Le 
   
    principat 
   
    de 
   
    Constantin 
   
    I 
   
    fils 
   
    de 
   
    Roupin, 
   
    eut 
   
    une 
   
    durée 
   
    moins 
   
    longue 
   
    que 
   
    celui 
   
    de 
   
    tous 
   
    ses 
   
    successeurs, 
   
    si 
   
    l'on 
   
    en 
   
    croit 
   
    nos 
   
    historiens, 
   
    mais 
   
    elle 
   
    n'en 
   
    fut 
   
    pas 
   
    moins 
   
    remarquable. 
   
    D'abord, 
   
    Constantin 
   
    établit 
   
    le 
   
    siège 
   
    de 
   
    son 
   
    gouvernement 
   
    à 
   
    Vahga 
   
    qui 
   
    resta 
   
    sa 
   
    capitale 
   
    pendant 
   
    plus 
   
    de 
   
    soixante-dix 
   
    ans, 
   
    jusqu'au 
   
    jour 
   
    où 
   
    Sis 
   
    le 
   
    devint. 
   
    C'est 
   
    sous 
   
    son 
   
    règne 
   
    que 
   
    les 
   
    Croisés 
   
    arrivèrent 
   
    en 
   
    Cilicie. 
   
    Il 
   
    se 
   
    lia 
   
    d'amitié 
   
    avec 
   
    eux 
   
    et 
   
    cette 
   
    amitié 
   
    amena 
   
    plus 
   
    tard 
   
    les 
   
    liens 
   
    de 
   
    parenté 
   
    entre 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    et 
   
    les 
   
    Occidentaux.
 
   
    L'on 
   
    pourrait 
   
    dire 
   
    de 
   
    Constantin 
   
    qu'il 
   
    fut 
   
    le 
   
    premier 
   
    conquérant 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Roupin, 
   
    son 
   
    père, 
   
    ne 
   
    s'était 
   
    emparé 
   
    que 
   
    de 
   
    territoires 
   
    hors 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    proprement 
   
    dite, 
   
    Constantin, 
   
    au 
   
    contraire, 
   
    — 
   
    au 
   
    dire 
   
    de 
   
    nos 
   
    historiens, 
   
    — 
   
    «étant 
   
    venu 
   
    au 
   
    mont 
   
    Taurus, 
   
    soumit 
   
    vaillamment 
   
    par 
   
    les 
   
    armes 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    partie 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Il 
   
    étendit 
   
    son 
   
    pouvoir 
   
    sur 
   
    bien 
   
    des 
   
    châteaux 
   
    et 
   
    des 
   
    provinces 
   
    qu'il 
   
    enleva 
   
    aux 
   
    Sarrasins 
   
    et, 
   
    — 
   
    ajoute 
   
    l'auteur 
   
    dans 
   
    son 
   
    langage 
   
    populaire, 
   
    — 
   
    il 
   
    prit 
   
    une 
   
    certaine 
   
    étendue 
   
    de 
   
    pays, 
   
    des 
   
    Grecs, 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    partie 
   
    des 
   
    régions 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    où 
   
    se 
   
    trouvait 
   
    la 
   
    première 
   
    forteresse 
   
    ( 
   
    dont 
   
    il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    maître), 
   
    Vahga, 
   
    l'an 
   
    de 
   
    l'ère 
   
    arménienne 
   
    547 
   
    (1098)». 
   
    Comme 
   
    il 
   
    était 
   
    fort 
   
    difficile 
   
    de 
   
    s'emparer 
   
    de 
   
    ce 
   
    château 
   
    fameux 
   
    (nous 
   
    le 
   
    verrons 
   
    plus 
   
    tard), 
   
    il 
   
    s'en 
   
    rendit 
   
    maître 
   
    en 
   
    employant 
   
    les 
   
    ruses, 
   
    selon 
   
    les 
   
    coutumes 
   
    barbares 
   
    de 
   
    cette 
   
    époque, 
   
    et 
   
    grâce 
   
    surtout 
   
    à 
   
    la 
   
    haine 
   
    implacable 
   
    qu'il 
   
    manifestait 
   
    contre 
   
    les 
   
    Grecs, 
   
    bien 
   
    qu'il 
   
    agit 
   
    toujours 
   
    avec 
   
    une 
   
    grande 
   
    prudence 
   
    et 
   
    plus 
   
    noblement 
   
    que 
   
    beaucoup 
   
    de 
   
    souverains 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    C'est 
   
    avec 
   
    raison 
   
    qu'il 
   
    est 
   
    appelé 
   
    le 
   
    Grand 
   
    parmi 
   
    les 
   
    seigneurs 
   
    arméniens 
   
    de 
   
    son 
   
    temps. 
   
    Les 
   
    croisés 
   
    eurent 
   
    toujours 
   
    un 
   
    grand 
   
    respect 
   
    pour 
   
    Constantin; 
   
    aussi 
   
    leur 
   
    permit-il 
   
    de 
   
    passer 
   
    par 
   
    ses 
   
    terres, 
   
    leur 
   
    indiquant 
   
    la 
   
    route 
   
    qu'ils 
   
    avaient 
   
    à 
   
    suivre 
   
    et 
   
    fournissant 
   
    des 
   
    vivres 
   
    à 
   
    leurs 
   
    soldats 
   
    affamés, 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    l'avaient 
   
    fait 
   
    Ochin, 
   
    Pazouni 
   
    et 
   
    les 
   
    abbés 
   
    des 
   
    couvents 
   
    de 
   
    la 
   
    Montagne-Noire. 
   
    Pour 
   
    l'en 
   
    remercier, 
   
    les 
   
    Occidentaux 
   
    lui 
   
    offrirent 
   
    les 
   
    titres 
   
    de 
   
    Comte 
   
    et 
   
    de 
   
    Marquis, 
   
    — 
   
    d'après 
   
    Vahram, 
   
    — 
   
    et 
   
    surtout 
   
    en 
   
    reconnaissance 
   
    de 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    donné 
   
    la 
   
    main 
   
    de 
   
    sa 
   
    fille 
   
    à 
   
    l'un 
   
    des 
   
    premiers 
   
    princes 
   
    de 
   
    la 
   
    Croisade, 
   
    à 
   
    Josselin, 
   
    qui 
   
    fut 
   
    nommé 
   
    comte 
   
    d'Edesse. 
   
    Le 
   
    frère 
   
    de 
    
     Constantin, 
     
      Thoros, 
   
    qui 
   
    dominait 
   
    contemporainement 
   
    sur 
   
    les 
   
    châteaux 
   
    des 
   
    régions 
   
    montagneuses, 
   
    en 
   
    fit 
   
    autant. 
   
    Il 
   
    maria 
   
    sa 
   
    fille 
     
      Arta 
   
    avec 
   
    Baudouin, 
   
    frère 
   
    de 
   
    Godefroy, 
   
    le 
   
    chef 
   
    de 
   
    l'armée 
   
    croisée, 
   
    et 
   
    lui 
   
    promit 
   
    de 
   
    faire 
   
    à 
   
    sa 
   
    fille 
   
    une 
   
    dot 
   
    de 
   
    soixante 
   
    mille 
   
    besans 
   
    d'or, 
   
    dont 
   
    il 
   
    versa 
   
    immédiatement 
   
    dix-sept 
   
    mille. 
   
    Plus 
   
    tard, 
   
    le 
   
    royaume 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    échut 
   
    à 
   
    Baudouin 
   
    et, 
   
    comme 
   
    il 
   
    fut 
   
    le 
   
    premier 
   
    roi 
   
    couronné 
   
    de 
   
    ce 
   
    pays, 
   
    la 
   
    première 
   
    reine 
   
    en 
   
    fut 
   
    donc 
   
    la 
   
    princesse 
   
    arménienne 
   
    qui 
   
    avait 
   
    été 
   
    élevée 
   
    dans 
   
    les 
   
    montagnes 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Quelques 
   
    années 
   
    après, 
   
    Baudouin 
   
    l'abandonna 
   
    indignement, 
   
    mais, 
   
    dévoré 
   
    par 
   
    les 
   
    remords 
   
    et 
   
    la 
   
    crainte 
   
    de 
   
    perdre 
   
    la 
   
    vie, 
   
    il 
   
    la 
   
    rappela 
   
    et 
   
    chassa 
   
    la 
   
    concubine 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    prise.
  
 
   
    C'est 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    s'unirent 
   
    d'amitié 
   
    avec 
   
    les 
   
    croisés, 
   
    dès 
   
    l'arrivée 
   
    de 
   
    ceux-ci 
   
    en 
   
    Orient, 
   
    et 
   
    qu'ils 
   
    commencèrent 
   
    à 
   
    contracter 
   
    des 
   
    liens 
   
    de 
   
    parenté 
   
    avec 
   
    eux 
   
    en 
   
    mariant 
   
    les 
   
    nobles 
   
    jeunes 
   
    filles 
   
    haycaniennes 
   
    avec 
   
    les 
   
    vaillants 
   
    chevaliers 
   
    de 
   
    l'Europe. 
   
    Mais 
   
    en 
   
    retour, 
   
    lorsqu'ils 
   
    eurent 
   
    reconstitué 
   
    leur 
   
    royaume, 
   
    leurs 
   
    souverains 
   
    prirent 
   
    souvent 
   
    pour 
   
    épouses 
   
    des 
   
    filles 
   
    de 
   
    rois 
   
    occidentaux.
  
 
   
    Du 
   
    croisement 
   
    de 
   
    ces 
   
    deux 
   
    peuples 
   
    de 
   
    race 
   
    japhétique 
   
    il 
   
    s'ensuivit 
   
    le 
   
    mélange 
   
    des 
   
    usages 
   
    et 
   
    des 
   
    mœurs. 
   
    Les 
   
    lois 
   
    et 
   
    les 
   
    coutumes 
   
    des 
   
    occidentaux 
   
    furent 
   
    adoptées 
   
    par 
   
    la 
   
    cour 
   
    et 
   
    la 
   
    nation 
   
    des 
   
    Arméniens 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    comme 
   
    tous 
   
    le 
   
    reconnaissent. 
   
    Toutefois, 
   
    il 
   
    ne 
   
    faut 
   
    pas 
   
    oublier 
   
    non 
   
    plus 
   
    que, 
   
    si 
   
    bien 
   
    des 
   
    usages 
   
    étrangers 
   
    ont 
   
    été 
   
    introduits 
   
    chez 
   
    nous, 
   
    beaucoup 
   
    de 
   
    nos 
   
    usages 
   
    sont 
   
    passés 
   
    par 
   
    contre 
   
    chez 
   
    les 
   
    occidentaux. 
   
