien
qu'une
nouvelle
dynastie,
ou
plutôt
diverses
dynasties
arméniennes
aient
régné
simultanément
dans
la
Grande
Arménie
entre
le
IX
et
le
XI
siècle;
bien
qu'une
autre
dynastie,
celle
de
Roubénides,
régnât
en
Cilicie
dès
l'année
1080
jusqu'à
1375,
cependant
l'Arménie
était
toujours
partagée
entre
différentes
puissances,
comme
elle
l'est
maintenant
entre
les
trois
empires:
Ottoman,
Russe
et
Persan.
[4]
M.
Edouard
Dulaurier,
orientaliste
distingué,
qui
nous
promet
un
grand
ouvrage
sur
la
chronologie
arménienne,
en
deux
volumes,
dont
le
premier
est
sous
presse.
[5]
Cette
ère
connue
des
Français
du
moyen
âge
sous
le
nom
de
l'
étreure
ou
la
lettreure
des
Hermines,
et
qui
commence
au
9
juillet
de
l'an
552
de
J.
C.
ne
procède
pas
de
la
période
de
Haygh,
mais
elle
en
tire
son
origine;
car
cette
année
(552)
n'était
que
la
125e
année
de
la
III
période
de
Haygh.
Toutefois,
comme
il
fallut
dans
ce
temps-là
faire
quelque
innovation
dans
le
calendrier
ecclésiastique,
on
commença
la
même
année,
sans
changer
le
jour
du
nouvel
an,
à
compter
une
nouvelle
ère,
qui
prévalut
sur
l'ancienne,
bien
qu'elle
n'en
différât
pas
dans
sa
forme,
car
toutes
les
deux
se
calculent
par
des
années
vagues.
—
Une
pareille
innovation
avait
eu
lieu
l'an
122
de
J.
C.
sous
l'heureux
règne
de
notre
Ardachès
II,
roi
Arsacide,
qui
renouvela
le
calendrier
arménien,
et
par
cette
innovation,
dit
le
plus
brave
de
nos
computistes
de
calendrier,
le
docteur
Jean
le
Diacre
(mort
en
1129),
l'ère
de
Haygh
cessa.
Ce
qui
veut
dire,
selon
nous,
qu'Ardachès
adopta
l'année
julienne
et
modifia
son
calendrier
sur
le
romain,
comme
les
Cappadociens
l'avaient
fait
un
peu
avant
lui;
mais
il
fut
impossible
de
faire
changer
au
vulgaire
l'ancien
style,
ou
l'usage
de
l'année
vague,
qui
depuis
les
jours
de
Haygh
jusqu'à
présent
sert
à
calculer
le
temps
chez
les
Arméniens,
au
moins
dans
leur
chronologie
nationale.
—
Comme
les
Egyptiens,
comme
les
Persans
et
tous
les
peuples
civilisés
avaient
quelques
modes
particuliers
pour
régler
les
variations
des
époques
de
leurs
fêtes,
les
Arméniens
avaient
aussi
leur
manière
à
eux
pour
combiner
leurs
années
vagues
avec
les
solaires.
Cette
manière
ne
nous
est
pas
bien
expliquée,
par
suite
de
la
perte
des
ouvrages
spéciaux
de
nos
anciens
computistes,
et
même
de
Jean
le
Diacre,
le
plus
célèbre
d'entre
eux,
dont
nous
n'avons
que
des
fragments.
Cependant
l'année
solaire,
ou
bien
un
calendrier
fixe,
était
connue
depuis
les
temps
les
plus
antiques,
de
manière
que
quand
le
Diacre
renouvela,
l'an
1116,
le
calendrier
arménien,
et
établit
l'année
fixe
ecclésiastique,
ou
celle
des
hagiographes,
il
donna
naissance
à
une
nouvelle
ère,
nommée
la
petite
ère
ou
l'ère
du
Diacre,
Սարկաւագայ
թուական,
datée
de
l'an
1084,
dans
laquelle
venait
expirer
la
période
pascale
de
532
années,
commencée
chez
nous
avec
notre
grande
ère
vulgaire,
l'an
552.
