V.
  
  
  
 
   
    Rendons 
   
    gråces 
   
    au 
   
    Père 
   
    de 
   
    la 
   
    nature, 
   
    qui 
   
    a 
   
    su 
   
    faire 
   
    si 
   
    bien 
   
    apprécier 
   
    ses 
   
    dons 
   
    par 
   
    l'intelligent 
   
    naturel 
   
    du 
   
    pays, 
   
    habile 
   
    à 
   
    en 
   
    tirer 
   
    parti 
   
    dès 
   
    l'origine 
   
    des 
   
    temps 
   
    historiques, 
   
    et 
   
    à 
   
    les 
   
    propager 
   
    chez 
   
    l'étranger. 
   
    L'Arménien 
   
    fut 
   
    de 
   
    tout 
   
    temps 
   
    agriculteur 
   
    laborieux 
   
    chez 
   
    lui, 
   
    commerçant 
   
    actif 
   
    au 
   
    dehors; 
   
    agent 
   
    intrépide 
   
    des 
   
    nations 
   
    qui 
   
    ne 
   
    se 
   
    connaissaient 
   
    pas, 
   
    il 
   
    faisait 
   
    l'échange 
   
    des 
   
    produits 
   
    naturels 
   
    ou 
   
    manufacturiers 
   
    des 
   
    contrées 
   
    éloignées 
   
    de 
   
    plusieurs 
   
    degrés 
   
    du 
   
    méridien, 
   
    et 
   
    parcourait 
   
    toute 
   
    l'étendue 
   
    de 
   
    la 
   
    terre 
   
    civilisée; 
   
    il 
   
    apprenait 
   
    les 
   
    langues 
   
    des 
   
    peuples 
   
    auxquels 
   
    il 
   
    servait 
   
    d'interprète, 
   
    et 
   
    étudiait 
   
    partout 
   
    l'économie 
   
    et 
   
    l'industrie. 
   
    Aucun 
   
    pays 
   
    n'a 
   
    été, 
   
    et 
   
    n'est 
   
    étranger 
   
    pour 
   
    lui: 
   
    toutes 
   
    les 
   
    nations 
   
    en 
   
    ont 
   
    quelques 
   
    souvenirs. 
   
    Si 
   
    l'on 
   
    voulait 
   
    étudier 
   
    attentivement 
   
    l'histoire 
   
    des 
   
    migrations 
   
    ou 
   
    de 
   
    la 
   
    dispersion 
   
    des 
   
    peuples, 
   
    telle 
   
    que 
   
    nous 
   
    la 
   
    présente 
   
    la 
   
    Genèse, 
   
    on 
   
    verrait 
   
    aisément 
   
    que 
   
    le 
   
    nord 
   
    et 
   
    l'occident 
   
    de 
   
    l'Asie, 
   
    et 
   
    toute 
   
    l'Europe 
   
    sont 
   
    peuplés 
   
    par 
   
    des 
   
    colonies 
   
    qui 
   
    ont 
   
    quitté 
   
    ou 
   
    traversé 
   
    l'Arménie, 
   
    avant 
   
    et 
   
    après 
   
    que 
   
    celle-ci 
   
    portat 
   
    ce 
   
    nom. 
   
    Bien 
   
    que 
   
    la 
   
    critique 
   
    moderne 
   
    envisage 
   
    diversement 
   
    la 
   
    question 
   
    des 
   
    langues 
   
    et 
   
    de 
   
    leur 
   
    filiation, 
   
    cependant 
   
    il 
   
    est 
   
    juste 
   
    de 
   
    se 
   
    rappeler 
   
    que, 
   
    soit 
   
    pour 
   
    la 
   
    langue, 
   
    soit 
   
    pour 
   
    la 
   
    race, 
   
    aucun 
   
    pays 
   
    du 
   
    monde 
   
    n'a 
   
    été 
   
    l'objet 
   
    d'autant 
   
    de 
   
    comparaisons 
   
    et 
   
    de 
   
    rapprochements 
   
    que 
   
    l'Arménie. 
   
    En 
   
    commençant 
   
    par 
   
    Hérodote, 
   
    Strabon 
   
    et 
   
    Eustathe, 
   
    demandez 
   
    à 
   
    tous 
   
    les 
   
    linguistes 
   
    et 
   
    philologues, 
   
    tels 
   
    que 
   
    Acoluthe, 
   
    Schwartz, 
   
    Bochart, 
   
    Calmet, 
   
    Hervas, 
   
    Lacroze, 
   
    Wiston, 
   
    Leibnitz, 
   
    Le-Brigance, 
   
    Schröder, 
   
    Heeren, 
   
    John 
   
    William, 
   
    Anquetil, 
   
    Pallas, 
   
    Klaproth, 
   
    Adelung, 
   
    Bop, 
   
    Pot, 
   
    Petermann, 
   
    Windischman, 
   
    Gatterer, 
   
    Niebuhr, 
   
    et 
   
    tant 
   
    d'autres, 
   
    demandez 
   
    leur 
   
    de 
   
    quel 
   
    idiome 
   
    se 
   
    rapproche 
   
    l'arménien? 
   
    Chacun 
   
    vous 
   
    répondra 
   
    à 
   
    sa 
   
    guise; 
   
    et 
   
    vous 
   
    verrez 
   
    à 
   
    coté 
   
    de 
   
    l'arménien 
   
    se 
   
    ranger 
   
    tour 
   
    à 
   
    tour 
   
    le 
   
    Phrygien, 
   
    le 
   
    Syrien, 
   
    le 
   
    Babylonien, 
   
    le 
   
    Chaldéen, 
   
    l'Hébreu, 
   
    le 
   
    Tatar, 
   
    le 
   
    Turco-Caucasien, 
   
    le 
   
    Khozare, 
   
    le 
   
    Parthe 
   
    et 
   
    le 
   
    Pehlevi, 
   
    le 
   
    Zende, 
   
    l'Indo-gérmanique, 
   
    l'Arien, 
   
    le 
   
    Médo-perse, 
   
    le 
   
    Grec 
   
    ancien 
   
    ou 
   
    le 
   
    Pelasge, 
   
    l'Etrurien, 
   
    l'Égyptien 
   
    et 
   
    le 
   
    Copte, 
   
    le 
   
    Celte 
   
    et 
   
    le 
   
    Welch, 
   
    enfin 
   
    le 
   
    Biscaïen, 
   
    et 
   
    le 
   
    Finnois. 
   
