Le
cours
de
ces
derniers
faits
plutôt
que
le
cours
du
récit
nous
oblige
à
faire
un
parallèle
entre
les
deux
plus
grands
personnages
de
ce
Concile,
ou
plutôt
de
cette
époque
de
notre
histoire,
c'est-à-dire
entre
Léon
et
Nersès
de
Lambroun.
Ces
deux
hommes
se
trouvèrent
toujours
au
premier
rang
dans
toutes
les
grandes
affaires
du
pays;
l'un,
de
son
plein
gré
et
à
cause
de
sa
souveraineté;
l'autre,
à
son
demi-consentement
et
par
obéissance.
L'un
à
la
fois
ingénieux
et
hardi,
allait
jusqu'où
il
pouvait
et
même
au
delà;
l'autre,
participait
à
tout,
appelé
par
son
mérite,
son
génie
et
la
pureté
de
sa
vie.
C'est
pour
cela
que
notre
Lambrounien
était
considéré
comme
supérieur
à
tous
les
hauts
personnages
au
pouvoir,
honorés
et
que
leur
âge
rendait
vénérables.
En
effet,
on
l'a
vu
admiré
au
Concile
de
Romcla
ou
de
Tarse,
en
1179;
plus
tard,
envoyé
en
ambassade
auprès
de
l'empereur
et
autres
souverains,
et
enfin
dans
le
conseil
qui
devait
déposer
le
patriarche
Grégoire
V.
Bien
qu'alors
il
fît
un
acte
de
justice
et
qu'il
n'agît
que
pour
l'édification
de
l'Église
qui
comptait
alors
près
de
cent
évêques
sous
le
sceptre
patriarcal
d'un
enfant
sans
expérience,
on
ne
se
priva
pas
d'injurier
les
membres
du
Conseil
pour
avoir
chassé
leur
chef,
oint
et
vénérable.
Il
arrive
souvent
parmi
les
hommes
prompts
à
s'emporter
et
de
mœurs
dissolues,
qu'en
ces
circonstances
difficiles
mais
émouvantes
on
se
prend
à
blâmer
et
à
se
moquer
des
chefs
qui
paraissent
dociles,
surtout
s'ils
ont
quelques
ressentiments
ou
de
la
haine
contre
eux.
En
ce
moment
surtout
que
les
docteurs
de
la
Grande
Arménie
commençaient
à
prendre
le
Lambrounien
en
haine,
comme
il
le
fait
savoir
à
Léon
dans
une
lettre:
«
La
foule
qui
était
présente
ce
jour-là,
redoutant
votre
autorité,
nous
prit
à
votre
place
pour
le
but
de
ses
traits:
elle
mit
de
son
côté
tous
les
esprits
malfaisants
et
envieux»,
et
deversa
sur
le
Saint
toutes
les
calomnies
qu'elle
put
imaginer.
Celui-ci
dévoila
non
seulement
la
mauvaise
conduite
de
ses
adversaires,
mais
celle
suspecte
de
Léon
qui,
voulait
se
défaire
de
lui
pour
des
raisons
de
politiques
et
d'orgueil
et
laissait
le
Saint
tout
seul
se
débattre
entre
leurs
mains,
celui
qu'il
avait
honoré
cinq
fois
du
titre
d'ambassadeur
et
qu'il
avait
si
souvent
consulté.
Entre
autres
calomnies,
on
accusait
S.
t
Nersès
de
vouloir,
sous
prétexte
de
progrès,
introduire
bien
des
nouveautés
dans
l'église
arménienne.
On
excita
Léon
contre
lui,
on
voulait
lui
rendre
suspect
le
plus
grand
génie
de
cette
même
église.
Deux
fois
Léon
écrivit
à
celui-ci,
exigeant
qu'il
répondît
à
toutes
les
attaques
dont
il
était
accablé
de
la
part
des
moines
de
Haghpate
et
de
Kopayr
feignant
de
ne
pas
reconnaître
ses
actes
de
vertu.
Le
Saint
fut
obligé
encore
une
fois
de
rompre
le
silence;
il
écrivit
une
lettre
à
Léon.
