Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

Հեղինակ

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  Le vieux patriarche Grégoire Abirad qui avait délivré de la prison et peut-être même initié son neveu Héthoum à la vie religieuse, finit ses jours auprès du Roi, après avoir occupé neuf ans le siège pontifical arménien. Il mourut le 4 Mars 1203 et fut inhumé dans le célèbre couvent d'Arkagaghine. En lui s'éteignit la famille des Pahlaviens qui donna dans l'espace de près de cent quarante ans, c'est-à-dire de 1065 à 1203, cinq Catholicos du nom de Grégoire, II, III, IV, V et VI, et le plus illustre de tous Nersès Chenorhali (le Gracieux). Léon avait vécu sous les trois derniers Grégoire; il en avait lui-même mis deux sur le trône pontifical et en avait déposé un: Grégoire V (le Karavèje). Sur sa proposition et sur son avis, on donna pour successeur aux Pahlaviens un Héthoumien, et l'on élut le fils de Constantin, oncle de Héthoum-Elie et de S. Nersès, Jean VII. Celui-ci joignait à noblesse de son origine, celle du cœur et de l'esprit. On lui donna le surnom de Magnanime. Quelques-uns l'appellent aussi Zon; j'ignore ce que ce mot signifie. Comme son parent S. Nersès de Lambroun, qui avait été archevêque de Tarse, l'ancienne capitale de la Cilicie, Jean, fut sacré archevêque de la nouvelle, Sis, en même temps qu'il était Abbé du Couvent de Trazargue. Au sacre de Léon, il venait le troisième après les archevêques de Missis et de Gabane. Jean, qui brillait au-dessus de tous les autres par sa grandeur d'âme et d'esprit, était après l'inégalable Nersès, le premier génie du clergé, en même temps qu'un homme actif et entreprenant. Il fut nommé par Léon Chancelier du Royaume. Peut-être fut-ce aussi parce qu'il était versé dans les langues et les lettres; ce qui fut toujours un privilège de la famille des Héthoumiens. Quelque temps plus tard, il fut désigné pour juge des différends entre les Occidentaux établis à Sis et dans d'autres villes ou qui y étaient venus pour faire un trafic. Nous avons vu 1 comment il se rendit à Romcla et par quels moyens il se saisit du jeune Catholicos Grégoire, en 1195, qu'il fit prisonnier et conduisit à Léon. Nous l'avons vu encore une fois, à l'arrivée de la quatrième croisade, se rendre en ambassade à Ptolémaïs auprès du légat du Pape et de l'Empereur, et lui demander la couronne pour Léon. Après la réception des insignes royaux, Jean, ajoutait à celles du roi et du Catholicos, sa lettre personnelle de remerciement au Pape et le priait de lui envoyer la mitre et l'anneau pour s'être montré ardent promoteur de l'union de l'Église arménienne avec l'Église latine, et avoir stimulé la Croisade. Il parvint à obtenir tout ce qu'il demandait au Pape. Elu Catholicos, il lui écrivit encore une lettre aussi adroite que généreuse, à la suite de la question d'Antioche, à l'heure les contestations devenaient de plus en plus envenimées, le cardinal Pierre ne savait plus quelle résolution prendre, Léon s'endurcissait dans son obstination, enfin, le Conseil réuni à Antioche avait frappé le roi d'excommunication. Dans cette lettre, Jean se plaignait comme Léon de ce qu'on avait prononcé à la hâte la sentence, sans avoir même admis à l'assemblée le clergé arménien. En même temps, il faisait comprendre au Pape quelle peine il avait eue, lui, le Catholicos, pour amener ses compatriotes à se soumettre à la décision de ses légats. Il lui disait qu'enfin il avait fini par faire accepter quelques-unes des clauses émises par ces derniers, mais que, pour les autres, il remettait à un temps plus favorable pour les leur faire admettre et qu'il allait, à ce sujet, convoquer un grand concile, auquel il appellerait tous les évêques des différentes régions ou la plupart. Jean fut élu Catholicos pendant la cinquième année du régne de Léon et mourut un an après lui. Pendant la plus grande partie de son activité, même avant son élection, il fut en communauté d'opinions avec Léon, excepté pourtant pendant un laps de quelques années il fut compl é tement en contradiction avec lui. Jean est le seul qui ait osé se mettre et rester, même après sa disgrâce, en opposition avec Léon, tout comme celui-ci sut conserver son prestige et son autorité, même après avoir été excommunié. Le surnom qui lui fut donné (le Magnanime), nous indique qu'il fut doué d'une force de caractère qui est plutôt, peut-être, le propre d'un prince que d'un ecclésiastique. Au dire de notre historien, « c'était un homme adroit, prudent et libéral; sa table était approvisionnée comme celle d'un roi; il était humble de cœur et modeste dans ses dehors; il négligeait les choses spirituelles; il aimait les gens vertueux et ne permettait pas qu'on divulguât les fautes des ecclésiastiques. Il était entreprenant; il faisait des constructions et les meublait complètement. C'est lui qui fortifia si grandiosement le château de Romcla, et pour le faire, il enleva aux églises bien des objets d'or et d'argent. Tous ceux qui venaient à lui, il les comblait de bienfaits » 2.