Or
cette
innovation
ne
fut
connue
que
comme
une
révélation
du
calendrier
arménien
primitif;
ainsi
nos
chroniqueurs
disent
du
Diacre
que
«il
mit
en
lumière
le
calendrier
du
vieux
arménien
».
Ou
bien
on
dit:
«telle
fête
tel
jour,
selon
Jean
le
Diacre
et
selon
l'ancien
arménien».
Or,
comme
l'année
du
Diacre
est
la
solaire
ou
fixe,
telle
était
aussi
celle
de
l'ancien
arménien,
établie
et
rétablie
par
nos
saints
Pères
au
commencement
du
V
siècle,
précisément
à
l'époque
où
la
seconde
période
de
Haygh
venait
de
se
terminer;
par
saint
Grégoire
l'Illuminatenr,
au
commencement
du
IV
siècle;
par
Ardachès
II,
et
probablement
par
d'autres,
plus
anciennement
encore.
[6]
Et
cependant
aucun
de
nos
rénovateurs
du
calendrier,
ni
nos
saints
Pères,
ni
le
célèbre
docteur
Jean
le
Diacre,
n'ont
osé
changer
le
jour
de
la
nouvelle
année,
et
ils
l'ont
laissé
le
11
août,
respectant
le
souvenir
national
consacré
depuis
30
à
36
siècles,
comme
nous
le
verrons
dans
le
développement
de
notre
discours.
[7]
Nous
aimons
à
transcrire
ce
que
dit
à
cet
égard
Daunou,
dans
son
Cours
d'études
historiques,
vol.
V,
page
41:
«Les
peuples
antiques,
ainsi
que
les
modernes,
ont
ouvert
leurs
années,
non
pas
au
point
précis
d'un
équinoxe
ou
d'un
solstice,
mais
dans
le
cours
du
mois
qui
suivait
ou
précédait
l'un
de
ces
points.
Plusieurs
causes
ont
dû
amener
ces
pratiques
vagues
et
irrégulières ...
Des
événements
et
des
établissements
politiques
avaient
réglé
l'ouverture
et
le
cours
des
années,
soit
civiles
soit
religieuses».
[8]
Le
jour
du
nouvel
an
arménien
se
nomme
Նաւասարդ,
Navasart,
qui
est
aussi
le
nom
du
premier
mois
du
calendrier.
On
a
émis
plusieurs
opinions
sur
l'origine
de
ce
mot:
selon
les
uns
il
venait
de
nav,
նաւ,
navire,
et
art,
արդ,
maintenant,
comme
s'il
indiquait
le
temps
de
navigation;
selon
les
autres,
il
signifiait
innovation,
dérivant
du
mot
indo-germanique
novus,
nouveau;
d'autres
ont
cru
que
c'était
le
nom
de
Nabozarte,
lieutenant
du
fameux
Napubalassar
qui
rédigea
le
calendrier
babylonien
et
fonda
l'ère
qui
porte
son
nom
et
commence
le
26
février
747
avant
J.
C.
Vraisemblablement
le
mot
est
d'origine
homogène
au
sanscrit:
signifie
nouveau,
comme
dans
le
mot
arménien
navagadik,
Նաւակատիք
par
lequel
on
désigne
la
fête
des
inaugurations
pour
toute
nouvelle
fabrique,
ou
fêtes
des
naissances,
et
de
sart,
սարդ
ou
de
saradas,
sanscrit,
qui
veut
dire
année,
ou
plutôt
de
sart
qui
a
un
sens
de
jeunesse
ou
d'âge,
comme
dans
Երիտամարդ,
yéridasart,
jeune
homme;
ausart,
jeune
femme.