Cette
lettre
est
une
des
plus
remarquables
productions
littéraires
de
Nersès.
Nous
ne
pouvons
la
citer
parce
que
nous
n'avons
à
nous
occuper
ici
que
de
l'histoire
proprement
dite
de
Léon.
Dans
cette
lettre
Nersès
démontra
à
celui-ci
qu'il
n'a
introduit
rien
de
nouveau
dans
le
Concile
qu'on
venait
de
tenir
et
qu'on
n'avait
agi
que
selon
son
avis,
à
lui
Léon.
Il
y
rappelle,
mais
de
loin,
les
circonstances
qui
ont
amené
l'internement
de
cet
enfant
élu
Catholicos,
comment
plusieurs
personnes
venues
pour
assiéger
le
fort
pendant
trois
jours,
où
il
était
retenu,
ont
trouvé
la
mort
à
Romcla;
pour
quels
motifs
enfin
les
amendes
ont
été
infligées
à
ses
parents,
à
lui-même
(au
Lambrounien),
dont
la
succession
devait
lui
revenir.
Il
s'exprime
ainsi:
«Nous
avons
obéi
à
votre
ordre
comme
s'il
eût
été
celui
de
Dieu
et
nous
avons
cru
que
c'était
Dieu
qui
vous
l'avait
inspiré
pour
vous
faire
voir
imperfection
du
Catholicos.
Nous
en
avons
fait
la
cause
de
nos
prières
et
nous
en
avons
recueilli
les
fruits,
c'est-à-dire
votre
bienveillance».
Il
ne
s'arrête
pas
ici
et
lui
dit
en
manière
de
reproches:
«Notre
sincérité
que
vous
avez
vue
de
vos
yeux
et
dont
vous
avez
joui,
parce
qu'elle
a
servie
de
point
de
mire
à
des
calomniateurs,
la
rendrai-je
ridicule?
Que
Dieu
éloigne
de
vous
la
voie
de
justice
de
Pilate!
Si
votre
pieté
vous
les
montre,
ces
calomniateurs,
dignes
d'une
réponse
de
ma
part,
notre
sagesse
se
refuse
à
leur
adresser
cette
réponse,
car,
selon
nous,
on
ne
doit
pas
répondre
à
l'impie»,
etc.
Nersès
ne
se
défendait
pas
soi-même,
il
défendait
la
vérité;
il
ne
prenait
plus
garde
si
c'était
à
son
souverain
qu'il
parlait,
sans
peur
il
donnait,
dans
ses
discours
et
dans
ses
lettres,
des
conseils
à
celui
que
tout
le
monde
redoutait.
Léon,
d'ailleurs,
comme
nous
l'avons
fait
remarquer,
n'agissait
ainsi
contre
le
Saint
que
par
l'apparence,
pour
s'attirer
les
personnes
qui
se
tenaient
à
l'écart
de
lui,
pour
reconcilier,
s'il
était
possible,
les
calomniateurs
et
les
calomnies,
et
non
pour
se
mettre
à
dos
le
Saint
dont
il
reconnaissait
le
mérite.
Peu
de
temps
après,
Léon
prouva
bien
le
grand
cas
qu'il
faisait
de
la
personne
du
Lambrounien
dont
son
esprit
et
son
cœur
se
souvenaient
toujours,
en
voulant
être
sacré
roi
par
lui
dans
l'Église
de
Tarse,
et
recevoir
la
couronne
de
ses
mains
et
en
le
choisissant
comme
son
ambassadeur
auprès
de
l'empereur
d'Orient,
comme
nous
le
verrons
par
la
suite.
Nersès,
lui
aussi,
reconnaissait
Léon
comme
supérieur
à
bien
des
princes
de
la
nation
arménienne,
près
ou
loin
de
cette
époque,
et
quoiqu'il
ne
s'effrayât
nullement
de
lui,
à
cause
du
caractère
sacré
dont
il
se
sentait
revêtu,
ou
à
cause
du
pouvoir
qu'il
exerçait
à
Lambroun,
ou
même
à
cause
de
sa
grande
réputation,
cependant
il
ne
lui
refusait
pas
le
respect,
les
égards,
et
les
honneurs
qu'au
fond
de
son
cœur
enflammé
de
zèle,
il
savait
lui
devoir.