    Malgré 
   
    la 
   
    confusion 
   
    étrange 
   
    de 
   
    tout 
   
    ce 
   
    chaos 
   
    d'où 
   
    l'on 
   
    a 
   
    voulu 
   
    tirer 
   
    l'arménien; 
   
    malgré 
   
    toutes 
   
    ces 
   
    assertions 
   
    plus 
   
    ou 
   
    moins 
   
    hasardeuses, 
   
    toujours 
   
    est-il 
   
    qu'au 
   
    fond 
   
    il 
   
    doit 
   
    y 
   
    avoir 
   
    quelque 
   
    chose 
   
    de 
   
    vrai 
   
    et 
   
    d'originaire; 
   
    autrement 
   
    on 
   
    ne 
   
    saurait 
   
    expliquer 
   
    comment 
   
    tant 
   
    de 
   
    têtes 
   
    si 
   
    graves 
   
    aient 
   
    donné 
   
    dans 
   
    ce 
   
    chaos 
   
    fanta 
   
    stique. 
  
 
   
    Il 
   
    faut 
   
    d'ailleurs 
   
    noter 
   
    que 
   
    si 
   
    la 
   
    Bible, 
   
    les 
   
    anciennes 
   
    chroniques 
   
    et 
   
    les 
   
    traditions 
   
    nous 
   
    montrent 
   
    l'Arménie 
   
    comme 
   
    une 
   
    pépinière 
   
    des 
   
    peuples 
   
    et 
   
    des 
   
    races, 
   
    elle 
   
    a 
   
    été 
   
    aussi, 
   
    par 
   
    un 
   
    contraste 
   
    mémorable, 
   
    l'hôte 
   
    des 
   
    colonies 
   
    des 
   
    différents 
   
    peuples; 
   
    Assyrien, 
   
    Chaldéen, 
   
    Hébreu, 
   
    Hindou, 
   
    Chananéen, 
   
    Scythe, 
   
    Caucasien, 
   
    Théssalien, 
   
    Grec, 
   
    Mède, 
   
    Parthe, 
   
    et 
   
    méme 
   
    Chinois. 
   
    Toutes 
   
    ces 
   
    races, 
   
    conservant 
   
    d'abord 
   
    plus 
   
    ou 
   
    moins 
   
    purement 
   
    leurs 
   
    mœurs 
   
    et 
   
    leur 
   
    idiome 
   
    particuliers, 
   
    au 
   
    bout 
   
    de 
   
    25 
   
    siècles 
   
    se 
   
    confondirent, 
   
    et 
   
    s'absorbèrent 
   
    dans 
   
    la 
   
    race 
   
    et 
   
    la 
   
    langue 
   
    dominantes, 
   
    l'arménienne, 
   
    laquelle 
   
    naturellement 
   
    se 
   
    modifia 
   
    et 
   
    s'en 
   
    richit 
   
    de 
   
    leurs 
   
    dépouilles. 
   
    La 
   
    religion 
   
    chrétienne 
   
    sanctionna 
   
    le 
   
    long 
   
    travail 
   
    des 
   
    siècles, 
   
    et 
   
    de 
   
    tant 
   
    d'éléments 
   
    héterogènes, 
   
    ne 
   
    fit 
   
    qu'un 
   
    seul 
   
    peuple 
   
    qui, 
   
    au 
   
    commencement 
   
    du 
   
    IV 
   
    siècle, 
   
    occupait 
   
    une 
   
    étendue 
   
    de 
   
    terre 
   
    à 
   
    peu 
   
    près 
   
    grande 
   
    comme 
   
    la 
   
    France 
   
    actuelle, 
   
    divisée 
   
    en 
   
    20 
   
    satrapies 
   
    ou 
   
    pays 
   
    feudataires, 
   
    subdivisée 
   
    en 
   
    620 
   
    cantons 
   
    ou 
   
    districts, 
   
    qui 
   
    contenaient 
   
    au 
   
    moins 
   
    40,
   
    000 
   
    communes, 
   
    surveillée 
   
    ordinairement 
   
    par 
   
    120,
   
    000 
   
    hommes 
   
    sous 
   
    les 
   
    armes, 
   
    et 
   
    partagée 
   
    en 
   
    plus 
   
    de 
   
    200 
   
    évêchés. 
  
 
   
    Une 
   
    époque 
   
    postérieure 
   
    de 
   
    1500 
   
    ans 
   
    a 
   
    changé 
   
    la 
   
    face 
   
    et 
   
    les 
   
    constitutions 
   
    du 
   
    pays, 
   
    qui 
   
    a 
   
    subi 
   
    toutes 
   
    les 
   
    secousses, 
   
    tous 
   
    les 
   
    caprices, 
   
    tous 
   
    les 
   
    coups 
   
    de 
   
    la 
   
    fortune: 
   
    de 
   
    nouveaux 
   
    peuples 
   
    se 
   
    sont 
   
    emparés 
   
    de 
   
    l'Arménie; 
   
    on 
   
    les 
   
    y 
   
    voit 
   
    encore 
   
    distinctement: 
   
    mais 
   
    la 
   
    religion, 
   
    et 
   
    la 
   
    langue 
   
    interposant 
   
    une 
   
    barrière 
   
    insurmontable, 
   
    ont 
   
    abandonné 
   
    à 
   
    l'étranger 
   
    le 
   
    sol 
   
    de 
   
    l'Arménie, 
   
    conservant 
   
    toujours 
   
    à 
   
    l'aborigène 
   
    sa 
   
    chère 
   
    patrie. 
   
    Ainsi 
   
    éloigné, 
   
    chassé 
   
    même 
   
    du 
   
    sol 
   
    natal, 
   
    l'Arménien 
   
    porte 
   
    ses 
   
    pénates 
   
    avec 
   
    lui: 
   
    il 
   
    cultive 
   
    la 
   
    Patrie 
   
    dans 
   
    son 
   
    riche 
   
    langage, 
   
    il 
   
    la 
   
    vénère 
   
    dans 
   
    sa 
   
    religion, 
   
    il 
   
    l'étudie 
   
    dans 
   
    ses 
   
    souvenirs 
   
    et 
   
    l'adore 
   
    dans 
   
    son 
   
    existence. 
   
    Cet 
   
    amour 
   
    de 
   
    la 
   
    patrie, 
   
    malgré 
   
    l'égarement 
   
    de 
   
    quelques 
   
    uns 
   
    de 
   
    ses 
   
    fils 
   
    et 
   
    l'apathie 
   
    de 
   
    quelques 
   
    autres, 
   
    a 
   
    conduit 
   
    la 
   
    nation 
   
    arménienne 
   
    pendant 
   
    44 
   
    siècles, 
   
    à 
   
    travers 
   
    toutes 
   
    sortes 
   
    d'événe 
   
    ments, 
   
    à 
   
    travers 
   
    les 
   
    révolutions 
   
    de 
   
    la 
   
    nature 
   
    et 
   
    de 
   
    la 
   
    politique, 
   
    à 
   
    travers 
   
    des 
   
    nations 
   
    qui 
   
    sont 
   
    nées 
   
    après 
   
    et 
   
    mortes 
   
    avant 
   
    elle. 
  
