Il 
   
    faut 
   
    considérer 
   
    le 
   
    jour 
   
    de 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    Roupin, 
   
    c'est-à-dire 
   
    le 
   
    6 
   
    Mai 
   
    1187, 
   
    comme 
   
    le 
   
    premier 
   
    jour 
   
    de 
   
    la 
   
    principauté 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    et 
   
    le 
   
    premier 
   
    jour, 
   
    où 
   
    il 
   
    eut 
   
    le 
   
    droit 
   
    de 
   
    porter 
   
    le 
   
    titre 
   
    de 
     
      Baron 
     
      d'Arménie: 
   
    c'est 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    l'on 
   
    avait 
   
    désigné 
   
    jusqu'alors 
   
    les 
   
    Princes 
   
    souverains 
   
    Roupéniens. 
   
    Les 
   
    autres 
   
    seigneurs 
   
    et 
   
    princes 
   
    ne 
   
    portaient 
   
    que 
   
    le 
   
    titre 
   
    de 
   
    Barons 
   
    de 
   
    leur 
   
    château-fort 
   
    dont 
   
    ils 
   
    étaient 
   
    les 
   
    gouverneurs 
   
    ou 
   
    de 
   
    leurs 
   
    propriétés 
   
    particulières.
 
   
    Roupin, 
   
    ne 
   
    laissant 
   
    aucun 
   
    héritier 
   
    mâle, 
   
    la 
   
    principauté 
   
    passa 
   
    à 
   
    Léon, 
   
    selon 
   
    les 
   
    antiques 
   
    lois 
   
    de 
   
    la 
   
    nation 
   
    arménienne, 
   
    et 
   
    non 
   
    pas 
   
    en 
   
    exécution 
   
    des 
   
    lois 
   
    saliques, 
   
    comme 
   
    quelques-uns 
   
    prétendent 
   
    et 
   
    disent 
   
    que 
   
    la 
   
    principauté 
   
    devait 
   
    revenir 
   
    aux 
   
    filles 
   
    de 
   
    Roupin, 
   
    mais 
   
    que 
   
    Léon 
   
    les 
   
    en 
   
    dépouilla. 
   
    Il 
   
    faut 
   
    reconnaître 
   
    néanmoins 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    présenta 
   
    bien 
   
    des 
   
    prétendants 
   
    à 
   
    cette 
   
    succession, 
   
    mais 
   
    tous 
   
    furent 
   
    évincés 
   
    par 
   
    leur 
   
    puissant 
   
    et 
   
    habile 
   
    rival.
  
 
   
    Léon, 
   
    comme 
   
    on 
   
    le 
   
    verra 
   
    plus 
   
    loin, 
   
    parut 
   
    trop 
   
    porté 
   
    à 
   
    la 
   
    vengeance 
   
    et 
   
    trop 
   
    enclin 
   
    aux 
   
    soupçons 
   
    en 
   
    abattant 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qui 
   
    heurtait 
   
    ses 
   
    prétentions, 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qui 
   
    s'opposait 
   
    au 
   
    but 
   
    qu'il 
   
    s'était 
   
    proposé: 
   
    d'arriver 
   
    au 
   
    plus 
   
    haut 
   
    échelon 
   
    des 
   
    grandeurs, 
   
    au 
   
    pouvoir 
   
    monarchique. 
   
    Cependant 
   
    il 
   
    ne 
   
    se 
   
    conduisait 
   
    pas 
   
    en 
   
    tyran, 
   
    il 
   
    agissait 
   
    selon 
   
    les 
   
    exigences 
   
    de 
   
    la 
   
    féodalité. 
   
    Prompt 
   
    à 
   
    protéger 
   
    et 
   
    à 
   
    favoriser 
   
    ses 
   
    vassaux, 
   
    il 
   
    était 
   
    inexorable 
   
    et 
   
    impitoyable 
   
    envers 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    tentaient 
   
    de 
   
    s'élever 
   
    contre 
   
    lui, 
   
    dans 
   
    un 
   
    pays 
   
    aussi 
   
    vaste 
   
    que 
   
    le 
   
    sien 
   
    et 
   
    qui 
   
    devait 
   
    s'étendre 
   
    encore.
  