Nous
citerons
une
autre
tradition
qui
croit
que
Navasartest
est
le
nom
de
la
première
fille
de
Haygh,
et
qui,
en
ce
sens,
signifierait,
nouvelle
fille
ou
fille
aînée.
Le
mot
de
navasart,
signifiant
le
nouvel
an
et
ses
fêtes,
prend
quelquefois
la
forme
du
pluriel
Նաւասարդք,
տօնք
նաւասարդաց,
les
navasarts.
La
déité
qui
présidait
au
jour
du
nouvel
an
se
nommait,
chez
nos
ancêtres,
Դիք
Ամանորեայ,
c'est-à-dire:
c'est-à-dire:
le
Dieu
du
nouvel
an,
et
c'était
le
Vahaqu
ĕ
n
Vanadour
Վահագն
վանանտուր,
l'Hercule
hospitalier
arménien.
Son
temple
principal,
où
les
fêtes
de
Navasart
étaient
célébrées
par
le
roi
et
son
armée,
s'élevait
près
des
sources
de
l'Euphrate
oriental,
c'est-à-dire
à
l'extrémité
du
plateau
de
Bayazid,
dans
le
village
de
Bagavan,
Բագաւան,
qui
veut
dire
Bourg-aux-dieux,
Panthéon
arménien,
auprès
duquel
saint
Grégoire
l'Illuminateur
baptisa
le
roi
Tiridate
et
son
armée,
aux
sources
mêmes
du
premier
fleuve
du
monde,
et,
renversant
le
temple
du
dieu
du
nouvel
an,
y
bâtit
une
église
en
l'honneur
de
Jean-Baptiste,
laquelle
céda
la
place
à
une
vaste
basilique
érigée
par
la
munificence
de
l'empereur
Héraclius,
l'an
634,
et
qui
reste
encore
debout,
portant
son
ancienne
inscription
arménienne.
[9]
Selon
les
calculs
les
plus
accrédités,
les
périodes
sothiaques
égyptiennes
commençaient
les
2786e,
1326e
années
avant
J.
C.
et
la
136e
après
J.
C.
Quelques-uns
disent
2782,
1322
avant
J.
C.
et
139
après
J.
C.
On
croit
que
les
Égyptiens
non
seulement
connurent
dès
la
plus
haute
antiquité
cette
période
de
1460
ou
1461
ans,
mais
encore
qu'ils
calculèrent
la
durée
astronomique
de
l'année
qui
a
11'
et
12''
de
moins
que
365
jours
et
6
heures.
Ainsi,
pour
que
le
lever
héliaque
de
la
canicule,
le
solstice
d'été
et
le
commencement
de
l'inondation
du
Nil
coïncidassent
dans
un
seul
et
même
jour,
il
fallait
une
période
plus
longue,
c'est-à-dire
1505
ans.
Cette
grande
période
commençait
chez
eux,
selon
quelques
archéologues
modernes,
les
années
1277,
2782,
4287
avant
J.
C.
M.
Lepsius
prétend
même
que
les
Égyptiens,
originairement,
se
servaient
de
l'année
fixe
solaire,
qu'ils
abandonnèrent
ensuite,
à
l'occasion
de
quelque
événement
remarquable.
—
Quant
à
nous,
Arméniens,
nos
périodes
sothiaques,
ou
de
Haygh,
commençaient
aux
années
indiquées
dans
le
texte
de
notre
discours.
[10]
Le
docteur
Jean,
dit
le
Cénobite,
Վանական,
qui
écrivait
dans
la
première
moitié
du
XIII
siècle,
suppose
que
Haygh
arriva
à
son
pays
le
15
du
mois
ilul
hébreux,
qui
correspond
plutôt
au
13
du
mois
d'août;
et
que
quatre
jours
après
le
nouvel
an
des
Arméniens
commence
celui
des
Égyptiens,
Ethiopiens,
Bithyniens,
Cappadociens,
etc.