On pourrait croire que Léon fut la cause indirecte de toutes ces dissipations; car en déposant le Catholicos Jean et en pour suivant, il lui avait retiré une partie de son traitement. Jean qui peut-être suspectait Léon de vouloir se saisir de sa personne comme il lui avait fait faire autrefois pour le Catholicos à Romcla, avait fait fortifier extraordinairement ce château et pour trouver les moyens de l e faire, avait dépouillé les églises de trésors inestimables et fait disparaître les magnifiques souvenirs des Catholicos Pahlaviens. Quant à la cause des différends survenus entre Léon et Jean, ces deux superbes personnages, elle était presque la même que celle qui avait animé le roi contre les Héthoumiens. La voici telle que nous la connaissons.

1 Voir page 143.

2 Ceci est pris dans le vieux manuscrit de notre historien. Dans l'épitomæ du Connétable Sempad on y ajoute, comme le tenant d'un témoin oculaire, mais ce témoin ne peut pas être Sempad, car il était encore trop jeune alors et ne se trouvait même pas à Romcla que: «Jean VII enleva ( entre autres objets sacrés ) un Reliquaire en or et en argent et monté de pierres précieuses que Nersès Chenorhali avait d'abord fait faire et qu'ensuite Grégoire Abirad avait enrichi d'ornements et sur lequel il avait fait graver leurs deux noms: la grande Croix d'or du Baron Vassil avec la Croix de Grégoire, qu'il fit fondre en un lingot d'or. Il s'empara encore d'une grande quantité de perles et de pierres précieuses, il fit arracher la reliure en or de l'Evangéliaire du Catholicos Grégoire, qui était orné de pierres précieuses et de perles; il fit aussi arracher l'Ephod, Hoxintivlate de Nersès, qui était cousu avec du fil d'or et se tenait droit comme s'il eut été fait d'une masse d'or toute entière: il en retira tout l'or ainsi que les pierres précieuses et les perles qui existaient sur un devant d'autel, qu'avait fait faire le Catholicos Grégoire; il enleva le grand Lampadaire que le Catholicos Gregoris, avait fait suspendre à la coupole de l'église de S. Grégoire; il s'empara également des Ceintures du Catholicos Grégoire qui les avait fait broder d'or et garnir de perles et de pierres précieuses. Mais ne nous blâmez pas de ce que nous disons ces choses, car nous ne les avons pas entendu raconter, mais nous les avons vu faire de nos yeux et nous avons touché de nos mains ces objets lorsqu'on les enlevait et nous avons versé des larmes en voyant qu'on nous privait de tant de riches ornements. En revanche, il fit fortifier considérablement la forteresse (de Romcla)».

Les Grecs exprimaient l'éclat des couleurs et surtout celle de la pourpre par le mot ó ξει ̃ ς ou οξεός; en joignant à ce mot grec le mot latin blatta qui signifie cochenille, nous avons l' oxyblatte, donc le mot que notre historien écrit par erreur, hoxintivlate, exprime cette couleur vive de la pourpre émaillée de fils d'or.