 
   
    Aussi 
   
    les 
   
    Barons 
   
    du 
   
    pays 
   
    qui 
   
    connaissaient 
   
    son 
   
    caractère 
   
    et 
   
    son 
   
    énergie 
   
    se 
   
    soumirent-ils 
   
    facilement 
   
    à 
   
    son 
   
    autorité 
   
    comme 
   
    ils 
   
    s'étaient 
   
    soumis 
   
    à 
   
    celle 
   
    de 
   
    son 
   
    frère 
   
    Roupin. 
   
    De 
   
    son 
   
    côté, 
   
    Léon 
   
    les 
   
    traita 
   
    avec 
   
    justice 
   
    et 
   
    reconnaissance. 
   
    Il 
   
    fit 
   
    bon 
   
    accueil 
   
    à 
   
    ceux 
   
    mêmes 
   
    qui 
   
    l'avaient 
   
    accusé 
   
    jadis 
   
    et 
   
    mis 
   
    en 
   
    défiance 
   
    auprès 
   
    de 
   
    son 
   
    frère. 
   
    «Léon 
   
    ne 
   
    se 
   
    souvint 
   
    plus 
   
    de 
   
    rien 
   
    et 
   
    ne 
   
    se 
   
    vengea 
   
    jamais 
   
    d'aucun 
   
    d'eux», 
   
    dit 
   
    l'histoire. 
   
    Quant 
   
    à 
   
    son 
   
    caractère, 
   
    — 
   
    est-il 
   
    dit 
   
    aussi 
   
    — 
   
    «c'était 
   
    un 
   
    homme 
   
    sage 
   
    et 
   
    prudent, 
   
    un 
     
      habile 
     
      cavalier, 
   
    plein 
   
    de 
   
    bravoure 
   
    dans 
   
    les 
   
    combats, 
   
    toujours 
   
    prêt 
   
    à 
   
    faire 
   
    de 
   
    bonnes 
   
    œuvres, 
   
    vif 
   
    et 
   
    gai». 
   
    Description 
   
    fidèle 
   
    que 
   
    confirment 
   
    tous 
   
    les 
   
    actes 
   
    de 
   
    Léon.
  
 
   
    Il 
   
    avait 
   
    le 
   
    génie 
   
    de 
   
    la 
   
    finesse 
   
    et 
   
    de 
   
    la 
   
    ruse 
   
    au 
   
    besoin. 
   
    Son 
   
    courage 
   
    allait 
   
    jusqu'à 
   
    la 
   
    témérité, 
   
    il 
   
    en 
   
    a 
   
    donné 
   
    bien 
   
    des 
   
    preuves 
   
    et, 
   
    souvent, 
   
    il 
   
    a 
   
    manifesté 
   
    inutilement 
   
    sa 
   
    hardiesse. 
   
    Il 
   
    était 
   
    doué 
   
    d'une 
   
    agilité 
   
    extraordinaire 
   
    qui 
   
    le 
   
    fit 
   
    réussir 
   
    dans 
   
    mainte 
   
    circonstance 
   
    périlleuse. 
   
    Quant 
   
    à 
   
    son 
   
    enjouement, 
   
    nous 
   
    le 
   
    prendrions 
   
    volontiers 
   
    pour 
   
    le 
   
    fait 
   
    d'un 
   
    esprit 
   
    supérieur. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    la 
   
    magnanimité, 
   
    la 
   
    générosité 
   
    de 
   
    main 
   
    et 
   
    de 
   
    cœur 
   
    du 
   
    prince 
   
    magnifique 
   
    d'un 
   
    plus 
   
    grand 
   
    pays. 
   
    C'est 
   
    sa 
   
    magnanimité, 
   
    qui 
   
    lui 
   
    inspira 
   
    d'embellir 
   
    son 
   
    palais, 
   
    de 
   
    faire 
   
    observer 
   
    l'étiquette 
   
    à 
   
    sa 
   
    cour 
   
    et 
   
    de 
   
    placer 
   
    chaque 
   
    classe 
   
    de 
   
    son 
   
    peuple 
   
    selon 
   
    son 
   
    rang 
   
    social. 
   
