C'était 
   
    un 
   
    devoir 
   
    pour 
   
    Léon, 
   
    en 
   
    succédant 
   
    à 
   
    son 
   
    frère, 
   
    de 
   
    se 
   
    montrer 
   
    reconnaissant 
   
    des 
   
    bienfaits 
   
    qu'il 
   
    en 
   
    avait 
   
    reçus. 
   
    Aussi, 
   
    en 
   
    exécution 
   
    du 
   
    testament 
   
    exprès 
   
    de 
   
    Roupin, 
   
    se 
   
    hâta-t-il 
   
    de 
   
    placer 
   
    les 
   
    deux 
   
    filles 
   
    de 
   
    celui-ci 
   
    dans 
   
    des 
   
    familles 
   
    à 
   
    la 
   
    hauteur 
   
    de 
   
    leur 
   
    rang, 
   
    dans 
   
    des 
   
    familles 
   
    princières 
   
    de 
   
    la 
   
    nation, 
   
    comme 
   
    leur 
   
    père 
   
    en 
   
    avait 
   
    exprimé 
   
    le 
   
    désir. 
     
      Alice 
   
    et 
     
      Philippine 
   
    étaient 
   
    encore 
   
    dans 
   
    un 
   
    âge 
   
    tendre; 
   
    elles 
   
    ne 
   
    comptaient 
   
    guère 
   
    l'une 
   
    et 
   
    l'autre 
   
    que 
   
    cinq 
   
    à 
   
    six 
   
    ans. 
   
    Toutefois, 
   
    selon 
   
    la 
   
    coutume 
   
    du 
   
    temps 
   
    et 
   
    plus 
   
    encore 
   
    par 
   
    politique, 
   
    en 
   
    même 
   
    temps 
   
    que 
   
    pour 
   
    maintenir 
   
    la 
   
    paix 
   
    intérieure 
   
    du 
   
    pays, 
   
    Léon, 
   
    voulut 
   
    anticiper 
   
    sur 
   
    leur 
   
    avenir, 
   
    afin 
   
    de 
   
    sauvegarder 
   
    l'intérêt 
   
    de 
   
    leur 
   
    famille 
   
    et 
   
    celui 
   
    des 
     
      Baillis: 
   
    on 
   
    appelait 
     
      Baillis 
   
    les 
   
    tuteurs 
   
    des 
   
    orphelins 
   
    d'une 
   
    maison 
   
    princière.
 
   
    Il 
   
    y 
   
    avait 
   
    en 
   
    ce 
   
    moment, 
   
    à 
   
    la 
   
    Cour 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    deux 
   
    des 
   
    plus 
   
    nobles 
   
    des 
   
    princes 
   
    arméniens, 
   
    deux 
   
    frères, 
     
      Héthoum 
   
    et 
     
      Chahenchah, 
   
    fils 
   
    de 
   
    Tchordouanel 
   
    prince 
   
    de 
   
    Sassoun, 
   
    et 
   
    de 
   
    la 
   
    sœur 
   
    du 
   
    catholicos 
   
    d'Arménie, 
   
    le 
   
    patriarche 
   
    Grégoire 
   
    Degha. 
   
    Par 
   
    leur 
   
    mère, 
   
    ils 
   
    appartenaient 
   
    aux 
   
    Bahlaviens, 
   
    la 
   
    plus 
   
    illustre 
   
    Maison 
   
    du 
   
    pays 
   
    après 
   
    celle 
   
    des 
   
    Bagratides. 
   
    «Tous 
   
    les 
   
    deux 
   
    étaient 
   
    beaux» 
   
    dit 
   
    l'historien. 
   
    A 
   
    l'aîné 
   
    Léon 
   
    donna 
   
    la 
   
    main 
   
    d'Alice, 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    de 
   
    ses 
   
    nièces, 
   
    en 
   
    la 
   
    dotant 
   
    de 
   
    la 
   
    ville 
   
    et 
   
    de 
   
    la 
   
    province 
   
    de 
   
    Messis; 
   
    il 
   
    fit 
   
    don 
   
    du 
   
    canton 
   
    de 
   
    Séleucie 
   
    à 
   
    Chahenchah, 
   
    en 
   
    lui 
   
    promettant, 
   
    paraît-il, 
   
    de 
   
    le 
   
    marier 
   
    plus 
   
    tard 
   
    avec 
   
    Philippine, 
   
    encore 
   
    très 
   
    jeune 
   
    et 
   
    sous 
   
    la 
   
    surveillance 
   
    de 
   
    sa 
   
    grand-mère 
   
    Rita, 
   
    mère 
   
    de 
   
    Léon.
  
