V.
Rendons
gråces
au
Père
de
la
nature,
qui
a
su
faire
si
bien
apprécier
ses
dons
par
l'intelligent
naturel
du
pays,
habile
à
en
tirer
parti
dès
l'origine
des
temps
historiques,
et
à
les
propager
chez
l'étranger.
L'Arménien
fut
de
tout
temps
agriculteur
laborieux
chez
lui,
commerçant
actif
au
dehors;
agent
intrépide
des
nations
qui
ne
se
connaissaient
pas,
il
faisait
l'échange
des
produits
naturels
ou
manufacturiers
des
contrées
éloignées
de
plusieurs
degrés
du
méridien,
et
parcourait
toute
l'étendue
de
la
terre
civilisée;
il
apprenait
les
langues
des
peuples
auxquels
il
servait
d'interprète,
et
étudiait
partout
l'économie
et
l'industrie.
Aucun
pays
n'a
été,
et
n'est
étranger
pour
lui:
toutes
les
nations
en
ont
quelques
souvenirs.
Si
l'on
voulait
étudier
attentivement
l'histoire
des
migrations
ou
de
la
dispersion
des
peuples,
telle
que
nous
la
présente
la
Genèse,
on
verrait
aisément
que
le
nord
et
l'occident
de
l'Asie,
et
toute
l'Europe
sont
peuplés
par
des
colonies
qui
ont
quitté
ou
traversé
l'Arménie,
avant
et
après
que
celle-ci
portat
ce
nom.
Bien
que
la
critique
moderne
envisage
diversement
la
question
des
langues
et
de
leur
filiation,
cependant
il
est
juste
de
se
rappeler
que,
soit
pour
la
langue,
soit
pour
la
race,
aucun
pays
du
monde
n'a
été
l'objet
d'autant
de
comparaisons
et
de
rapprochements
que
l'Arménie.
En
commençant
par
Hérodote,
Strabon
et
Eustathe,
demandez
à
tous
les
linguistes
et
philologues,
tels
que
Acoluthe,
Schwartz,
Bochart,
Calmet,
Hervas,
Lacroze,
Wiston,
Leibnitz,
Le-Brigance,
Schröder,
Heeren,
John
William,
Anquetil,
Pallas,
Klaproth,
Adelung,
Bop,
Pot,
Petermann,
Windischman,
Gatterer,
Niebuhr,
et
tant
d'autres,
demandez
leur
de
quel
idiome
se
rapproche
l'arménien?
Chacun
vous
répondra
à
sa
guise;
et
vous
verrez
à
coté
de
l'arménien
se
ranger
tour
à
tour
le
Phrygien,
le
Syrien,
le
Babylonien,
le
Chaldéen,
l'Hébreu,
le
Tatar,
le
Turco-Caucasien,
le
Khozare,
le
Parthe
et
le
Pehlevi,
le
Zende,
l'Indo-gérmanique,
l'Arien,
le
Médo-perse,
le
Grec
ancien
ou
le
Pelasge,
l'Etrurien,
l'Égyptien
et
le
Copte,
le
Celte
et
le
Welch,
enfin
le
Biscaïen,
et
le
Finnois.
Malgré
la
confusion
étrange
de
tout
ce
chaos
d'où
l'on
a
voulu
tirer
l'arménien;
malgré
toutes
ces
assertions
plus
ou
moins
hasardeuses,
toujours
est-il
qu'au
fond
il
doit
y
avoir
quelque
chose
de
vrai
et
d'originaire;
autrement
on
ne
saurait
expliquer
comment
tant
de
têtes
si
graves
aient
donné
dans
ce
chaos
fanta
stique.
Il
faut
d'ailleurs
noter
que
si
la
Bible,
les
anciennes
chroniques
et
les
traditions
nous
montrent
l'Arménie
comme
une
pépinière
des
peuples
et
des
races,
elle
a
été
aussi,
par
un
contraste
mémorable,
l'hôte
des
colonies
des
différents
peuples;
Assyrien,
Chaldéen,
Hébreu,
Hindou,
Chananéen,
Scythe,
Caucasien,
Théssalien,
Grec,
Mède,
Parthe,
et
méme
Chinois.