 
   
    Jetez, 
   
    pour 
   
    la 
   
    dernière 
   
    fois, 
   
    un 
   
    regard 
   
    sur 
   
    cette 
    
     ile-à-montagnes
      
       [1], 
   
    élevée 
   
    entre 
   
    les 
   
    mers 
   
    Noire 
   
    et 
   
    Caspienne, 
   
    le 
   
    Golfe 
   
    Persique 
   
    et 
   
    la 
   
    Méditerranée, 
   
    - 
   
    où 
   
    elle 
   
    roule 
   
    les 
   
    ondes 
   
    du 
   
    Phison, 
   
    de 
   
    l'Halys 
   
    et 
   
    de 
   
    l'Iris, 
   
    du 
   
    Cour 
   
    et 
   
    de 
   
    l'Araxe, 
   
    du 
   
    Tigre 
   
    et 
   
    de 
   
    l'Euphrate, 
   
    de 
   
    Pyramis 
   
    et 
   
    du 
   
    Cydnus, 
   
    - 
   
    cherchez 
   
    sur 
   
    leurs 
   
    bords 
   
    déserts 
   
    les 
   
    orgueilleuses 
   
    métropoles 
   
    des 
   
    nations, 
   
    et 
   
    dites-moi: 
   
    où 
   
    sont 
   
    Ninive, 
   
    Babylone, 
   
    Ctésiphon, 
   
    Séleucie, 
   
    Samarra? 
   
    dites-moi 
   
    plutôt 
   
    où 
   
    sont 
   
    leurs 
   
    fondateurs, 
   
    ces 
   
    peuples 
   
    si 
   
    puissants 
   
    et 
   
    si 
   
    renommés 
   
    dans 
   
    l'antiquité: 
   
    les 
   
    Chaldéens, 
   
    les 
   
    Assyriens, 
   
    les 
   
    Parthes, 
   
    les 
   
    Cappadociens, 
   
    les 
   
    Cyliciens, 
   
    les 
   
    Lydiens, 
   
    les 
   
    Carthaginois, 
   
    et 
   
    tant 
   
    d'autres? 
   
    Demandez 
   
    à 
   
    un 
   
    homme 
   
    des 
   
    anciens 
   
    jours, 
   
    qui, 
   
    vivant 
   
    à 
   
    l'époque 
   
    de 
   
    leur 
   
    plus 
   
    grande 
   
    force 
   
    et 
   
    à 
   
    l'apogée 
   
    de 
   
    leur 
   
    prospérité, 
   
    en 
   
    prévoyait 
   
    déjà 
   
    la 
   
    ruine; 
   
    demandez 
   
    dis-je 
   
    à 
   
    Ezéchiel, 
   
    où 
   
    sont 
   
    ces 
   
    nations 
   
    qui 
   
    répandaient 
   
    la 
   
    terreur 
   
    dans 
   
    les 
   
    régions 
   
    des 
   
    vivants? 
   
    Hélas! 
   
    il 
   
    vous 
   
    montre 
   
    les 
   
    profondeurs 
   
    de 
   
    la 
   
    terre, 
   
    les 
   
    abimes, 
   
    un 
   
    lac 
   
    affreux, 
   
    l'empire 
   
    du 
   
    néant, 
   
    et 
   
    il 
   
    vous 
   
    répond: 
   
    «Là 
   
    est 
   
    Assur 
   
    et 
   
    sa 
   
    multitude 
   
    autour 
   
    de 
   
    son 
   
    sépulcre,... 
   
    là 
   
    est 
   
    Elam, 
   
    et 
   
    sa 
   
    multitude 
   
    autour 
   
    de 
   
    son 
   
    sépulcre;... 
   
    là 
   
    sont 
   
    Mosoch 
   
    et 
   
    Thubal;... 
   
    là 
   
    est 
   
    l'Idumée 
   
    et 
   
    ses 
   
    rois 
   
    et 
   
    ses 
   
    chefs, 
   
    et 
   
    sa 
   
    multitude 
   
    autour 
   
    de 
   
    son 
   
    sépulcre; 
   
    tous 
   
    trainés, 
   
    avec 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    ont 
   
    été 
   
    la 
   
    proie 
   
    du 
   
    glaive, 
   
    à 
   
    l'abime 
   
    de 
   
    la 
   
    perdition»
    
     [2]... 
   
    Trêve 
   
    à 
   
    tes 
   
    menaces, 
   
    lugubre 
   
    prophète, 
   
    oserais-tu 
   
    dire 
   
    encore 
   
    que 
   
    «Là 
   
    sont 
   
    les 
   
    princes 
   
    d'Aquilon, 
   
    tous 
   
    ces 
   
    généraux 
   
    de 
   
    l'Assyrien, 
   
    qui 
   
    ont 
   
    été 
   
    emmenés 
   
    avec 
   
    les 
   
    morts; 
   
    et 
   
    ils 
   
    ont 
   
    dormi 
   
    avec 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    descendent 
   
    dans 
   
    le 
   
    lac?»
    
     [3]. 
   
    Ne 
   
    vois-tu 
   
    pas 
   
    que, 
   
    comme 
   
    les 
   
    ondes 
   
    qui 
   
    ont 
   
    vu 
   
    ces 
   
    peuples 
   
    sur 
   
    leurs 
   
    rivages, 
   
    se 
   
    perdent 
   
    et 
   
    se 
   
    confondent 
   
    avec 
   
    la 
   
    mer 
   
    insatiable, 
   
    tandis 
   
    que 
   
    leurs 
   
    sources 
   
    coulent 
   
    toujours 
   
    des 
   
    mêmes 
   
    hauteurs, 
   
    ainsi 
   
    la 
   
    nation 
   
    arménienne, 
   
    qui 
   
    avait 
   
    son 
   
    domicile 
   
    entre 
   
    ces 
   
    sources, 
   
    y 
   
    reste 
   
    encore, 
   
    pendant 
   
    que 
   
    les 
   
    autres 
   
    se 
   
    sont 
   
    anéanties 
   
    dans 
   
    le 
   
    gouffre 
   
    du 
   
    temps? 
   
    Apprends-le 
   
    de 
   
    nous, 
   
    saint 
   
    prophète, 
   
    car 
   
    nous 
   
    voyons 
   
    sans 
   
    voile 
   
    ce 
   
    que 
   
    tu 
   
    entrevoyais 
   
    à 
   
    travers 
   
    le 
   
    rideau 
   
    de 
   
    24 
   
    siècles; 
   
    apprends-le 
   
    de 
   
    nous: 
   
    ces 
   
    princes 
   
    de 
   
    l'Aquilon 
   
    et 
   
    de 
   
    l'Orient, 
   
    ces 
   
    généraux 
   
    de 
   
    l'Assyrien, 
   
    ne 
   
    sont 
   
    pas 
   
    morts 
   
    tous 
   
    comme 
   
    Assur 
   
    et 
   
    Elam: 
   
    ils 
   
    ont 
   
    survécu 
   
    aux 
   
    blessures 
   
    du 
   
    glaive; 
   
    le 
   
    sépulcre 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    englouti 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    convoitait; 
   
    et 
   
    l'Arménien, 
   
    seul 
   
    de 
   
    ces 
   
    peuples 
   
    contemporains 
   
    que 
   
    tu 
   
    énumères, 
   
    veille 
   
    lui-même 
   
    autour 
   
    du 
   
    tombeau 
   
    de 
   
    ses 
   
    ancêtres, 
   
    comme 
   
    autour 
   
    du 
   
    berceau 
   
    de 
   
    ses 
   
    descendants 
   
    ! 
  