    J'en 
   
    donnerais 
   
    pour 
   
    preuve 
   
    que 
   
    beaucoup 
   
    de 
   
    ces 
   
    derniers 
   
    ont 
   
    voulu 
   
    donner 
   
    à 
   
    leurs 
   
    fils 
   
    nés 
   
    des 
   
    mères 
   
    arméniennes, 
   
    des 
   
    noms 
   
    arméniens, 
   
    tels 
   
    que 
   
    ceux 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    Héthoum 
   
    et 
   
    Thoros. 
   
    On 
   
    s'est 
   
    servi 
   
    encore 
   
    du 
   
    nom 
   
    de 
   
    Héthoum 
   
    en 
   
    occident 
   
    même. 
   
    Bien 
   
    plus, 
   
    il 
   
    arriva 
   
    souvent 
   
    que 
   
    des 
   
    pères 
   
    francs 
   
    envoyèrent 
   
    les 
   
    jeunes 
   
    princes 
   
    leurs 
   
    fils 
   
    dans 
   
    les 
   
    palais 
   
    de 
   
    leurs 
   
    oncles 
   
    maternels 
   
    arméniens, 
   
    pour 
   
    qu'ils 
   
    fussent 
   
    élevés 
   
    par 
   
    eux 
   
    et 
   
    pussent 
   
    parvenir 
   
    aux 
   
    charges, 
   
    dignités 
   
    et 
   
    titres 
   
    du 
   
    pays. 
   
    Ainsi 
   
    encore, 
   
    comme 
   
    leur 
   
    langue 
   
    se 
   
    répandait 
   
    parmi 
   
    nous, 
   
    la 
   
    nôtre 
   
    leur 
   
    devint 
   
    familière. 
   
    Par 
   
    ce 
   
    rapprochement 
   
    de 
   
    moeurs 
   
    et 
   
    de 
   
    langage, 
   
    les 
   
    Lusignans, 
   
    arméniens 
   
    du 
   
    côté 
   
    maternel, 
   
    n'eurent 
   
    pas 
   
    de 
   
    peines 
   
    à 
   
    parvenir 
   
    au 
   
    trône 
   
    arménien, 
   
    au 
   
    milieu 
   
    du 
   
    XIV 
   
    siècle. 
   
    Ceci 
   
    se 
   
    passa 
   
    bien 
   
    longtemps 
   
    après; 
   
    mais 
   
    quant 
   
    à 
   
    l'époque 
   
    dont 
   
    nous 
   
    parlons 
   
    ici, 
   
    il 
   
    est 
   
    certain 
   
    que 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    reçurent 
   
    les 
   
    Francs 
   
    avec 
   
    enthousiasme. 
   
    Ils 
   
    vinrent 
   
    à 
   
    leur 
   
    rencontre 
   
    avec 
   
    des 
   
    présents 
   
    et 
   
    en 
   
    firent 
   
    leurs 
   
    hôtes 
   
    en 
   
    les 
   
    emmenant 
   
    dans 
   
    leurs 
   
    châteaux. 
   
    Les 
   
    Francs 
   
    ne 
   
    se 
   
    montrèrent 
   
    pas 
   
    cependant 
   
    toujours 
   
    reconnaissants 
   
    de 
   
    ces 
   
    marques 
   
    d'amitié. 
   
    Quand 
   
    ils 
   
    purent 
   
    jouir 
   
    d'un 
   
    peu 
   
    de 
   
    tranquillité 
   
    et 
   
    se 
   
    remettre 
   
    de 
   
    l'épouvante 
   
    que 
   
    leur 
   
    avait 
   
    causée 
   
    les 
   
    Sarrasins 
   
    à 
   
    qui 
   
    ils 
   
    venaient 
   
    de 
   
    prendre 
   
    Antioche 
   
    et 
   
    les 
   
    côtes 
   
    de 
   
    Syrie, 
   
    ils 
   
    commencèrent 
   
    à 
   
    montrer 
   
    leur 
   
    cupidité 
   
    et 
   
    leurs 
   
    convoitises 
   
    et 
   
    à 
   
    en 
   
    vouloir 
   
    aux 
   
    Arméniens, 
   
    dont 
   
    ils 
   
    prirent 
   
    des 
   
    villes 
   
    et 
   
    des 
   
    châteaux 
   
    et 
   
    des 
   
    territoires 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    jusqu'au 
   
    fleuve 
   
    de 
   
    l'Euphrate. 
   
    Ils 
   
    lassèrent 
   
    de 
   
    la 
   
    sorte 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    les 
   
    avaient 
   
    si 
   
    bien 
   
    accueillis 
   
    et 
   
    qui 
   
    les 
   
    avaient 
   
    comblés 
   
    de 
   
    bienfaits. 
   
    À 
   
    telle 
   
    enseigne 
   
    que 
   
    bientôt, 
   
    dit-on, 
   
    Constantin 
   
    et 
   
    Vassil-le-Voleur, 
   
    les 
   
    considérèrent 
   
    comme 
   
    suspects. 
   
    Les 
   
    Francs, 
   
    du 
   
    reste, 
   
    ne 
   
    purent 
   
    jamais 
   
    rien 
   
    faire 
   
    contre 
   
    les 
   
    fameux 
   
    châteaux 
   
    des 
   
    fils 
   
    de 
   
    Roupin.
  
 
   
    Constantin 
   
    finit 
   
    ses 
   
    jours 
   
    paisiblement 
   
    et 
   
    glorieusement; 
   
    il 
   
    fut 
   
    regretté 
   
    par 
   
    tous. 
   
    Tous 
   
    les 
   
    historiens 
   
    racontent 
   
    pieusement 
   
    que 
   
    la 
   
    foudre 
   
    ayant 
   
    frappé 
   
    sa 
   
    salle 
   
    à 
   
    manger, 
   
    ses 
   
    proches 
   
    parents 
   
    et 
   
    tout 
   
    son 
   
    peuple 
   
    crurent 
   
    voir 
   
    dans 
   
    ce 
   
    phénomène 
   
    le 
   
    présage 
   
    de 
   
    sa 
   
    fin 
   
    prochaine.
  
 
   
    Thoros 
   
    I, 
   
    fils 
   
    et 
   
    successeur 
   
    de 
   
    Constantin 
   
    (1100-1129), 
   
    hérita 
   
    non-seulement 
   
    de 
   
    son 
   
    trône, 
   
    mais 
   
    de 
   
    son 
   
    courage 
   
    et 
   
    de 
   
    sa 
   
    finesse. 
   
    D'après 
   
    les 
   
    mémoires 
   
    que 
   
    nous 
   
    venons 
   
    de 
   
    citer, 
   
    il 
   
    fut 
   
    «honoré 
   
    par 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    et 
   
    nommé 
     
      Protosébaste
   
    ». 
   
    C'était 
   
    le 
   
    plus 
   
    haut 
   
    titre 
   
    des 
   
    Byzantins. 
   
    J'ignore, 
   
    toutefois, 
   
    ce 
   
    qui 
   
    le 
   
    lui 
   
    valut 
   
    et 
   
    quand 
   
    ils 
   
    le 
   
    lui 
   
    donnèrent. 
   
    Car 
   
    si 
   
    ce 
   
    ne 
   
    fut 
   
    pas 
   
    la 
   
    première, 
   
    ce 
   
    fut 
   
    l'une 
   
    des 
   
    principales 
   
    tâches 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    de 
   
    venger 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    Kakig 
   
    dans 
   
    le 
   
    sang 
   
    des 
   
    Grecs.
  
 
   
    En 
   
    1111, 
   
    Thoros 
   
    vainquit 
   
    par 
   
    la 
   
    ruse 
   
    les 
   
    Mantaliens 
   
    et 
   
    s'empara 
   
    de 
   
    leur 
   
    château 
   
    de 
   
    Kendroscave 
   
    (Cysistra) 
   
    qu'il 
   
    fit 
   
    raser. 
   
    Il 
   
    en 
   
    fit 
   
    prisonniers 
   
    les 
   
    habitants 
   
    sur 
   
    les 
   
    rives 
   
    du 
   
    fleuve 
   
    Paratis, 
   
    et 
   
    les 
   
    emmena 
   
    à 
   
    Cracca-Inférieure, 
   
    après 
   
    leur 
   
    avoir 
   
    pris 
   
    leurs 
   
    trésors 
   
    dont 
   
    faisait 
   
    partie 
   
    l'épée 
   
    du 
   
    dernier 
   
    roi 
   
    Bagratide, 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    arrosa 
   
    de 
   
    ses 
   
    larmes 
   
    de 
   
    guerrier. 
   
    Ceux 
   
    qui 
   
    voudront 
   
    mieux 
   
    connaître 
   
    ce 
   
    fait, 
   
    liront 
   
    l'historien 
   
    Mathieu 
   
    d'Edesse, 
   
    qu'ont 
   
    copié 
   
    nos 
   
    autres 
   
    historiens.
  
 
   
    Avant 
   
    cela, 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    pris 
   
    son 
   
    vol 
   
    des 
   
    cîmes 
   
    des 
   
    montagnes 
   
    et 
   
    s'était 
   
    abattu 
   
    sur 
   
    les 
   
    armées 
   
    de 
   
    l'empereur, 
   
    en 
   
    1101, 
   
    avec 
   
    l'alliance 
   
    du 
   
    brave 
   
    Tancrède, 
   
    à 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    soumises 
   
    les 
   
    villes 
   
    du 
   
    pays. 
   
    Plus 
   
    tard, 
   
    en 
   
    1103, 
   
    il 
   
    rendit 
   
    vains 
   
    les 
   
    efforts 
   
    du 
   
    général 
   
    Boutoumite, 
   
    envoyé 
   
    par 
   
    Alexis 
   
    Comnène 
   
    et 
   
    qui, 
   
    n'ayant 
   
    pu 
   
    rien 
   
    faire 
   
    aux 
     
      montagnards, 
   
    alla 
   
    se 
   
    rejeter 
   
    sur 
   
    Marache 
   
    qu'il 
   
    réduisit. 
   
    Un 
   
    an 
   
    après, 
   
    en 
   
    1104, 
   
    le 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    et 
   
    Josselin 
   
    s'étant 
   
    emparés 
   
    de 
   
    cette 
   
    ville, 
   
    Thoros 
   
    acheta 
   
    à 
   
    grand 
   
    prix 
   
    d'or, 
   
    à 
   
    son 
   
    gouverneur 
   
    surnommé 
   
    le 
   
    Prince 
   
    des 
   
    princes, 
   
    une 
   
    image 
   
    de 
   
    la 
   
    Sainte 
   
    Vierge 
   
    qui 
   
    était 
   
    grandement 
   
    honorée 
   
    là-bas. 
   