Toutes
ces
races,
conservant
d'abord
plus
ou
moins
purement
leurs
mœurs
et
leur
idiome
particuliers,
au
bout
de
25
siècles
se
confondirent,
et
s'absorbèrent
dans
la
race
et
la
langue
dominantes,
l'arménienne,
laquelle
naturellement
se
modifia
et
s'en
richit
de
leurs
dépouilles.
La
religion
chrétienne
sanctionna
le
long
travail
des
siècles,
et
de
tant
d'éléments
héterogènes,
ne
fit
qu'un
seul
peuple
qui,
au
commencement
du
IV
siècle,
occupait
une
étendue
de
terre
à
peu
près
grande
comme
la
France
actuelle,
divisée
en
20
satrapies
ou
pays
feudataires,
subdivisée
en
620
cantons
ou
districts,
qui
contenaient
au
moins
40,
000
communes,
surveillée
ordinairement
par
120,
000
hommes
sous
les
armes,
et
partagée
en
plus
de
200
évêchés.
Une
époque
postérieure
de
1500
ans
a
changé
la
face
et
les
constitutions
du
pays,
qui
a
subi
toutes
les
secousses,
tous
les
caprices,
tous
les
coups
de
la
fortune:
de
nouveaux
peuples
se
sont
emparés
de
l'Arménie;
on
les
y
voit
encore
distinctement:
mais
la
religion,
et
la
langue
interposant
une
barrière
insurmontable,
ont
abandonné
à
l'étranger
le
sol
de
l'Arménie,
conservant
toujours
à
l'aborigène
sa
chère
patrie.
Ainsi
éloigné,
chassé
même
du
sol
natal,
l'Arménien
porte
ses
pénates
avec
lui:
il
cultive
la
Patrie
dans
son
riche
langage,
il
la
vénère
dans
sa
religion,
il
l'étudie
dans
ses
souvenirs
et
l'adore
dans
son
existence.
Cet
amour
de
la
patrie,
malgré
l'égarement
de
quelques
uns
de
ses
fils
et
l'apathie
de
quelques
autres,
a
conduit
la
nation
arménienne
pendant
44
siècles,
à
travers
toutes
sortes
d'événe
ments,
à
travers
les
révolutions
de
la
nature
et
de
la
politique,
à
travers
des
nations
qui
sont
nées
après
et
mortes
avant
elle.
Jetez,
pour
la
dernière
fois,
un
regard
sur
cette
ile-à-montagnes
[1],
élevée
entre
les
mers
Noire
et
Caspienne,
le
Golfe
Persique
et
la
Méditerranée,
-
où
elle
roule
les
ondes
du
Phison,
de
l'Halys
et
de
l'Iris,
du
Cour
et
de
l'Araxe,
du
Tigre
et
de
l'Euphrate,
de
Pyramis
et
du
Cydnus,
-
cherchez
sur
leurs
bords
déserts
les
orgueilleuses
métropoles
des
nations,
et
dites-moi:
où
sont
Ninive,
Babylone,
Ctésiphon,
Séleucie,
Samarra?
dites-moi
plutôt
où
sont
leurs
fondateurs,
ces
peuples
si
puissants
et
si
renommés
dans
l'antiquité:
les
Chaldéens,
les
Assyriens,
les
Parthes,
les
Cappadociens,
les
Cyliciens,
les
Lydiens,
les
Carthaginois,
et
tant
d'autres?
Demandez
à
un
homme
des
anciens
jours,
qui,
vivant
à
l'époque
de
leur
plus
grande
force
et
à
l'apogée
de
leur
prospérité,
en
prévoyait
déjà
la
ruine;
demandez
dis-je
à
Ezéchiel,
où
sont
ces
nations
qui
répandaient
la
terreur
dans
les
régions
des
vivants?
Hélas!
il
vous
montre
les
profondeurs
de
la
terre,
les
abimes,
un
lac
affreux,
l'empire
du
néant,
et
il
vous
répond:
«Là
est
Assur
et
sa
multitude
autour
de
son
sépulcre,...
là
est
Elam,
et
sa
multitude
autour
de
son
sépulcre;...
là
sont
Mosoch
et
Thubal;...
là
est
l'Idumée
et
ses
rois
et
ses
chefs,
et
sa
multitude
autour
de
son
sépulcre;
tous
trainés,
avec
ceux
qui
ont
été
la
proie
du
glaive,
à
l'abime
de
la
perdition»
[2]...