En
effet,
les
années
des
Coptes
et
des
Éthiopiens
commençaient,
selon
leur
calendrier,
le
17-29
août.
Quant
aux
anciens
Égyptiens,
il
semble
que
leur
année
fixe
commençât
le
20
juillet.
[11]
Un
de
nos
plus
anciens
auteurs
anonymes
du
calendrier
sont:
dit
que
le
premier
rédacteur
ou
auteur
du
calendrier
fut
Haygh,
avant
Moïse,
et
il
le
suppose
inspiré
par
Dieu
même.
Selon
ces
auteurs,
Haygh
nomma
les
douze
mois
des
noms
de
ses
filles
et
fils.
Les
noms
des
mois
(qui
ont
chacun
trente
jours)
sont
1.
Նաւասարդ,
Navasart;
2.
Հոռ,
Hor;
3.
Սահմ,
Sahm;
4.
Տրէ,
Dré;
5.
Քաղոց,
Kag'hotz;
6.
Արաց,
Aratz;
7.
Մեհեկ,
Méhégh;
8.
Արեգ,
Arèk;
9.
Հարուանց
ou
Ահեկ,
Harpuantz
ou
Ahég;
10.
Մարեր,
Marer;
11.
Մարգաց,
Markatz;
12.
Հրոտից
ou
Հրորտից,
Hroditz
ou
Hrorditz,
et
Աւելեաց
Avéliatz,
c'est-à-dire
les
5
jours
d'épagomènes.
Le
1,
2,
3,
7,
8,
10
étaient
les
noms
des
filles;
le
4,
5,
6,
12
des
fils,
le
9
et
11
avaient
de
l'analogie
avec
les
saisons;
il
y
a
un
peu
de
vraisemblance
à
l'égard
de
quelques-uns
de
ces
noms,
mais
ce
n'est
pas
le
lieu
d'en
discuter.
[12]
Wakhoucht,
fils
du
roi
Wakhtang,
célèbre
géographe
et
historien
géorgien,
donne
pour
cet
événement
l'an
du
monde
2856,
qui
correspond,
selon
son
calcul,
à
l'an
2272
avant
J.
C.
[13]
Jean
VI,
Catholicos
(le
patriarche),
historien
qui
écrivait
au
commencement
du
X
siècle,
donne
pour
la
durée
du
temps
de
Haygh
jusqu'à
Valarsace,
2295
ans;
de
Valarsace
jusqu'à
J.
C.
nous
avons
149
ans;
or
2295
+
149
=
2444:
c'est
48
ans
de
moins
que
ne
voudrait
la
période
de
Haygh;
mais
comme
l'historien
parle
seulement
de
Haygh,
et
n'indique
pas
le
fait
d'où
commence
son
calcul,
on
peut
supposer
qu'il
date
de
la
mort
même
de
notre
héros,
comme
les
Assyriens
dataient
leur
chronologie
de
la
mort
ou
de
la
fin
du
règne
de
Bélus,
ainsi
qu'on
va
voir
dans
le
texte.
[14]
Ils
donnent
pour
l'avènement
du
règne
de
Ninus
l'an
2057
avant
J.
C.
Avant
ce
roi
avaient
régné,
en
Assyrie,
une
dynastie
arabe
215
ans,
et
une
autre
antérieure
225
ans
et
8
mois:
total
44o
ans,
8
mois;
or,
comme
ces
années
n'étaient
que
de
36o
jours,
selon
l'usage
des
Chaldéens,
elles
se
réduisent
à
435
années
communes
et
5
mois,
ou
145
jours:
or
435
+
2057
=
2492,
qui
est
juste
l'an
du
commencement
de
la
période
de
Haygh.
