Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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Léon le deuxième de ce nom dans la ligne des princes Roupéniens et le premier parmi les rois de Sissouan était de la cinquième génération de Roupin le fondateur de la dynastie. Il s'était écoulé un laps de plus de cent ans entre la domination de celui-ci et l'avénement au trône de Léon (1080-1187).

Nous avons fait voir dans notre préambule toutes les vicissitudes qu'avait eues à subir la fortune de ses prédécesseurs, ces guerriers intrépides qui sans se soucier de la mort, se battirent tant de fois contre des ennemis acharnés et puissants, tels que les empereurs grecs, les sultans d'Iconie, et les émirs et contre les Latins eux-mêmes, nouvellement arrivés en Asie-Mineure. Que de fois la Cilicie, cette faible portion du Taurus, cette nouvelle Arménie a couru le risque d'être anéantie, surtout au temps de Léon I aïeul de celui qui nous occupe; au temps encore de son onele Thoros II et de son père Stéphané, qui, jeté dans de l'eau bouillante, mourut d'une mort épouvantable; mais principalement lorsque son frère Roupin II fut fait prisonnier par le prince d'Antioche! Ces princes arméniens vécurent, pour ainsi dire, comme des révoltés, traqués dans leurs châteaux-forts au milieu des montagnes, se défendant et défendant leurs familles les armes à la main, jusqu'à ce que, vaincus par de plus forts, ils en devinssent les vassaux.

Léon, arriva au pouvoir dans les mêmes conditions, mais il ne tarda pas à relever son autorité. Il secoua hardiment le joug odieux des Grecs et des Latins et, par une adroite politique, se mit sous le lointain vasselage de l'empereur d'Allemagne et sous la protection du Pontife romain, tandis que, maître absolu, il prit le titre de Roi d'Arménie, dont il fit hériter ses successeurs, en changeant l'expression: « par grâce de l'empereur romain», dont il se servit pourtant les premières années de son règne, en cette expression: « par la grâce de Dieu! »

Léon était le fils cadet de Stéphané, lui-même fils de Léon I, celui-ci fils de Constance, ce dernier fils de Roupin I. Il vécut cinquante-cinq ans après la mort horrible et prématurée de son père. On ne sait pas exactement le nombre d'années qu'il vécut. Il est dit quelque part qu'il parvint à un âge fort avancé et il est permis de supposer qu'il atteignit ses 70 ans. Surtout si l'on s'en rapporte à l'historien royal qui dit que son frère Roupin II avait trente ans lorsqu'il régnait en 1175 1. D'où l'on peut conclure que leur père Stéphané s' é tait marié avec Rita, fille de Sempad, seigneur de Babéron, avant d'être fait prisonnier par l'empereur Jean et avant que son frère Thoros, qui avait pu fuir, fût revenu au pays, ou bien même que Stéphan é n'a pas été fait prisonnier avec son père et avec ses deux frères.

Léon a donc naître vers le milieu du XII siècle, au commencement de la glorieuse principauté de son oncle Thoros II, sous le patriarcat de Grégoire II, surnommé le Martyrophile et frère de Saint Nersès Chenorhali (le Gracieux). Bien que le Patriarche Grégoire Degha (le Jeune), le cousin et le successeur de ce Grégoire II et de ce Nersès Chenorhali, en parlant, dans son Elégie sur la prise de Jérusalem, des premières victoires remportées par Léon au commencement de sa principauté, l'appelle: «jeune»

«Léon, prince de Cilicie

Jeune encore, de belle nature».

Cela, toutefois, ne prouve rien relativement à l'âge de Léon. En effet, dans nos auteurs classiques, nous voyons bien souvent des personnages déjà vieux être traités de jeunes, uniquement parce qu'ils se sont fait remarquer par leur force et leur vigueur.

Il n'est parlé nulle part de l'enfance, des premières années de Léon. Mais en raison des évènements politiques de cette époque agitée, en raison du caractère de son père Stéphané qui tenait le milieu entre la fermeté prudente de son frère aîné Thoros et le caractère indocile de son frère cadet Melèh, on peut juger que Léon, sans cesse en présence de leurs actions d'éclat continuelles, dut s'exalter et se passionner pour leurs exploits, et qu'en même temps qu'il hérita du nom, il hérita de l'esprit et des vertus de ses ancêtres, de toute sa race: de leur intrépidité indomptable, de leur courage de lion, car, en mainte circonstance, et partout, il en a donné les preuves.

