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Geography  

II.

 

Que les eaux se retirent maintenant; abordons le sol; hatons-nous d'arriver au monde inorganique, et, laissant le tableau compliqué de ses formations géognostiques, nous tacherons d'en examiner les éléments et les matériaux les plus utiles et les plus remarquables: ce seront d'abord les minéraux terreux et ocreux, connus depuis l'antiquité. Quel minéralogiste n'apprécie pas, en effet, le Bol d'Arménie, cette terre roussâtre, qui fait concurrence à la terre sigillée de Lemnos, qu'elle absorbe même à présent dans son nom, et qui a son similaire tout près de nous, sur les deux rives de la Loire, à Blois et à Saumur? - Quel peintre ne connait pas la Terre d'Arménie, cet ocre rouge qui entre dans les préparations des peintures a-fresque? Les peintres et les pharmaciens estiment la Pierre d'Arménie (Lapis Armenicus), connue dès les jours de Théophraste par sa belle couleur d'azur, qui l'a fait confondre quelque fois avec le lapis-lazuli: elle est parfois onctueuse et d'un roux-foncé. - Les peintres romains connaissaient encore l' Arminium, certain minium, couleur d'un bleu  blanchâtre, qui servait à décorer les parois de leurs villas, et dont ils payaient la livre jusqu'à six francs. -Leurs fameux sculpteurs, pour polir le Gladiateur, l'Apollon du Belvédère, préféraient à celle de Naxos la Cotes arménienne, qui servait aussi à faire briller les pierres précieuses. Quant à l'autre Cotes, c'est à-dire à la pierre à aiguiser, l'arménienne cédait à celle de Naxos. - Les Grecs connaissaient en Arménie la pierre dure qui, par des agents plus forts que le fer, recevait les gravures des sceaux. Les anciens employaient ancore la Chrysocolle arménienne (Chrysocolla Armeniaca) et la mettaient au-dessus de la macédonienne et de la cyprienne: son nom, qui signifie Collante d'or, fait regretter en core davantage sa disparition, car on ne sait plus trouver cette pierre; mais je crois que c'était une espèce de borate, et la même que les Arabes appelaient du nom de notre pays  (.... ) Ils en tiraient une autre espece (بوره ارمنی) que (بوراق الارمنی) dite le Borax Ariaenien (...... )  que nos médecins placent dans le district moderne d'Olti ( Taoki, Ուխտեցի արջասպ )

Vous voyez, Messieurs, que la terre d'Arménie est trop riche, trop variée en productions analogues, pour que nous puissions en  faire le détail; il suffit de dire qu'elle est riche en argiles de toute espèce, en minerais, en alun, connu déjà de Dioscorites, et surtout abondante en sel de tous genres et de toutes formes. Les mines de sel gemme de Coulp (Goghp) et de Nakhitchévan en Ararat, sont exploitées depuis le temps des fils de Noé; deux des cantons de la Haute-Arménie (pays d'Érzeroum) portent le nom de sel, ( Դարանաղի, Մանան-աղի) Taran-aghi, Manan-aghi, et tout le monde connait leurs salines. D'autres districts des provinces voisines tirent aussi leur nom du sel : ( Մարդ-աղի, Աղօրի, Աղտից ձոր, Աղի-ովիտ ) Mart-aghi, Aghori, Aghditztzor, Aghiovid. Les sources, les ruisseaux, les lacs salés sont nombreux. Indiquent-ils le retrait d'une mer envahissante ou originaire; ou sont-ils des formations antiques ou volcaniques? je laisse la question aux géologues