    Cette 
   
    image 
   
    doit 
   
    être 
   
    une 
   
    autre 
   
    que 
   
    celle 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    enlevée 
   
    avec 
   
    les 
   
    trésors 
   
    des 
   
    Mantaliens 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    plaça, 
   
    comme 
   
    signe 
   
    de 
   
    sa 
   
    conquête 
   
    et 
   
    pour 
   
    protéger 
   
    sa 
   
    maison 
   
    et 
   
    son 
   
    trône, 
   
    dans 
   
    une 
   
    plus 
   
    grande 
   
    place 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    conquise, 
   
    dans 
   
    la 
   
    ville 
   
    d'Anazarbe, 
   
    la 
   
    seconde 
   
    des 
   
    villes 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Thoros, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    mis 
     
      à 
   
    l'abri 
   
    de 
   
    toute 
   
    attaque 
   
    les 
   
    régions 
   
    de 
   
    la 
   
    montagne, 
   
    descendit 
   
    dans 
   
    la 
   
    plaine, 
   
    et 
   
    enleva 
   
    aux 
   
    Grecs 
   
    cette 
   
    ville 
   
    d'Anazarbe 
   
    dont 
   
    ils 
   
    avaient 
   
    fait 
   
    leur 
   
    avant-poste. 
   
    On 
   
    ne 
   
    dit 
   
    pas 
   
    de 
   
    quelle 
   
    manière 
   
    il 
   
    parvint 
   
    à 
   
    s'en 
   
    emparer. 
   
    Mais 
   
    «il 
   
    mit 
   
    l'image 
   
    de 
   
    la 
   
    S.
    
     te 
   
    Vierge 
   
    dans 
   
    le 
   
    château 
   
    d'Anazarbe 
   
    où 
   
    il 
   
    fit 
   
    ériger 
   
    le 
     
      célèbre 
     
      temple, 
   
    dans 
   
    lequel 
   
    il 
   
    plaça 
   
    l'image, 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    cela 
   
    est 
   
    inscrit 
   
    sur 
   
    le 
   
    fronton 
   
    du 
   
    Temple», 
   
    d'après 
   
    ce 
   
    que 
   
    rapporte 
   
    notre 
   
    historien. 
   
    Anazarbe 
   
    est 
   
    en 
   
    ruines 
   
    aujourd'hui 
   
    et 
   
    il 
   
    ne 
   
    nous 
   
    reste 
   
    que 
   
    l'inscription 
   
    de 
   
    son 
   
    temple.
  
 
   
    Que 
   
    les 
   
    inscriptions 
   
    de 
   
    ce 
   
    genre 
   
    demeurent 
   
    comme 
   
    un 
   
    témoignage 
   
    du 
   
    caractère 
   
    et 
   
    des 
   
    mœurs 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    et 
   
    de 
   
    sa 
   
    famille, 
   
    implacable 
   
    envers 
   
    les 
   
    etrangers, 
   
    mais 
   
    que 
   
    la 
   
    crainte 
   
    faisait 
   
    courber 
   
    devant 
   
    Dieu! 
   
    Thoros 
   
    réunit 
   
    en 
   
    sa 
   
    personne 
   
    la 
   
    bravoure 
   
    et 
   
    la 
   
    piété; 
   
    il 
   
    le 
   
    prouva 
   
    en 
   
    faisant 
   
    édifier 
   
    un 
   
    temple 
   
    qu'il 
   
    dédia 
   
    aux 
     
      Saints-Généraux. 
   
    La 
   
    réputation 
   
    de 
   
    sa 
   
    piété 
   
    et 
   
    de 
   
    sa 
   
    prudence 
   
    fut 
   
    plus 
   
    grande 
   
    que 
   
    celle 
   
    de 
   
    bien 
   
    d'autres 
   
    princes. 
   
    On 
   
    affirme 
   
    qu'«il 
   
    fit 
   
    ériger 
   
    beaucoup 
   
    d'églises 
   
    et 
   
    de 
   
    couvents, 
   
    qu'il 
   
    les 
   
    enrichit 
   
    par 
   
    les 
   
    généreuses 
   
    dotations 
   
    qu'il 
   
    leur 
   
    attribua. 
   
    En 
   
    même 
   
    temps, 
   
    il 
   
    fit 
   
    bâtir 
   
    des 
   
    maisons 
   
    de 
   
    refuge 
   
    pour 
   
    les 
   
    pélerins 
   
    et 
   
    pour 
   
    tous 
   
    les 
   
    peuples 
   
    chrétiens. 
   
    Il 
   
    fut 
   
    respecté, 
   
    célébré 
   
    et 
   
    louangé 
   
    dans 
   
    toutes 
   
    les 
   
    langues 
   
    qui, 
   
    abandonnant 
   
    le 
   
    nom 
   
    habituel 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    appelèrent 
   
    son 
   
    pays, 
     
      Terre 
     
      de 
     
      Thoros, 
      
       Երկիր 
      
       Թորոսի
   
    ».
  
 
   
    L'un 
   
    des 
   
    monastères 
   
    qu'il 
   
    fit 
   
    construire 
   
    fut 
   
    celui 
   
    de 
     
      Macheghévor, 
   
    mais 
   
    le 
   
    plus 
   
    célèbre 
   
    de 
   
    tous 
   
    les 
   
    couvents 
   
    de 
   
    Sissouan 
   
    fut 
   
    celui 
   
    de 
     
      Trazargue 
   
    où, 
   
    après 
   
    son 
   
    fondateur, 
   
    le 
   
    docteur 
   
    Méghrig 
      
       Մեղրիկ 
   
    fut-enterré 
   
    et, 
   
    après 
   
    celui-ci, 
   
    bien 
   
    des 
   
    princes 
   
    et 
   
    des 
   
    membres 
   
    de 
   
    la 
   
    famille 
   
    royale. 
   
    Ainsi 
   
    ce 
   
    fut 
   
    Thoros 
   
    qui 
   
    fonda 
   
    le 
   
    trône 
   
    et 
   
    le 
   
    tombeau 
   
    de 
   
    la 
   
    Maison 
   
    dominante 
   
    de 
   
    Sissouan. 
   
    Les 
   
    savants 
   
    ont 
   
    donné 
   
    le 
   
    nom 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    au 
   
    domaine'de 
   
    cette 
   
    Maison 
   
    et 
   
    les 
   
    gens 
   
    peu 
   
    instruits 
   
    l'appelèrent 
     
      Terre 
     
      du 
     
      prince 
     
      des 
     
      Montagnes. 
   
    Les 
   
    successeurs 
   
    même 
   
    de 
   
    ce 
   
    prince 
   
    et 
   
    ses 
   
    petits-fils, 
   
    qui 
   
    s'établirent 
   
    dans 
   
    les 
   
    villes 
   
    de 
   
    la 
   
    plaine 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    s'appelaient 
   
    encore 
   
    tout 
   
    de 
   
    même: 
     
      Montagnards 
   
    ou 
     
      Seigneurs 
     
      des 
     
      Montagnes.
  
 
   
    Thoros 
   
    qui 
   
    avait 
   
    fait 
   
    de 
   
    ses 
   
    montagnes 
   
    la 
   
    redoute 
   
    et 
   
    le 
   
    rempart 
   
    de 
   
    son 
   
    trône, 
   
    ne 
   
    considéra 
   
    Anazarba 
   
    que 
   
    comme 
   
    un 
   
    point 
   
    d'où 
   
    il 
   
    pouvait 
   
    dominer 
   
    tous 
   
    les 
   
    alentours 
   
    de 
   
    cette 
   
    ville. 
   
    Il 
   
    laissa 
   
    son 
   
    allié, 
   
    le 
   
    brave 
   
    Tancrède, 
   
    poursuivre 
   
    la 
   
    guerre 
   
    contre 
   
    l'empereur 
   
    et 
   
    arracher 
   
    à 
   
    celui-ci 
   
    Tarse 
   
    et 
   
    d'autres 
   
    villes. 
   
    Tancrède 
   
    défit 
   
    tous 
   
    les 
   
    généraux 
   
    grecs 
   
    l'un 
   
    après 
   
    l'autre. 
   
    Parmi 
   
    ceux-ci 
   
    se 
   
    trouvait 
     
      un 
     
      chevalier 
   
    surnommé 
     
      Archagouni, 
   
    qui 
   
    s'était 
   
    rendu 
   
    célèbre 
   
    en 
   
    guerroyant 
   
    avec 
   
    Alexis 
   
    contre 
   
    le 
   
    normand 
   
    Robert 
   
    Guiscard, 
   
    en 
   
    Italie 
   
    et 
   
    en 
   
    Grèce. 
   
    Mais, 
   
    cette 
   
    fois, 
   
    Alexis 
   
    fut 
   
    forcé 
   
    d'abandonner, 
   
    par 
   
    traités, 
   
    au 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    la 
   
    partie 
   
    orientale 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    les 
   
    Montagnes-Noires 
   
    et 
   
    la 
   
    région 
   
    située 
   
    au 
   
    pied 
   
    de 
   
    ces 
   
    montagnes. 
   
    Dans 
   
    ces 
   
    traités, 
   
    il 
   
    est 
   
    stipulé 
   
    expressément: 
   
    qu'en 
   
    sont 
   
    «exceptées 
   
    les 
   
    terres 
   
    qui 
   
    appartiennent 
   
    aux 
   
    Princes 
   
    arméniens, 
   
    les 
   
    deux 
   
    frères 
   
    Thoros 
   
    et 
   
    Léon». 
   
    D'où 
   
    l'on 
   
    peut 
   
    déduire 
   
    que 
   
    l'empereur 
   
    avait 
   
    reconnu 
   
    les 
   
    possessions 
   
    des 
   
    petits-fils 
   
    de 
   
    Roupin, 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    celles 
   
    des 
   
    Héthoumiens 
   
    et 
   
    des 
   
    Asgouriens 
   
    et, 
   
    que 
   
    c'est 
   
    pour 
   
    cela 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    conféré 
   
    le 
   
    titre 
   
    de 
   
    protosébaste 
   
    à 
   
    Thoros 
   
    avant 
   
    que 
   
    celui-ci 
   
    n'eût 
   
    vengé 
   
    Kakig.
  
 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    alors 
   
    intérêt 
   
    à 
   
    avoir 
   
    les 
   
    bonnes 
   
    grâces 
   
    de 
   
    l'empereur, 
   
    car 
   
    des 
   
    hordes 
   
    de 
   
    Turcs 
   
    et 
   
    de 
   
    Persans 
   
    étaient 
   
    aux 
   
    portes 
   
    de 
   
    sa 
   
    principauté. 
   
    Elles 
   
    avaient 
   
    déjà 
   
    envahi 
   
    les 
   
    alentours 
   
    d'Anazarbe 
   
    à 
   
    deux 
   
    ou 
   
    trois 
   
    reprises. 
   
    D'abord 
   
    en 
   
    1107, 
   
    quand 
   
    ils 
   
    passèrent 
   
    quelques 
   
    défilés 
   
    du 
   
    Taurus, 
   
    mais 
   
    elles 
   
    furent 
   
    écrasées 
   
    à 
   
    leur 
   
    entrée 
   
    dans 
   
    les 
   
    possessions 
   
    de 
   
    Vassil-le-Voleur 
   
    à 
   
    qui 
   
    s'était 
   
    joint 
   
    probablement 
   
    Thoros. 
   
