La 
    
     façon 
    
     dont 
    
     nous 
    
     avons 
    
     ordonné 
    
     notre 
    
     récit 
    
     nous 
    
     oblige 
    
     une 
    
     fois 
    
     encore 
    
     à 
    
     faire 
    
     le 
    
     parallèle 
    
     entre 
    
     Léon 
    
     et 
    
     le 
    
     pape 
    
     Innocent 
    
     III. 
    
     Ils 
    
     sont, 
    
     selon 
    
     moi, 
    
     les 
    
     deux 
    
     personnages 
    
     les 
    
     plus 
    
     illustres 
    
     de 
    
     l'époque 
    
     et 
    
     méritent 
    
     tous 
    
     les 
    
     deux 
    
     d'être 
    
     appelés 
     
      Grands. 
    
     Tous 
    
     les 
    
     historiens 
    
     sont 
    
     d'accords 
    
     pour 
    
     proclamer 
    
     qu'Innocent 
    
     fut 
    
     un 
    
     des 
    
     Papes 
    
     qui 
    
     ont 
    
     montré 
    
     le 
    
     plus 
    
     de 
    
     génie 
    
     et 
    
     le 
    
     plus 
    
     de 
    
     prépondérance, 
    
     et 
    
     pour 
    
     dire 
    
     que 
    
     peu 
    
     des 
    
     Pontifes 
    
     qui 
    
     se 
    
     sont 
    
     assis 
    
     sur 
    
     le 
    
     trône 
    
     apostolique 
    
     l'ont 
    
     égalé, 
    
     sont 
    
     allés 
   
    à 
    
     sa 
    
     hauteur. 
    
     Après 
    
     Grégoire 
    
     VII, 
    
     qui 
    
     fut 
    
     en 
    
     correspondance 
    
     avec 
    
     notre 
    
     Catholicos 
    
     le 
    
     Martyrophile 
    
     et 
    
     qui 
    
     portait 
    
     aussi 
    
     le 
    
     nom 
    
     de 
    
     Grégoire, 
    
     Innocent 
    
     est 
    
     le 
    
     seul 
    
     Pape 
    
     qui 
    
     ait 
    
     fait 
    
     éclater 
    
     une 
    
     autorité 
    
     vraiment 
    
     absolue, 
    
     une 
    
     autorité 
    
     que 
    
     l'on 
    
     considéra 
    
     comme 
    
     la 
    
     plus 
    
     haute 
    
     après 
    
     celle 
    
     de 
    
     Dieu, 
    
     puisque 
    
     tous 
    
     les 
    
     rois 
    
     de 
    
     la 
    
     terre 
    
     étaient 
    
     soumis 
    
     à 
    
     ce 
    
     Vicaire 
    
     de 
    
     Jésus-Christ. 
    
     Ce 
    
     que 
    
     nous 
    
     devons 
    
     noter 
    
     plus 
    
     particulièrement 
    
     ici 
    
     ce 
    
     sont 
    
     les 
    
     relations 
    
     qu'il 
    
     entretint 
    
     avec 
    
     notre 
    
     Léon, 
    
     et 
    
     qui 
    
     ont 
    
     fait 
    
     mêler 
    
     son 
    
     nom 
    
     à 
    
     notre 
    
     histoire.
 
    
     Les 
    
     correspondances 
    
     de 
    
     Léon 
    
     et 
    
     d'Innocent 
    
     ne 
    
     durèrent 
    
     pas 
    
     moins 
    
     de 
    
     quinze 
    
     ans: 
    
     ils 
    
     se 
    
     soumirent 
    
     des 
    
     questions 
    
     et 
    
     eurent 
    
     des 
    
     controverses 
    
     réciproques. 
    
     Je 
    
     crois 
    
     qu'après 
    
     Jean 
    
     XXII, 
    
     Innocent 
    
     est 
    
     le 
    
     Pape 
    
     dont 
    
     les 
    
     Arméniens 
    
     possèdent 
    
     le 
    
     plus 
    
     de 
    
     lettres 
    
     et 
    
     il 
    
     en 
    
     reçut 
    
     autant 
    
     de 
    
     leur 
    
     part. 
    
     La 
    
     plupart 
    
     de 
    
     ces 
    
     lettres 
    
     roulent 
    
     sur 
    
     les 
    
     affaires 
    
     de 
    
     la 
    
     principauté 
    
     d'Antioche. 
    
