Après 
   
    la 
   
    guerre 
   
    de 
   
    la 
   
    Palestine 
   
    qui 
   
    dura 
   
    cinq 
   
    ans 
   
    entre 
   
    le 
   
    sultan 
   
    d'Égypte 
   
    et 
   
    les 
   
    Chrétiens, 
   
    chacun 
   
    se 
   
    retira 
   
    dans 
   
    ses 
   
    Etats; 
   
    le 
   
    sultan, 
   
    dans 
   
    ses 
   
    vastes 
   
    domaines 
   
    qu'il 
   
    partagea 
   
    entre 
   
    ses 
   
    frères, 
   
    ses 
   
    fils 
   
    et 
   
    ses 
   
    neveux, 
   
    et 
   
    Léon 
   
    dans 
   
    sa 
   
    principauté 
   
    qu'il 
   
    agrandit 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    fortifia. 
   
    On 
   
    ne 
   
    voit 
   
    pas 
   
    le 
   
    nom 
   
    de 
   
    Léon 
   
    figurer 
   
    dans 
   
    les 
   
    traités 
   
    passés 
   
    alors, 
   
    car 
   
    il 
   
    ne 
   
    comptait 
   
    pas 
   
    parmi 
   
    les 
   
    princes 
   
    venus 
   
    de 
   
    l'Occident, 
   
    mais 
   
    il 
   
    ne 
   
    pouvait 
   
    néanmoins 
   
    échapper 
   
    aux 
   
    yeux 
   
    du 
   
    fier 
   
    sultan 
   
    et 
   
    ne 
   
    pas 
   
    paraître 
   
    coupable 
   
    devant 
   
    lui 
   
    d'avoir 
   
    été 
   
    l'allié 
   
    de 
   
    ses 
   
    ennemis 
   
    et 
   
    d'avoir 
   
    employé 
   
    ce 
   
    moyen 
   
    pour 
   
    rehausser 
   
    son 
   
    autorité. 
   
    Salaheddin 
   
    avait 
   
    tout 
   
    pressenti, 
   
    lui 
   
    qui 
   
    était 
   
    envahi, 
   
    autant 
   
    que 
   
    Léon 
   
    par 
   
    l'esprit 
   
    de 
   
    domination 
   
    et 
   
    par 
   
    l'envie 
   
    d'humilier 
   
    quiconque 
   
    de 
   
    ses 
   
    voisins 
   
    tentait 
   
    de 
   
    s'élever, 
   
    de 
   
    ses 
   
    voisins 
   
    qu'il 
   
    voulait 
   
    abaisser 
   
    au 
   
    même 
   
    niveau. 
   
    Le 
   
    sultan 
   
    savait 
   
    aussi 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qui 
   
    s'était 
   
    passé 
   
    entre 
   
    Léon 
   
    et 
   
    Rosdom, 
   
    comment 
   
    ce 
   
    premier 
   
    s'était 
   
    approprié 
   
    le 
   
    territoire 
   
    qui 
   
    borde 
   
    le 
   
    littoral 
   
    de 
   
    l'Est 
   
    à 
   
    l'Ouest; 
   
    comment 
   
    il 
   
    s'était 
   
    emparé 
   
    des 
   
    forteresses 
   
    du 
   
    bas 
   
    d'Amanus, 
   
    forteresses 
   
    qui 
   
    s'étaient 
   
    rendues 
   
    parce 
   
    que 
   
    lui, 
   
    le 
   
    sultan, 
   
    les 
   
    avait 
   
    abandonné 
   
    un 
   
    moment 
   
    et, 
   
    sur 
   
    lesquelles 
   
    avait 
   
    droit, 
   
    selon 
   
    lui, 
   
    le 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    seul. 
   
    Il 
   
    ne 
   
    voyait 
   
    pas 
   
    non 
   
    plus 
   
    d'un 
   
    bon 
   
    œil 
   
    l'intervention 
   
    de 
   
    Léon 
   
    dans 
   
    les 
   
    affaires 
   
    de 
   
    ses 
   
    voisins 
   
    d'Iconie.
 
   
    En 
   
    ce 
   
    temps 
   
    là 
   
    le 
   
    vieux 
   
    Kelidge-Aslan 
   
    partagea 
   
    son 
   
    vaste 
   
    territoire 
   
    entre 
   
    ses 
   
    dix 
   
    fils, 
   
    comme 
   
    lui 
   
    ambitieux, 
   
    jaloux 
   
    et 
   
    ennemis 
   
    l'un 
   
    de 
   
    l'autre. 
   
    Il 
   
    mourut 
   
    sans 
   
    avoir 
   
    pu 
   
    mettre 
   
    la 
   
    paix 
   
    entre 
   
    eux. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    désigné 
   
    pour 
   
    lui 
   
    succéder 
   
    Kouthbeddin 
   
    qui 
   
    avait 
   
    épousé 
   
    la 
   
    propre 
   
    fille 
   
    de 
   
    Salaheddin, 
   
    laquelle 
   
    lui 
   
    avait 
   
    apporté 
   
    en 
   
    dot 
   
    mille 
   
    besans 
   
    sarrazins.
  
 
   
    A 
   
    peine 
   
    arrivé 
   
    au 
   
    pouvoir, 
   
    Kouthbeddin 
   
    commença 
   
    à 
   
    maltraiter 
   
    ses 
   
    frères 
   
    et 
   
    s'empara 
   
    de 
   
    Mélitine 
   
    qui 
   
    était 
   
    l'héritage 
   
    de 
   
    son 
   
    frère 
   
    Muëzeddin 
   
    Kaïssar 
   
    ou 
   
    Tchessar-Chah 
   
    qui 
   
    se 
   
    réfugia 
   
    auprès 
   
    de 
   
    Salaheddin. 
   