 
   
    Six 
   
    ans 
   
    plus 
   
    tard, 
   
    en 
   
    1193, 
   
    le 
   
    catholicos 
   
    Grégoire 
   
    Degha 
   
    vint 
   
    à 
   
    mourir 
   
    et, 
   
    dans 
   
    l'espace 
   
    d'un 
   
    mois 
   
    seulement, 
   
    Héthoum 
   
    et 
   
    Chahenchah 
   
    le 
   
    suivirent 
   
    dans 
   
    la 
   
    tombe 
   
    l'un 
   
    après 
   
    l'autre, 
   
    sans 
   
    porter 
   
    aucune 
   
    trace 
   
    d'une 
   
    mort 
   
    violente. 
   
    Néanmoins, 
   
    la 
   
    coïncidence 
   
    désastreuse 
   
    de 
   
    la 
   
    mort 
   
    des 
   
    deux 
   
    membres 
   
    de 
   
    la 
   
    même 
   
    famille 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    les 
   
    dissensions 
   
    qui 
   
    régnaient, 
   
    paraît-il, 
   
    entre 
   
    eux 
   
    et 
   
    Léon, 
   
    — 
   
    bien 
   
    que 
   
    l'histoire 
   
    soit 
   
    muette 
   
    à 
   
    ce 
   
    sujet 
   
    — 
   
    ne 
   
    laissèrent 
   
    pas 
   
    de 
   
    faire 
   
    soupçonner, 
   
    selon 
   
    ces 
   
    quelques 
   
    mots 
   
    de 
   
    l'historien, 
   
    «que 
   
    Léon 
   
    fût 
   
    la 
   
    cause 
   
    de 
   
    leur 
   
    mort». 
   
    L'auteur 
   
    de 
   
    l'histoire 
   
    lui-même 
   
    semble 
   
    partager 
   
    cette 
   
    opinion, 
   
    quoiqu'il 
   
    ajoute 
   
    aussitôt 
   
    après: 
   
    «Dieu 
   
    seul 
   
    le 
   
    sait». 
   
    Nous 
   
    sommes 
   
    obligés 
   
    de 
   
    laisser 
   
    ce 
   
    point 
   
    en 
   
    suspens 
   
    jusqu'à 
   
    ce 
   
    que 
   
    le 
   
    temps 
   
    veuille 
   
    bien 
   
    nous 
   
    apporter 
   
    quelques 
   
    lumières 
   
    sur 
   
    les 
   
    actes 
   
    des 
   
    Sassouniens 
   
    et 
   
    sur 
   
    leur 
   
    fin 
   
    subite 
   
    et 
   
    prématurée, 
   
    car 
   
    nous 
   
    ne 
   
    possédons 
   
    pas 
   
    d'autres 
   
    documents 
   
    que 
   
    celui 
   
    d'où 
   
    nous 
   
    avons 
   
    tiré 
   
    ce 
   
    fait.
  
 
   
    Que 
   
    Philippine 
   
    ait 
   
    été 
   
    mariée 
   
    ou 
   
    non 
   
    à 
   
    Chahenchah, 
   
    on 
   
    n'en 
   
    sait 
   
    rien. 
   
    Cependant 
   
    il 
   
    est 
   
    dit 
   
    que 
   
    les 
   
    deux 
   
    sœurs 
   
    restèrent 
   
    veuves. 
   
    On 
   
    a 
   
    sans 
   
    doute 
   
    voulu 
   
    dire 
   
    qu'elles 
   
    restèrent 
   
    veuves 
   
    jusqu'à 
   
    l'âge 
   
    où 
   
    il 
   
    leur 
   
    fut 
   
    possible 
   
    de 
   
    se 
   
    remarier. 
   
    Alice, 
   
    l'aînée, 
   
    fut 
   
    donnée 
   
    en 
   
    mariage 
   
    un 
   
    an 
   
    après, 
   
    en 
   
    1194, 
   
    à 
   
    Raymond, 
   
    fils 
   
    aîné 
   
    et 
   
    successeur 
   
    du 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    dont 
   
    nous 
   
    parlerons 
   
    plus 
   
    tard.
  