 
   
    L'Arménien, 
   
    peuple 
   
    généreux, 
   
    peuple 
   
    hospitalier, 
   
    peuple 
   
    croyant, 
   
    fut 
   
    utile 
   
    à 
   
    plus 
   
    d'un 
   
    peuple; 
   
    et 
   
    si 
   
    parfois, 
   
    comme 
   
    guerrier, 
   
    s'alliant 
   
    à 
   
    Phul 
   
    et 
   
    à 
   
    Salmanassar, 
   
    il 
   
    a 
   
    trainé 
   
    en 
   
    captivité 
   
    les 
   
    fils 
   
    d'Israël, 
   
    il 
   
    les 
   
    a 
   
    au 
   
    moins 
   
    protégés 
   
    aux 
   
    bords 
   
    de 
   
    ses 
   
    fleuves 
   
    et 
   
    sur 
   
    les 
   
    hauteurs 
   
    d'Armon
    
     [4]; 
   
    si 
   
    allié 
   
    avec 
   
    Nabuchodonosor, 
   
    il 
   
    a 
   
    emmené 
   
    en 
   
    captivité 
   
    les 
   
    princes 
   
    de 
   
    Juda, 
   
    il 
   
    les 
   
    a 
   
    honorés 
   
    chez 
   
    lui 
   
    plus 
   
    que 
   
    ses 
   
    propres 
   
    princes, 
   
    car 
   
    il 
   
    a 
   
    reconnu 
   
    en 
   
    eux 
   
    des 
   
    fils 
   
    de 
   
    David 
   
    et 
   
    de 
   
    Salomon, 
   
    et 
   
    il 
   
    s'est 
   
    servi 
   
    de 
   
    leurs 
   
    mains 
   
    pour 
   
    se 
   
    coiffer 
   
    de 
   
    sa 
   
    tiare 
   
    radiée, 
   
    qu'il 
   
    a 
   
    posée 
   
    ensuite 
   
    sur 
   
    la 
   
    tête 
   
    de 
   
    sa 
   
    captive
    
     [5]: 
   
    s'il 
   
    a 
   
    forcé 
   
    (étant 
   
    contraint 
   
    lui-même) 
   
    les 
   
    fils 
   
    et 
   
    les 
   
    filles 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    à 
   
    essayer, 
   
    sur 
   
    des 
   
    harpes 
   
    mouillées 
   
    de 
   
    pleurs 
   
    amers, 
   
    les 
   
    hymnes 
   
    de 
   
    Sion 
   
    sous 
   
    les 
   
    saules 
   
    de 
   
    Babylone, 
   
    il 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    été 
   
    sourd 
   
    à 
   
    la 
   
    voix 
   
    du 
   
    Très 
   
    Haut 
   
    qui 
   
    lui 
   
    parlait 
   
    par 
   
    la 
   
    bouche 
   
    d'un 
   
    autre 
   
    prophète
    
     [6]: 
   
    «Appelez-moi 
   
    contre 
   
    Babylone
  
 
   
    les 
   
    rois 
   
    d'Ararat, 
   
    de 
   
    Minni 
   
    et 
   
    d'Ascenez; 
   
    armez 
   
    contre 
   
    elle 
   
    les 
   
    guerriers; 
   
    faites 
   
    monter 
   
    contre 
   
    elle 
   
    les 
   
    coursiers 
   
    nombreux 
   
    comme 
   
    une 
   
    multitude 
   
    de 
   
    sauterelles». 
   
    Armé 
   
    de 
   
    sa 
   
    lance 
   
    et 
   
    de 
   
    son 
   
    arc 
   
    classiques 
   
    il 
   
    est 
   
    accouru 
   
    avec 
   
    l'Oint 
   
    du 
   
    Seigneur, 
   
    son 
   
    allié 
   
    Cyrus: 
   
    et, 
   
    rompant, 
   
    après 
   
    70 
   
    ans, 
   
    les 
   
    chaines 
   
    de 
   
    ses 
   
    captifs, 
   
    il 
   
    a 
   
    conduit 
   
    lui-même 
   
    Salathiel 
   
    et 
   
    son 
   
    peuple 
   
    à 
   
    travers 
   
    les 
   
    confins 
   
    de 
   
    l'Arménie, 
   
    de 
   
    la 
   
    Mésopotamie 
   
    et 
   
    des 
   
    nations 
   
    ennemies, 
   
    sains 
   
    et 
   
    saufs, 
   
    jusqu'au 
   
    centre 
   
    de 
   
    la 
   
    Palestine
    
     [7]. 
  
 
   
    Et 
   
    maintenant 
   
    vous 
   
    comprendrez, 
   
    Messieurs, 
   
    que 
   
    l'Arménie 
   
    ait 
   
    pu 
   
    éluder 
   
    les 
   
    menaces 
   
    des 
   
    prophètes: 
   
    car 
   
    elle 
   
    était 
   
    elle-même 
   
    une 
   
    terre 
   
    privilégiée, 
   
    la 
   
    bien-aimée 
   
    du 
   
    Seigneur, 
   
    qui 
   
    s'y 
   
    révéla 
   
    de 
   
    bonne 
   
    heure. 
  
 
   
    Il 
   
    faut 
   
    que 
   
    tout 
   
    peuple 
   
    qui 
   
    cherche 
   
    son 
   
    origine, 
   
    se 
   
    tourne 
   
    vers 
   
    ce 
   
    pays-là. 
   
    Pour 
   
    retrouver 
   
    les 
   
    traces 
   
    d’Eden, 
   
    le 
   
    plus 
   
    sur 
   
    chemin 
   
    est 
   
    celui 
   
    de 
   
    l'Arménie: 
   
    c'est 
   
    elle 
   
    qui 
   
    offrit 
   
    à 
   
    Dieu 
   
    le 
   
    limon 
   
    béni 
   
    de 
   
    sa 
   
    terre, 
   
    et 
   
    reçut 
   
    de 
   
    ses 
   
    mains 
   
    le 
   
    père 
   
    et 
   
    la 
   
    mère 
   
    des 
   
    humains. 
   