    Mais 
   
    il 
   
    fut 
   
    à 
   
    son 
   
    tour 
   
    chassé 
   
    du 
   
    trône 
   
    par 
   
    son 
    
     frère 
    
     Kouthbeddin 
    
     Suleiman 
    
     (Gheyasseddin), 
    
     d'abord 
    
     seigneur 
    
     d'Eudocie 
   
    (Tokat) 
   
    qui 
   
    vint 
   
    s'emparer 
   
    uniquement 
   
    du 
   
    trône 
   
    paternel, 
   
    abandonnant 
   
    à 
   
    son 
   
    prédécesseur 
   
    l'Albistan, 
   
    d'où 
   
    il 
   
    avait 
   
    chassé 
   
    son 
   
    autre 
   
    frère 
   
    Keïkhosrov. 
   
    Ce 
   
    dernier 
   
    se 
   
    réfugia 
   
    d'abord 
   
    à 
   
    Alep 
   
    où 
   
    Salaheddin 
   
    avait 
   
    placé 
   
    comme 
   
    gouverneur 
   
    son 
   
    fils 
   
    Daher, 
   
    puis 
   
    il 
   
    vint 
   
    demander 
   
    l'hospitalité 
   
    à 
   
    Léon, 
   
    qu'il 
   
    quitta 
   
    ensuite 
   
    et 
   
    il 
   
    partit 
   
    pour 
   
    Trébizonde 
   
    et 
   
    de 
   
    là 
   
    à 
   
    Constantinople, 
   
    où 
   
    il 
   
    resta 
   
    dix 
   
    ans, 
   
    jusqu'à 
   
    la 
   
    mort 
   
    du 
   
    tyran 
   
    son 
   
    frère. 
   
    Alors 
   
    il 
   
    revint 
   
    prendre 
   
    possession 
   
    de 
   
    ses 
   
    domaines. 
   
    Pendant 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    trouvait 
   
    encore 
   
    dans 
   
    le 
   
    pays 
   
    de 
   
    Sissouan, 
   
    Léon, 
   
    soit 
   
    de 
   
    sa 
   
    bonne 
   
    volonté, 
   
    soit 
   
    par 
   
    ruse, 
   
    en 
   
    obtint 
   
    une 
   
    partie 
   
    des 
   
    biens 
   
    et 
   
    des 
   
    forteresses 
   
    dans 
   
    le 
   
    pays 
   
    d'Albistan. 
   
    C'est 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    les 
   
    frontières 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    s'étendirent 
   
    au 
   
    Nord-Est, 
   
    jusqu'à 
   
    la 
   
    chaîne 
   
    de 
   
    l'Anti-Taurus.
  
 
   
    Cette 
   
    suite 
   
    de 
   
    faits 
   
    différents 
   
    et 
   
    surtout 
   
    les 
   
    dissensions 
   
    des 
   
    fils 
   
    du 
   
    sultan 
   
    d'Iconie, 
   
    dbnt 
   
    l'un 
   
    s'en 
   
    alla 
   
    demander 
   
    protection 
   
    à 
   
    Salaheddin 
   
    et 
   
    l'autre 
   
    à 
   
    Léon, 
   
    firent 
   
    que 
   
    celui-ci 
   
    sembla 
   
    se 
   
    poser 
   
    en 
   
    rival 
   
    et 
   
    porta 
   
    ombrage 
   
    au 
   
    premier. 
   
    Comme 
   
    Léon 
   
    avait 
   
    pris, 
   
    à 
   
    l'Est, 
   
    les 
   
    deux 
   
    forteresses 
   
    de 
   
    Paghras 
   
    et 
   
    de 
   
    Tarbessag, 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    d'autres 
   
    dans 
   
    le 
   
    voisinage, 
   
    et 
   
    enfin 
   
    le 
   
    littoral 
   
    jusqu'à 
   
    Rosus 
   
    qui 
   
    faisait 
   
    partie 
   
    de 
   
    la 
   
    principauté 
   
    d'Antioche, 
   
    le 
   
    Prince 
   
    de 
   
    ce 
   
    pays 
   
    en 
   
    était 
   
    profondément 
   
    irrité, 
   
    mais, 
   
    comme 
   
    il 
   
    n'osait 
   
    pas 
   
    se 
   
    mesurer 
   
    avec 
   
    Léon, 
   
    quand 
   
    il 
   
    apprit 
   
    que 
   
    Salaheddin 
   
    venait 
   
    à 
   
    Beyrouth, 
   
    il 
   
    courut 
   
    au-devant 
   
    de 
   
    lui 
   
    pour 
   
    le 
   
    saluer 
   
    et 
   
    lui 
   
    réclama 
   
    quelques 
   
    points 
   
    de 
   
    ses 
   
    frontières 
   
    que 
   
    les 
   
    étrangers 
   
    lui 
   
    avaient 
   
    enlevés. 
   
