Léon
avait
la
docilité
de
cœur,
mais
il
était
tenace
dans
ses
volontés,
il
avait
l'esprit
prompt
et
ardent,
il
était
doué
d'une
grande
finesse
d'intelligence.
Mais
il
subissait
comme
tout
le
monde
les
ravages
du
temps
et
était
comme
le
reste
de
l'humanité
astreint
aux
lois
de
la
nature.
Il
était
au
déclin
de
ses
jours
et
sa
force
physique
ne
lui
permettait
plus
guère
de
suivre
les
impulsions
de
son
âme.
C'est
peut-être
le
surcroît
incessant
infligé
à
ses
forces
actives
qui
lui
occasionna
ce
tremblement
nerveux
qui
agitait
ses
pieds
et
ses
mains,
ces
douleurs
vives
qu'on
appelle
communément
goutte
ou
rhumatisme
et
auxquelles
les
Turcs
donnent
le
nom
de
Nikrisse.
C'est
le
mot
dont
se
sert
Sempad:
«
Léon
arrivé
à
la
vieillesse,
fut
pris
par
la
Nikrisse
qui
le
rendit
impotent
des
mains
et
des
pieds
».
Notre
historien
appelle
cette
maladie:
mal
royal,
est-ce
par
flatterie
pour
le
roi
qu'il
l'appelle
ainsi,
ou
les
Orientaux
lui
donnaient-ils
ce
nom
?
On
la
désigne
encore
sous
le
nom
de
mal
de
Baron
dans
nos
manuscrits.
Léon
était
atteint
de
cette
maladie
depuis
quelques
années,
mais
cela
ne
lui
avait
point
fait
négliger
les
affaires
de
son
gouvernement,
cela
ne
l'avait
nullement
empêché
de
courir
d'un
lieu
à
l'autre
lorsque
les
circonstances
l'exigeaient.
Il
fallut
que
son
mal
s'aggravât
considérablement
avec
sa
vieillesse,
pour
qu'en
temps
de
guerre,
il
ne
se
mît
plus
à
la
tête
de
ses
armées.
Son
voisin,
le
sultan
d'Iconie,
voyant
Léon
dans
cet
état,
(il
y
avait
six
ou
sept
ans
qu'il
avait
passé
un
traité
de
paix
avec
lui
),
voyant
aussi
que
tous
les
princes
croisés
de
l'Occident
étaient
retenus
alors
—
c'était
vers
la
fin
de
l'année
1216
—
par
le
siège
de
Damiette,
rompit
le
traité.
A
la
tête
d'une
forte
armée,
il
franchit
les
frontières
du
royaume
de
Léon
et
vint
mettre
le
siège
devant
le
fort
de
Gaban,
qui
était
regardé
comme
l'une
des
meilleures
forteresses
du
pays.
Les
Arméniens,
en
perdant
Gaban,
eussent
fait
une
perte
immense,
mais
le
sultan
ne
parvint
qu'à
moitié
à
s'en
rendre
maître.
Car
le
gouverneur
et
seigneur
de
ce
château,
le
Baron
Léon
lui
résista
courageusement
et
fit
prévenir
le
roi
Léon
qu'il
était
assiégé.
Mais
avant
que
les
troupes
du
Roi
qui
venaient
pour
le
soutenir
ne
fussent
arrivées,
la
garnison
du
fort
et
les
barons
qui
s'y
trouvaient
firent
une
sortie,
se
jetèrent
à
l'improviste
sur
l'ennemi
et,
bouleversant
son
camp,
mirent
le
feu
à
ses
ballistes
de
bois
et
se
reployèrent
immédiatement
et
rentrèrent
dans
leur
citadelle.
Les
troupes
de
Léon,
composées
de
cavalerie
et
d'infanterie,
arrivèrent.