    C'est 
   
    elle 
   
    qui 
   
    leur 
   
    offrit 
   
    ensuite 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    fallait 
   
    pour 
   
    leur 
   
    existence, 
   
    leurs 
   
    affections 
   
    et 
   
    leur 
   
    repentir; 
   
    c'est 
   
    elle 
   
    qui 
   
    fut 
   
    le 
   
    berceau 
   
    du 
   
    premier-né 
   
    et 
   
    le 
   
    tombeau 
   
    du 
   
    premier 
   
    mort; 
   
    c'est 
   
    chez 
   
    elle 
   
    que 
   
    s'éleva 
   
    le 
   
    faite 
   
    de 
   
    l'Ararat 
   
    pour 
   
    recevoir 
   
    une 
   
    fois 
   
    encore 
   
    l'unique 
   
    famille 
   
    humaine 
   
    et 
   
    le 
   
    reste 
   
    des 
   
    animaux 
   
    échappés 
   
    au 
   
    déluge; 
   
    et 
   
    par 
   
    les 
   
    descendants 
   
    de 
   
    cette 
   
    famille, 
   
    devenus 
   
    ses 
   
    hôtes, 
   
    elle 
   
    peupla 
   
    une 
   
    seconde 
   
    fois 
   
    toute 
   
    la 
   
    terre. 
   
    C'est 
   
    elle 
   
    qui 
   
    a 
   
    nourri 
   
    les 
   
    patriarches 
   
    et 
   
    conservé 
   
    dans 
   
    toute 
   
    sa 
   
    pureté 
   
    leur 
   
    foi 
   
    primitive. 
   
    Abraham 
   
    lui 
   
    même, 
   
    le 
   
    nouveau 
   
    père 
   
    des 
   
    croyants, 
   
    tire 
   
    d'elle 
   
    son 
   
    origine; 
   
    car 
   
    on 
   
    reconnait 
   
    maintenant 
   
    l'Ur 
   
    des 
   
    Chaldéens 
   
    dans 
   
    les 
   
    derniers 
   
    remparts 
   
    des 
   
    montagnes 
   
    de 
   
    la 
   
    Cordouène, 
   
    l'une 
   
    des 
   
    15 
   
    satrapies 
   
    ou 
   
    provinces 
   
    de 
   
    la 
   
    Grande-Arménie. 
   
    Enfin 
   
    c'est 
   
    elle 
   
    qui, 
   
    selon 
   
    la 
   
    pieuse 
   
    tradition, 
   
    conjurait 
   
    Jésus 
   
    avec 
   
    le 
   
    chef 
   
    des 
   
    Apôtres, 
   
    de 
   
    se 
   
    méfier 
   
    des 
   
    Juifs 
   
    et 
   
    de 
   
    s'abriter 
   
    avec 
   
    son 
   
    roi 
   
    Abgare 
   
    à 
   
    Edesse. 
   
    Elle 
   
    accueillit 
   
    un 
   
    grand 
   
    nombre 
   
    des 
   
    Apôtres 
   
    et 
   
    des 
   
    Disciples, 
   
    et 
   
    leur 
   
    offrit 
   
    la 
   
    première 
   
    vierge 
   
    martyre, 
   
    la 
   
    fille 
   
    même 
   
    de 
   
    son 
   
    roi, 
   
    que 
   
    j'aime 
   
    à 
   
    appeler 
   
    sœur 
   
    d'Abel: 
   
    car 
   
    tous 
   
    deux 
   
    sont 
   
    les 
   
    premières 
   
    victimes 
   
    du 
   
    monde 
   
    primitif 
   
    et 
   
    du 
   
    monde 
   
    régénéré, 
   
    l'un 
   
    immolé 
   
    par 
   
    son 
   
    frère, 
   
    l'autre 
   
    par 
   
    son 
   
    père: 
   
    divine 
   
    tragédie! 
   
    C'est 
   
    l'Arménie 
   
    qui, 
   
    après 
   
    trois 
   
    siècles 
   
    d'hésitation, 
   
    s'est 
   
    consacrée 
   
    entièrement, 
   
    avant 
   
    tout 
   
    autre 
   
    pays, 
   
    à 
   
    la 
   
    foi 
   
    chrétienne, 
   
    qu'elle 
   
    garda 
   
    toujours, 
   
    et 
   
    dont, 
   
    chose 
   
    singulière 
   
    et 
   
    contraste 
   
    sérieux, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    été 
   
    le 
   
    premier, 
   
    elle 
   
    est 
   
    encore 
   
    le 
   
    dernier 
   
    boulevard 
   
    à 
   
    l'orient 
   
    de 
   
    la 
   
    terre; 
   
    car 
   
    il 
   
    n'y 
   
    a 
   
    pas 
   
    un 
   
    seul 
   
    pays 
   
    chrétien 
   
    au 
   
    delà 
   
    du 
   
    méridien 
   
    de 
   
    l'Arménie 
   
    du 
   
    côté 
   
    de 
   
    l'Est, 
   
    exception 
   
    faite 
   
    des 
   
    colonies 
   
    et 
   
    des 
   
    missions 
   
    qui 
   
    sont, 
   
    pour 
   
    ainsi 
   
    dire, 
   
    des 
   
    plantations 
   
    parmi 
   
    les 
   
    païens. 
  
 
   
    Mais 
   
    si 
   
    elle 
   
    fut 
   
    le 
   
    premier 
   
    État 
   
    chrétien, 
   
    elle 
   
    fut 
   
    aussi 
   
    le 
   
    premier 
   
    parmi 
   
    les 
   
    peuples 
   
    qui, 
   
    provoqué, 
   
    prit 
   
    les 
   
    armes 
   
    pour 
   
    la 
   
    défense 
   
    de 
   
    la 
   
    religion 
   
    de 
   
    la 
   
    paix. 
   
    Guidés 
   
    par 
   
    leur 
   
    brave 
   
    et 
   
    saint 
   
    roi 
   
    Dertade 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    confondirent 
   
    les 
   
    légions 
   
    romaines 
   
    commandées 
   
    par 
   
    le 
   
    farouche 
   
    Maximin 
   
    Daja, 
   
    l'auguste 
   
    de 
   
    l'Orient; 
   
    en 
   
    même 
   
    temps, 
   
    Constantin 
   
    assurait 
   
    dans 
   
    l'Occident 
   
    le 
   
    triomphe 
   
    de 
   
    la 
   
    même 
   
    foi, 
   
    mais 
   
    il 
   
    n'était 
   
    encore 
   
    que 
   
    simple 
   
    admirateur 
   
    du 
   
    signe 
   
    de 
   
    la 
   
    Croix, 
   
    tandis 
   
    que 
   
    Dertade 
   
    en 
   
    était 
   
    adorateur 
   
    zélé 
   
    depuis 
   
    une 
   
    douzaine 
   
    d'années
    
     [8]. 
  