    Quelque 
   
    temps 
   
    après, 
   
    en 
   
    1110, 
   
    les 
   
    Turcs 
   
    et 
   
    les 
   
    Persans 
   
    entrèrent 
   
    en 
   
    plus 
   
    grand 
   
    nombre 
   
    dans 
   
    le 
   
    pays 
   
    d'Anazarbe 
   
    pour 
   
    le 
   
    ravager. 
   
    Thoros, 
   
    ayant 
   
    vu 
   
    combien 
   
    ils 
   
    étaient 
   
    nombreux, 
   
    n'osa 
   
    pas 
   
    leur 
   
    livrer 
   
    bataille 
   
    et 
   
    les 
   
    envahisseurs 
   
    s'en 
   
    retournèrent 
   
    chez 
   
    eux 
   
    chargés 
   
    de 
   
    butin. 
   
    Trois 
   
    ans 
   
    plus 
   
    tard, 
   
    en 
   
    1113, 
   
    les 
   
    Turcs 
   
    revinrent 
   
    sur 
   
    les 
   
    frontières 
   
    des 
   
    Roupéniens. 
   
    Ceux-ci 
   
    laissèrent 
   
    sur 
   
    le 
   
    champ 
   
    «deux 
   
    grands 
   
    princes, 
   
    Tigran 
   
    et 
   
    Ablasath 
   
    qui 
   
    faisaient 
   
    partie 
   
    de 
   
    l'armée 
   
    de 
   
    Vassil 
   
    (le 
   
    Voleur)». 
   
    Cette 
   
    fois, 
   
    Thoros 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    cité 
   
    comme 
   
    allié 
   
    de 
   
    Vassil.
  
 
   
    L'année 
   
    suivante, 
   
    en 
   
    1114, 
   
    il 
   
    y 
   
    eut 
   
    un 
   
    grand 
   
    tremblement 
   
    de 
   
    terre 
   
    au 
   
    nord 
   
    et 
   
    à 
   
    l'est 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Des 
   
    ruines 
   
    causées 
   
    par 
   
    la 
   
    catastrophe 
   
    surgit 
   
    alors 
   
    la 
   
    ville 
   
    de 
   
    Sis, 
   
    à 
   
    demi 
   
    éffondrée, 
    
     qui 
    
     devait 
   
    devenir 
   
    peu 
   
    de 
   
    temps 
   
    après 
   
    la 
   
    capitale 
   
    et 
   
    le 
   
    siège 
   
    du 
   
    gouvernement 
   
    des 
   
    Roupéniens.
  
 
   
    On 
   
    cite 
   
    encore 
   
    un 
   
    acte 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    dont 
   
    il 
   
    faudrait 
   
    connaître 
   
    la 
   
    cause 
   
    précise 
   
    pour 
   
    bien 
   
    l'apprécier. 
     
      Vassil-Degha 
   
    (le 
   
    Jeune), 
   
    fils 
   
    de 
   
    Vassil-le-Voleur, 
   
    était 
   
    allé 
   
    chez 
   
    le 
   
    frère 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    Léon, 
   
    pour 
   
    prendre 
   
    sa 
   
    fille 
   
    en 
   
    mariage. 
   
    Thoros 
   
    se 
   
    saisit 
   
    de 
   
    sa 
   
    personne 
   
    et 
   
    le 
   
    remit 
   
    entre 
   
    les 
   
    mains 
   
    de 
   
    Baudouin, 
   
    comte 
   
    d'Edesse, 
   
    qui 
   
    s'était 
   
    plusieurs 
   
    fois 
   
    jeté 
   
    sur 
   
    Rabane 
   
    et 
   
    les 
   
    autres 
   
    domaines 
   
    du 
   
    jeune 
   
    prince 
   
    et 
   
    en 
   
    avait 
   
    toujours 
   
    été 
   
    repoussé. 
   
    Mais, 
   
    cette 
   
    fois, 
   
    Baudouin 
   
    envahit 
   
    tout 
   
    son 
   
    pays, 
   
    s'empara 
   
    de 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    possédait 
   
    et 
   
    renvoya 
   
    l'intrépide 
   
    jeune 
   
    homme 
   
    dénué 
   
    de 
   
    tout. 
   
    Vassil-Degha 
   
    resta 
   
    quelque 
   
    temps 
   
    chez 
   
    son 
   
    beau-père 
   
    Léon 
   
    et 
   
    se 
   
    rendit 
   
    ensuite 
   
    à 
   
    Constantinople.
  
 
   
    Thoros 
   
    lui-même, 
   
    l'année 
   
    suivante, 
   
    en 
   
    1117, 
   
    reçut 
   
    encore 
   
    auprès 
   
    de 
   
    lui 
   
    Aboulgharib, 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    la 
   
    ville 
   
    de 
   
    Bir 
   
    et 
   
    fils 
   
    de 
   
    Vassag 
   
    le 
   
    Pahlavien, 
   
    qui 
   
    avait 
   
    vu, 
   
    lui 
   
    aussi, 
   
    ses 
   
    terres 
   
    envahies 
   
    par 
   
    Baudouin 
   
    et 
   
    avait 
   
    été 
   
    forcé 
   
    de 
   
    lui 
   
    abandonner 
   
    cette 
   
    ville 
   
    et 
   
    toute 
   
    sa 
   
    province. 
   
    C'est 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    le 
   
    cupide 
   
    tyran 
   
    Baudouin 
   
    se 
   
    conduisit 
   
    avec 
   
    les 
   
    seigneurs 
   
    arméniens 
   
    de 
   
    la 
   
    vallée 
   
    de 
   
    l'Euphrate, 
   
    qu'il 
   
    dépouilla 
   
    l'un 
   
    après 
   
    l'autre. 
   
    C'est 
   
    pourquoi 
   
    Mathieu 
   
    d'Edesse, 
   
    se 
   
    plaignant 
   
    de 
   
    la 
   
    race 
   
    de 
   
    Baudouin, 
   
    dit 
   
    «qu'elle 
   
    oublie 
   
    tous 
   
    les 
   
    bienfaits 
   
    dont 
   
    on 
   
    l'a 
   
    comblé».
  
 
   
    La 
   
    Maison 
   
    des 
   
    Roupéniens 
   
    allait 
   
    s'agrandissant 
   
    toujours 
   
    de 
   
    plus 
   
    en 
   
    plus 
   
    par 
   
    la 
   
    prudence 
   
    et 
   
    la 
   
    sagacité 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    mais 
   
    son 
   
    jeune 
   
    frère 
   
    et 
   
    successeur, 
     
      Léon, 
   
    n'alla 
   
    pas 
   
    sur 
   
    ses 
   
    traces; 
   
    il 
   
    suivit 
   
    plutôt 
   
    les 
   
    impulsions 
   
    de 
   
    son 
   
    caractère 
   
    et 
   
    de 
   
    ses 
   
    caprices. 
   
    Léon 
   
    dût 
   
    succéder 
   
    à 
   
    Thoros, 
   
    parce 
   
    que 
   
    Constantin, 
   
    fils 
   
    et 
   
    héritier 
   
    de 
   
    ce 
   
    dernier, 
   
    avait 
   
    été 
   
    empoisonné 
   
    par 
   
    des 
   
    gens 
   
    malintentionnés. 
   
    On 
   
    ignore 
   
    comment 
   
    et 
   
    pourquoi 
   
    il 
   
    mourut 
   
    de 
   
    cette 
   
    façon.
  
 
   
    Ce 
   
    Léon, 
   
    du 
   
    vivant 
   
    même 
   
    de 
   
    son 
   
    frère, 
   
    gouvernait 
   
    une 
   
    partie 
   
    du 
   
    pays, 
   
    la 
   
    partie 
   
    orientale, 
   
    je 
   
    crois; 
   
    morceau 
   
    du 
   
    territoire 
   
    situé 
   
    entre 
   
    les 
   
    possessions 
   
    des 
   
    seigneurs 
   
    de 
   
    Marache 
   
    et 
   
    d'Antioche. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    montré 
   
    un 
   
    grand 
   
    courage 
   
    dans 
   
    les 
   
    combats 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    soutenus 
   
    pour 
   
    son 
   
    propre 
   
    compte 
   
    et 
   
    pour 
   
    le 
   
    compte 
   
    de 
   
    ses 
   
    alliés 
   
    les 
   
    Francs. 
   
    En 
   
    1112, 
   
    il 
   
    fut 
   
    l'allié 
   
    de 
   
    Roger, 
   
    bailli 
   
    d'Antioche, 
   
    lorsque 
   
    celui-ci 
   
    marcha 
   
    sur 
   
    la 
   
    ville 
   
    d'Azaz, 
   
    contre 
   
    l'émir 
   
    d'Alep. 
   
    Après 
   
    trente 
   
    jours 
   
    d'efforts 
   
    inutiles 
   
    pour 
   
    repousser 
   
    les 
   
    troupes 
   
    de 
   
    l'émir, 
   
    on 
   
    avait 
   
    laissé 
   
    à 
   
    Léon 
   
    le 
   
    soin 
   
    de 
   
    les 
   
    combattre 
   
    avec 
   
    ses 
   
    soldats 
   
    arméniens. 
   
    Il 
   
    réussit 
   
    à 
   
    refouler 
   
    l'émir 
   
    dans 
   
    la 
   
    ville 
   
    et 
   
    à 
   
    l'empêcher 
   
    d'en 
   
    sortir. 
   
    Ayant 
   
    mis 
   
    le 
   
    siège 
   
    devant 
   
    Azaz, 
   
    il 
   
    le 
   
    força 
   
    à 
   
    capituler 
   
    en 
   
    lui 
   
    imposant 
   
    ses 
   
    conditions. 
   
    On 
   
    attribua 
   
    à 
   
    Léon 
   
    la 
   
    prise 
   
    de 
   
    cette 
   
    ville.
  
 
   
    «Sur 
   
    quoi 
   
    fut 
   
    très 
   
    émerveillée
  
 
   
    La 
   
    race 
   
    vigoureuse 
   
    (des 
   
    Francs),
  
 
   
    Mais 
   
    les 
   
    Sarrasins 
   
    épouvantés,
  
 
   
    L'appelèrent 
   
    un 
   
    nouvel 
   
    Astyage
   
    ».
  