Parmi les minéraux combustibles, les plus connus sont le soufre, puis le naphte noir et blanc, le bitume ou le pétrole; avec eux je mentionnerai l' huile qui suinte d'une pierre dans une église, près de Van; fait bien constaté. On a découvert quelques traces de Houille dans les montagnes entre la Haute Arménie et l'Ararat. Nos anciens géographes  indiquent dans l'une de ces montagnes, au S. E. d'Érzeroum, avec le naphte, deux autres productions minérales que nous ne connaissons pas, mais que nous soupçonnons être du genre pyrite. Nous recommandons à nos compatriotes d'explorer ces localités et de nous dire ce que sont le Zhighg (Ձիղկ), et le Salag (Սալակ). Je laisse aussi à leur soin de préciser la pierre de Van (Վանակն), prise par quelques-uns pour le béryl, et par le plus grand nombre pour le cristal-de roche. Quant aux pierres précieuses, nos ancêtres nous signalent celles d'Ararat, sans préciser les localités; d'autres nous indiquent le jaspe sur les rives du Thorgom, fleuve qui se jetait dans la mer Caspienne. Moïse nous parle de l' onyx et du bdellion dans la terre édenique de Hévilath, aux bords du Phison, que nous croyons le Djorokh, et Hévilath, le Khaghdik de nos ancêtres, les Chalybes des classiques grecs. N'oublions pas non plus les belles et rondes perles minérales des ruisseaux de Diadine près des sources de l'Aradzani. -- Pour les pierres plus communes, les montagnes de l'Arménie en sont des mines inépuisables: le Grand-Ararat lui-même n'est qu'un monolithe de porphyre noir couvert d'une cape blanche bien autrement grandiose par sa taille de cinq kilomètres perpendiculaires, que le fameux obélisque taille dans nos montagnes mêmes par Sémiramis, et érigé au centre de la métropole de l'Asie, comme une des sept merveilles de l'antiquité. Voulez-vous, Messieurs, voir quelques échantillons de ces pierres? vous n'avez qu'à visiter le rez-de-chaussée du Louvre; vous admirerez ces sculptures étonnantes, rehaussées de caractères plus étonnants encore. Babylone et Ninive sont baties et enrichies, en grande partie, des dépouilles naturelles de notre pays, qui certes n'était pas lui-même dépourvu de tels monuments. S'il a subi beaucoup plus de ravages que les autres, il conserve néanmoins des pierres monumentales en caractères cunéiformes, jusqu'au sommet de montagnes de 3000 mètres de hauteur

Sans entrer dans le détail un peu génant des productions de nos carrières, je dirai que les pierres dominantes du sol arménien sont le porphyre et le basalte. Ce dernier forme, dans le vallon de Karni, non loin du lac de Sévan, des colonnes de 100 mètres de hauteur, qui présentent un aspect véritablement sublime, et digne de la grande ame du roi-géant Dertad, qui éleva au sommet d'une pointe surplombant des précipices et des  abimes, un somptueux belvéder pour Mademoiselle d'Arménie, sa sœur bien-aimée; après treize siècles, un tremblement de terre renversa le monument; mais ses restes presque intacts nous témoignent encore qu'il pouvait rivaliser avec les derniers monuments classiques de la Grèce et de Rome. Tout près de ces monuments de la nature et de l'art, il y en a un autre qui réunit en lui, outre la marque de ces deux forces admirables, celle de la religion: c'est une église, ou plutôt sept églises et cryptes taillées et superposées dans le roc vif; c'est dans ces solitudes reculées que la lance hardie qui ouvrit le côté de notre Sauveur, se cacha pendant plusieurs siècles. - Le marbre, l' albâtre, le cristal-de-roche, sont connus en Arménie, bien qu'en quelques endroits seulement. Mais la plus grande variété de ses pierres provient des productions volcaniques, qui ont servi à batir les milliers d'églises d'Ararat, dont quelques centaines restent encore en totalité ou en partie debout depuis 10 et 13 siècles. Le temps a plutôt durci que rongé ces pierres jaunes, noires, grises, rouges, etc

Presque tous les monuments d'Ani, et de ses environs, sont entièrement construits de  cette matière; il y a telle église qui n'a pas reçu une poignée de chaux, bien que des montagnes calcaires aient pu lui prodiguer le mortier: on se servait de crochets de fer ou de lames de plomb pour accoler les pierres, et quelquefois on négligeait même ces moyens de consolidation. Ces sortes de pierres nous rappellent naturellement leur origine, ces terribles titans, qui, déchirant les flancs de la terre, se dressèrent en montagnes fumantes. Je parle des Volcans éteints, dont les restes sont encore avec les eaux minérales, les types les plus caractéristiques du sol de notre pays: je ne sais pas s'il y en a un autre qui soit aussi labouré par ces forces plutoniques, qui lui ont imprimé des formes aussi grandioses que terribles