 
   
    C'est 
   
    par 
   
    le 
   
    sentiment 
   
    de 
   
    la 
   
    vraie 
   
    foi, 
   
    ce 
   
    sentiment 
   
    par 
   
    excellence, 
   
    que 
   
    l'Arménie 
   
    a 
   
    pu 
   
    non 
   
    seulement 
   
    exister 
   
    et 
   
    résister 
   
    jusqu'aujourd'hui, 
   
    mais 
   
    encore 
   
    jouer 
   
    malgré 
   
    la 
   
    perte 
   
    de 
   
    son 
   
    autonomie, 
   
    le 
   
    rôle 
   
    le 
   
    plus 
   
    difficile, 
   
    celui 
   
    de 
   
    concilier 
   
    les 
   
    intérêts 
   
    des 
   
    deux 
   
    mondes, 
   
    entre 
   
    lesquels 
   
    la 
   
    Providence 
   
    l'a 
   
    placée; 
   
    et 
   
    si 
   
    elle 
   
    a 
   
    failli 
   
    quelquefois 
   
    à 
   
    des 
   
    devoirs 
   
    si 
   
    délicats 
   
    et 
   
    si 
   
    rigoureux, 
   
    elle 
   
    s'est 
   
    trompée 
   
    plutôt 
   
    qu'elle 
   
    n'a 
   
    trompé 
   
    les 
   
    autres. 
   
    Ce 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    sans 
   
    quelque 
   
    mérite 
   
    qu'elle 
   
    a 
   
    pu 
   
    gagner 
   
    l'estime 
   
    et 
   
    la 
   
    confiance 
   
    des 
   
    nations 
   
    dominantes 
   
    et 
   
    voisines. 
   
    Elle 
   
    a 
   
    étée 
   
    l'alliée 
   
    de 
   
    l'Empire 
   
    romain 
   
    pendant 
   
    deux 
   
    siècles: 
   
    elle 
   
    a 
   
    prêté 
   
    des 
   
    armées 
   
    et 
   
    des 
   
    chefs 
   
    intrépides 
   
    aux 
   
    Sassanides 
   
    et 
   
    aux 
   
    Byzantins; 
   
    elle 
   
    a 
   
    placé 
   
    les 
   
    plus 
   
    habiles 
   
    de 
   
    ses 
   
    fils 
   
    sur 
   
    le 
   
    trône 
   
    de 
   
    Constantin, 
   
    et 
   
    comme 
   
    vice-rois 
   
    à 
   
    côté 
   
    des 
   
    dominateurs 
   
    de 
   
    l'Egypte 
   
    et 
   
    de 
   
    l'Indoustan; 
   
    elle 
   
    a 
   
    émoussé 
   
    le 
   
    glaive 
   
    de 
   
    l'Arabe 
   
    en 
   
    plus 
   
    d'une 
   
    manière, 
   
    l'a 
   
    instruit 
   
    dans 
   
    plus 
   
    d'un 
   
    art 
   
    nécessaire, 
   
    lui 
   
    a 
   
    donné 
   
    des 
   
    modèles 
   
    d'une 
   
    architecture 
   
    qui, 
   
    modifiée 
   
    plus 
   
    tard, 
   
    s'est 
   
    introduite 
   
    dans 
   
    les 
   
    contrées 
   
    lointaines: 
   
    l'Europe 
   
    même, 
   
    à 
   
    son 
   
    insu, 
   
    s'en 
   
    est 
   
    servie. 
   
    Alliée 
   
    aux 
   
    Croisés 
   
    de 
   
    Godefroy, 
   
    elle 
   
    a 
   
    conquis 
   
    Jérusalem; 
   
    alliée 
   
    aux 
   
    archers 
   
    de 
   
    Houlaghou, 
   
    elle 
   
    a 
   
    conquis 
   
    Baghdad. 
   
    Elle 
   
    a 
   
    donné 
   
    plus 
   
    d'un 
   
    ministre, 
   
    plus 
   
    d'un 
   
    fonctionnaire, 
   
    et 
   
    des 
   
    militaires 
   
    distingués 
   
    aux 
   
    gouvernements 
   
    des 
   
    empires 
   
    Ottoman, 
   
    Russe, 
   
    et 
   
    Persan, 
   
    qui 
   
    l'ont 
   
    partagée 
   
    entre 
   
    eux: 
   
    et 
   
    tout 
   
    récemment 
   
    un 
   
    poste 
   
    très 
   
    difficile 
   
    sur 
   
    l'ancien 
   
    confin 
   
    des 
   
    royaumes 
   
    de 
   
    Hiram 
   
    et 
   
    de 
   
    Salomon, 
   
    (tout 
   
    le 
   
    monde 
   
    me 
   
    comprend 
   
    bien), 
   
    a 
   
    été 
   
    confié 
   
    à 
   
    un 
   
    de 
   
    ses 
   
    fils, 
   
    à 
   
    qui 
   
    nous 
   
    souhaitons 
   
    toute 
   
    la 
   
    sagesse 
   
    nécessaire 
   
    pour 
   
    dissiper 
   
    des 
   
    jalousies 
   
    séculaires 
   
    ou 
   
    récentes, 
   
    et 
   
    pour 
   
    concilier 
   
    de 
   
    graves 
   
    intérêts
    
     [9]. 
   
    Par 
   
    ses 
   
    colonies 
   
    industrieuses, 
   
    elle 
   
    a 
   
    rendu 
   
    plus 
   
    d'un 
   
    service 
   
    à 
   
    la 
   
    Russie, 
   
    à 
   
    la 
   
    Pologne, 
   
    à 
   
    l'Autriche, 
   
    aux 
   
    Principautés 
   
    du 
   
    Danube; 
   
    par 
   
    ses 
   
    commerçants, 
   
    à 
   
    tous 
   
    les 
   
    gouvernements 
   
    de 
   
    l'Italie 
   
    du 
   
    moyen 
   
    age, 
   
    à 
   
    l'Espagne, 
   
    aux 
   
    Pays-Bas, 
   
    et 
   
    à 
   
    quelques-uns 
   
    des 
   
    États 
   
    dont 
   
    s'est 
   
    formée 
   
    la 
   
    France 
   
    actuelle. 
  