 
   
    Quand 
   
    Léon 
   
    gouverna 
   
    seul, 
   
    les 
   
    historiens 
   
    grecs 
   
    disent 
   
    que, 
   
    selon 
   
    la 
   
    signification 
   
    de 
   
    son 
   
    nom, 
   
    ce 
   
    fut 
   
    comme 
   
    un 
   
    lion 
   
    qu'il 
   
    bondit 
   
    des 
   
    buissons 
   
    et 
   
    se 
   
    jeta 
   
    dans 
   
    l'immense 
   
    plaine 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Il 
   
    frappa 
   
    à 
   
    gauche 
   
    et 
   
    à 
   
    droite, 
   
    au 
   
    gré 
   
    de 
   
    son 
   
    inspiration 
   
    ou 
   
    selon 
   
    la 
   
    circonstance, 
   
    les 
   
    Turcs, 
   
    les 
   
    Francs 
   
    et 
   
    les 
   
    Grecs, 
   
    à 
   
    qui 
   
    il 
   
    arracha 
   
    des 
   
    domaines, 
   
    mais 
   
    bientôt 
   
    il 
   
    tomba 
   
    sous 
   
    leurs 
   
    coups 
   
    et 
   
    ils 
   
    lui 
   
    enlevèrent 
   
    à 
   
    leur 
   
    tour 
   
    son 
   
    patrimoine.
  
 
   
    Il 
   
    paraît 
   
    avoir 
   
    vécu 
   
    d'abord 
   
    en 
   
    paix 
   
    avec 
   
    les 
   
    Grecs, 
   
    jusqu'en 
   
    l'année 
   
    1131. 
   
    Il 
   
    épousa 
   
    la 
   
    fille 
   
    d'Isaac, 
   
    frère 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    Alexis. 
   
    Il 
   
    croyait 
   
    qu'elle 
   
    lui 
   
    apporterait 
   
    en 
   
    dot 
   
    les 
   
    villes 
   
    de 
   
    Missis 
   
    et 
   
    d'Adana. 
   
    C'est 
   
    alors 
   
    qu'Isaac 
   
    se 
   
    formalisa, 
   
    se 
   
    brouilla 
   
    avec 
   
    lui 
   
    et 
   
    se 
   
    rendit 
   
    chez 
   
    le 
   
    Sultan 
   
    Maksoud.
  
 
   
    Léon 
   
    se 
   
    jeta 
   
    alors 
   
    sur 
   
    les 
   
    troupes 
   
    grecques, 
   
    s'empara 
   
    de 
   
    Mamestia 
   
    et 
   
    de 
   
    la 
   
    grande 
   
    ville 
   
    de 
   
    Tarse 
   
    et 
   
    arriva 
   
    jusqu'aux 
   
    bords 
   
    de 
   
    la 
   
    Méditerranée. 
   
    Puis, 
   
    au 
   
    dire 
   
    de 
   
    quelques-uns, 
   
    s'étant 
   
    brouillé 
   
    aussi 
   
    avec 
   
    le 
   
    jeune 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    Boémond 
   
    II, 
   
    il 
   
    s'allia 
   
    avec 
   
    Zanghi, 
   
    le 
   
    fier 
   
    émir 
   
    d'Alep, 
   
    écrasa 
   
    les 
   
    troupes 
   
    de 
   
    Boémond 
   
    que 
   
    l'on 
   
    trouva 
   
    sur 
   
    le 
   
    champ 
   
    de 
   
    bataille 
   
    la 
   
    tête 
   
    coupée.
  
 
   
    Avant 
   
    ou 
   
    après 
   
    cet 
   
    événement, 
   
    il 
   
    paraît 
   
    que 
   
    Léon 
   
    fondit 
   
    sur 
   
    la 
   
    partie 
   
    septentrionale 
   
    du 
   
    pays 
   
    dont 
   
    les 
   
    Turcs 
   
    avaient 
   
    la 
   
    possession. 
   
    Enrevanche, 
   
    le 
   
    puissant 
   
    Tanichmend 
   
    El-Ghasi 
   
    II, 
   
    envahit 
   
    en 
   
    1131 
   
    le 
   
    territoire 
   
    de 
   
    Léon 
   
    qui 
   
    accourut 
   
    à 
   
    sa 
   
    rencontre 
   
    et 
   
    fit 
   
    retourner 
   
    les 
   
    Turcs 
   
    sur 
   
    leur 
   
    pas, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    promis 
   
    au 
   
    Sultan 
   
    qu'il 
   
    respecterait 
   
    ses 
   
    frontières. 
   
    Mais 
   
    il 
   
    ne 
   
    tint 
   
    nullement 
   
    sa 
   
    promesse. 
   
    Aussitôt 
   
    Léon 
   
    reprit 
   
    les 
   
    armes 
   
    et 
   
    s'empara 
   
    des 
   
    châteaux 
   
    et 
   
    des 
   
    provinces 
   
    qui 
   
    restaient 
   
    aux 
   
    Grecs 
   
    et 
   
    dont 
   
    il 
   
    était 
   
    difficile 
   
    de 
   
    se 
   
    rendre 
   
    maître.
  
 
   
    En 
   
    1136, 
   
    il 
   
    réussit 
   
    à 
   
    enlever 
   
    aux 
   
    Francs 
   
    la 
   
    fameuse 
   
    forteresse 
   
    de 
   
    Sarouantikar. 
   
    Ce 
   
    fait 
   
    alluma 
   
    leur 
   
    haine 
   
    envers 
   
    Léon, 
   
    contre 
   
    lequel 
   
    aussi 
   
    les 
   
    Antiochiens 
   
    s'unirent 
   
    au 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem. 
   
    Léon 
   
    prit 
   
    pour 
   
    allié 
   
    son 
   
    neveu 
   
    Josselin 
   
    II, 
   
    comte 
   
    d'Edesse. 
   
    Alors 
   
    de 
   
    fiers 
   
    guerriers 
   
    se 
   
    trouvèrent 
   
    en 
   
    face 
   
    d'autres 
   
    fiers 
   
    guerriers 
   
    et 
   
    troublèrent 
   
    la 
   
    paix 
   
    des 
   
    Chrétiens. 
   
    Les 
   
    deux 
   
    partis 
   
    ravagèrent 
   
    des 
   
    provinces 
   
    et 
   
    de 
   
    part 
   
    et 
   
    d'autre 
   
    on 
   
    se 
   
    fit 
   
    une 
   
    multitude 
   
    de 
   
    pri
    
     sonniers.
  
 
   
    Cette 
   
    guerre 
   
    finie, 
   
    en 
   
    1136, 
   
    une 
   
    nouvelle 
   
    querelle 
   
    s'éleva 
   
    entre 
   
    Léon 
   
    et 
   
    Baudouin 
   
    Seigneur 
   
    de 
   
    Marache. 
   
    J'ignore 
   
    lequel 
   
    des 
   
    deux 
   
    fut 
   
    le 
   
    vainqueur 
   
    de 
   
    l'autre. 
   
    Notre 
   
    historien 
   
    royal 
   
    et 
   
    Sempad 
   
    citent 
   
    ce 
   
    fait. 
   
    L'un 
   
    dit 
   
    que 
   
    Baudouin 
   
    vainquit 
   
    Léon, 
   
    l'autre, 
   
    que 
   
    Léon 
   
    vainquit 
   
    Baudouin. 
   
    Ce 
   
    doit 
   
    être 
   
    une 
   
    faute 
   
    commise 
   
    par 
   
    les 
   
    copistes 
   
    de 
   
    ces 
   
    livres. 
   
    Ce 
   
    qui 
   
    demeure 
   
    évident, 
   
    c'est 
   
    que 
   
    si 
   
    Léon 
   
    fut 
   
    vaincu, 
   
    il 
   
    resta 
   
    toujours 
   
    fort 
   
    et 
   
    libre. 
   
    Car, 
   
    seul 
   
    trois 
   
    mois 
   
    après, 
   
    surpris 
   
    traîtreusement 
   
    par 
   
    le 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    celui-ci 
   
    ne 
   
    voulut 
   
    pas 
   
    garder 
   
    longtemps 
   
    chez 
   
    lui, 
   
    ce 
   
    terrible 
   
    lion 
   
    qui 
   
    le 
   
    guettait 
   
    depuis 
   
    tant 
   
    de 
   
    temps, 
   
    à 
   
    la 
   
    nouvelle 
   
    que 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    s'avancaient 
   
    sur 
   
    lui 
   
    en 
   
    même 
   
    temps, 
   
    que 
   
    sur 
   
    Léon. 
   
    Il 
   
    jugea 
   
    donc 
   
    plus 
   
    avantageux 
   
    de 
   
    se 
   
    faire 
   
    un 
   
    allié 
   
    de 
   
    son 
   
    prisonnier 
   
    que 
   
    de 
   
    l'avoir 
   
    pour 
   
    ennemi 
   
    implacable. 
   
    Mais 
   
    pour 
   
    qu'à 
   
    son 
   
    tour 
   
    Léon 
   
    ne 
   
    le 
   
    surprit 
   
    pas, 
   
    il 
   
    lui 
   
    demanda 
   
    comme 
   
    ôtages 
   
    quelques-uns 
   
    de 
   
    ses 
   
    enfants 
   
    et 
   
    la 
   
    restitution 
   
    du 
   
    château 
   
    de 
   
    Sarouantikar 
   
    que 
   
    Léon 
   
    avait 
   
    arraché, 
   
    en 
   
    même 
   
    temps 
   
    que 
   
    les 
   
    villes 
   
    de 
   
    Missis 
   
    et 
   
    d'Adana. 
   
    Pour 
   
    sa 
   
    rançon 
   
    il 
   
    dut 
   
    en 
   
    outre 
   
    payer 
   
    soixante 
   
    milles 
   
    besans 
   
    d'or. 
   
    Le 
   
    prince 
   
    le 
   
    mit 
   
    en 
   
    liberté 
   
    deux 
   
    mois 
   
    après.
  
 
   
    Entre 
   
    temps, 
   
    une 
   
    querelle 
   
    avait 
   
    éclaté 
   
    entre 
   
    les 
   
    fils 
   
    de 
   
    Léon 
   
    ardents 
   
    comme 
   
    lui-même; 
   
    ils 
   
    avaient 
   
    fait 
   
    crever 
   
    les 
   
    yeux 
   
    au 
   
    plus 
   
    intelligent 
   
    d'entre 
   
    eux, 
   
    à 
   
    Constantin. 
   
    Les 
   
    autres, 
   
    qui 
   
    jouèrent 
   
    un 
   
    rôle 
   
    dans 
   
    l'histoire 
   
    du 
   
    pays, 
   
    sont 
   
    Thoros 
   
    II, 
   
    Stéphané, 
   
    et 
   
    Melèh 
   
    et 
   
    leur 
   
    aîné 
   
    Roupin, 
   
    qu'on 
   
    prétend 
   
    né 
   
    d'une 
   
    concubine. 
   
    Emmené 
   
    à 
   
    Constantinople, 
   
    quelque 
   
    temps 
   
    après, 
   
    on 
   
    dit 
   
    qu'il 
   
    fut 
   
    assassiné 
   
    par 
   
    jalousie.
  