Avant
même
que
les
faits
dont
nous
avons
parlé
fussent
advenus,
Nersès,
dans
les
mémorandum
de
ses
écrits,
appelait
Léon:
«
Notre
Souverain
ou
notre
Baron
Léon
qui,
à
cette
époque
(1190)
était
le
souverain
de
la
Cilicie
et
de
I'Isaurie
et
de
leurs
montagnes».
Dans
la
lettre
qu'il
écrivit
à
celui-ci
en
1194,
avant
même
que
Léon
eût
été
proclamé
roi,
par
les
autres
barons,
il
lui
disait
déjà:
«
Vous
notre
Roi
»
et
il
le
félicitait
de
ce
que
son
royaume
égalait
celui
des
Constantin
et
des
Théodose.
Deux
ans
après,
en
1196,
Léon
ayant
reculé
les
frontières
de
l'Arménie,
Nersès
écrivait:
«La
main
du
roi
Léon
qui
gouverne
la
Cilicie
et
les
provinces
de
l'Isaurie
…
à
la
gloire
de
Jésus-Christ
et
pour
la
puissance
des
Chrétiens».
A
la
fin
de
sa
vie,
il
écrivait
encore
plus
généreusement
et
il
lui
légua
ces
paroles
comme
un
précieux
testament:
«Léon
des
Roupéniens,
roi
des
Arméniens,
le
pieux
et
le
glorieux
en
Dieu,
dont
le
nom
puissant
lui
valut
l'amitié
de
Henri
l'empereur
de
l'ancienne
Rome,
et
d'Alexis,
l'empereur
de
la
nouvelle
Rome,
qui
tous
deux
le
couronnèrent
de
pierres
précieuses.
Que
Jésus-Christ
notre
Dieu
nous
le
conserve
bien
des
jours
encore
pour
d'éclatantes
victoires,
et
qu'en
le
transportant
d'ici-bas
aux
Cieux,
il
lui
accorde
la
couronne
des
Saints
Rois
et
le
fasse
participer
à
leur
gloire,
dans
les
régions
de
la
lumière!»
La
puissance
et
la
sagesse
de
Léon
ne
lui
avaient
pas
valu
seulement
de
diriger
église
nationale,
il
était
encore
en
quelque
manière
le
conseil
de
toute
l'Église
d'Orient
dans
leurs
plus
graves
questions.
Les
Syriens
avaient
élu
patriarche
Michaël
le
Jeune,
non
pas
en
raison
de
consentement
général,
puisqu'au
contraire,
quelques
évêques
ne
reconnaissaient
pour
leur
pontife,
en
1208,
que
le
savant
Jean
Josué,
surnommé
le
Petit.
Ce
dernier,
pour
être
confirmé
dans
sa
dignité,
s'en
vint
en
Cilicie
et
demeura,
pendant
un
an,
au
couvent
syrien
de
Baximate,
jusqu'à
ce
que
les
religieux
du
monastère
de
Cavigate,
près
de
Sis,
vinssent
prier
Léon
de
lui
donner
une
lettre
de
recommandation
pour
le
Sultan
de
Mélitine,
Muezzeddin,
qui
tenait
alors
sous
son
autorité
le
siège
des
patriarches
Syriens.
Josué,
certain
maintenant
de
son
patriarcat,
se
rendit
auprès
du
Sultan
après
s'être
arrêté
quelque
temps
encore
dans
le
couvent
de
Cavigate
que
Léon
lui
avait
donné.
C'est
à
ce
monastère
que
nous
avons
vu
plus
tard,
sous
Héthoum,
résider
d'autres
patriarches
et
métrapolitains
Syriens
qui
venaient
s'y
réfugier
pour
être
en
sûreté.
(
Voir
Sissouan
pag.
221
).