 
   
    La 
   
    capitale 
   
    même 
   
    de 
   
    ce 
   
    pays, 
   
    cette 
   
    Babylone 
   
    de 
   
    l'occident, 
   
    doit 
   
    à 
   
    un 
   
    Arménien 
   
    la 
   
    première 
   
    fondation 
   
    de 
   
    ses 
   
    maisons 
   
    de 
   
    société 
   
    les 
   
    plus 
   
    fréquentées: 
   
    le 
   
    premier 
   
    Café 
   
    de 
   
    Paris 
   
    fut 
   
    ouvert 
   
    l'an 
   
    1672 
   
    à 
   
    la 
   
    Foire 
   
    de 
   
    Saint 
   
    Germain 
   
    et 
   
    au 
   
    Quai 
   
    de 
   
    l'École, 
   
    par 
   
    un 
   
    certain 
   
    Pascal, 
   
    et 
   
    le 
   
    second 
   
    par 
   
    Étienne, 
   
    tous 
   
    deux 
   
    Arméniens: 
   
    ils 
   
    ne 
   
    prévoyaient 
   
    pas, 
   
    certes, 
   
    tout 
   
    ce 
   
    que 
   
    la 
   
    suite 
   
    de 
   
    leurs 
   
    établis 
   
    sements 
   
    pourrait 
   
    introduire 
   
    de 
   
    bien 
   
    ou 
   
    de 
   
    mal; 
   
    mais 
   
    ils 
   
    pouvaient 
   
    attendre 
   
    des 
   
    amateurs 
   
    quelque 
   
    reconnaissance 
   
    pour 
   
    cette 
   
    innovation. 
  
 
   
    Quant 
   
    à 
   
    moi, 
   
    je 
   
    préfère 
   
    remarquer 
   
    les 
   
    signes 
   
    lumineux 
   
    dont 
   
    l'Arménie 
   
    a 
   
    semé, 
   
    même 
   
    hors 
   
    de 
   
    son 
   
    horizon, 
   
    les 
   
    cieux 
   
    des 
   
    pays, 
   
    sous 
   
    lesquels 
   
    ses 
   
    fils 
   
    cherchèrent 
   
    un 
   
    abri: 
   
    j'aime 
   
    à 
   
    vénérer, 
   
    dans 
   
    l'Orléanais, 
   
    S. 
    
     Grégoire, 
   
    patron 
   
    de 
   
    Pithiviers, 
   
    archevêque 
   
    arménien 
   
    du 
   
    X 
   
    siècle; 
   
    à 
   
    Fontaines 
   
    les 
   
    Dijon 
   
    la 
   
    patrie 
   
    de 
   
    S. 
   
    Bernard, 
   
    S. 
    
     Ambrosien; 
   
    à 
   
    Commines, 
   
    S. 
    
     Chriyseuil, 
   
    son 
   
    patron, 
   
    que 
   
    la 
   
    tradition 
   
    donne 
   
    pour 
   
    disciple 
   
    à 
   
    S. 
   
    Denis 
   
    de 
   
    Paris, 
   
    et 
   
    reconnait 
   
    arménien; 
   
    à 
   
    Gand, 
   
    S. 
    
     Macaire, 
   
    son 
   
    patron, 
   
    évêque 
   
    arménien 
   
    du 
   
    X 
   
    siècle; 
   
    à 
   
    Mantoue, 
   
    S. 
    
     Siméon, 
   
    contemporain, 
   
    patron 
   
    du 
   
    lieu; 
   
    à 
   
    Lucques, 
   
    S. 
    
     Davin; 
   
    à 
   
    Ancône, 
   
    S. 
    
     Cyriaque; 
   
    à 
   
    Padoue, 
   
    S. 
    
     Fidence, 
   
    évêque 
   
    du 
   
    II 
   
    siècle, 
   
    etc., 
   
    etc., 
   
    tous 
   
    connus 
   
    comme 
   
    d'origine 
   
    arménienne... 
   
    Mais, 
   
    helas! 
   
    ce 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    ici 
   
    le 
   
    lieu 
   
    de 
   
    m'élancer 
   
    sur 
   
    les 
   
    hauteurs 
   
    sacrées 
   
    de 
   
    l'Empirée 
   
    d'Arménie. 
  
 
   
    Je 
   
    me 
   
    haterai 
   
    donc, 
   
    Messieurs, 
   
    de 
   
    résumer 
   
    toutes 
   
    les 
   
    données 
   
    de 
   
    ce 
   
    tableau; 
   
    et 
   
    j'espère 
   
    que 
   
    vous 
   
    me 
   
    permettrez 
   
    de 
   
    dire 
   
    qu'un 
   
    pays 
   
    qui 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    joué 
   
    dans 
   
    le 
   
    monde 
   
    politique 
   
    un 
   
    des 
   
    premiers 
   
    rôles, 
   
    mais 
   
    qui 
   
    a 
   
    participé 
   
    à 
   
    tous; 
   
    un 
   
    pays 
   
    qui 
   
    compte, 
   
    depuis 
   
    Noé 
   
    jusqu'à 
   
    ce 
   
    jour, 
   
    une 
   
    série 
   
    presque 
   
    non-interrompue 
   
    de 
   
    250 
   
    noms 
   
    de 
   
    chefs 
   
    nationaux, 
   
    comme 
   
    dynastes, 
   
    rois 
   
    et 
   
    pontifes, 
   
    auxquels 
   
    sont 
   
    rattachées 
   
    ses 
   
    traditions, 
   
    et 
   
    par 
   
    là 
   
    même 
   
    celles 
   
    de 
   
    toute 
   
    la 
   
    Chronologie; 
   
    qu'un 
   
    tel 
   
    pays, 
   
    dis 
   
    je, 
   
    mérite 
   
    d'être 
   
    étudié 
   
    et 
   
    par 
   
    ses 
   
    indigènes, 
   
    et 
   
    par 
   
    tout 
   
    ami 
   
    de 
   
    la 
   
    saine 
   
    philosophie. 
  
 
   
    Je 
   
    ne 
   
    crains 
   
    plus 
   
    de 
   
    le 
   
    dire, 
   
    l'Arménie 
   
    a 
   
    eu 
   
    une 
   
    destinée 
   
    particulière, 
   
    antérieure 
   
    à 
   
    celle 
   
    de 
   
    toute 
   
    autre 
   
    nation; 
   
    et, 
   
    qui 
   
    plus 
   
    est, 
   
    cette 
   
    destinée 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    achevée 
   
    encore. 
   
    Ce 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    un 
   
    secret, 
   
    ce 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    un 
   
    mystère, 
   
    mais 
   
    une 
   
    conviction 
   
    invétérée 
   
    parmi 
   
    le 
   
    peuple 
   
    arménien, 
   
    qu'il 
   
    a 
   
    encore 
   
    un 
   
    rôle 
   
    à 
   
    jouer, 
   
    un 
   
    rôle 
   
    heureux 
   
    à 
   
    remplir 
   
    ici-bas. 
   
    Tout 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    fini 
   
    pour 
   
    lui: 
   
    une 
   
    porte 
   
    merveilleuse 
   
    va 
   
    s'ouvrir 
   
    dans 
   
    un 
   
    temps 
   
    qui 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    trop 
   
    éloigné, 
   
    à 
   
    ce 
   
    que 
   
    je 
   
    puis 
   
    croire: 
   
    cette 
   
    porte 
   
    ne 
   
    restera 
   
    pas 
   
    longtemps 
   
    fermée 
   
    à 
   
    double-clef; 
   
    et 
   
    je 
   
    vois 
   
    une 
   
    de 
   
    ces 
   
    clefs 
   
    formidables, 
   
    je 
   
    vais 
   
    vous 
   
    l'indiquer 
   
    franchement; 
   
    que 
   
    personne 
   
    ne 
   
    s'effraie!... 
   