Trêve
à
tes
menaces,
lugubre
prophète,
oserais-tu
dire
encore
que
«Là
sont
les
princes
d'Aquilon,
tous
ces
généraux
de
l'Assyrien,
qui
ont
été
emmenés
avec
les
morts;
et
ils
ont
dormi
avec
ceux
qui
descendent
dans
le
lac?»
[3].
Ne
vois-tu
pas
que,
comme
les
ondes
qui
ont
vu
ces
peuples
sur
leurs
rivages,
se
perdent
et
se
confondent
avec
la
mer
insatiable,
tandis
que
leurs
sources
coulent
toujours
des
mêmes
hauteurs,
ainsi
la
nation
arménienne,
qui
avait
son
domicile
entre
ces
sources,
y
reste
encore,
pendant
que
les
autres
se
sont
anéanties
dans
le
gouffre
du
temps?
Apprends-le
de
nous,
saint
prophète,
car
nous
voyons
sans
voile
ce
que
tu
entrevoyais
à
travers
le
rideau
de
24
siècles;
apprends-le
de
nous:
ces
princes
de
l'Aquilon
et
de
l'Orient,
ces
généraux
de
l'Assyrien,
ne
sont
pas
morts
tous
comme
Assur
et
Elam:
ils
ont
survécu
aux
blessures
du
glaive;
le
sépulcre
n'a
pas
englouti
tout
ce
qu'il
convoitait;
et
l'Arménien,
seul
de
ces
peuples
contemporains
que
tu
énumères,
veille
lui-même
autour
du
tombeau
de
ses
ancêtres,
comme
autour
du
berceau
de
ses
descendants
!
L'Arménien,
peuple
généreux,
peuple
hospitalier,
peuple
croyant,
fut
utile
à
plus
d'un
peuple;
et
si
parfois,
comme
guerrier,
s'alliant
à
Phul
et
à
Salmanassar,
il
a
trainé
en
captivité
les
fils
d'Israël,
il
les
a
au
moins
protégés
aux
bords
de
ses
fleuves
et
sur
les
hauteurs
d'Armon
[4];
si
allié
avec
Nabuchodonosor,
il
a
emmené
en
captivité
les
princes
de
Juda,
il
les
a
honorés
chez
lui
plus
que
ses
propres
princes,
car
il
a
reconnu
en
eux
des
fils
de
David
et
de
Salomon,
et
il
s'est
servi
de
leurs
mains
pour
se
coiffer
de
sa
tiare
radiée,
qu'il
a
posée
ensuite
sur
la
tête
de
sa
captive
[5]:
s'il
a
forcé
(étant
contraint
lui-même)
les
fils
et
les
filles
de
Jérusalem
à
essayer,
sur
des
harpes
mouillées
de
pleurs
amers,
les
hymnes
de
Sion
sous
les
saules
de
Babylone,
il
n'a
pas
été
sourd
à
la
voix
du
Très
Haut
qui
lui
parlait
par
la
bouche
d'un
autre
prophète
[6]:
«Appelez-moi
contre
Babylone
les
rois
d'Ararat,
de
Minni
et
d'Ascenez;
armez
contre
elle
les
guerriers;
faites
monter
contre
elle
les
coursiers
nombreux
comme
une
multitude
de
sauterelles».
Armé
de
sa
lance
et
de
son
arc
classiques
il
est
accouru
avec
l'Oint
du
Seigneur,
son
allié
Cyrus:
et,
rompant,
après
70
ans,
les
chaines
de
ses
captifs,
il
a
conduit
lui-même
Salathiel
et
son
peuple
à
travers
les
confins
de
l'Arménie,
de
la
Mésopotamie
et
des
nations
ennemies,
sains
et
saufs,
jusqu'au
centre
de
la
Palestine
[7].
Et
maintenant
vous
comprendrez,
Messieurs,
que
l'Arménie
ait
pu
éluder
les
menaces
des
prophètes:
car
elle
était
elle-même
une
terre
privilégiée,
la
bien-aimée
du
Seigneur,
qui
s'y
révéla
de
bonne
heure.
Il
faut
que
tout
peuple
qui
cherche
son
origine,
se
tourne
vers
ce
pays-là.
Pour
retrouver
les
traces
d’Eden,
le
plus
sur
chemin
est
celui
de
l'Arménie:
c'est
elle
qui
offrit
à
Dieu
le
limon
béni
de
sa
terre,
et
reçut
de
ses
mains
le
père
et
la
mère
des
humains.