Les volcans éteints des Domes près de nous, en Auvergne, ne sont que des pygmées à côté de ces géants de 3-à-4000 mètres, qui, bien qu'éteints aussi, gardent néanmoins toutes les apparences d'une force plutôt évanouie qu'anéantie, et toutes les traces de leurs ravages, qui ne sont pas d'une date très-reculée. Il y a encore ici un grand contraste dans la destinée de notre pays: historiquement, c'est la terre la plus antique, la terre originaire de l'homme; géologiquement elle semble des plus modernes formations; du moins elle a subi des révolutions récentes: plusieurs de ses éruptions sont posté rieures aux temps historiques; il y en a même qui ne datent peut-être que de 1500 à 2000 ans; tant on voit clairement les torrents bigarrés de laves, comme d'immenses serpents entortillés autour des soubassements et des cratères béants des colosses dont ils ont jailli. Leurs écailles mêmes, si on me permet cette expression, n'ont rien perdu de leur ancien éclat; la mousse n'a pas encore envahi leur surface. On connaissait par tradition aux siècles de nos pères, le renversement de la montagne Grande, la déchirure de trois kilomètres de profondeur des flancs du Grand-Ararat. Ce gouffre a charmé par ses sublimes horreurs, non seulement les poètes nationaux, mais encore les Byron et les Soumet; car les yeux de ces fils d'Apollon, plus pénétrants que ceux des géologues, y voyaient encore des bouillonnements intérieurs, qui se manifestèrent en 1840, en ébranlant toute la plaine de l'Ararat et lançant des flots de fumée noire, de la boue, des pierres et de l'eau. L'ange du Sommeil avait alors, sans doute, quitté le sommet sacré l'Homère des prosateurs modernes le chantre des Martyrs, l'avait naïvement placé. La dernière éruption d'une des montagnes à l'O. du lac de Van, est mentionnée l'an 1441. - Sipan qui s'élève en cône superbe au N. du même lac, à une hauteur peut-être supérieure à 4000 mètres, répand encore des exhalaisons sulfuriques. - Varak, à l'E., n'est pas étranger à ces formations plutoniques; le Sud du lac n'est pas encore noté des mêmes signes par les voyageurs, mais un saint solitaire, qui vivait dans ces parages au commencement du XI siècle, Grégoire de Narégue, ce Saint Bernard de l'Arménie, dans un de ses hymnes, parait faire une vague allusion à quelque éruption volcanique. Déjà au commencement de l'ère chrétienne, nos ancêtres adoraient dans une de ces montagnes «le feu dévorant et insatiable, qui roulait des pierres à la source de la fontaine jaillissant plus bas!» [1]. Le feu peut-être, à cause de son éclat, était la sœur; et la source, le frère! On sait d'ailleurs que les eaux de ce lac sont plus amères que salées; celles de ses bords surtout sont tellement saturées de nitre, qu'elles servent au blanchissage du linge. -- Quant au lac de  Sévan, il n'y a aucun doute sur sa formation et son soulèvement volcanique: on le dirait le plus vaste des cratères, entouré de pics et de cônes, dont plus d'une douzaine ont leur cratère particulier, vide ou rempli d'eau. - Derrière eux à l'O., s'élève l'imposante Aracadze (Alaguèze des modernes), tout-à-fait isolée, la plus large des montagnes de l'Arménie, et la plus haute après le Massis, avec lequel elle forme, selon la belle idée du grand géographe Ritter, les piles d'une porte, par laquelle passent toutes les caravanes qui, des bords du Gange vont jusqu'au Pont et au Caucase. Le sommet de l'Aracadze est crevassé et hérissé de quatre pics, qui s'élèvent comme des vedettes autour de son cratère, portant dans leurs flancs du soufre brillant. J'incline à croire qu'on voyait encore, aux premiers siècles de notre ère, la fumée s'échapper de ses crevasses, car des écrivains crédules du XIV siècle nous racontent qu'il y a dans le creux de la montagne une caverne notre Illuminateur a formé une chapelle et suspendu une lampe ardente qui ne s'éteindra qu'à la fin du monde. - Un voyageur Prussien, traversant récemment l'Arménie du nord au sud, a observé pendant trois nuits de suite certaines lueurs sur  des montagnes de l'Ararat. Les naturels du pays les considéraient comme un signe infaillible de tremblement de terre dans la Persarménie. En effet, le tremblement eut bientôt lieu à Tabrize. Vous savez, Messieurs, que la contrée dont cette ville est la capitale, a porté de tout temps le nom d'Aderbydjan, c'est-à-dire place ou récipient du feu; elle a, entre autres, le pic volcanique de Savalan, qui est à peu près aussi haut que le Mont-Blanc. - Enfin le mont Tandourek (peut-être Tontrag en arménien) qui se trouve entre le Grand-Ararat et le golfe du lac de Van, et qui a une grande ressemblance de formes avec le celebre Vésuve, donne des signes indubitables d'une vitalité menaçante: non seulement il présente des cratères éteints, des exhalaisons sulfureuses et gazeuses, des fumées continuelles, des vapeurs qu'on sait utiliser pour des bains, mais il fait encore entendre de temps en temps ces sourds et redoutables bramidos connus dans les volcans des Andes. - Combien devait être terrible et sublime le spectacle de l'Arménie, quelque mille ans auparavant, quand, sillonnée par des mers intérieures, elle voyait s'embraser comme des phares de la nature, ces centaines de colosses volcaniques dressés  sur le plateau le plus élevé de l'Asie antérieure, et dont les flammes impétueuses effrayaient les peuples naissants, qui dirigeaient leurs pas incertains vers des contrées inconnues! 