    Voilà 
   
    du 
   
    moins 
   
    ce 
   
    que 
   
    racontent 
   
    les 
   
    biographes 
   
    du 
   
    sultan 
   
    sans 
   
    parler 
   
    toutefois 
   
    de 
   
    Léon 
   
    et 
   
    des 
   
    faits 
   
    importants 
   
    qui 
   
    s'accomplirent 
   
    alors, 
   
    faits 
   
    que 
   
    nous 
   
    tenons 
   
    de 
   
    notre 
   
    historien 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Tout 
   
    cela 
   
    suffisait 
   
    pour 
   
    exciter 
   
    l'animosité 
   
    du 
   
    fier 
   
    conquérant 
   
    contre 
   
    Léon 
   
    qui, 
   
    seul 
   
    au 
   
    milieu 
   
    des 
   
    grands 
   
    princes 
   
    que 
   
    la 
   
    peur 
   
    avait 
   
    fait 
   
    se 
   
    soumettre 
   
    au 
   
    sultan, 
   
    paraissait 
   
    échapper 
   
    à 
   
    ce 
   
    dernier. 
   
    Salaheddin 
   
    ne 
   
    voulait 
   
    pas 
   
    que 
   
    Léon, 
   
    dont 
   
    les 
   
    aspirations 
   
    ne 
   
    tentaient 
   
    qu'à 
   
    cela, 
   
    pût 
   
    devenir 
   
    encore 
   
    plus 
   
    grand, 
   
    quoiqu'il 
   
    le 
   
    devint 
   
    néanmoins; 
   
    il 
   
    ne 
   
    voulait 
   
    pas 
   
    qu'il 
   
    parût 
   
    s'être 
   
    affranchi 
   
    de 
   
    son 
   
    autorité 
   
    à 
   
    lui 
   
    qui 
   
    avait 
   
    mis 
   
    tout 
   
    le 
   
    monde 
   
    sous 
   
    son 
   
    joug. 
   
    Il 
   
    envoya 
   
    donc 
   
    l'ordre 
   
    à 
   
    Léon 
   
    d'abandonner 
   
    non-seulement 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    pris 
   
    aux 
   
    autres, 
   
    mais 
   
    de 
   
    se 
   
    dépouiller 
   
    aussi 
   
    de 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    possédait 
   
    par 
   
    héritage 
   
    légitime, 
   
    de 
   
    lui 
   
    remettre 
   
    son 
   
    pays 
   
    et 
   
    d'aller 
   
    vivre 
   
    en 
   
    paix 
   
    où 
   
    il 
   
    lui 
   
    plairait. 
   
    Le 
   
    sultan 
   
    faisait 
   
    ainsi 
   
    pour 
   
    tous 
   
    ses 
   
    ennemis: 
   
    si 
   
    quelqu'un 
   
    d'eux 
   
    se 
   
    soumettait, 
   
    il 
   
    le 
   
    comblait 
   
    de 
   
    présents 
   
    et 
   
    lui 
   
    rendait 
   
    des 
   
    honneurs.
  
 
   
    Ce 
   
    fut 
   
    le 
   
    dernier 
   
    commandement 
   
    de 
   
    ce 
   
    puissant 
   
    personnage 
   
    qui 
   
    avait 
   
    dominé, 
   
    pendant 
   
    vingt 
   
    ans 
   
    et 
   
    au 
   
    milieu 
   
    de 
   
    triomphes 
   
    continuels, 
   
    les 
   
    contrées 
   
    qui 
   
    vont 
   
    de 
   
    l'Égypte 
   
    à 
   
    Ninive, 
   
    de 
   
    ce 
   
    guerrier, 
   
    qui 
   
    avait 
   
    brisé 
   
    la 
   
    puissance 
   
    des 
   
    Chrétiens 
   
    en 
   
    Orient, 
   
    et 
   
    jeté 
   
    l'épouvante 
   
    en 
   
    Occident. 
   
    Mais 
   
    ce 
   
    fut 
   
    pour 
   
    Léon 
   
    un 
   
    coup 
   
    terrible 
   
    qui 
   
    attentait 
   
    à 
   
    sa 
   
    carrière. 
   
    Il 
   
    se 
   
    sentit 
   
    à 
   
    la 
   
    veille 
   
    de 
   
    voir 
   
    périr 
   
    son 
   
    pays, 
   
    tronquer 
   
    son 
   
    destin 
   
    et 
   
    ruiner 
   
    les 
   
    intérêts 
   
    de 
   
    ses 
   
    sujets 
   
    comme 
   
    ceux 
   
    des 
   
    étrangers 
   
    qui 
   
    s'étaient 
   
    mis 
   
    sous 
   
    sa 
    
     protection.
  
 
   
    Salaheddin 
   
    ne 
   
    connaissait 
   
    pas 
   
    Léon 
   
    comme 
   
    Léon 
   
    le 
   
    connaissait. 
   
    Dès 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    envoyé 
   
    la 
   
    même 
   
    intimation 
   
    à 
   
    Roupin, 
   
    frère 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    en 
   
    lui 
   
    défendant 
   
    d'étendre 
   
    son 
   
    territoire, 
   
    Roupin 
   
    avait 
   
    obéi. 
   
    Mais, 
   
    dans 
   
    l'espace 
   
    de 
   
    douze 
   
    ans, 
   
    Léon 
   
    avait 
   
    vu 
   
    la 
   
    puissance 
   
    de 
   
    Salaheddin 
   
    croître 
   
    de 
   
    jour 
   
    en 
   
    jour 
   
    et 
   
    ce 
   
    sultan 
   
    devenir 
   
    un 
   
    foudre 
   
    de 
   
    guerre 
   
    en 
   
    Orient. 
   
    Rien 
   
    d'étonnant 
   
    que 
   
    Léon 
   
    se 
   
    soit 
   
    senti 
   
    quelque 
   
    peu 
   
    troublé 
   
    quand 
   
    il 
   
    reçut 
   
    les 
   
    ordres 
   
    menaçants 
   
    de 
   
    Salaheddin, 
   
    car 
   
    ces 
   
    ordres 
   
    pouvaient 
   
    avoir 
   
    des 
   
    conséquences 
   
    terribles, 
   
    si 
   
    Léon 
   
    ne 
   
    se 
   
    hâtait 
   
    pas 
   
    de 
   
    s'y 
   
    soumettre, 
   
    comme 
   
    son 
   
    frère. 
   