L'ardeur de sang de Léon était tempérée par la douceur qu'il tenait de sa famille maternelle, des nobles princesses Héthoumiennes. Il est dit, en particulier de sa mère la princesse Rita, consanguine de Saint Nersès de Lambroun, qu'elle fut «une femme pieuse, prudente et craignant Dieu», et qu'après la mort cruelle de son mari, Stéphané, en 1165, «elle prit ses enfante, se retira à Babéron, près de son frère Pagouran, s'établit et dirigea l'éducation de ses fils». Bien que son père Sempad eût été tué dans un combat que les Grecs livrèrent à Thoros II, près de Messis, il paraît que Pagouran s'était réconcilié avec lui ou qu'il reçut, sans vouloir se souvenir de rien, ses neveux et leur mère, sa sœur, et qu'il les entoura d'une sollicitude paternelle, eux et les nobles enfants de son frère Ochin, seigneur de Lambroun, et qu'il chercha même à tempérer l'ardeur naturelle de ces petits lions Roupéniens.

On remarquait chez la princesse Rita ce haut prestige de souveraineté, cette influence, pour ainsi parler, d'une reine-mère sur un fils doué de la plus grande intelligence et des plus belles qualités, comme l'était Léon. En échange, celui-ci, en avançant en âge, jusque sur les marches du trône même, écoutait avec respect les sages conseils de sa vieille mère. C'est sur ses instances, qu'avant de se marier pour la seconde fois, il choisit pour lui succéder sur le trône, en 1209, Roupin, petit-fils de son frère du même nom et fils du Prince d'Antioche. Et, lorsqu'il épousa la sœur du roi de Chypre, c'est à sa mère qu'il confia l'éducation de sa jeune fille Rita qui, comme on voit, portait le même nom que sa mère et qu'il avait eue de sa première femme l'antiochienne. Tout ceci indique le grand âge auquel sa mère dût parvenir et prouve aussi à quel point elle avait conservé la fraîcheur de ses facultés mentales 2.

Jusqu'alors les seigneurs de Babéron et de Lambroun étaient restés fidèles aux empereurs de Byzance. Il est probable qu'à l'instar de leurs fils, ceux de Stéphané furent instruits dans la langue grecque. D'après des documents qui nous sont parvenus et un décret donné aux chevaliers de l'Hôpital en 1210, Léon signait son nom en grec: ΛΕΟ, et écrivait son titre de roi d'Arménie en arménien. Telle est la signature qu'on voit en tête des Ecrits, dont nous parlons (pag. 68), et telle est la signature qu'on trouve à la fin de l'acte de donation aux dits Chevaliers en 1210.

On ne saurait douter qu'en raison des exigences de son temps et du rang qu'il occupait, Léon n'ait été instruit dans l'art et le maniement des armes et que, dès son enfance, il n'y ait déployé une aptitude extraordinaire.

Son éducation, à Babéron, dura un laps de dix ans au moins. C'était pendant les dernières années du pouvoir de Thoros. Celui-ci, de connivence avec Melèh, venait de tirer vengeance sur les Grecs de la mort cruelle de leur frère Stéphané, père de Léon. Peu de temps après, on dut cacher jusqu'à Romcla le jeune fils de Thoros, le légitime héritier du trône, que Melèh eût fait périr de la même manière qu'il fit périr l'infortuné tuteur de ce jeune prince, le bailli Thomas, son proche parent. Le même sort était réservé aux fils de Stéphané, car, une fois ceux-ci disparus aussi, Melèh eût pu s'emparer alors sûrement du gouvernement du pays et le passer à ses fils. Mais ils ne tombèrent point entre ses mains et les menées odieuses de Melèh ne purent jamais trouver accès à Babéron. Comme Lambroun, qui fut assiégée pendant un an, et serrée de près, le château de Babéron résista à tous les stratagèmes de la guerre de siège. Melèh reçut enfin le prix de ses perfidies: il fut trahi et massacré par ses propres soldats. Le trône des Roupeniens passait alors sans opposition d'aucune sorte aux fils de Stéphané.

L'armée et la noblesse envoyèrent aussitôt des invitations et des courriers à l'aîné, Roupin II, pour qu'il vînt prendre possession du gouvernement. Le bon Pagouran, son oncle maternel, l'envoya sans retard avec une nombreuse escorte et d'immenses trésors, pour lui gagner les bonnes grâces de ceux qui l'appelaient. Ce qui plut surtout à ceux-ci, ce fut aussi le caractère débonnaire du jeune Baron qui les avait intéressés par le sort fatal de son père, dont il rappelait tout-à-fait l'air majestueux et guerrier.

Roupin s'attira bientôt l'estime des jeunes gens de son âge par son adresse à manier les armes et à tirer l'arc. Il les invitait souvent à de somptueux banquets dans lesquels il jetait à pleines mains ce que Melèh avait induement amassé. En même temps, il sut, par des moyens habiles, arriver à se venger de ceux qui avaient trahi son oncle. D'ailleurs, il promit beaucoup à ceux qui les lui dénonceraient. Deux de ces derniers, dans l'espoir d'une large récompense, s'étaient accusés réciproquement d'avoir fait partie des gens du complot; Roupin, après les avoir entendus, les fit jeter tous deux dans le fleuve.