C'est
elle
qui
leur
offrit
ensuite
tout
ce
qu'il
fallait
pour
leur
existence,
leurs
affections
et
leur
repentir;
c'est
elle
qui
fut
le
berceau
du
premier-né
et
le
tombeau
du
premier
mort;
c'est
chez
elle
que
s'éleva
le
faite
de
l'Ararat
pour
recevoir
une
fois
encore
l'unique
famille
humaine
et
le
reste
des
animaux
échappés
au
déluge;
et
par
les
descendants
de
cette
famille,
devenus
ses
hôtes,
elle
peupla
une
seconde
fois
toute
la
terre.
C'est
elle
qui
a
nourri
les
patriarches
et
conservé
dans
toute
sa
pureté
leur
foi
primitive.
Abraham
lui
même,
le
nouveau
père
des
croyants,
tire
d'elle
son
origine;
car
on
reconnait
maintenant
l'Ur
des
Chaldéens
dans
les
derniers
remparts
des
montagnes
de
la
Cordouène,
l'une
des
15
satrapies
ou
provinces
de
la
Grande-Arménie.
Enfin
c'est
elle
qui,
selon
la
pieuse
tradition,
conjurait
Jésus
avec
le
chef
des
Apôtres,
de
se
méfier
des
Juifs
et
de
s'abriter
avec
son
roi
Abgare
à
Edesse.
Elle
accueillit
un
grand
nombre
des
Apôtres
et
des
Disciples,
et
leur
offrit
la
première
vierge
martyre,
la
fille
même
de
son
roi,
que
j'aime
à
appeler
sœur
d'Abel:
car
tous
deux
sont
les
premières
victimes
du
monde
primitif
et
du
monde
régénéré,
l'un
immolé
par
son
frère,
l'autre
par
son
père:
divine
tragédie!
C'est
l'Arménie
qui,
après
trois
siècles
d'hésitation,
s'est
consacrée
entièrement,
avant
tout
autre
pays,
à
la
foi
chrétienne,
qu'elle
garda
toujours,
et
dont,
chose
singulière
et
contraste
sérieux,
après
avoir
été
le
premier,
elle
est
encore
le
dernier
boulevard
à
l'orient
de
la
terre;
car
il
n'y
a
pas
un
seul
pays
chrétien
au
delà
du
méridien
de
l'Arménie
du
côté
de
l'Est,
exception
faite
des
colonies
et
des
missions
qui
sont,
pour
ainsi
dire,
des
plantations
parmi
les
païens.
Mais
si
elle
fut
le
premier
État
chrétien,
elle
fut
aussi
le
premier
parmi
les
peuples
qui,
provoqué,
prit
les
armes
pour
la
défense
de
la
religion
de
la
paix.
Guidés
par
leur
brave
et
saint
roi
Dertade
les
Arméniens
confondirent
les
légions
romaines
commandées
par
le
farouche
Maximin
Daja,
l'auguste
de
l'Orient;
en
même
temps,
Constantin
assurait
dans
l'Occident
le
triomphe
de
la
même
foi,
mais
il
n'était
encore
que
simple
admirateur
du
signe
de
la
Croix,
tandis
que
Dertade
en
était
adorateur
zélé
depuis
une
douzaine
d'années
[8].
C'est
par
le
sentiment
de
la
vraie
foi,
ce
sentiment
par
excellence,
que
l'Arménie
a
pu
non
seulement
exister
et
résister
jusqu'aujourd'hui,
mais
encore
jouer
malgré
la
perte
de
son
autonomie,
le
rôle
le
plus
difficile,
celui
de
concilier
les
intérêts
des
deux
mondes,
entre
lesquels
la
Providence
l'a
placée;
et
si
elle
a
failli
quelquefois
à
des
devoirs
si
délicats
et
si
rigoureux,
elle
s'est
trompée
plutôt
qu'elle
n'a
trompé
les
autres.
Ce
n'est
pas
sans
quelque
mérite
qu'elle
a
pu
gagner
l'estime
et
la
confiance
des
nations
dominantes
et
voisines.