    Mais 
   
    Léon 
   
    n'avait 
   
    pas 
   
    l'âme 
   
    faible 
   
    de 
   
    Roupin; 
   
    il 
   
    avait 
   
    le 
   
    cœur 
   
    de 
   
    son 
   
    aïeul 
   
    dont 
   
    il 
   
    portait 
   
    le 
   
    nom, 
   
    de 
   
    son 
   
    père, 
   
    de 
   
    ses 
   
    oncles. 
   
    Si 
   
    ceux-ci 
   
    avaient 
   
    été 
   
    assez 
   
    hardis 
   
    pour 
   
    tenir 
   
    tête 
   
    au 
   
    fameux 
   
    conquérant 
   
    et 
   
    pour 
   
    lui 
   
    résister, 
   
    ils 
   
    s'attendaient 
   
    à 
   
    ce 
   
    qui 
   
    leur 
   
    était 
   
    réservé 
   
    et 
   
    ils 
   
    n'en 
   
    couraient 
   
    que 
   
    leur 
   
    propre 
   
    dommage, 
   
    mais 
   
    pour 
   
    Léon! 
   
    Allait-il 
   
    voir 
   
    s'évanouir 
   
    ses 
   
    désirs 
   
    de 
   
    grandeur, 
   
    allait 
   
    il 
   
    perdre 
   
    à 
   
    jamais 
   
    cette 
   
    couronne 
   
    qu'il 
   
    convoitait 
   
    si 
   
    ardemment, 
   
    cette 
   
    royauté 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    rêvée 
   
    et 
   
    qui 
   
    devait 
   
    rendre 
   
    ses 
   
    Etats 
   
    si 
   
    florissants; 
   
    son 
   
    espoir 
   
    d'étendre 
   
    ses 
   
    frontières 
   
    encore 
   
    plus 
   
    loin 
   
    qu'il 
   
    n'y 
   
    est 
   
    arrivé, 
   
    allait-il 
   
    être 
   
    déçu? 
   
    Quel 
   
    fruit 
   
    tirerait-il 
   
    à 
   
    présent 
   
    de 
   
    tous 
   
    ses 
   
    travaux, 
   
    de 
   
    ses 
   
    conquêtes 
   
    et 
   
    de 
   
    son 
   
    adroite 
   
    politique? 
   
    Que 
   
    devenait 
   
    la 
   
    promesse 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    scellée 
   
    du 
   
    sceau 
   
    d'or? 
   
    Plus 
   
    il 
   
    pensait 
   
    et 
   
    repensait 
   
    à 
   
    tout 
   
    cela, 
   
    moins 
   
    il 
   
    savait 
   
    comment 
   
    se 
   
    tirer 
   
    de 
   
    là. 
   
    Mais 
   
    le 
   
    temps 
   
    ne 
   
    lui 
   
    permettait 
   
    pas 
   
    d'y 
   
    songer 
   
    plus 
   
    longtemps. 
   
    L'envoyé 
   
    du 
   
    sultan 
   
    le 
   
    pressait 
   
    de 
   
    lui 
   
    faire 
   
    une 
   
    réponse, 
   
    car 
   
    l'échéance 
   
    du 
   
    temps 
   
    que 
   
    Salaheddin 
   
    lui 
   
    avait 
   
    assigné 
   
    arrivait 
   
    à 
   
    grands 
   
    pas; 
   
    bon 
   
    gré 
   
    mal 
   
    gré, 
   
    il 
   
    fallait 
   
    se 
   
    décider. 
   
    Alors 
   
    Léon 
   
    secoua 
   
    la 
   
    torpeur 
   
    dans 
   
    laquelle 
   
    le 
   
    plongeaient 
   
    ses 
   
    méditations. 
   
    Il 
   
    résolut 
   
    de 
   
    résister 
   
    à 
   
    la 
   
    volonté 
   
    inflexible 
   
    du 
   
    sultan. 
   
    Il 
   
    se 
   
    dit 
   
    en 
   
    lui-même: 
   
    S'il 
   
    est 
   
    Salaheddin, 
   
    moi, 
   
    je 
   
    suis 
   
    Léon. 
   
    Il 
   
    m'est 
   
    impossible 
   
    de 
   
    vivre 
   
    en 
   
    errant 
   
    dans 
   
    un 
   
    pays 
   
    étranger: 
   
    ou 
   
    bien 
   
    je 
   
    perdrai, 
   
    ou 
   
    bien 
   
    je 
   
    gagnerai 
   
    tout. 
   