Passons maintenant de ces formes rugueuses au sein même qu'elles recouvrent: mais rassurez-vous, Messieurs, je ne veux pas découvrir à vos yeux par des coups du trident de Neptune les sombres secrets de Pluton: je ne veux, ni ne puis vous dévoiler tout ce que la nature a caché dans ses entrailles; le savant laborieux le fera, lui qui, avec autant de patience que d'industrie puise, au moyen d'un faible tube, dans les abimes ténébreux, l'eau précieuse pour l'usage d'une grande ville, telle que Paris. Je vous indiquerai quelque chose des produits métalliques de l'Arménie, et vous y reconnaîtrez un nouveau type frappant. Commençons par le métal le plus précieux. C'est un fait singulier qu'il est le premier mentionné entre tous dans le premier livre du monde: la Bible indique l'excellent Or de Hévilath aux bords du Phison, premier fleuve d'Éden, que nous reconnaissons dans le Djorokh, et la terre qu'il entoure dans le Khaghdik de nos auteurs, le Chalybes des Grecs: et si l'on  n'y trouve plus d'or aujourd'hui, ne vous en étonnez pas; car entre l'époque écrivait Moïse et la nôtre, il n'y a pas moins de 3400 ans. Mais il vous souvient sans doute des Argonautes qui, 3 ou 4 siècles après Moïse, vinrent chercher dans ces parages la Toison d'or, que je tiens pour les mines d'or; il vous souvient aussi qu'après quelques siècles, le Père des poëtes nous y représente les Alisons d'Alybe, pays riche en argent, selon lui, des auteurs plus modernes reconnaissent les Arméno-khalybes et les Chalybes; et ce dernier mot signifie en grec la mine et ses employés. Des mines d'argent y sont exploitées aujourd'hui encore à Gumuch khané ( Mines-d'argent ), et à Ispir, notre Sber, la Syspiratis de Strabon. Ce dernier endroit, entouré par le Djorokh ou Phison, avait encore ses mines d'or au temps d'Alexandre-le-Grand qui voulut y envoyer des explorateurs, malheureusement assaillis et tués par les gens du pays. Au VI siècle de notre ère, la mine d'or de Pharange, dans les environs, suscitait une grande jalousie entre les Sassanides et les Byzantins. Un voyageur du XVII siècle nous assure qu'on travaillait aux mines d'or de Sber, même sous la domination ottomane, et  qu'on les abandonna à cause des dégâts occasionnés par l'eau. De nos jours, en 1850, quelques géologues constatèrent la ressemblance de la conformation des montagnes de Garine (Erzéroum) avec celle de l'Altaï, et sans se douter de leurs richesses cachées, passèrent outre. Il ne faut pas omettre ici qu'un des principaux villages de Garine porte le nom d'Argent ( Արծաթի ). Nos historiens du V siècle parlent des mines d'or de l'Ararat, sans en préciser la situation. L'Arménie du N. E., baignée par le Cour, a donné, dans des mines et des rivières, des échantillons d'or, constatés par les employés russes. Plusieurs noms géographiques de ces contrées prouvent l'existence de l'or. Les mines de l'Arménie occidentale ont établi le même fait: à Arghana ( Argueni ), par exemple, on extrayait aussi de l'or au commencement du dernier siècle, lors du passage du voyageur Otter. - Aux mines d'argent que nous venons de citer en passant, ajoutons celles d'Aderbydjan et de Kurdistan, qui ne sont pas bien exploitées. Sous le khalifat de Mahadi (775-785), on a découvert des montagnes d'argent pur en Arménie, selon l'expression d'un historien contemporain, qui n'en indique pas le lieu  précis. - Les mines de Cuivre sont assez abondantes, surtout dans la province de Koukark, le pays originaire de Gog et Magog, sur le haut Cour; des montagnes entières portent le nom de Mines-de-Cuivre ( Պղնձահանք ), et y sont toujours exploitées; on en trouve aussi dans le Karabagh, à Arghana, à Sber, et dans le canton de Mogk, au S. du lac de Van. Le Fer est plus abondant encore et plus varié, surtout dans l'Arménie méridionale: au bord du lac précité, il y a des montagnes de Mines-de-fer et de Plomb. Outre ce dernier métal, l'Arménie produit ou a produit le Zinc, l' Ars Orpiment enic, l', l' Étain, etc., etc



[1] Moïse de Khorene, Histoire de l'Image de la Sainte Vierge.