Nous
dirons
ici,
en
passant,
que
l'Africain
suit
la
chronologie
de
Bérose,
et
que
les
fameuses
périodes
ou
cycles
de
ce
célèbre
historien
chaldéen,
ses
sars,
soss
et
nérs,
qui
ont
été
le
sujet
de
maintes
dissertations
et
de
controverses,
ne
sont
que
des
périodes
de
simples
jours:
un
soss
est
60
jours
ou
2
mois,
un
nér
10
soss
ou
600
jours,
un
sar
est
10
ans
(de
360
jours)
ou
3600
jours;
ainsi,
par
exemple,
le
4
nér
du
règne
d'Évocus
n'est
que
6
ans
et
240
jours;
aussi
l'Africain
ne
lui
donne-t-il
que
6
ans
et
8
mois
de
règne.
Et
quoi
qu'on
dise
de
ces
432,
000
ans
commençant
d'Alorus,
roi
antédiluvien,
jusqu'au
déluge,
ce
ne
sont
que
de
simples
jours
équivalants
à
1200
ans
chaldéens,
ou
à
1183
ans
civils
(de
365
jours)
et
205
jours:
ainsi
le
commencement
de
ce
règne
antédiluvien,
vrai
ou
non,
convient
à
l'an
de
la
création
d'Adam,
1058,
comme
le
disent,
entre
autres,
nos
historiens
Vartan,
du
XIII
siècle,
et
Michel
le
Syrien,
du
XII,
sans
mentionner
ces
myriades
d'années
de
Bérose.
Cette
date
est
démontrée
aussi
par
l'histoire
égyptienne
de
Manéthos;
selon
cet
auteur,
avant
Mênes,
premier
homme-roi,
régnèrent
en
Egypte
six
ou
sept
dieux
et
neuf
demi-dieux,
24,
900
ans;
or
Desvignole
a
montré
que
ces
années
n'étaient
que
des
lunaisons,
qui
composent
1183
années
solaires,
précisément
la
durée
des
rois
chaldéens.
[15]
La
seconde
période
commença
un
mercredi,
l'an
1032
avant
J.
C.,
la
troisième
ou
l'actuelle,
un
dimanche
de
l'an
428
après
J.
C.,
la
quatrième
commencera
le
jeudi,
11
août
1888.
Mais
ce
qui
est
frappant,
c'est
qu'en
admettant
deux
périodes
encore
avant
l'ère
de
Haygh,
le
commencement
de
la
première
de
ces
périodes
tombe
un
vendredi,
jour
de
la
création
de
l'homme,
l'an
5412
avant
J.
C.
On
sait
que
le
célèbre
chronographe
docteur
Hales
admet,
pour
la
date
de
la
création
ou
d'Adam,
la
même
année.
Nos
chronologues
les
plus
accrédités
admettent
l'an
5424;
c'est
aussi
cette
dernière
date
qui
se
trouve
dans
la
fameuse
inscription
de
la
cathédrale
d'Ani,
écrite
l'an
1012
(1010)
de
J.
C.
[16]
Ainsi
dans
Job,
XXXVIII,
v.
31,
la
traduction
arménienne
dit:
«Qui
a
dévoilé
le
Hayg.
»
Ո
եբաց
զպատրուակն
Հայկին
։
De
même
en
Isaïe,
XIII,
v.
10.
Dans
quelques
ouvrages
astronomiques
ou
calendriers
arméniens
Haygh
est
désigné
pour
la
planète
de
Mars,
et
dans
quelques
écrits
astrologiques
il
est
dit:
«
Qui
naît
sous
l'astre
de
Haygh
(Mars)
doit
mourir
par
le
fer».
Nous
ne
doutons
pas
que
Haygh,
par
sa
bravoure,
ne
méritât
d'être
placé
dans
ce
brillant
astre
en
dépit
de
Mars;
mais
nous
remarquons
aussi
avec
plaisir
que
nos
ancêtres
avaient
consacré
ou
dédié
à
leur
brave
chef
tout
ce
qu'il
y
a
de
plus
brillant.