Elles
étaient
placées
sous
le
commandement
du
jeune
Connétable
Constantin,
fils
du
gendre
du
Roi
(que
nous
pourrions
dire
un
autre
Léon,
après
Léon,
notre
Roi,
car
il
fut
le
soutien
de
son
royaume
pendant
cinquante
années).
Constantin
était
accompagné
du
grand
seigneur
et
bailli
Adan,
et
de
beaucoup
d'autres
grands
barons,
parmi
lesquels
se
trouvait
Constantin,
fils
de
Héthoum-Elie.
Les
Arméniens
mirent
leur
camp
près
de
Choghagan,
au
pied
de
la
montagne
de
ce
nom.
Nous
voudrions
pouvoir
préciser
l'endroit.
Le
sultan
accourut
avec
son
armée,
abandonnant
pour
l'
instant
le
siège
du
fort,
et
campa
en
face
d'eux
à
l'endroit
appelé
Jézédi
(?),
également
proche
de
Choghagan.
Le
combat
fut
décidé
pour
le
lendemain.
Je
ne
saurais
dire
quel
côté
prit
l'offensive.
Tout
d'abord
ce
furent
les
troupes
de
Constantin
qui
furent
victorieuses;
elles
repoussèrent
l'armée
du
Sultan
et
la
poursuivirent.
Constantin
croyait
que
le
Sire
Adan,
en
faisait
autant
de
son
côté
pour
l'autre
aile
de
l'ennemi;
mais
il
arriva
trop
tard
ou
ne
prit
aucune
part
au
combat.
L'ennemi,
reprenant
courage,
prit
les
troupes
de
Constantin
de
flanc,
ses
fuyards
se
rallièrent,
bientôt
ils
cernèrent
Constantin
de
tous
les
côtés
et
le
forcèrent
à
se
rendre.
C'est
ainsi
que
le
Connétable
des
Arméniens
fut
fait
prisonnier
en
même
temps
que
Constantin
de
Lambroun;
Kyr
Isaac,
seigneur
de
la
forteresse
de
Sigh,
Vassil
Oksentz,
et
d'autres
princes
et
chevaliers,
et
que
plusieurs
autres
princes
restèrent
sur
le
champ
de
bataile.
Le
sultan
prit
les
prisonniers
avec
lui
et
s'en
revint
continuer
le
siège
de
Gaban.
L'historien
Vahram
suppose
que
Léon,
après
avoir
envoyé
les
premières
troupes,
vint
les
rejoindre
avec
un
autre
corps
d'armée.
Il
dit:
«
Cependant
les
soldats
perdant
la
tête,
Et
n'attendant
pas
le
roi,
A
peine
l'ennemi
aperçu,
livrèrent
combat,
Et
furent
vaincus
par
les
infidèles.
Beaucoup
d'entre
eux
furent
tués,
D'autres
faits
prisonniers
».
Il
ne
paraît
pas
probable
que
tout
d'abord
Léon
ait
voulu
prendre
part
à
cette
affaire,
puisqu'il
y
envoya
ses
deux
plus
grands
barons
et
ministres
en
qui
il
avait
mis
toute
sa
confiance,
en
même
temps
qu'il
leur
avait
donné
des
troupes
qu'il
croyait
suffisantes,
mais
lorsqu'il
reçut
la
nouvelle
de
la
défaite
de
Constantin
et
du
péril
dans
lequel
se
trouvait
le
fort
de
Gaban,
il
ne
prit
plus
garde
au
mauvais
état
de
sa
santé
et,
s'armant
de
ses
ruses
d'habitude,
il
leva
autant
de
soldats
qu'il
lui
fut
possible,
se
mit
à
leur
tête
et,
comme
en
général
jeune
encore,
arriva
par
des
chemins
ignorés
aux
frontières
de
Cesarée.
Il
y
porta
la
dévastation
et
de
là
se
dirigea
sur
le
sultan.
