Léon
eut
plus
de
peine,
cela
va
sans
dire,
à
unir
les
Arméniens
entre
eux
pour
le
bien
de
la
patrie
qu'il
n'en
eût
à
assujettir
les
étrangers.
Bien
des
seigneurs
arméniens,
présomptueux
et
indociles
envers
leur
souverain,
se
soumettaient
plus
aisément
au
joug
pesant
d'un
ennemi
qu'à
l'autorité
paternelle
de
Léon.
Un
prince
venait-il
à
s'ériger
en
chef,
faisait-il
éclater
des
mérites
et
valoir
des
droits
quelconques,
que
les
autres
se
regardaient,
eux
aussi,
comme
devant
se
soulever
et
se
livraient
combat.
Mais,
cette
fois,
Léon
eut
le
dessus,
grâce
à
son
habileté
et
à
son
énergie
et
parce
qu'il
était
dans
son
droit.
Il
était
dans
son
droit
parce
que
le
pays
qu'il
possédait,
il
l'avait
acquis
au
prix
de
flots
de
sang
versés
par
ses
ancêtres
dans
les
luttes
qu'ils
avaient
eu
à
soutenir
pour
arracher
aux
musulmans
et
surtout
aux
Grecs,
les
terres
qu'il
avait
réparties
entre
des
gens
dignes
de
les
posséder;
et
ceux-ci,
selon
les
lois
de
vasselagc
devaient
se
montrer
fidèles
et
reconnaissants
envers
leur
bienfaiteur,
qui
leur
avait
confié
ces
terres,
car
autrement
ils
étaient
coupables
et
Léon
n'avait
plus
à
les
considérer
que
comme
des
révoltés.
De
ce
côté,
Léon
n'eut
pas
de
grands
obstacles
à
surmonter:
les
barons
acceptèrent
volontiers
sa
suzeraineté
comme
ils
avaient
accepté
celle
de
Roupin.
D'ailleurs,
lequel
d'entre
eux,
tous
inférieurs
en
forces,
eût
pu
s'opposer
à
la
puissance
d'un
si
fort
souverain!
Et
pourtant,
il
y
en
avait
parmi
eux
qui
se
considérait
comme
libres
de
toute
obligation
envers
les
princes
de
la
dynastie
de
Roupin.
C'étaient
les
grands
Barons
et
les
seigneurs
des
châteaux-forts
comme
nous
le
disent
certains
passages
de
nos
historiens.
Ceux-là
tenaient
leurs
territoire
ou
leurs
châteaux
non
point
des
Roupéniens,
mais
des
autres
maîtres
du
pays,
c'est-à-dire
des
empereurs
de
Byzance,
ou
ils
les
avaient
gagnés
par
eux-mêmes,
de
leurs
propres
mains
et
par
leurs
seules
forces.
Les
plus
célèbres
étaient
les
Aboulgharibiens
et
les
Héthoumiens,
seigneurs
de
Babéron
et
de
Lambroun,
les
Nathanaëliens,
seigneurs
d'Asgouras.
Mais
il
y
en
avait
probablement
d'autres
encore.
Il
se
fiaient
à
leurs
forces,
ou
ils
avaient
recours
à
l'empereur
grec
et
ils
espéraient
rester
seuls
maîtres
de
leurs
possessions.
Comme
ils
mettaient
une
barrière
infranchissable
à
l'extension
de
la
puissance
de
Léon,
que
celui-ci
voulait
agrandir
toujours,
Léon,
pour
atteindre
le
but
qu'il
s'était
proposé,
devait
les
abattre
tous.
Il
lui
fallut
donc
employer
l'artifice,
déployer
la
plus
énergique
persévérance
pour
en
venir
à
bout.
L'histoire
ne
nous
dit
pas
leurs
noms,
mais
il
dut
y
avoir
plus
d'un
ou
deux
de
ces
grands
barons
qui
vinrent
apporter
leur
soumission
à
Léon
et
lui
jurer
obéissance
plutôt
qu'à
l'empereur,
parce
que
celui-ci
n'enverrait
pour
les
protéger
que
des
troupes
peu
nombreuses
et
qu'ils
auraient
à
attendre,
car
l'empereur
était
loin
d'eux,
tandis
que
Léon
était
tout
proche,
que
son
armée
était
puissante
et
qu'elle
serait
prompte
à
venir
à
leur
défense.
Il
n'y
eut
que
le
château-fort
de
Lambroun
qui
résista
longtemps
à
la
puissance
des
Roupéniens
et
qui,
sans
céder,
soutint,
à
plusieurs
reprises,
sièges
et
assauts.