Un
archéologue
italien
du
XVII
siècle,
qui
supposait
l'Iliade
d'Homère
une
allégorie
représentant
la
lutte
entre
l'Asie
et
l'Europe,
ne
doutait
pas
que
Mars
ne
signifiât
les
Arméniens.
Haygh
signifie
aussi,
selon
d'autres,
les
Balances,
que
nous
nommons
ordinairement
Կշիռք,
gh
ĕ
chirke,
et
quelques-uns
Շամփուրք,
champourke.
[17]
Ce
plateau
entre
celui
d'Azerbeydjan
et
les
bassins
du
Tigre
et
de
l'Euphrate,
est
comme
un
pays
neutre,
n'étant
tributaire
d'aucun
de
ces
grands
fleuves
d'Arménie
[18]
Le
mont
Sipan
ou
Seyban,
l'ancien
Massik,
au
nord
du
lac,
la
plus
haute
des
montagnes
qui
l'entourent,
supposé
avoir
de
12
à
14,
000
pieds
de
hauteur
absolue.
[19]
Excepté
peut-être
le
côté
ouest,
toutes
les
autres
directions
sont
envahies
par
ses
eaux:
celles-ci
n'étant
pas
assez
considérables,
si
on
les
juge
par
la
quantité
de
rivières
qui
tombent
dans
le
lac,
font
supposer
une
source
qui
jaillit
des
abîmes
mêmes
du
lac,
où
des
soulèvements
successifs
ont
eu
lieu
sur
une
grande
échelle
dans
ces
vastes
et
profonds
champs
volcaniques
cachés
aux
yeux
mêmes
des
géologues
et
des
naturalistes.
J'ai
connu
quelques
voyageurs
français
qui
m'assurèrent
de
leurs
études
particulières
faites
sur
les
lieux
mêmes;
cependant,
jusqu'à
présent,
aucune
de
leurs
relations
n'est
publiée,
et
ce
que
nous
trouvons
dans
les
voyages
imprimés
jusqu'ici
nous
laisse
beaucoup
à
désirer.
[20]
Ce
sont
le
Lim,
Լիմ,
Ghedoutz,
Կտուց,
Ag'htamar,
Աղթամար,
et
Ardère
ou
Ardi,
Արտեր,
Արտի.
Nos
anciens
ont
conservé
encore
les
noms
des
trois
autres
îles
qui
ont
disparu
depuis
quelques
siècles.
[21]
Telles
que
Akhlat,
Խլաթ
ou
Ախլաթ,
Արճէշ,
Ardjéche
ou
Adeldjavase;
Արծկէ,
Arzghé;
Բերկրի,
Pergri;
Վան,
Van;
Ոստան,
Vosdan.
[22]
On
peut
voir
dans
l'ouvrage
du
voyageur
anglais
M.
Layard,
Discoveries
in
the
ruins
of
Nineveh
and
Babylon,
etc.
1853,
quelques
vues
des
monuments
funèbres
d'Akhlat,
pages
23,
24.
[23]
Nos
historiens,
et
en
quelque
sorte
même
Diodore
de
Sicile,
font
remonter
à
Sémiramis
la
construction
des
monuments
de
Van,
qui
ont
eu
successivement
d'autres
fondateurs
indigènes
ou
étrangers,
qui
y
laissèrent
de
grands
souvenirs.
Ce
sont,
après
la
reine
conquérante,
les
rois
de
Babylone
ou,
selon
une
autre
opinion,
une
dynastie
particulière
des
rois
arméno-mèdes;
puis
les
Achéménides,
ensuite
nos
princes
Reshdouniens,
Ռշտունիք
dans
le
I
siècle
avant
J.
C.
Ardachès
II,
sus-mentionné
au
II
siècle
après
J.
C.
et
enfin
les
princes
Ardzerounites,
descendants
de
Sennachérib,
l'Assyrien,
aux
IX
et
X
siècle.