     Nous 
    
     en 
    
     connaissons 
    
     plus 
    
     de 
    
     quarante 
    
     dont 
    
     nous 
    
     possédons 
    
     les 
    
     copies 
    
     et 
    
     nous 
    
     ne 
    
     craignons 
    
     pas 
    
     d'avancer 
    
     que 
    
     celles 
    
     qui 
    
     sont 
    
     perdues 
    
     ou 
    
     ignorées 
    
     doivent 
    
     dépasser 
    
     ce 
    
     nombre.
  
 
    
     Le 
    
     Pontife 
    
     romain 
    
     avait 
    
     presque 
    
     le 
    
     même 
    
     âge 
    
     que 
    
     Léon. 
    
     Comme 
    
     lui 
    
     il 
    
     avait 
    
     l'instinct 
    
     de 
    
     la 
    
     domination. 
    
     Né 
    
     en 
   
    1171 
    
     ou 
   
    1172, 
    
     de 
    
     la 
    
     noble 
    
     famille 
    
     des 
    
     Comtes 
    
     de 
    
     Ségni 
    
     et 
    
     fils 
    
     de 
    
     la 
    
     sœur 
    
     de 
    
     Clément 
    
     III, 
    
     il 
    
     fut 
    
     élevé 
    
     au 
    
     trône 
    
     apostolique 
    
     avant 
    
     même 
    
     d'avoir 
    
     été 
    
     ordonné 
    
     prêtre, 
    
     tant 
    
     grandes 
    
     étaient 
    
     sa 
    
     sagesse, 
    
     sa 
    
     science 
    
     et 
    
     la 
    
     pureté 
    
     de 
    
     ses 
    
     mœurs. 
    
     Il 
    
     n'avait 
    
     guère 
    
     que 
    
     trente-huit 
    
     ans, 
    
     lorsqu'il 
    
     fut 
    
     nommé 
    
     Pape. 
    
     C'était 
    
     donc 
    
     une 
    
     année 
    
     avant 
    
     le 
    
     sacre 
    
     de 
    
     Léon, 
    
     c'est-à-dire 
    
     le 
   
    8 
    
     Janvier 
   
    1198. 
    
     L'ordination 
    
     du 
    
     Pontife 
    
     eut 
    
     lieu 
    
     le 
   
    22 
    
     Février 
    
     de 
    
     la 
    
     même 
    
     année. 
    
     Innocent 
    
     rehaussa 
    
     la 
    
     souveraineté 
    
     du 
    
     trône 
    
     papal 
    
     jusqu'au 
    
     plus 
    
     haut 
    
     point. 
    
     Il 
    
     a 
    
     fait 
    
     accepter 
    
     ses 
    
     édits 
    
     par 
    
     les 
    
     rois 
    
     et 
    
     par 
    
     les 
    
     princes; 
    
     il 
    
     s'imposait 
    
     à 
    
     eux, 
    
     en 
    
     même 
    
     temps 
    
     qu'il 
    
     les 
    
     enthousiasmait 
    
     pour 
    
     les 
    
     Croisades. 
    
     Il 
    
     exigeait 
    
     l'austérité 
    
     des 
    
     mœurs, 
    
     principalement 
    
     de 
    
     la 
    
     part 
    
     du 
    
     clergé. 
    
     Il 
    
     fut 
    
     intact 
    
     sous 
    
     ce 
    
     rapport 
    
     et 
    
     personne, 
    
     même 
    
     parmi 
    
     ses 
    
     contemporains, 
    
     n'a 
    
     osé 
    
     l'effleurer 
    
     d'une 
    
     calomnie 
    
     à 
    
     cet 
    
     égard, 
    
     comme 
    
     cela 
    
     eut 
    
     lieu 
    
     si 
    
     souvent 
    
     dans 
    
     les 
    
     siècles 
    
     qui 
    
     suivirent. 
    
     En 
    
     même 
    
     temps 
    
     qu'il 
    
     eut 
    
     cet 
    
     instinct 
    
     de 
    
     la 
    
     domination, 
    
     il 
    
     en 
    
     avait 
    
     aussi 
    
     tous 
    
     les 
    
     ressorts 
    
     rehaussés 
    
     par 
    
     ce 
    
     grand 
    
     génie 
    
     dont 
    
     il 
    
     a 
    
     donné 
    
     tant 
    
     de 
    
     preuves. 
    