 
   
    Le 
   
    turbulent 
   
    Léon, 
   
    délivré 
   
    de 
   
    sa 
   
    captivité 
   
    après 
   
    avoir 
   
    perdu 
   
    bon 
   
    gré 
   
    mal 
   
    gré 
   
    la 
   
    partie 
   
    orientale, 
   
    la 
   
    plus 
   
    belle 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    que 
   
    d'ailleurs 
   
    il 
   
    espérait 
   
    recouvrer 
   
    dans 
   
    un 
   
    temps 
   
    meilleur, 
   
    tourna 
   
    alors 
   
    ses 
   
    armes 
   
    contre 
   
    le 
   
    côté 
   
    Occidental 
   
    du 
   
    pays. 
   
    Il 
   
    entra 
   
    dans 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    Trachée, 
   
    assiégea 
   
    la 
   
    grande 
   
    et 
   
    forte 
   
    ville 
   
    maritime 
   
    de 
   
    Séleucie, 
   
    capitale 
   
    de 
   
    la 
   
    province 
   
    et 
   
    située 
   
    près 
   
    de 
   
    la 
   
    mer. 
   
    Pourtant 
   
    la 
   
    mer 
   
    paraissait, 
   
    en 
   
    mugissant, 
   
    dire 
   
    à 
   
    Léon: 
   
    «Ne 
   
    viens 
   
    pas 
   
    jusqu'ici 
   
    et 
   
    ne 
   
    va 
   
    pas 
   
    changer 
   
    le 
   
    cours 
   
    de 
   
    ta 
   
    fortune».
  
 
   
    À 
   
    cette 
   
    époque, 
   
    les 
   
    Comnènes 
   
    occupaient 
   
    le 
   
    trône 
   
    de 
   
    Bysance. 
   
    Ces 
   
    Comnènes 
   
    n'étaient 
   
    pas 
   
    de 
   
    mœurs 
   
    irréprochables, 
   
    mais 
   
    ils 
   
    étaient 
   
    doués 
   
    d'une 
   
    haute 
   
    intelligence. 
   
    Ils 
   
    avaient 
   
    à 
   
    cœur 
   
    sur 
   
    tout 
   
    de 
   
    ne 
   
    pas 
   
    voir 
   
    s'aliéner 
   
    les 
   
    provinces 
   
    acquises 
   
    par 
   
    leurs 
   
    ancêtres, 
   
    c'est 
   
    pourquoi 
   
    l'empereur 
   
    que 
   
    nos 
   
    historiens 
   
    appellent 
   
    Ghyr-Jean, 
   
    (Jean 
   
    II) 
   
    exaspéré 
   
    contre 
   
    les 
   
    Antiochiens 
   
    et 
   
    les 
   
    Arméniens, 
   
    car 
   
    il 
   
    regardait 
   
    comme 
   
    siennes 
   
    les 
   
    provinces, 
   
    qu'ils 
   
    avaient 
   
    conquises, 
   
    affranchi 
   
    du 
   
    souci 
   
    des 
   
    affaires 
   
    intérieures 
   
    de 
   
    son 
   
    empire, 
   
    Jean 
   
    réunit 
   
    une 
   
    forte 
   
    armée 
   
    et 
   
    s'embarqua 
   
    pour 
   
    la 
   
    Cilicie.
  
 
   
    Léon, 
   
    en 
   
    ayant 
   
    été 
   
    informé, 
   
    abandonna 
   
    le 
   
    siège 
   
    de 
   
    Séleucie 
   
    et 
   
    courut 
   
    renforcer 
   
    la 
   
    garnison 
   
    de 
   
    sa 
   
    capitale 
   
    et 
   
    de 
   
    sa 
   
    fameuse 
   
    forteresse. 
   
    Mais 
   
    l'empereur 
   
    se 
   
    dépêcha, 
   
    lui 
   
    aussi, 
   
    d'entrer 
   
    en 
   
    Cilicie. 
   
    Tarse, 
   
    Missis 
   
    et 
   
    Adana, 
   
    tributaires 
   
    des 
   
    Antiochiens 
   
    qui 
   
    les 
   
    abandonnèrent 
   
    lâchement, 
   
    se 
   
    rendirent 
   
    l'une 
   
    après 
   
    l'autre. 
   
    Mais, 
   
    Anazarbe, 
   
    la 
   
    capitale 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    résista 
   
    avec 
   
    énergie 
   
    à 
   
    l'empereur. 
   
    Elle 
   
    avait 
   
    d'ailleurs, 
   
    été 
   
    considérablement 
   
    fortifiée. 
   
    Jean 
   
    crut 
   
    pouvoir 
   
    s'en 
   
    rendre 
   
    maître 
   
    par 
   
    la 
   
    ruse 
   
    et 
   
    mit 
   
    aux 
   
    premiers 
   
    rangs 
   
    ses 
   
    alliés 
   
    les 
   
    Turcs, 
   
    espérant 
   
    que 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    dont 
   
    ils 
   
    avaient 
   
    été 
   
    les 
   
    alliés 
   
    voudraient 
   
    leur 
   
    épargner 
   
    la 
   
    vie. 
   
    Mais 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    firent 
   
    une 
   
    sortie, 
   
    se 
   
    jetèrent 
   
    sur 
   
    leur 
   
    camp 
   
    et 
   
    les 
   
    écrasèrent. 
   
    Les 
   
    Grecs 
   
    accoururent 
   
    à 
   
    leur 
   
    secours 
   
    et 
   
    repoussèrent 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    dans 
   
    la 
   
    ville. 
   
    Ils 
   
    resserrèrent 
   
    le 
   
    siège 
   
    et 
   
    braquèrent 
   
    les 
   
    béliers 
   
    et 
   
    autres 
   
    engins 
   
    de 
   
    guerre 
   
    sur 
   
    les 
   
    bastions 
   
    de 
   
    la 
   
    ville. 
   
    Mais 
   
    les 
   
    assiégeants 
   
    firent 
   
    moins 
   
    de 
   
    mal 
   
    aux 
   
    assiégés 
   
    que 
   
    ceux-ci 
   
    ne 
   
    leur 
   
    en 
   
    firent. 
   
    Les 
   
    béliers 
   
    de 
   
    ces 
   
    derniers 
   
    lançaient 
   
    d'énormes 
   
    pierres 
   
    et 
   
    brisaient 
   
    les 
   
    machines 
   
    des 
   
    assiégeants, 
   
    écrasant 
   
    tous 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    se 
   
    trouvaient 
   
    auprès. 
   
    Les 
   
    traits, 
   
    rougis 
   
    au 
   
    feu, 
   
    lancés 
   
    dans 
   
    le 
   
    camp 
   
    ennemi, 
   
    tuaient 
   
    bien 
   
    des 
   
    soldats. 
   
    On 
   
    se 
   
    remplaçait 
   
    constamment 
   
    sur 
   
    les 
   
    remparts, 
   
    et 
   
    les 
   
    autres, 
   
    s'encourageant 
   
    mutuellement, 
   
    firent 
   
    une 
   
    sortie, 
   
    écrasèrent 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qui 
   
    leur 
   
    résistait, 
   
    s'approchèrent 
   
    des 
   
    balistes 
   
    et 
   
    y 
   
    mirent 
   
    le 
   
    feu 
   
    et 
   
    les 
   
    réduisirent 
   
    en 
   
    cendres. 
   
    Cette 
   
    résistance 
   
    énergique 
   
    causait 
   
    de 
   
    grandes 
   
    pertes 
   
    aux 
   
    Grecs 
   
    mais 
   
    ce 
   
    qui 
   
    excitait 
   
    leur 
   
    rage, 
   
    c'étaient 
   
    les 
   
    quolibets 
   
    et 
   
    les 
   
    apostrophes 
   
    railleuses 
   
    qui 
   
    leur 
   
    étaient 
   
    criés 
   
    du 
   
    haut 
   
    des 
   
    remparts 
   
    et 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    quelquefois 
   
    à 
   
    l'adresse 
   
    même 
   
    de 
   
    l'empereur. 
   
    Aussi 
   
    les 
   
    Grecs, 
   
    exaspérés 
   
    de 
   
    ces 
   
    sarcasmes, 
   
    s'obstinèrent-ils 
   
    à 
   
    ce 
   
    siège 
   
    par 
   
    esprit 
   
    de 
   
    vengeance. 
   
    Leurs 
   
    machines 
   
    étant 
   
    brûlées, 
   
    ils 
   
    durent 
   
    arrêter 
   
    le 
   
    combat 
   
    pendant 
   
    quelques 
   
    jours 
   
    pour 
   
    en 
   
    construire 
   
    de 
   
    nouvelles 
   
    qu'ils 
   
    revêtirent 
   
    d'une 
   
    espèce 
   
    de 
   
    ciment 
   
    pour 
   
    qu'elles 
   
    pussent 
   
    recevoir 
   
    impunément 
   
    la 
   
    grêle 
   
    de 
   
    projectiles 
   
    rougis 
   
    au 
   
    feu. 
   
    Bien 
   
    qu'ils 
   
    eussent 
   
    été 
   
    déconcertés 
   
    par 
   
    les 
   
    sorties 
   
    nouvelles 
   
    des 
   
    assiégés, 
   
    cependant, 
   
    par 
   
    les 
   
    coups 
   
    redoublés 
   
    de 
   
    leur 
   
    béliers 
   
    qui 
   
    ne 
   
    risquaient 
   
    plus 
   
    alors 
   
    d'être 
   
    brûlés, 
   
    ils 
   
    réussirent 
   
    à 
   
    faire 
   
    une 
   
    brêche 
   
    aux 
   
    remparts 
   
    de 
   
    la 
   
    ville. 
   
    Mais 
   
    ils 
   
    rencontrèrent 
   
    un 
   
    autre 
   
    rempart 
   
    bâti 
   
    derrière 
   
    le 
   
    premier 
   
    que 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    défendaient 
   
    avec 
   
    acharnement 
   
    au 
   
    prix 
   
    de 
   
    leur 
   
    vie. 
   
    Au 
   
    pied 
   
    de 
   
    cette 
   
    muraille 
   
    les 
   
    assiégeants 
   
    laissèrent 
   
    beaucoup 
   
    des 
   
    leurs. 
   
    Mais 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    étaient 
   
    en 
   
    si 
   
    grand 
   
    nombre 
   
    qu'on 
   
    ne 
   
    pouvait 
   
    ni 
   
    diminuer 
   
    leurs 
   
    rangs 
   
    ni 
   
    causer 
   
    quelque 
   
    dommage 
   
    à 
   
    leurs 
   
    engins 
   
    de 
   
    guerre. 
   
    Les 
   
    assiégés 
   
    demandèrent 
   
    donc 
   
    à 
   
    se 
   
    rendre. 
   
    L'empereur 
   
    pardonna 
   
    noblement 
   
    à 
   
    ces 
   
    vaillants 
   
    guerriers. 
   