    C'est 
   
    sa 
   
    magnanimité 
   
    que 
   
    lui 
   
    ramena 
   
    les 
   
    princes 
   
    révoltés 
   
    et 
   
    refroidis, 
   
    qui 
   
    lui 
   
    concilia 
   
    même 
   
    les 
   
    princes 
   
    dont 
   
    la 
   
    langue 
   
    et 
   
    la 
   
    religion 
   
    n'étaient 
   
    pas 
   
    les 
   
    siennes, 
   
    qui 
   
    lui 
   
    attira 
   
    les 
   
    seigneurs 
   
    des 
   
    forteresses 
   
    lointaines 
   
    aussi 
   
    bien 
   
    que 
   
    ceux 
   
    des 
   
    voisines, 
   
    car 
   
    tous 
   
    il 
   
    les 
   
    couvrit 
   
    de 
   
    sa 
   
    protection. 
   
    Mais 
   
    grâce 
   
    à 
   
    eux 
   
    aussi, 
   
    il 
   
    put 
   
    étendre 
   
    le 
   
    territoire 
   
    qu'il 
   
    gouvernait.
  
 
   
    C'est 
   
    à 
   
    cause 
   
    de 
   
    tout 
   
    cela 
   
    qu'en 
   
    peu 
   
    de 
   
    temps 
   
    il 
   
    s'était 
   
    rallié 
   
    plus 
   
    de 
   
    soixante-douze 
   
    barons, 
   
    vassaux 
   
    grands 
   
    et 
   
    petits, 
   
    et 
   
    de 
   
    tous 
   
    les 
   
    degrés 
   
    de 
   
    la 
   
    noblesse. 
   
    Ses 
   
    frontières 
   
    s'étendaient 
   
    à 
   
    droite 
   
    et 
   
    à 
   
    gauche, 
   
    vers 
   
    l'orient 
   
    et 
   
    plus 
   
    encore 
   
    vers 
   
    l'occident, 
   
    à 
   
    ce 
   
    point 
   
    qu'en 
   
    1211, 
   
    il 
   
    fallait 
   
    pour 
   
    parcourir 
   
    son 
   
    domaine 
   
    de 
   
    l'est 
   
    à 
   
    l'ouest 
   
    seize 
   
    jours 
   
    de 
   
    marche, 
   
    tandis 
   
    qu'il 
   
    n'en 
   
    fallait 
   
    que 
   
    deux 
   
    pour 
   
    la 
   
    traverser 
   
    du 
   
    sud 
   
    au 
   
    nord, 
   
    c'est-à-dire 
   
    de 
   
    la 
   
    mer 
   
    aux 
   
    remparts 
   
    du 
   
    Taurus, 
   
    là 
   
    où 
   
    ces 
   
    montagnes 
   
    séparent 
   
    la 
   
    Phrygie 
   
    de 
   
    la 
   
    Cappadoce.
  
 
   
    Quant 
   
    à 
   
    son 
   
    habilité 
   
    de 
   
    cavalier, 
   
    j'entends 
   
    qu'il 
   
    était 
   
    non-seulement 
   
    un 
   
    cavalier 
   
    à 
   
    la 
   
    manière 
   
    de 
   
    Terdat, 
   
    «qu'il 
   
    se 
   
    tenait 
   
    sur 
   
    un 
   
    cheval 
   
    comme 
   
    il 
   
    voulait, 
   
    qu'il 
   
    guidait 
   
    admirablement 
   
    les 
   
    chevaux, 
   
    qu'il 
   
    maniait 
   
    les 
   
    armes 
   
    avec 
   
    adresse, 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    était 
   
    passionné 
   
    pour 
   
    l'art 
   
    de 
   
    la 
   
    guerre», 
   
    mais 
   
    j'entends 
   
    plus 
   
    encore 
   
    qu'il 
   
    était 
   
    instruit 
   
    selon 
   
    les 
   
    règles 
   
    de 
   
    la 
     
      Chevalerie 
   
    occidentale 
   
    de 
   
    son 
   
    siècle. 
   