Celui-ci,
quand
il
en
eut
connaissance,
craignant
de
perdre
ce
qu'il
avait
pris,
se
contenta
des
prisonniers
qu'il
avait
faits
et,
sachant
bien
aussi
qu'il
lui
serait
impossible
de
s'emparer
de
Gaban,
revint
en
hâte
dans
ses
Etats.
D'après
le
dire
de
quelques-uns
de
nos
historiens,
il
paraîtrait
que
le
Sultan
se
serait
réellement
contenté
d'avoir
fait
prisonniers
le
généralissime
des
Arméniens
et
les
grands
seigneurs
ses
officiers
et
qu'il
aurait
abandonné
son
projet
de
s'emparer
de
Gaban.
Mais
cela
est
peu
probable,
puisqu'il
était
revenu
continuer
le
siège
de
ce
château-fort
après
avoir
vaincu
Constantin
et
lui
avoir
pris
un
grand
butin.
Les
assiégés
auraient
même
dû
plutôt
se
rendre
soit
par
crainte,
soit
par
découragement,
car
ils
ne
prévoyaient
aucune
issue
favorable,
puisque
l'
armée
arménienne
avait
été
défaite.
Il
faudrait
donc
admettre
que
le
sultan
se
trompa
en
voyant
que
les
soldats
de
Léon
n'étaient
pas
à
bout
de
forces
comme
il
l'avait
cru
et
qu'il
s'empressa
de
regagner
ses
Etats
quand
il
était
encore
victorieux
dans
la
crainte
d'être
obligé
d'y
rentrer
en
vaincu.
Il
pensa,
—
et
je
crois
plutôt
ceci,
—
que
bien
que
Léon
pût
venir
envahir
son
territoire,
il
ne
le
ferait
pas
immédiatement,
car
il
n'était
pas
alors
en
état
de
tenir
tête
à
cette
multitude
de
troupes
du
sultan.
Il
ne
pouvait
pour
le
moment
que
ranimer
le
courage
de
son
armée,
combler
les
vides
de
ses
rangs
et
venir
prendre
sa
revanche
à
un
moment
favorable.
C'est
même
pour
cela
qu'il
ne
se
depêcha
pas
de
demander
la
reddition
des
prisonniers
et
qu'il
abandonna
pour
l'instant
ses
plus
chers
et
utiles
officiers
à
l'ennemi.
Il
attendait
peut-être
aussi
que
Damiette
fut
prise,
parce
qu'après
cela,
les
Croisés
se
seraient
sans
doute
dispersés
et
qu'il
aurait
pu
alors
demander
aide
à
ses
fidèles
chevaliers.
Mais
le
siège
de
cette
place
se
prolongeait
et
Léon
attendit
vainement
la
nouvelle
de
la
prise.
De
jour
en
jour
ses
forces
diminuaient.
Ce
n'est
qu'après
seize
mois
de
leur
captivité
qu'il
se
décida
à
délivrer
ses
barons
et
qu'il
demanda
qu'on
les
lui
rendît.
Il
leur
laissa
le
soin
de
reprendre,
avec
le
temps,
ce
qu'il
donna
pour
leur
rançon:
le
fort
de
Loulou
et
le
Château
de
Lauzade,
dans
la
vallée
de
l'Isaurie,
sans
prendre
en
considération
que
ces
forteresses
étaient
de
célèbres
garnisons.
Car,
selon
la
réflexion
du
Connétable
—
historien,
fils
de
Constantin
le
Connétable
prisonnier,
«il
vaut
mieux
pour
le
roi
un
bon
vassal
que
toute
autre
richesse
».
Le
père
de
celui-ci
qui
dit
ceci,
récompensa
bien
le
Roi
de
sa
générosité.
«
Après
la
mort
du
roi,
le
connétable
Constantin
rendit
en
effet
cent
fois
plus
de
bien
à
la
fille
du
roi
»,
à
Zabèle.
La
délivrance
des
prisonniers
eut
lieu
vers
le
milieu
de
l'année
1218,
peu
de
temps
avant
la
mort
de
Léon.