[24]
Le
canton
de
Khorr,
nommé
Khorkhorounik,
Խորխորունիք,
entoure
le
mont
Sipan
que
nous
venons
de
citer
(voy.
note
17
),
et
celui
de
Peznounik,
Բզնունիք,
côtoie
le
nord-ouest
et
l'ouest
du
lac,
c'est
le
pays
d'Akhlat,
d'Arzghé
et
de
Tadouan.
—
Le
lac,
chez
nous,
porte
ordinairement
le
nom
de
lac
ou
de
mer
de
Van,
mais
anciennement
on
le
nommait
mer
des
Peznounik,
mer
d'Ardjeche,
mer
d'Ag'htamar,
mer
des-Rĕshdouniens,
ou
simplement
mer
salée.
[25]
On
le
nomme
ordinairement
Namroud
ou
Mamroud.
Il
cache
les
sources
de
la
rivière
de
Mégh
ou
Méghri,
Մեղ,
Մեղրի,
qui
fertilise
la
belle
vallée
de
Mouch.
[26]
C'est
presque
vis-à-vis
de
Sipan:
on
le
nommait
aussi
anciennement,
Ընձաքիսար,
c'est-à-dire
le
pic
d'Enzak,
du
nom
d'un
village;
actuellement
on
l'appelle
Mont-Pélou,
du
nom
d'un
autre
village.
[27]
On
le
nomme
aussi
Endjil-Tchay,
du
nom
du
village
Անգղ,
Anghel
ou
Endjil.
[28]
On
peut
consulter,
pour
l'histoire
de
cette
bataille,
Moïse
de
Khorène,
I,
chap.
II.
[29]
Ces
quelques
détails
sur
des
lieux
si
intéressants,
je
les
tiens
d'un
de
mes
confrères,
qui,
il
y
a
une
dizaine
d'années,
a
visité
ces
lieux.
C'est
le
R.
P.
Nérsès
Sarkisian,
qui,
dans
les
années
1844-1852,
a
parcouru
la
plus
grande
partie
de
l'Asie
Mineure
et
de
l'Arménie,
de
Smyrne
jusqu'à
Van
et
au
monument
de
Haygh,
une
étendue
de
16°
en
ligne
droite.
Ayant
pour
but
spécial
de
consulter
les
manuscrits
arméniens
et
de
relever
les
inscriptions
antiques,
manquant
d'ailleurs
d'instruments
scientifiques,
seul
il
a
exécuté
ce
long
et
pénible
voyage,
et,
abandonnant
tout
détail
secondaire
ou
amusant,
il
n'a
indiqué
que
la
position
topographique
et
statistique
des
villes
principales
et
des
villages
remarquables
par
leurs
monuments
antiques;
il
a
levé
plusieurs
plans
linéaires
des
anciennes
églises,
et
copié
quelques
inscriptions
grecques,
géorgiennes,
cufiques
et
turques,
outre
une
foule
d'arméniennes,
avec
quelques-unes
des
cunéiformes
de
Van.
La
relation
de
son
voyage
n'est
pas
encore
imprimée,
et
ce
serait
un
grand
service
rendu
aux
amateurs
des
sciences
géographiques
et
archéologiques,
si
quelque
main
puissante
venait
appuyer
l'édition
de
l'ouvrage
avec
la
copie
des
inscriptions.
[30]
Une
partie
de
ces
trouvailles
s'est
partagée
et
en
même
temps
brisée
ou
détruite
entre
les
mains
des
paysans;
le
gouvernement
local
s'est
emparé
de
l'autre;
quelques
morceaux,
parvenus
jusqu'à
Constantinople,
ont
été
recueillis
par
d'habiles
antiquaires.
[31]
Voir,
pour
ces
lieux,
les
relations
des
voyages
de
M.
H.
C.
Rawlinson,
dans
le
Journal
de
la
Société
géographique
de
Londres
ou
Ritter
Ertkunde,
t.
IX,
p.
1024,
1025.