Léon
comprit
enfin
que
ce
n'était
pas
par
les
armes
qu'il
réduirait
cette
place.
Des
pourparlers
eurent
alors
lieu
des
deux
côtés.
Par
convenance
le
Baron
d'Arménie
se
réconcilia
avec
le
plus
noble
de
tous
les
barons,
avec
Héthoum,
seigneur
de
Lambroun,
dont
le
frère
S.
t
Nersès
de
Lambroun,
cette
haute
et
fine
intelligence,
reconnaissait
déjà
Léon
pour
souverain
et
roi
des
Arméniens
et
ne
craignait
pas
de
le
dire
dans
ses
lettres
et
ses
écrits.
De
la
part
donc
de
Lambroun,
tout
obstacle
était
surmonté,
le
temps
devait
faire
le
reste,
c'est-à-dire
dissiper
tout
malentendu,
applanir
toute
difficulté
et
resserer
les
liens
d'amitié.
C'est
ce
que
Léon
prit
à
tâche
de
réaliser,
comme
nous
le
verrons
plus
loin.
Nous
pouvons
donc
dire
que,
dès
les
premières
années
de
sa
souveraineté,
Léon
étendit,
avec
une
autorité
absolue,
ses
frontières
des
portes
de
Séleucie
aux
portes
d'Antioche,
et
du
littoral
de
Tarse
jusqu'aux
régions
du
Taurus
et
de
l'Anti-Taurus,
embrassant
les
pays
de
Pamphylie,
d'Isaurie,
une
partie
de
Lycaonie,
de
Cataonie
et
de
Germanicée
(Marache).
Tous
les
princes
et
seigneurs,
grands
et
petits,
de
ces
contrées
lui
obéissaient
plus
ou
moins
et
le
reconnaissaient
pour
leur
souverain.
Dans
leur
nombre,
il
faut
compter
aussi
les
chefs
des
églises
et
les
évêques,
s'il
y
en
avait,
comme
dans
les
temps
suivants,
des
maîtres
des
cantons
et
des
châteaux.
La
loi
était
pour
tous
indistinctement.
Comme
à
l'époque
de
la
royauté
des
Bagratides,
le
roi
devait
introniser
l'évêque
et
le
patriarche
et
s'interposer
dans
les
grandes
questions
religieuses:
ainsi
Léon,
avant
même
d'être
couronné
roi,
s'attribua-t-il
cette
prérogative,
bien
que
son
territoire
ne
fût
qu'une
très
minime
partie
du
vaste
pays
où
les
évêques
et
le
peuple
arméniens
s'étaient
répandus
sous
divers
gouvernements,
mais
Léon
était
le
plus
puissant
prince
des
Arméniens
de
l'époque;
en
outre
le
siège
du
Catholicos
se
trouvait
près
des
frontières
de
ses
Etats,
à
Romcla.
En
un
mot,
comme
il
était
puissant,
tous
le
respectèrent
et
il
sut
agir
avec
dignité
en
traitant
les
affaires
du
patriarche
et
des
évêques.
On
a
vu,
dans
le
courant
de
ce
récit,
qu'à
l'arrivée
de
Frédéric,
le
chef
de
l'église
arménienne,
invité
par
Léon,
se
rendit
avec
lui
à
la
rencontre
de
l'empereur.
Puis
nous
l'avons
vu
envoyé
encore
auprès
du
fils
de
l'empereur
quand
ce
prince
était
malade.
Plus
tard,
nous
l'avons
vu
recevoir
des
missives
du
Pape
en
même
temps
que
Léon.
Ce
patriarche
(Grégoire
IV
Degha)
paraît
avoir
toujours
partagé
les
manières
de
voir
de
Léon
et
avoir
agi
dans
le
même
sens.
Il
avait
succédé
à
S.
t
Nersès
Chenorhali
(le
Gracieux)
du
temps
de
la
tyrannie
de
Melèh.
Quand
il
mourut,
Léon
et
S.
t
Nersès
de
Lambroun
l'ensevelirent
et
le
firent
inhumer
au
couvent
de
Trasargue
où
il
avait
rendu
le
dernier
soupir,
le
16
ou
le
25
Mai,
1193.
On
voit
encore
une
preuve
de
la
souveraineté
de
Léon
quand
il
désigna
pour
succéder
au
patriarche
défunt,
le
neveu
même
de
celui-ci,
Vahram
Grégoire
V.
Car
Nersès
de
Lambroun
écrivait
à
Léon:
«Votre
piété
nous
a
appelé
pour
nommer
le
jeune
Catholicos».
Mais
où
la
souveraineté
de
Léon
fut
manifeste
et
plus
éclatante
c'est
quand
il
déposa
ce
même
dernier
Catholicos.