    Puis, 
   
    tournant 
   
    ses 
   
    regards 
   
    du 
   
    côté 
   
    des 
   
    remparts 
   
    du 
   
    Taurus, 
   
    remparts 
   
    placés 
   
    par 
   
    Dieu, 
   
    il 
   
    se 
   
    ressouvint 
   
    des 
   
    paroles 
   
    de 
   
    Noureddin 
   
    le 
   
    prédécesseur 
   
    et 
   
    le 
   
    précepteur 
   
    de 
   
    ce 
   
    grand 
   
    Salaheddin 
   
    qui, 
   
    jadis 
   
    blâmé 
   
    par 
   
    ses 
   
    princes 
   
    qui 
   
    lui 
   
    avaient 
   
    dit: 
   
    «Pourquoi 
   
    gâtes-tu 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    et 
   
    donnes-tu 
   
    à 
   
    Melèh 
   
    une 
   
    province 
   
    de 
   
    tes 
   
    Etats 
   
    (la 
   
    province 
   
    de 
   
    Cyris)?» 
   
    leur 
   
    avait 
   
    répondu: 
   
    «Je 
   
    fais 
   
    cela, 
   
    par 
   
    ce 
   
    que 
   
    la 
   
    forme 
   
    naturelle 
   
    de 
   
    son 
   
    pays 
   
    l'a 
   
    rendu 
   
    imprenable, 
   
    et 
   
    quand 
   
    Melèh 
   
    le 
   
    veut, 
   
    il 
   
    peut 
   
    bondir 
   
    au 
   
    dehors, 
   
    entrer 
   
    dans 
   
    notre 
   
    pays 
   
    et 
   
    le 
   
    ruiner. 
   
    Je 
   
    ne 
   
    l'épargne 
   
    que 
   
    pour 
   
    le 
   
    gagner 
   
    à 
   
    moi, 
   
    et 
   
    je 
   
    ne 
   
    lui 
   
    ai 
   
    donné 
   
    une 
   
    partie 
   
    de 
   
    mon 
   
    territoire 
   
    que 
   
    pour 
   
    qu'il 
   
    soit 
   
    mon 
   
    allié 
   
    contre 
   
    les 
   
    Latins». 
   
    Léon 
   
    se 
   
    prit 
   
    à 
   
    penser 
   
    encore 
   
    à 
   
    toutes 
   
    les 
   
    forteresses 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    construites 
   
    de 
   
    ses 
   
    mains: 
   
    l'imprenable 
   
    Sis, 
   
    sous 
   
    les 
   
    murs 
   
    de 
   
    laquelle 
   
    il 
   
    avait 
   
    foudroyé 
   
    les 
   
    Turcomans; 
   
    le 
   
    grand 
   
    et 
   
    merveilleux 
   
    roc 
   
    massif 
   
    d'Anazarbe 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    bâti 
   
    au 
   
    temps 
   
    de 
   
    la 
   
    prise 
   
    de 
   
    Jérusalem: 
   
    Coricos, 
   
    à 
   
    qui 
   
    la 
   
    mer 
   
    et 
   
    la 
   
    terre 
   
    font 
   
    ensemble 
   
    des 
   
    remparts. 
   
    Songeant 
   
    à 
   
    tout 
   
    cela, 
   
    il 
   
    regarda 
   
    de 
   
    travers 
   
    l'envoyé 
   
    de 
   
    Salaheddin 
   
    et 
   
    lui 
   
    dit 
   
    d'un 
   
    ton 
   
    hautain, 
   
    comme 
   
    il 
   
    seyait 
   
    au 
   
    souverain 
   
    d'un 
   
    pays 
   
    de 
   
    montagnes 
   
    abruptes 
   
    et 
   
    à 
   
    demi 
   
    sauvages, 
   
    et 
   
    qui 
   
    devait 
   
    devenir 
   
    un 
   
    roi 
   
    glorieux: 
   
    «Homme, 
   
    va-t'en 
   
    dire 
   
    à 
   
    ton 
   
    sultan 
   
    que 
   
    je 
   
    n'ai 
   
    pas 
   
    de 
   
    terres 
   
    à 
   
    te 
   
    céder, 
   
    et 
   
    si 
   
    tu 
   
    entres 
   
    jamais 
   
    dans 
   
    mes 
   
    possessions, 
   
    je 
   
    te 
   
    ferai 
   
    boire 
   
    aux 
   
    armes 
   
    à 
   
    deux 
   
    tranchants, 
   
    comme 
   
    je 
   
    l'ai 
   
    fait 
   
    à 
   
    ton 
   
    coreligionnaire 
   
    Rosdom
   
    ».
  
 
   
    La 
   
    parole 
   
    de 
   
    Léon 
   
    était 
   
    irrévocable. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    jeté 
   
    hardiment 
   
    son 
   
    sort 
   
    dans 
   
    la 
   
    balance 
   
    du 
   
    destin. 
   
    La 
   
    force 
   
    des 
   
    circonstances 
   
    allait 
   
    peut-être 
   
    engloutir 
   
    Léon 
   
    et 
   
    la 
   
    royauté 
   
    des 
   
    Roupéniens 
   
    si 
   
    le 
   
    ciel 
   
    n'avait 
   
    pas 
   
    fait 
   
    tomber 
   
    le 
   
    sort 
   
    de 
   
    fatalité 
   
    sur 
   
    Salaheddin. 
   
    Nous 
   
    dirons 
   
    plus: 
   
    la 
   
    rebellion 
   
    de 
   
    Léon 
   
    ne 
   
    put 
   
    que 
   
    sembler 
   
    téméraire 
   
    et 
   
    insensée, 
   
    car 
   
    le 
   
    sultan, 
   
    exaspéré, 
   
    eût 
   
    eu 
   
    bien 
   
    vite 
   
    anéanti 
   
    complètement 
   
    le 
   
    royaume 
   
    et 
   
    jusqu'au 
   
    nom 
   
    de 
   
    l'Arménie.
  
 
   
    C'était 
   
    au 
   
    commencement 
   
    de 
   
    l'année 
   
    1193, 
   
    pendant 
   
    l'hiver 
   
    qui 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    rigoureux 
   
    dans 
   
    cette 
   
    région. 
   