    Non 
   
    seulement 
   
    il 
   
    leur 
   
    laissa 
   
    la 
   
    vie 
   
    sauve, 
   
    mais 
   
    il 
   
    ne 
   
    toucha 
   
    pas 
   
    à 
   
    leurs 
   
    subsistances.
  
 
   
    Néanmoins 
   
    il 
   
    fut 
   
    grandement 
   
    irrité 
   
    de 
   
    la 
   
    résistance 
   
    obstinée 
   
    de 
   
    la 
   
    garnison 
   
    du 
   
    château 
   
    de 
   
    Vahga, 
   
    dernier 
   
    refuge 
   
    de 
   
    Léon 
   
    et 
   
    de 
   
    sa 
   
    famille. 
   
    Il 
   
    jura 
   
    de 
   
    ne 
   
    pas 
   
    s'éloigner 
   
    avant 
   
    d'avoir 
   
    pris 
   
    cette 
   
    forteresse 
   
    et 
   
    de 
   
    tenir 
   
    s'il 
   
    le 
   
    fallait 
   
    plusieurs 
   
    hivers, 
   
    et 
   
    de 
   
    ne 
   
    lever 
   
    le 
   
    siège 
   
    qu'à 
   
    sa 
   
    mort. 
   
    Il 
   
    envoya 
   
    dire 
   
    à 
   
    la 
   
    garnison 
   
    que, 
   
    si 
   
    l'on 
   
    voulait 
   
    consentir 
   
    à 
   
    se 
   
    rendre 
   
    tout 
   
    de 
   
    suite, 
   
    il 
   
    laisserait 
   
    tout 
   
    le 
   
    monde 
   
    s'en 
   
    aller 
   
    librement 
   
    où 
   
    bon 
   
    lui 
   
    plairait, 
   
    sinon 
   
    qu'il 
   
    les 
   
    mettrait 
   
    tous 
   
    à 
   
    mort. 
   
    Les 
   
    assiégés 
   
    préférèrent 
   
    mourir 
   
    que 
   
    de 
   
    livrer 
   
    le 
   
    château 
   
    qui 
   
    était 
   
    presque 
   
    imprenable 
   
    et 
   
    dont 
   
    il 
   
    était 
   
    difficile 
   
    de 
   
    s'approcher. 
   
    On 
   
    se 
   
    reprit 
   
    de 
   
    courage 
   
    et 
   
    la 
   
    lutte 
   
    recommença 
   
    de 
   
    plus 
   
    belle.
  
 
   
    Un 
   
    des 
   
    nobles, 
   
    nommé 
   
    Constantin, 
   
    homme 
   
    d'une 
   
    haute 
   
    stature, 
   
    monta 
   
    sur 
   
    un 
   
    bloc 
   
    de 
   
    pierre 
   
    au 
   
    plus 
   
    haut 
   
    du 
   
    fort 
   
    et 
   
    jeta 
   
    aux 
   
    assiégeants 
   
    des 
   
    paroles 
   
    d'insulte 
   
    et 
   
    de 
   
    dédain 
   
    à 
   
    leur 
   
    adresse 
   
    et 
   
    à 
   
    celle 
   
    de 
   
    l'empereur. 
   
    Il 
   
    les 
   
    invita 
   
    à 
   
    envoyer 
   
    qui 
   
    ils 
   
    voudraient 
   
    se 
   
    battre 
   
    avec 
   
    lui. 
   
    Un 
   
    Macédonien 
   
    du 
   
    nom 
   
    d'Eustrade, 
   
    armé 
   
    d'un 
   
    long 
   
    glaive 
   
    et 
   
    d'un 
   
    épais 
   
    bouclier 
   
    lui 
   
    fut 
   
    dépêché 
   
    au 
   
    pied 
   
    du 
   
    mur. 
   
    Constantin, 
   
    aussitôt 
   
    qu'il 
   
    l'aperçut, 
   
    descendit, 
   
    s'avança 
   
    contre 
   
    lui, 
   
    comme 
   
    Goliath 
   
    devant 
   
    David, 
   
    en 
   
    l'insultant, 
   
    et 
   
    l'assaillit 
   
    avec 
   
    des 
   
    coups 
   
    terribles. 
   
    Le 
   
    Macédonien, 
   
    parait 
   
    ces 
   
    coups 
   
    avec 
   
    son 
   
    épais 
   
    bouclier; 
   
    excité 
   
    par 
   
    les 
   
    cris 
   
    des 
   
    Grecs, 
   
    il 
   
    relevait 
   
    souvent 
   
    son 
   
    bras 
   
    armé, 
   
    mais 
   
    ses 
   
    forces 
   
    s'épuisèrent. 
   
    Enfin, 
   
    par 
   
    un 
   
    dernier 
   
    effort, 
   
    il 
   
    parvint 
   
    à 
   
    fendre 
   
    le 
   
    bouclier 
   
    du 
   
    Géant. 
   
    Les 
   
    Grecs 
   
    firent 
   
    alors 
   
    entendre 
   
    de 
   
    grands 
   
    cris, 
   
    et 
   
    Constantin, 
   
    tournant 
   
    le 
   
    dos 
   
    à 
   
    Eustrade, 
   
    remonta 
   
    dans 
   
    le 
   
    fort 
   
    et 
   
    ne 
   
    se 
   
    fit 
   
    plus 
   
    voir. 
   
    La 
   
    garnison 
   
    du 
   
    château, 
   
    en 
   
    voyant 
   
    ce 
   
    qui 
   
    venait 
   
    d'arriver, 
   
    fut 
   
    démoralisée 
   
    et 
   
    se 
   
    rendit. 
   
    Constantin 
   
    fut 
   
    livré 
   
    pour 
   
    être 
   
    envoyé 
   
    à 
   
    Constantinople, 
   
    mais, 
   
    pendant 
   
    la 
   
    nuit, 
   
    il 
   
    rompit 
   
    ses 
   
    chaînes 
   
    avec 
   
    l'aide 
   
    de 
   
    ses 
   
    serviteurs 
   
    et 
   
    s'enfuit. 
   
    Il 
   
    fut 
   
    repris 
   
    et 
   
    conduit 
   
    à 
   
    l'empereur.
  
 
   
    Léon 
   
    s'était 
   
    réfugié 
   
    dans 
   
    ses 
   
    montagnes 
   
    inaccessibles, 
   
    mais 
   
    il 
   
    fut 
   
    assiégé 
   
    de 
   
    loin 
   
    dans 
   
    ces 
   
    lieux 
   
    impraticables, 
   
    et 
   
    il 
   
    dut 
   
    se 
   
    rendre 
   
    lui 
   
    aussi 
   
    avec 
   
    sa 
   
    femme 
   
    et 
   
    ses 
   
    trois 
   
    fils, 
   
    Thoros, 
   
    Roupin 
   
    et 
   
    Stéphané. 
   
    Melèh 
   
    était 
   
    auprès 
   
    de 
   
    Josselin. 
   
    À 
   
    la 
   
    vue 
   
    de 
   
    son 
   
    prisonnier, 
   
    l'empereur 
   
    fut 
   
    au 
   
    comble 
   
    de 
   
    la 
   
    joie. 
   
    Il 
   
    le 
   
    fit 
   
    charger 
   
    de 
   
    chaînes 
   
    et 
   
    l'envoya 
   
    à 
   
    Constantinople 
   
    avec 
   
    toute 
   
    sa 
   
    famille 
   
    et 
   
    tout 
   
    le 
   
    butin 
   
    qu'il 
   
    lui 
   
    avait 
   
    pris; 
   
    dans 
   
    ce 
   
    butin 
   
    se 
   
    trouvait 
   
    l'image 
   
    de 
   
    la 
   
    Sainte 
   
    Vierge.
  
 
   
    Léon, 
   
    jeté 
   
    tout 
   
    d'abord 
   
    dans 
   
    une 
   
    prison, 
   
    fut 
   
    remis 
   
    en 
   
    liberté 
   
    un 
   
    an 
   
    après. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    libre 
   
    accès 
   
    au 
   
    palais 
   
    de 
   
    l'empereur. 
   
    Celui-ci 
   
    l'avait 
   
    admis 
   
    à 
   
    sa 
   
    table. 
   
    Mais, 
   
    quand 
   
    des 
   
    méchants, 
   
    à 
   
    force 
   
    d'intrigues, 
   
    eurent 
   
    fait 
   
    crever 
   
    les 
   
    yeux 
   
    au 
   
    jeune 
   
    et 
   
    vigoureux 
   
    Roupin, 
   
    qui 
   
    en 
   
    mourut 
   
    en 
   
    1139, 
   
    l'empereur 
   
    prit 
   
    Léon 
   
    en 
   
    méfiance 
   
    et 
   
    le 
   
    fit 
   
    remettre 
   
    en 
   
    prison. 
   
    Là, 
   
    le 
   
    cœur 
   
    du 
   
    lion 
   
    généreux 
   
    se 
   
    brisa, 
   
    et 
   
    Léon 
   
    ne 
   
    tarda 
   
    pas 
   
    à 
   
    mourir. 
   
    On 
   
    prétend 
   
    qu'il 
   
    aurait 
   
    expliqué 
   
    le 
   
    songe 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    son 
   
    fils 
   
    qui 
   
    s'évaderait 
   
    de 
   
    la 
   
    prison 
   
    et 
   
    réussirait 
   
    à 
   
    reprendre 
   
    le 
   
    domaine 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    puis 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    rendrait 
   
    maître 
   
    non 
   
    seulement 
   
    de 
   
    ce 
   
    pays 
   
    mais 
   
    encore 
   
    de 
   
    tout 
   
    le 
   
    littoral.
  
 
   
    Mais 
   
    la 
   
    renommée 
   
    de 
   
    Léon 
   
    devait 
   
    durer 
   
    bien 
   
    plus 
   
    que 
   
    sa 
   
    vie 
   
    et, 
   
    partout 
   
    portée 
   
    par 
   
    les 
   
    Sarrasins, 
   
    elle 
   
    avait 
   
    déjà 
   
    fixé 
   
    au 
   
    pays 
   
    dont 
   
    il 
   
    était 
   
    le 
   
    maître, 
   
    le 
   
    nom 
   
    de 
     
      Pays 
     
      de 
     
      Léon.
  
 
   
    Pendant 
   
    sept 
   
    ans, 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    resta 
   
    sans 
   
    souverain 
   
    ou 
   
    plutôt 
   
    sans 
   
    chef 
   
    de 
   
    la 
   
    nationalité 
   
    arménienne. 
   
    L'empereur 
   
    Jean 
   
    avait 
   
    expulsé 
   
    tous 
   
    les 
   
    guerriers 
   
    arméniens 
   
    et 
   
    emmené 
   
    en 
   
    captivité 
   
    la 
   
    famille 
   
    de 
   
    Léon. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    laissé 
   
    dans 
   
    le 
   
    pays 
   
    pour 
   
    garder 
   
    les 
   
    villes 
   
    et 
   
    les 
   
    lieux 
   
    principaux, 
   
    douze 
   
    mille 
   
    soldats 
   
    grecs. 
   