    Cette 
   
    clef 
   
    de 
   
    notre 
   
    bonheur 
   
    futur, 
   
    si 
   
    longtemps 
   
    désirée, 
   
    Messieurs, 
   
    cette 
   
    clef 
   
    c'est 
   
    l'Education. 
   
    Une 
   
    éducation 
   
    patriotique; 
   
    un 
   
    patriotisme 
   
    appuyé 
   
    sur 
   
    la 
   
    philosophie, 
   
    et 
   
    une 
   
    philosophie 
   
    basée 
   
    sur 
   
    la 
   
    sainte 
   
    religion. 
   
    Sans 
   
    cet 
   
    enchainement, 
   
    point 
   
    d'éducation 
   
    parfaite, 
   
    point 
   
    de 
   
    civilisation, 
   
    point 
   
    d'homme 
   
    complet. 
   
    Pour 
   
    bien 
   
    remplir 
   
    ses 
   
    devoirs 
   
    sociaux, 
   
    l'homme 
   
    a 
   
    besoin 
   
    d'une 
   
    inspiration 
   
    patriotique; 
   
    et 
   
    pour 
   
    que 
   
    le 
   
    patriotisme 
   
    ne 
   
    s'égare, 
   
    ni 
   
    ne 
   
    s'arrête, 
   
    il 
   
    faut 
   
    qu'il 
   
    soit 
   
    guidé 
   
    par 
   
    la 
   
    sagesse, 
   
    soutenu 
   
    par 
   
    la 
   
    foi, 
   
    couronné 
   
    par 
   
    la 
   
    vérité 
   
    éternelle... 
  
 
   
    Jeunes 
   
    gens! 
   
    élèves 
   
    chéris, 
   
    qui 
   
    allez 
   
    bien 
   
    tôt, 
   
    pour 
   
    vous 
   
    rendre 
   
    à 
   
    vos 
   
    familles, 
   
    quitter 
   
    ces 
   
    salles 
   
    de 
   
    vos 
   
    longues 
   
    études, 
   
    où 
   
    retentit 
   
    pour 
   
    la 
   
    dernière 
   
    fois 
   
    la 
   
    voix 
   
    d'un 
   
    père 
   
    dévoué, 
   
    qui 
   
    s'en 
   
    retourne 
   
    lui-même 
   
    à 
   
    sa 
   
    cellule 
   
    solitaire; 
   
    que 
   
    cette 
   
    voix 
   
    vous 
   
    rappelle 
   
    toujours 
   
    ce 
   
    qu'elle 
   
    a 
   
    répété 
   
    depuis 
   
    vingt 
   
    ans 
   
    à 
   
    vos 
   
    semblables 
   
    et 
   
    à 
   
    vous 
   
    mêmes; 
   
    qu'il 
   
    faut, 
   
    pour 
   
    être 
   
    bon 
   
    citoyen, 
    
     étudier 
    
     la 
    
     Patrie. 
   
    C'est 
   
    la 
   
    première 
   
    des 
   
    études, 
   
    après 
   
    celle 
   
    d'une 
   
    vie 
   
    future. 
   
    Etudiez 
   
    donc, 
   
    mes 
   
    amis, 
   
    cette 
   
    noble 
   
    et 
   
    féconde 
   
    Arménie, 
   
    comme 
   
    votre 
   
    patrie 
   
    et 
   
    la 
   
    nourrice 
   
    du 
   
    monde; 
   
    étudiez-la 
   
    dans 
   
    sa 
   
    nature 
   
    physique, 
   
    étudiez-la 
   
    dans 
   
    son 
   
    état 
   
    moral; 
   
    étudiez-la 
   
    dans 
   
    le 
   
    développement 
   
    de 
   
    son 
   
    riche 
   
    idiome, 
   
    qui 
   
    est 
   
    la 
   
    garantie 
   
    la 
   
    plus 
   
    sûre 
   
    d'une 
   
    littérature 
   
    moissonée 
   
    par 
   
    tant 
   
    d'événements; 
   
    étudiez-la, 
   
    enfin, 
   
    dans 
   
    la 
   
    pureté 
   
    de 
   
    ses 
   
    dogmes 
   
    et 
   
    dans 
   
    la 
   
    noblesse 
   
    de 
   
    ses 
   
    rites: 
   
    et 
   
    que 
   
    ces 
   
    études 
   
    vous 
   
    sollicitent 
   
    de 
   
    plus 
   
    en 
   
    plus 
   
    à 
   
    l'apprécier, 
   
    à 
   
    la 
   
    cultiver 
   
    dans 
   
    tous 
   
    les 
   
    sens 
   
    de 
   
    ce 
   
    mot. 
   
    Car 
   
    c'est 
   
    le 
   
    premier 
   
    commandement 
   
    du 
   
    Créateur, 
   
    donné 
   
    au 
   
    père 
   
    du 
   
    genre 
   
    humain, 
   
    et 
   
    donné 
   
    dans 
   
    notre 
   
    propre 
   
    pays; 
   
    de 
   
    LE 
   
    CULTIVER 
   
    ET 
   
    LE 
   
    GARDER!
    
     [10] 
  
 
  
  
   
  
   
  
   
  
   
  
   
  
    
   
      
       [5] 
     
      La 
     
      famille 
     
      Bagratide 
     
      qui 
     
      régna 
     
      en 
     
      Arménie 
     
      aux 
     
      X 
     
      et 
     
      XI 
     
      siècles 
     
      sortait 
     
      de 
     
      ces 
     
      Juifs 
     
      colonisés 
     
      dans 
     
      notre 
     
      pays. 
    
   
   
  
   
  
    
   
      
       [7] 
     
      C'est 
     
      ainsi 
     
      que 
     
      raconte 
     
      notre 
     
      Thomas 
     
      Ardzrouni. 
    
   
   
  
    
   
      
       [8] 
     
      Eusebe, 
     
      Hist. 
     
      Ecclésiast. 
     
      IX. 
     
      S. 
    
   
   
  
    
   
      
       [9] 
     
      Allusion 
     
      à 
     
      l'établissement 
     
      du 
     
      gouverneur 
     
      chrétien 
     
      Arménien 
     
      des 
     
      pays 
     
      du 
     
      Liban, 
     
      après 
     
      les 
     
      massacres 
     
      de 
     
      la 
     
      Syrie: 
     
      fait 
     
      tout 
     
      récent 
     
      à 
     
      l'époque 
     
      de 
     
      notre 
     
      discours.