Elle
a
étée
l'alliée
de
l'Empire
romain
pendant
deux
siècles:
elle
a
prêté
des
armées
et
des
chefs
intrépides
aux
Sassanides
et
aux
Byzantins;
elle
a
placé
les
plus
habiles
de
ses
fils
sur
le
trône
de
Constantin,
et
comme
vice-rois
à
côté
des
dominateurs
de
l'Egypte
et
de
l'Indoustan;
elle
a
émoussé
le
glaive
de
l'Arabe
en
plus
d'une
manière,
l'a
instruit
dans
plus
d'un
art
nécessaire,
lui
a
donné
des
modèles
d'une
architecture
qui,
modifiée
plus
tard,
s'est
introduite
dans
les
contrées
lointaines:
l'Europe
même,
à
son
insu,
s'en
est
servie.
Alliée
aux
Croisés
de
Godefroy,
elle
a
conquis
Jérusalem;
alliée
aux
archers
de
Houlaghou,
elle
a
conquis
Baghdad.
Elle
a
donné
plus
d'un
ministre,
plus
d'un
fonctionnaire,
et
des
militaires
distingués
aux
gouvernements
des
empires
Ottoman,
Russe,
et
Persan,
qui
l'ont
partagée
entre
eux:
et
tout
récemment
un
poste
très
difficile
sur
l'ancien
confin
des
royaumes
de
Hiram
et
de
Salomon,
(tout
le
monde
me
comprend
bien),
a
été
confié
à
un
de
ses
fils,
à
qui
nous
souhaitons
toute
la
sagesse
nécessaire
pour
dissiper
des
jalousies
séculaires
ou
récentes,
et
pour
concilier
de
graves
intérêts
[9].
Par
ses
colonies
industrieuses,
elle
a
rendu
plus
d'un
service
à
la
Russie,
à
la
Pologne,
à
l'Autriche,
aux
Principautés
du
Danube;
par
ses
commerçants,
à
tous
les
gouvernements
de
l'Italie
du
moyen
age,
à
l'Espagne,
aux
Pays-Bas,
et
à
quelques-uns
des
États
dont
s'est
formée
la
France
actuelle.
La
capitale
même
de
ce
pays,
cette
Babylone
de
l'occident,
doit
à
un
Arménien
la
première
fondation
de
ses
maisons
de
société
les
plus
fréquentées:
le
premier
Café
de
Paris
fut
ouvert
l'an
1672
à
la
Foire
de
Saint
Germain
et
au
Quai
de
l'École,
par
un
certain
Pascal,
et
le
second
par
Étienne,
tous
deux
Arméniens:
ils
ne
prévoyaient
pas,
certes,
tout
ce
que
la
suite
de
leurs
établis
sements
pourrait
introduire
de
bien
ou
de
mal;
mais
ils
pouvaient
attendre
des
amateurs
quelque
reconnaissance
pour
cette
innovation.
Quant
à
moi,
je
préfère
remarquer
les
signes
lumineux
dont
l'Arménie
a
semé,
même
hors
de
son
horizon,
les
cieux
des
pays,
sous
lesquels
ses
fils
cherchèrent
un
abri:
j'aime
à
vénérer,
dans
l'Orléanais,
S.
Grégoire,
patron
de
Pithiviers,
archevêque
arménien
du
X
siècle;
à
Fontaines
les
Dijon
la
patrie
de
S.
Bernard,
S.
Ambrosien;
à
Commines,
S.
Chriyseuil,
son
patron,
que
la
tradition
donne
pour
disciple
à
S.
Denis
de
Paris,
et
reconnait
arménien;
à
Gand,
S.
Macaire,
son
patron,
évêque
arménien
du
X
siècle;
à
Mantoue,
S.
Siméon,
contemporain,
patron
du
lieu;
à
Lucques,
S.
Davin;
à
Ancône,
S.
Cyriaque;
à
Padoue,
S.
Fidence,
évêque
du
II
siècle,
etc.,
etc.,
tous
connus
comme
d'origine
arménienne...
Mais,
helas!
ce
n'est
pas
ici
le
lieu
de
m'élancer
sur
les
hauteurs
sacrées
de
l'Empirée
d'Arménie.
Je
me
haterai
donc,
Messieurs,
de
résumer
toutes
les
données
de
ce
tableau;
et
j'espère
que
vous
me
permettrez
de
dire
qu'un
pays
qui
n'a
pas
joué
dans
le
monde
politique
un
des
premiers
rôles,
mais
qui
a
participé
à
tous;
un
pays
qui
compte,
depuis
Noé
jusqu'à
ce
jour,
une
série
presque
non-interrompue
de
250
noms
de
chefs
nationaux,
comme
dynastes,
rois
et
pontifes,
auxquels
sont
rattachées
ses
traditions,
et
par
là
même
celles
de
toute
la
Chronologie;
qu'un
tel
pays,
dis
je,
mérite
d'être
étudié
et
par
ses
indigènes,
et
par
tout
ami
de
la
saine
philosophie.