    Salaheddin 
   
    qui 
   
    s'était 
   
    proposé 
   
    de 
   
    marcher 
   
    sur 
   
    Damas, 
   
    avait 
   
    en 
   
    lui 
   
    le 
   
    germe 
   
    de 
   
    la 
   
    maladie 
   
    qui 
   
    devait 
   
    le 
   
    conduire 
   
    au 
   
    tombeau. 
   
    Il 
   
    tourna 
   
    son 
   
    armée 
   
    contre 
   
    le 
   
    baron 
   
    d'Arménie 
   
    et 
   
    vint 
   
    jusqu'aux 
   
    environs 
   
    de 
   
    la 
   
    Montagne-Noire, 
   
    située 
   
    entre 
   
    les 
   
    Etats 
   
    de 
   
    Léon 
   
    et 
   
    la 
   
    principauté 
   
    d'Antioche. 
   
    Si 
   
    le 
   
    sultan, 
   
    au 
   
    dire 
   
    de 
   
    notre 
   
    historien, 
   
    commandait 
   
    en 
   
    personne 
   
    ses 
   
    troupes, 
   
    ce 
   
    qui 
   
    n'est 
   
    guère 
   
    probable 
   
    pourtant, 
   
    ou 
   
    si 
   
    non, 
   
    son 
   
    armée 
   
    étant 
   
    arrivée 
   
    là, 
   
    reçut 
   
    la 
   
    terrible 
   
    nouvelle 
   
    de 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    celui 
   
    qui 
   
    avait 
   
    causé 
   
    ou 
   
    hâté 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    tant 
   
    d'hommes. 
   
    Il 
   
    venait 
   
    d'expirer 
   
    à 
   
    Damas, 
   
    dans 
   
    les 
   
    premiers 
   
    jours 
   
    de 
   
    Février. 
   
    Léon 
   
    se 
   
    sentit 
   
    soulagé 
   
    d'un 
   
    poids 
   
    bien 
   
    lourd 
   
    et 
   
    n'eut 
   
    plus 
   
    à 
   
    s'effrayer 
   
    des 
   
    menaces 
   
    d'un 
   
    ennemi 
   
    disparu 
   
    à 
   
    tout 
   
    jamais.
  
 
   
    II 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    été 
   
    accordé 
   
    à 
   
    ces 
   
    deux 
   
    rivaux 
   
    de 
   
    se 
   
    mesurer 
   
    sur 
   
    le 
   
    champ 
   
    de 
   
    bataille 
   
    et 
   
    l'histoire 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    pu 
   
    nous 
   
    raconter 
   
    une 
   
    scène 
   
    extraordinaire 
   
    et 
   
    gigantesque. 
   
    L'issue 
   
    de 
   
    cette 
   
    lutte 
   
    eût 
   
    peut-être 
   
    été 
   
    désastreuse 
   
    pour 
   
    nous, 
   
    mais 
   
    elle 
   
    n'eût 
   
    certes 
   
    pas 
   
    manqué 
   
    de 
   
    grandeur. 
   
    Il 
   
    est 
   
    impossible 
   
    au 
   
    penseur 
   
    de 
   
    pas 
   
    mettre 
   
    Léon 
   
    en 
   
    comparaison 
   
    avec 
   
    Salaheddin. 
   
    Et 
   
    si 
   
    l'on 
   
    veut 
   
    établir 
   
    le 
   
    parallèle 
   
    entre 
   
    ces 
   
    deux 
   
    hommes 
   
    et 
   
    les 
   
    autres 
   
    grands 
   
    personnages 
   
    de 
   
    leur 
   
    époque, 
   
    on 
   
    se 
   
    dira 
   
    qu'aucun 
   
    de 
   
    ces 
   
    derniers 
   
    ne 
   
    fut 
   
    à 
   
    leur 
   
    hauteur. 
   
    Au 
   
    risque 
   
    de 
   
    sembler 
   
    ridicule 
   
    aux 
   
    historiens 
   
    graves, 
   
    au 
   
    risque 
   
    de 
   
    voir 
   
    traiter 
   
    notre 
   
    patriotisme 
   
    d'exagéré, 
   
    nous 
   
    croyons 
   
    donc 
   
    pouvoir 
   
    nous 
   
    permettre 
   
    de 
   
    faire 
   
    le 
   
    parallèle 
   
    entre 
   
    le 
   
    chef 
   
    de 
   
    notre 
   
    modeste 
   
    Arménie 
   
    et 
   
    le 
   
    fier 
   
    sultan 
   
    qui 
   
    fit 
   
    trembler 
   
    l'Orient 
   
    et 
   
    l'Occident, 
   
    ce 
   
    Salaheddin, 
   
    enfin, 
   
    qui 
   
    par 
   
    ses 
   
    ennemis 
   
    comme 
   
    par 
   
    ses 
   
    amis 
   
    fut 
   
    reconnu 
   
    grand 
   
    et 
   
    puissant.
  
 
   
    Salaheddin 
   
    appartenait 
   
    à 
   
    une 
   
    famille 
   
    pauvre 
   
    et 
   
    était 
   
    de 
   
    basse 
   
    extraction 
   
    vis-à-vis 
   
    de 
   
    Léon 
   
    issu 
   
    d'une 
   
    maison 
   
    noble 
   
    et 
   
    princière. 
   
    Dans 
   
    sa 
   
    jeunesse, 
   
    ses 
   
    mœurs 
   
    étaient 
   
    relâchées 
   
    et 
   
    même 
   
    dissolues, 
   
    au 
   
    point 
   
    que 
   
    Noureddin 
   
    fut 
   
    souvent 
   
    obbligé 
   
    de 
   
    le 
   
    contraindre 
   
    par 
   
    la 
   
    force 
   
    à 
   
    faire 
   
    la 
   
    guerre 
   
    et 
   
    à 
   
    s'occuper 
   
    des 
   
    affaires 
   
    de 
   
    l'Etat. 
   