 
   
    Elle 
   
    mit 
   
    au 
   
    monde 
   
    le 
     
      Prince 
     
      Roupin 
   
    qui 
   
    fut 
   
    la 
   
    cause 
   
    de 
   
    toutes 
   
    les 
   
    discordes 
   
    entre 
   
    sa 
   
    principauté 
   
    et 
   
    Léon.
  
 
   
    C'est 
   
    pour 
   
    mettre 
   
    la 
   
    paix 
   
    entre 
   
    eux 
   
    que 
   
    ce 
   
    mariage 
   
    fut 
   
    conclu 
   
    et, 
   
    pour 
   
    la 
   
    sceller 
   
    d'avantage 
   
    encore, 
   
    Léon 
   
    lui-même, 
   
    qui, 
   
    paraît-il, 
   
    était 
   
    jusqu'alors 
   
    resté 
   
    célibataire, 
   
    épousa 
   
    Isabelle 
   
    ou 
   
    Zabel, 
   
    fille 
   
    du 
   
    propre 
   
    frère 
   
    de 
   
    la 
   
    femme 
   
    du 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    Bohémond 
   
    III.
  
 
   
    Il 
   
    crut 
   
    avoir 
   
    ainsi 
   
    affermi 
   
    la 
   
    frontière 
   
    orientale 
   
    de 
   
    son 
   
    pays. 
   
    Quant 
   
    à 
   
    sa 
   
    frontière 
   
    occidentale, 
   
    qui 
   
    se 
   
    trouvait 
   
    sous 
   
    les 
   
    coups 
   
    du 
   
    sultan 
   
    d'Iconie 
   
    pour 
   
    la 
   
    préserver 
   
    contre 
   
    les 
   
    atteintes 
   
    de 
   
    ce 
   
    fier 
   
    sultan, 
   
    il 
   
    résolut 
   
    de 
   
    donner 
   
    la 
   
    fille 
   
    cadette 
   
    de 
   
    Roupin, 
   
    Philippine, 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    feint 
   
    de 
   
    promettre 
   
    à 
   
    Ochin, 
   
    le 
   
    fils 
   
    aîné 
   
    de 
   
    Héthoum, 
   
    prince 
   
    de 
   
    Lambroun, 
   
    à 
   
    Ochin 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    attiré 
   
    de 
   
    cette 
   
    façon 
   
    dans 
   
    un 
   
    guet-apens, 
   
    — 
   
    il 
   
    résolut, 
   
    disons 
   
    — 
   
    nous, 
   
    de 
   
    donner 
   
    Philippine 
   
    à 
   
    l'empereur 
   
    Théodore, 
   
    le 
   
    premier 
   
    Lascaris 
   
    du 
   
    nouvel 
   
    empire 
   
    de 
   
    Nycée. 
   
    C'est 
   
    grâce 
   
    à 
   
    cette 
   
    alliance 
   
    avec 
   
    un 
   
    gendre 
   
    si 
   
    puissant, 
   
    quoique 
   
    éloigné 
   
    de 
   
    sa 
   
    principauté, 
   
    qu'il 
   
    put, 
   
    en 
   
    1210, 
   
    sans 
   
    que 
   
    Théodore 
   
    l'ait 
   
    appuyé 
   
    d'aucune 
   
    manière, 
   
    écraser, 
   
    dans 
   
    une 
   
    grande 
   
    bataille, 
   
    le 
   
    sultan 
   
    Gheyasseddin 
   
    Keikaous 
   
    ou 
   
    Khosrovchah 
   
    — 
   
    selon 
   
    notre 
   
    historien, 
   
    — 
   
    qui 
   
    fut 
   
    tué 
   
    pendant 
   
    le 
   
    combat.
  
 
   
    Tous 
   
    ces 
   
    faits 
   
    eurent 
   
    lieu 
   
    après 
   
    un 
   
    certain 
   
    temps, 
   
    en 
   
    partie 
   
    sous 
   
    le 
   
    baronnat 
   
    et 
   
    en 
   
    partie 
   
    sous 
   
    la 
   
    royauté 
   
    de 
   
    Léon.