Je
ne
crains
plus
de
le
dire,
l'Arménie
a
eu
une
destinée
particulière,
antérieure
à
celle
de
toute
autre
nation;
et,
qui
plus
est,
cette
destinée
n'est
pas
achevée
encore.
Ce
n'est
pas
un
secret,
ce
n'est
pas
un
mystère,
mais
une
conviction
invétérée
parmi
le
peuple
arménien,
qu'il
a
encore
un
rôle
à
jouer,
un
rôle
heureux
à
remplir
ici-bas.
Tout
n'est
pas
fini
pour
lui:
une
porte
merveilleuse
va
s'ouvrir
dans
un
temps
qui
n'est
pas
trop
éloigné,
à
ce
que
je
puis
croire:
cette
porte
ne
restera
pas
longtemps
fermée
à
double-clef;
et
je
vois
une
de
ces
clefs
formidables,
je
vais
vous
l'indiquer
franchement;
que
personne
ne
s'effraie!...
Cette
clef
de
notre
bonheur
futur,
si
longtemps
désirée,
Messieurs,
cette
clef
c'est
l'Education.
Une
éducation
patriotique;
un
patriotisme
appuyé
sur
la
philosophie,
et
une
philosophie
basée
sur
la
sainte
religion.
Sans
cet
enchainement,
point
d'éducation
parfaite,
point
de
civilisation,
point
d'homme
complet.
Pour
bien
remplir
ses
devoirs
sociaux,
l'homme
a
besoin
d'une
inspiration
patriotique;
et
pour
que
le
patriotisme
ne
s'égare,
ni
ne
s'arrête,
il
faut
qu'il
soit
guidé
par
la
sagesse,
soutenu
par
la
foi,
couronné
par
la
vérité
éternelle...
Jeunes
gens!
élèves
chéris,
qui
allez
bien
tôt,
pour
vous
rendre
à
vos
familles,
quitter
ces
salles
de
vos
longues
études,
où
retentit
pour
la
dernière
fois
la
voix
d'un
père
dévoué,
qui
s'en
retourne
lui-même
à
sa
cellule
solitaire;
que
cette
voix
vous
rappelle
toujours
ce
qu'elle
a
répété
depuis
vingt
ans
à
vos
semblables
et
à
vous
mêmes;
qu'il
faut,
pour
être
bon
citoyen,
étudier
la
Patrie.
C'est
la
première
des
études,
après
celle
d'une
vie
future.
Etudiez
donc,
mes
amis,
cette
noble
et
féconde
Arménie,
comme
votre
patrie
et
la
nourrice
du
monde;
étudiez-la
dans
sa
nature
physique,
étudiez-la
dans
son
état
moral;
étudiez-la
dans
le
développement
de
son
riche
idiome,
qui
est
la
garantie
la
plus
sûre
d'une
littérature
moissonée
par
tant
d'événements;
étudiez-la,
enfin,
dans
la
pureté
de
ses
dogmes
et
dans
la
noblesse
de
ses
rites:
et
que
ces
études
vous
sollicitent
de
plus
en
plus
à
l'apprécier,
à
la
cultiver
dans
tous
les
sens
de
ce
mot.
Car
c'est
le
premier
commandement
du
Créateur,
donné
au
père
du
genre
humain,
et
donné
dans
notre
propre
pays;
de
LE
CULTIVER
ET
LE
GARDER!
[10]
[5]
La
famille
Bagratide
qui
régna
en
Arménie
aux
X
et
XI
siècles
sortait
de
ces
Juifs
colonisés
dans
notre
pays.
[7]
C'est
ainsi
que
raconte
notre
Thomas
Ardzrouni.
[8]
Eusebe,
Hist.
Ecclésiast.
IX.
S.
[9]
Allusion
à
l'établissement
du
gouverneur
chrétien
Arménien
des
pays
du
Liban,
après
les
massacres
de
la
Syrie:
fait
tout
récent
à
l'époque
de
notre
discours.