     C'est 
    
     avec 
    
     ce 
    
     remarquable 
    
     Pontife 
    
     qui, 
    
     pendant 
    
     dix 
    
     ans, 
    
     resta 
    
     l'ardent 
    
     partisan 
    
     de 
    
     l'empire 
    
     d'Othon 
    
     de 
    
     Brunswick 
    
     et 
    
     le 
    
     soutint 
    
     contre 
    
     Philippe 
    
     de 
    
     Souabe; 
    
     qui 
    
     força, 
    
     plus 
    
     longtemps 
    
     encore, 
    
     l'altier 
    
     roi 
    
     de 
    
     France, 
    
     Philippe 
    
     Auguste 
    
     à 
    
     reprendre 
    
     son 
    
     épouse 
    
     légitime 
    
     qu'il 
    
     avait 
    
     répudiée, 
    
     et 
    
     excommunia 
    
     tant 
    
     de 
    
     souverains 
    
     qu'il 
    
     ramena 
    
     sous 
    
     son 
    
     autorité; 
    
     c'est 
    
     avec 
    
     ce 
    
     Pape 
    
     doublement 
    
     puissant, 
    
     avec 
    
     ce 
    
     Pape 
    
     aux 
    
     plus 
    
     brillantes 
    
     vertus 
    
     que 
    
     Léon 
    
     entretint 
    
     des 
    
     relations 
    
     intimes. 
    
     Bien 
    
     que 
    
     celui-ci 
    
     n'avait 
    
     pas 
    
     toujours 
    
     les 
    
     mêmes 
    
     opinions, 
    
     il 
    
     dut 
    
     se 
    
     rendre 
   
    à 
    
     ses 
    
     avis, 
    
     car 
    
     il 
    
     n'osait 
    
     pas 
    
     se 
    
     heurter 
    
     contre 
    
     ce 
    
     roc 
    
     immuable. 
    
     Et 
    
     pourtant 
    
     notre 
   
    «
    
     montagnard
   
    » 
    
     Léon, 
    
     qui 
    
     comprenait 
    
     sa 
    
     force, 
    
     s'y 
    
     heurta 
    
     quand 
    
     même, 
    
     mais 
    
     avec 
    
     précaution. 
    
     C'est 
    
     alors 
    
     que 
    
     son 
    
     génie 
    
     fut 
    
     reconnu 
    
     par 
    
     Innocent 
    
     lui-même. 
    
     Léon, 
    
     fort 
    
     de 
    
     ses 
    
     droits, 
    
     reçut 
    
     l'excommunication, 
    
     mais 
    
     il 
    
     protesta 
    
     contre 
    
     les 
    
     légats 
    
     du 
    
     Pape. 
    
     Sans 
    
     atteindre 
    
     celui-ci, 
    
     qu'il 
    
     respecta 
    
     toujours, 
    
     il 
    
     blâma 
    
     sans 
    
     scrupule 
    
     ses 
    
     légats 
    
     dont 
    
     il 
    
     sut 
    
     se 
    
     garder 
    
     le 
    
     respect. 
    
     Même 
    
     en 
    
     ces 
    
     circonstances, 
    
     il 
    
     sortit 
    
     victorieux 
    
     et 
    
     c'est 
    
     ce 
    
     qui 
    
     lui 
    
     valut 
    
     qu'Innocent 
    
     l'appela 
    
     son 
    
     fils 
    
     bien-aimé.
  
 
   
    Mais 
   
    avant 
   
    d'entrer 
   
    dans 
   
    les 
   
    longs 
   
    commentaires 
   
    que 
   
    les 
   
    faits 
   
    en 
   
    question 
   
    nous 
   
    amèneraient 
   
    à 
   
    faire, 
   
    nous 
   
    allons 
   
    jeter 
   
    un 
   
    coup 
   
    d'œil 
   
    rapide 
   
    sur 
   
    le 
   
    gouvernement 
   
    et 
   
    la 
   
    politique 
   
    intérieure 
   
    du 
   
    pays 
   
    et 
   
    du 
   
    règne 
   
    de 
   
    Léon.