    Léon, 
   
    lui, 
   
    était 
   
    au 
   
    contraire 
   
    guerrier 
   
    et 
   
    entreprenant 
   
    par 
   
    instinct 
   
    et 
   
    par 
   
    goût.
  
 
   
    Salaheddin, 
   
    ce 
   
    Kurde 
   
    de 
   
    Touine 
   
    ou 
   
    de 
   
    Tégride, 
   
    une 
   
    fois 
   
    qu'il 
   
    eût 
   
    goûté 
   
    des 
   
    armes 
   
    et 
   
    de 
   
    l'autorité, 
   
    devint 
   
    un 
   
    héros 
   
    célèbre 
   
    par 
   
    le 
   
    courage, 
   
    la 
   
    finesse, 
   
    la 
   
    prudence 
   
    et 
   
    la 
   
    grandeur 
   
    d'âme, 
   
    je 
   
    voudrais 
   
    pouvoir 
   
    même 
   
    dire 
   
    par 
   
    ses 
   
    vertus 
   
    et 
   
    par 
   
    les 
   
    qualités 
   
    avantageuses 
   
    dont 
   
    la 
   
    nature 
   
    l'avait 
   
    doué. 
   
    C'est 
   
    par 
   
    tout 
   
    cela 
   
    qu'il 
   
    fut 
   
    au-dessus 
   
    de 
   
    tous 
   
    les 
   
    hauts 
   
    personnages 
   
    de 
   
    son 
   
    temps, 
   
    au-dessus 
   
    de 
   
    beaucoup 
   
    de 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    le 
   
    précédèrent 
   
    et 
   
    lui 
   
    succédèrent 
   
    en 
   
    Orient. 
   
    Il 
   
    l'emporta 
   
    sur 
   
    tous 
   
    les 
   
    princes 
   
    chrétiens 
   
    avec 
   
    lesquels 
   
    il 
   
    eut 
   
    à 
   
    faire, 
   
    et 
   
    les 
   
    historiens 
   
    chrétiens 
   
    comme 
   
    les 
   
    historiens 
   
    musulmans 
   
    sont 
   
    d'accord 
   
    pour 
   
    l'exalter.
  
 
   
    Mais 
   
    quand 
   
    on 
   
    pense 
   
    que 
   
    c'est 
   
    avec 
   
    l'aide 
   
    de 
   
    Noureddin 
   
    et 
   
    grâce 
   
    à 
   
    la 
   
    trahison 
   
    des 
   
    ministres 
   
    du 
   
    sultan 
   
    d'Égypte 
   
    que 
   
    Salaheddin 
   
    arriva 
   
    au 
   
    pouvoir 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    a 
   
    su 
   
    profiter 
   
    des 
   
    nombreux 
   
    tributs 
   
    de 
   
    ses 
   
    coreligionnaires 
   
    arabes, 
   
    égyptiens, 
   
    turcs, 
   
    turcomans 
   
    et 
   
    kurdes, 
   
    qui, 
   
    dans 
   
    leur 
   
    simplicité, 
   
    accouraient 
   
    se 
   
    joindre 
   
    à 
   
    lui, 
   
    et 
   
    grossir 
   
    ses 
   
    armées, 
   
    et 
   
    que 
   
    Léon 
   
    au 
   
    contraire 
   
    avec 
   
    une 
   
    poignée 
   
    de 
   
    soldats 
   
    vainquit 
   
    des 
   
    troupes 
   
    nombreuses 
   
    et 
   
    cela 
   
    au 
   
    milieu 
   
    des 
   
    peuplades 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    dont 
   
    la 
   
    langue 
   
    et 
   
    la 
   
    religion 
   
    étaient 
   
    différentes, 
   
    on 
   
    trouvera 
   
    le 
   
    mérite 
   
    de 
   
    Léon 
   
    bien 
   
    plus 
   
    grand, 
   
    et 
   
    c'est 
   
    la 
   
    grandeur 
   
    de 
   
    ce 
   
    mérite 
   
    qui 
   
    le 
   
    fait 
   
    plus 
   
    illustre. 
   
    Je 
   
    ne 
   
    crains 
   
    pas 
   
    d'avancer 
   
    que 
   
    Léon 
   
    a 
   
    surpassé 
   
    son 
   
    antagoniste. 
   
    Si 
   
    Salaheddin 
   
    a 
   
    fait 
   
    de 
   
    grandes 
   
    choses, 
   
    a-t-il 
   
    fait 
   
    rien 
   
    de 
   
    réellement 
   
    extraordinaire? 
   
    Il 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    fait, 
   
    lui, 
   
    une 
   
    nation 
   
    qui 
   
    n'existait 
   
    pas, 
   
    il 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    été 
   
    un 
   
    législateur, 
   
    il 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    fondé 
   
    une 
   
    religion 
   
    nouvelle, 
   
    et 
   
    n'a 
   
    pas 
   
    laissé 
   
    un 
   
    monument 
   
    de 
   
    gloire 
   
    impérissable, 
   
    il 
   
    n'a 
   
    légué 
   
    rien 
   
    à 
   
    la 
   
    postérité. 
   