    Nos 
   
    historiens 
   
    appellent 
   
    souvent 
     
      Cavaliers 
   
    les 
   
    chevaliers 
   
    des 
   
    croisades.
  
 
   
    Tous 
   
    les 
   
    historiens 
   
    ont 
   
    beaucoup 
   
    parlé 
   
    des 
   
    qualités 
   
    morales 
   
    de 
   
    Léon; 
   
    la 
   
    phrase 
   
    que 
   
    nous 
   
    venons 
   
    de 
   
    citer 
   
    le 
   
    témoigne, 
   
    mais 
   
    en 
   
    revanche 
   
    presque 
   
    personne 
   
    ne 
   
    nous 
   
    dit 
   
    un 
   
    mot 
   
    de 
   
    ses 
   
    qualités 
   
    physiques, 
   
    ne 
   
    nous 
   
    dépeint 
   
    les 
   
    traits 
   
    de 
   
    son 
   
    visage. 
   
    Fut-il 
   
    grand 
   
    ou 
   
    petit 
   
    de 
   
    taille? 
   
    Puisque 
   
    les 
   
    livres, 
   
    — 
   
    ceux 
   
    du 
   
    moins 
   
    qui 
   
    me 
   
    sont 
   
    connus, 
   
    — 
   
    ne 
   
    nous 
   
    disent 
   
    rien 
   
    à 
   
    ce 
   
    sujet, 
   
    il 
   
    faut 
   
    nous 
   
    en 
   
    faire 
   
    une 
   
    idée 
   
    d'après 
   
    son 
   
    cachet 
   
    d'or, 
   
    dont 
   
    nous 
   
    avons 
   
    mis 
   
    le 
   
    fac-simile 
   
    en 
   
    tête 
   
    de 
   
    notre 
   
    ouvrage. 
   
    Ce 
   
    cachet 
   
    est 
   
    assez 
   
    large 
   
    et 
   
    l'on 
   
    peut 
   
    croire 
   
    aisément 
   
    qu'il 
   
    reproduit, 
   
    autant 
   
    que 
   
    l'art 
   
    l'a 
   
    permis 
   
    à 
   
    cette 
   
    époque, 
   
    au 
   
    moins 
   
    approximativement, 
   
    les 
   
    traits 
   
    de 
   
    celui 
   
    qui 
   
    en 
   
    faisait 
   
    usage 
   
    comme 
   
    de 
   
    son 
   
    sceau. 
   
    D'après 
   
    ce 
   
    que 
   
    nous 
   
    montre 
   
    ce 
   
    cachet, 
   
    il 
   
    paraît 
   
    que 
   
    Léon 
   
    fut 
   
    d'une 
   
    stature 
   
    assez 
   
    haute, 
   
    pas 
   
    bien 
   
    gros.
  
 
   
    Dans 
   
    un 
   
    célèbre 
   
    manuscrit 
   
    latin 
   
    de 
   
    Chronologie, 
   
    écrit 
   
    au 
   
    commencement 
   
    du 
   
    XIV 
   
    siècle, 
   
    les 
   
    traits 
   
    des 
   
    rois 
   
    dont 
   
    ce 
   
    livre 
   
    fait 
   
    mention 
   
    ont 
   
    été 
   
    retracés. 
   
    Bien 
   
    que 
   
    ces 
   
    dessins 
   
    ne 
   
    soient 
   
    pas 
   
    réputés 
   
    comme 
   
    étant 
   
    d'une 
   
    authenticité 
   
    parfaite, 
   
    notre 
   
    Léon 
   
    y 
   
    est 
   
    représenté 
   
    comme 
   
    étant 
   
    d'une 
   
    taille 
   
    au-dessous 
   
    de 
   
    la 
   
    moyenne. 
   
    Il 
   
    faut 
   
    espérer 
   
    qu'un 
   
    jour 
   
    viendra 
   
    où 
   
    nos 
   
    propres 
   
    manuscrits 
   
    nous 
   
    révèlerons 
   
    les 
   
    traits 
   
    et 
   
    la 
   
    taille 
   
    de 
   
    celui 
   
    qui 
   
    mérite 
   
    que 
   
    nous 
   
    le 
   
    sachions.