Roupin gouverna douze ans à peu près. Il passa une partie de ce temps à la guerre, aux sièges de villes et de forteresses, et l'autre dans les parties de plaisir et dans les festins. La célébration de ses noces qui fut commencée chez son beau-père, le prince da Karak et de Toron, dont il épousa la fille Isabelle, fut achevée à son retour dans son domaine.

Léon avait alors quitté Babéron et demeurait près de son frère. On ne sait sous quel titre et de quelle charge il était pourvu. Sa conduite zélée et prudente lui attirèrent bien vite la considération des grands personnages. Il ne s'adonnait pas aux plaisirs comme son frère et, s'il ne lui était pas inférieur dans le maniement des armes, il lui était, à coup sûr, de beau coup supérieur par sa prudence et sa fermeté inébranlable. Ses paroles et ses actions révélaient en lui l'homme aux grandes idées, l'homme destiné au pouvoir. Aussi ne put-il pas voir d'un œil indifférent le luxe effréné de Roupin. Quelques personnes pensèrent alors qu'il voulait renverser son frère et s'approprier le trône. Se voyant en butte à la malveillance et mis en défiance auprès de Roupin, Léon, qui savait, à quel point les princes sont jaloux de leur pouvoir, ne se contenta pas d'avoir réussi à dissiper les soupçons de son frère, il le quitta en secret et se réfugia à Tarse, en 1180. De il se rendit à Constantinople il fut fort bien accueilli par l'empereur qui n'espérait plus pouvoir compter la Cilicie au nombre des pays tributaires de son Empire.

Léon ne resta pas longtemps dans cet honorable exil: les soupçons de Roupin étaient entièrement détruits, il put donc retourner en sûreté auprès de lui. Roupin, le reçut, du reste, comme un frère bien-aimé et le nomma gouverneur de la grande et importante forteresse de Gaban. En outre, il en fit son aide et conseiller dans les affaires du gouvernement et de la guerre.

Les temps étaient cependant bien difficiles alors. Tout ce qui n'était pas décidé par les armes, l'était par la ruse et la trahison. L'usage autorisait ces moyens: Roupin venait d'enlever au prince d'Antioche, Bohémond III, plusieurs provinces et quelques châteaux-forts sur la frontière d'Antioche. Il avait, en outre, réuni au pays toutes les villes de la Cilicie qui lui avaient appartenu auparavant, mais que les princes latins lui avaient enlevées et qu'ils avaient données à la principauté d'Antioche. Le s Arméniens, rentrés en possession de leurs villes, étaient considérés ou comme des rebelles ou comme des vassaux du prince d'Antioche. C'est ainsi que Bohémond traitait Roupin, bien que le premier lui eût vendu la grande ville de Tarse. Bohémond ne s'occupait guère de cette cité trop lointaine, mais il ne pardonna jamais aux étrangers d'être entrés sur les territoires qui l'entouraient.

Roupin était venu à Antioche; selon quelques-uns, pour accomplir un simple voyage d'agrément et, selon d'autres, pour répondre à l'invitation du prince lui-même. Celui-ci se saisit de sa personne et le fit mettre en prison. Cela se passait en 1185. Il ne fut possible à Roupin de recouvrer sa liberté qu'après avoir restitué les terres en question, et donné en otages sa mère et d'autres grands personnages, et la somme de mille pièces d'or qu'il fit apporter de chez son oncle Pagouran.

Avant sa captivité, Roupin avait mis le siège devant Lambroun, et, pendant qu'il était prisonnier, il donna l'ordre à Léon d'accélérer l'assaut et de réduire les Héthoumiens. C'est le premier fait de guerre de Léon dont il soit fait mention, mais qui reste un point obscur de son histoire. En effet, quelques historiens 3 prétendent au contraire, que Léon avait alors tourné les armes contre le prince d'Antioche et qu'il l'aurait contraint à prendre la fuite après une défaite.

II n'en est pas moins évident que la délivrance de Roupin fut conclue par des traités et des rançons.

A son retour, Roupin ne resta plus au pouvoir que deux ou trois ans. On dit que, confus et se croyant déshonoré par la captivité qu'il avait subie, il abdiqua sa baronnie en faveur de Léon et qu'il se retira dans un couvent pour y finir ses jours. Sentant sa fin prochaine, il confia à Léon l'éducation et le sort de ses deux filles, il lui donna les conseils que lui inspiraient son expérience, ses propres fautes et son espoir en l'avenir, à présent qu'il allait rendre compte de sa vie au Juge Suprême.

1 Bernard le Trésorier, auteur presque contemporain de Léon, dit au Ch. CCI pour Léon, «defunctus est in senectute bona».

2 Selon ce que nous avons admis pour fixer l'âge de Léon, sa mère devait avoir eu alors plus de soixante-dix ans.

3 Parmi ces historiens, on trouve Aboul-Faradje. Voici ce qu'il rapporte, selon la traduction latine: «Leone contra eum strenue insurgente princeps pudefactus rediit».