    S'il 
   
    a 
   
    remporté 
   
    des 
   
    grandes 
   
    victoires 
   
    sur 
   
    les 
   
    Chrétiens, 
   
    s'il 
   
    s'est 
   
    emparé 
   
    de 
   
    toutes 
   
    leurs 
   
    possessions, 
   
    s'il 
   
    leur 
   
    a 
   
    enlevé 
   
    leurs 
   
    châteaux-forts, 
   
    s'il 
   
    leur 
   
    a 
   
    pris 
   
    Jérusalem, 
   
    après 
   
    tout 
   
    il 
   
    n'avait 
   
    qu'un 
   
    but: 
   
    de 
   
    se 
   
    venger 
   
    des 
   
    Chrétiens, 
   
    ou 
   
    son 
   
    ambition 
   
    seul 
   
    le 
   
    poussait 
   
    à 
   
    faire 
   
    cela. 
   
    Quels 
   
    bénéfices 
   
    retira-t-il 
   
    de 
   
    ses 
   
    victoires, 
   
    lui 
   
    qui 
   
    dut 
   
    s'humilier 
   
    jusqu'à 
   
    abandonner 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    partie 
   
    de 
   
    ses 
   
    conquêtes 
   
    à 
   
    ceux 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    dépossédés 
   
    et 
   
    qui 
   
    prospérèrent 
   
    encore 
   
    pendant 
   
    un 
   
    siècle 
   
    sur 
   
    le 
   
    sol 
   
    de 
   
    la 
   
    Syrie? 
   
    A 
   
    la 
   
    fin, 
   
    cette 
   
    puissance 
   
    absolue 
   
    du 
   
    Sultan 
   
    fut 
   
    partagée 
   
    entre 
   
    plusieurs 
   
    et 
   
    s'affaiblit.
  
 
   
    Mais 
   
    Léon, 
   
    qui 
   
    n'était 
   
    pas 
   
    moins 
   
    ambitieux, 
   
    avait 
   
    au 
   
    moins 
   
    un 
   
    but 
   
    plus 
   
    noble, 
   
    plus 
   
    élevé. 
   
    Quant 
   
    il 
   
    dépossédait 
   
    les 
   
    autres, 
   
    ce 
   
    n'était 
   
    pas 
   
    par 
   
    caprice 
   
    et 
   
    sans 
   
    raison, 
   
    et 
   
    il 
   
    se 
   
    contentait 
   
    de 
   
    les 
   
    adjoindre 
   
    à 
   
    son 
   
    peuple 
   
    qui 
   
    se 
   
    trouvait, 
   
    à 
   
    cette 
   
    époque, 
   
    presque 
   
    anéanti 
   
    et 
   
    chancelant, 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    relevait 
   
    de 
   
    cette 
    
     façon.
  
 
   
    Cette 
   
    aspiration, 
   
    cette 
   
    convoitise 
   
    de 
   
    la 
   
    gloire 
   
    d'être 
   
    roi, 
   
    n'était 
   
    point 
   
    tant 
   
    pour 
   
    lui 
   
    le 
   
    fait 
   
    d'une 
   
    ambition 
   
    dévorante 
   
    que 
   
    l'intérêt 
   
    de 
   
    son 
   
    peuple; 
   
    car, 
   
    en 
   
    possédant 
   
    la 
   
    couronne 
   
    royale, 
   
    il 
   
    ajoutait, 
   
    si 
   
    je 
   
    puis 
   
    m'exprimer 
   
    ainsi, 
   
    aux 
   
    joyaux 
   
    de 
   
    cette 
   
    couronne 
   
    60 
   
    ou 
   
    70 
   
    barons 
   
    possesseurs 
   
    de 
   
    châteaux-forts 
   
    qui 
   
    se 
   
    montraient 
   
    fiers 
   
    d'être 
   
    ses 
   
    vassaux 
   
    ou 
   
    ses 
   
    hommes 
   
    liges, 
   
    et 
   
    glorieux 
   
    d'être 
   
    sous 
   
    son 
   
    autorité, 
   
    et 
   
    qui, 
   
    sans 
   
    cela, 
   
    ne 
   
    constituaient 
   
    plus 
   
    que 
   
    de 
   
    petites 
   
    principautées 
   
    séparées, 
   
    en 
   
    désaccord 
   
    et, 
   
    le 
   
    plus 
   
    souvent, 
   
    ennemies 
   
    l'une 
   
    de 
   
    l'autre, 
   
    qui 
   
    se 
   
    seraient 
   
    perdues 
   
    de 
   
    leurs 
   
    propres 
   
    mains 
   
    ou 
   
    par 
   
    les 
   
    mains 
   
    des 
   
    étrangers.
  
 
   
    On 
   
    conviendra 
   
    donc 
   
    que 
   
    Léon 
   
    a 
   
    exécuté 
   
    une 
   
    œuvre 
   
    éclatante, 
   
    et 
   
    on 
   
    l'appréciera 
   
    encore 
   
    davantage 
   
    quand 
   
    on 
   
    le 
   
    comparera 
   
    avec 
   
    Salaheddin, 
   
    comme 
   
    nous 
   
    venons 
   
    de 
   
    le 
   
    faire 
   
    et 
   
    avec 
   
    d'autres 
   
    personnages 
   
    considérables 
   
    de 
   
    son 
   
    époque, 
   
    que 
   
    la 
   
    suite 
   
    de 
   
    notre 
   
    histoire 
   
    nous 
   
    présentera 
   
    l'un 
   
    après 
   
    l'autre 
   
    ou 
   
    en 
   
    lutte 
   
    avec 
   
    lui 
   
    ou 
   
    lui 
   
    venant 
   
    en 
   
    aide 
   
    contre 
   
    un 
   
    ennemi 
   
    commun.