D'après
notre
historien
«lorsqu'il
(Vahram
Grégoire)
fut
nommé
catholicos,
il
ne
voulut
plus
obéir
aux
ordres
de
ses
précepteurs
comme
auparavant,
au
contraire,
il
agit
en
toute
liberté
et
selon
son
gré
comme
il
avait
vu
faire
à
son
oncle.
Alors
les
hauts
personnages
le
prirent
en
haine,
ils
allèrent
à
Léon
et
lui
dirent:
II
n'a
pas
la
sagesse
qu'exige
la
charge
du
patriarcat.
Ils
le
couvrirent
de
toutes
les
calomnies,
et,
après
deux
ou
trois
reprises,
ils
animèrent
Léon
contre
lui.
Celui-ci
manda
aussitôt
l'archevêque
Jean
au
fort
de
Romcla
pour
y
agir
selon
sa
sagesse.
Ce
dernier
s'y
rendit
et
fut
présenté
en
grande
cérémonie
au
Catholicos,
qui
accueillit
son
hôte
avec
considération
et
en
compatriote.
Mais
l'archevêque
Jean,
pendant
qu'ils
étaient
à
table,
fit
avec
l'aide
de
ses
serviteurs,
fermer
les
portes
du
château.
Il
s'éleva
une
grande
rumeur,
et
le
patriarche,
effrayé,
demanda
à
Jean:
Qu'est-ce
que
j'entends?
Jean
lui
répondit:
Tu
es
en
mon
pouvoir!
Aussitôt
il
le
fit
enfermer
dans
une
chambre
autour
de
laquelle
il
mit
des
gardes.
La
nouvelle
s'en
répandit
au
dehors
du
château
et
aux
alentours;
le
peuple
s'arma
alors
et
assaillit
la
forteresse,
contre
laquelle
il
combattit
trois
jours
avec
des
flèches,
mais
comme
ces
hommes
ne
purent
rien
faire,
ils
finirent
par
se
retirer.
Jean
amena
alors
le
patriarche
inculpé
à
Léon
qui
le
fit
enfermer
dans
le
fort
de
Gobidara
pour
y
rester
quelque
temps».
Nous
ne
nous
occuperons
pas
ici
des
actes
du
patriarche,
mais
de
ceux
de
Léon,
qui
d'après
les
dernières
paroles
de
l'historien,
fit
enfermer
pour
quelque
temps
le
jeune
Catholicos
pour
le
mettre
en
pénitence
et
le
faire
juger
par
un
concile,
selon
le
droit
canonique.
Parmi
ceux
qui
furent
désignés
pour
faire
partie
de
ce
concile,
se
trouvait
l'indispensable
S.
t
Nersès
de
Lambroun.
Celui-ci
blâmait
les
actes
du
Catholicos
sans
expérience
et
désapprouvait
son
élection,
mais
il
désapprouvait
bien
plus
la
manière
dont
on
l'avait
déposé
et,
prévoyant
les
conséquences
qui
devaient
s'en
suivre
il
refusa
de
prendre
part
au
conseil
qui
allait
condamner
le
chef
de
son
église.
Léon
dut
lui
écrire
cinq
fois
et
le
contraindre
à
participer
au
Concile.
Là,
Léon
convainquit
la
multitude
des
évêques
présents
qu'il
fallait
déposer
le
Catholicos,
trop
jeune
d'âge
et
d'esprit:
ce
que
Vahram
Grégoire
fit
bien
voir
en
effet.
Il
avait
écouté
ses
partisans
qui
lui
conseillèrent
de
s'évader
de
la
forteresse,
où
«il
se
rendit
comme
un
enfant.
Prenant
un
drap,
il
l'accrocha
à
la
fenêtre
pendant
la
nuit,
afin
de
pouvoir
descendre
le
mur.
Mais
le
drap
vint
à
se
déchirer,
Vahram
tomba
et
se
tua.
On
transporta
son
corps
à
Trasargue
et
on
l'y
enterra
près
de
son
oncle,
en
1194».
C'est
pour
cela
que
Vahram
fut
appelé
Karavèje,
(précipité
du
rocher).
On
ne
peut
mettre
en
doute
que
ce
fut
à
l'instigation
de
Léon
et
avec
son
approbation,
que,
dans
le
même
conseil,
qui
allait
déposer
le
Catholicos,
on
choisit
pour
succéder
à
Vahram
Grégoire,
le
vieux
Grégoire
VI
Abirad,
neveu
de
Grégoire
III.
et
de
S.
t
Nersès
de
Chenorhali
(le
Gracieux).