    Il 
   
    méditait 
   
    de 
   
    faire 
   
    de 
   
    son 
   
    fils 
   
    Manuel 
   
    un 
   
    seul 
   
    roi 
   
    pour 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    la 
   
    Pamphylie, 
   
    l'Isaurie 
   
    et 
   
    même 
   
    pour 
   
    la 
   
    principauté 
   
    d'Antioche. 
   
    Après 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    il 
   
    revint 
   
    en 
   
    Cilicie 
   
    en 
   
    1142 
   
    et 
   
    emmena 
   
    Manuel 
   
    avec 
   
    lui. 
   
    Il 
   
    y 
   
    retourna 
   
    encore 
   
    une 
   
    fois 
   
    l'année 
   
    suivante, 
   
    en 
   
    1143. 
   
    Il 
   
    y 
   
    fut 
   
    blessé 
   
    par 
   
    une 
   
    flêche 
   
    empoisonnée, 
   
    dans 
   
    une 
   
    partie 
   
    de 
   
    chasse, 
   
    aux 
   
    environs 
   
    d'Anazarbe. 
   
    Il 
   
    en 
   
    mourut 
   
    en 
   
    désignant 
   
    pour 
   
    son 
   
    successeur 
   
    au 
   
    trône 
   
    impérial 
   
    précisément 
   
    son 
   
    bien-aimé 
   
    jeune 
   
    fils 
   
    Manuel.
  
 
   
    Celui-ci, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    arraché 
   
    des 
   
    mains 
   
    des 
   
    Turcs 
   
    quelques 
   
    châteaux-forts 
   
    et 
   
    y 
   
    avoir 
   
    laissé 
   
    des 
   
    garnisons, 
   
    fit 
   
    enlever 
   
    le 
   
    corps 
   
    de 
   
    son 
   
    père 
   
    et 
   
    le 
   
    ramena 
   
    à 
   
    Constantinople. 
   
    Il 
   
    venait 
   
    à 
   
    peine 
   
    de 
   
    se 
   
    mettre 
   
    en 
   
    route 
   
    que 
   
    Raymond, 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    se 
   
    dépêcha 
   
    de 
   
    reprendre 
   
    ses 
   
    possessions 
   
    des 
   
    environs 
   
    de 
   
    sa 
   
    grande 
   
    métropole. 
   
    Quant 
   
    aux 
   
    forts 
   
    situés 
   
    dans 
   
    les 
   
    montagnes: 
   
    Vahga, 
   
    Gaban 
   
    et 
   
    autres, 
   
    ils 
   
    furent 
   
    pris 
   
    par 
   
    Mélik 
   
    Ahmad, 
   
    émir 
   
    Tanichmanien, 
   
    en 
   
    1138-39.
  
 
   
    Après 
   
    sept 
   
    ans 
   
    d'interrègne 
   
    des 
   
    Roupéniens 
   
    et 
   
    de 
   
    captivité 
   
    des 
   
    princes 
   
    royaux, 
   
    le 
   
    soleil 
   
    d'une 
   
    nouvelle 
   
    ère 
   
    de 
   
    liberté 
   
    se 
   
    leva 
   
    sur 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    et 
   
    brilla 
   
    d'un 
   
    éclat 
   
    plus 
   
    intense 
   
    à 
   
    l'avènement 
   
    du 
   
    seul 
   
    captif 
   
    royal 
   
    qui, 
   
    à 
   
    Constantinople, 
   
    avait 
   
    survécu 
   
    à 
   
    sa 
   
    famille, 
   
    du 
   
    fils 
   
    aîné 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    Thoros 
   
    II. 
   
    C'était 
   
    la 
   
    deuxième 
   
    fois 
   
    que 
   
    l'empereur 
   
    le 
   
    faisait 
   
    remettre 
   
    en 
   
    liberté. 
   
    La 
   
    triste 
   
    fin 
   
    de 
   
    son 
   
    père 
   
    et 
   
    de 
   
    son 
   
    frère 
   
    l'avait 
   
    touché. 
   
    Ce 
   
    qu'on 
   
    aimait 
   
    surtout 
   
    en 
   
    Thoros 
   
    c'était 
   
    sa 
   
    belle 
   
    physionomie, 
   
    il 
   
    était 
   
    un 
   
    jeune 
   
    homme 
   
    vif, 
   
    prudent 
   
    et 
   
    poli; 
   
    il 
   
    avait 
   
    une 
   
    certaine 
   
    culture 
   
    d'esprit. 
   
    On 
   
    dit 
   
    même 
   
    qu'il 
   
    était 
   
    versé 
   
    dans 
   
    les 
   
    Saintes-Écritures 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    en 
   
    commentait 
   
    les 
   
    passages 
   
    difficiles. 
   
    Quelques-uns 
   
    de 
   
    nos 
   
    historiens 
   
    prétendent 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    même 
   
    le 
   
    don 
   
    de 
   
    prophétie. 
   
    Ses 
   
    manières 
   
    étaient 
   
    affables. 
   
    Bien 
   
    qu'il 
   
    fut 
   
    «brun, 
   
    qu'il 
   
    eût 
   
    un 
   
    long 
   
    nez 
   
    et 
   
    des 
   
    cheveux 
   
    frisés, 
   
    il 
   
    était 
   
    plein 
   
    de 
   
    grâces». 
   
    Sans 
   
    doute 
   
    l'historien 
   
    de 
   
    la 
   
    famille 
   
    aura 
   
    puisé 
   
    ces 
   
    renseignements 
   
    chez 
   
    un 
   
    témoin 
   
    oculaire. 
   
    Ses 
   
    actes 
   
    l'ont 
   
    prouvé; 
   
    il 
   
    avait 
   
    le 
   
    cœur 
   
    ardent 
   
    de 
   
    son 
   
    père 
   
    et 
   
    la 
   
    prudence 
   
    de 
   
    son 
   
    oncle 
   
    dont 
   
    il 
   
    portait 
   
    le 
   
    nom. 
   
    Il 
   
    fut 
   
    comme 
   
    le 
   
    second 
   
    fondateur 
   
    de 
   
    la 
   
    dynastie 
   
    des 
   
    Roupéniens. 
   
    Il 
   
    fut 
   
    au-dessus 
   
    des 
   
    autres 
   
    souverains 
   
    du 
   
    pays 
   
    excepté 
   
    de 
   
    son 
   
    neveu 
   
    Léon 
   
    qui 
   
    excella 
   
    entre 
   
    tous, 
   
    et 
   
    à 
   
    qui 
   
    être 
   
    le 
   
    second 
   
    n'en 
   
    était 
   
    pas 
   
    moins 
   
    glorieux.
  
 
   
    Le 
   
    principat 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    dura 
   
    vingt-cinq 
   
    ans. 
   
    Les 
   
    événements 
   
    qui 
   
    se 
   
    passèrent 
   
    pendant 
   
    ce 
   
    laps 
   
    de 
   
    temps 
   
    furent 
   
    nombreux 
   
    et 
   
    compliqués. 
   
    On 
   
    pourrait 
   
    en 
   
    faire 
   
    un 
   
    long 
   
    roman. 
   
    Nous 
   
    sommes 
   
    obligés 
   
    de 
   
    nous 
   
    renfermer 
   
    dans 
   
    les 
   
    limites 
   
    de 
   
    notre 
   
    texte.
  
 
   
    D'ailleurs, 
   
    tous 
   
    les 
   
    historiens 
   
    avouent 
   
    que, 
   
    dans 
   
    les 
   
    traditions, 
   
    il 
   
    leur 
   
    est 
   
    fort 
   
    difficile 
   
    de 
   
    discerner 
   
    le 
   
    vrai 
   
    du 
   
    faux 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    leur 
   
    est 
   
    impossible 
   
    de 
   
    savoir 
   
    exactement 
   
    de 
   
    quelle 
   
    manière 
   
    il 
   
    recouvra 
   
    la 
   
    liberté 
   
    et 
   
    effectua 
   
    son 
   
    retour. 
   
    Quelques-uns 
   
    prétendent 
   
    que 
   
    ce 
   
    fut 
   
    après 
   
    le 
   
    deuxième 
   
    ou 
   
    le 
   
    troisième 
   
    voyage 
   
    en 
   
    Cilicie 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    Jean. 
   
    D'autres, 
   
    — 
   
    et 
   
    ceci 
   
    semble 
   
    plus 
   
    probable, 
   
    — 
   
    qu'ayant 
   
    trouvé 
   
    grâce 
   
    auprès 
   
    d'une 
   
    princesse, 
   
    Thoros 
   
    méprisant 
   
    la 
   
    molle 
   
    insouciance 
   
    des 
   
    Byzantins, 
   
    l'aurait 
   
    interessée 
   
    à 
   
    son 
   
    sort 
   
    et 
   
    qu'elle 
   
    lui 
   
    aurait 
   
    fait 
   
    rendre 
   
    la 
   
    liberté 
   
    pour 
   
    revoir 
   
    sa 
   
    patrie; 
   
    qu'il 
   
    aurait 
   
    reçu 
   
    de 
   
    cette 
   
    princesse 
   
    de 
   
    grandes 
   
    marques 
   
    d'estime 
   
    et 
   
    que, 
   
    peut-être 
   
    pour 
   
    lui 
   
    assurer 
   
    sa 
   
    délivrance 
   
    elle 
   
    lui 
   
    aurait 
   
    remis 
   
    aussi 
   
    une 
   
    lettre 
   
    de 
   
    recommandation. 
   
    Thoros 
   
    s'évada 
   
    secrètement, 
   
    fit 
   
    voile 
   
    pour 
   
    Chypre 
   
    où 
   
    il 
   
    débarqua 
   
    en 
   
    suspect 
   
    lui 
   
    qui 
   
    devait 
   
    en 
   
    fouler 
   
    les 
   
    côtes 
   
    quelques 
   
    années 
   
    après 
   
    en 
   
    triomphateur.
  
 
   
    Il 
   
    se 
   
    fit 
   
    reconnaître, 
   
    d'abord 
   
    par 
   
    un 
   
    prêtre 
   
    qui 
   
    le 
   
    conduisit 
   
    à 
   
    un 
   
    Evêque 
   
    syrien 
   
    du 
   
    nom 
   
    d'Athanase. 
   
    Ce 
   
    dernier, 
   
    paraît-il, 
   
    favorisait 
   
    plus 
   
    le 
   
    parti 
   
    arménien 
   
    que 
   
    celui 
   
    des 
   
    Grecs. 
   
    Il 
   
    lui 
   
    donna 
   
    son 
   
    cheval 
   
    et 
   
    une 
   
    escorte 
   
    de 
   
    douze 
   
    hommes. 
   
    La 
   
    nouvelle 
   
    s'en 
   
    répandit 
   
    et 
   
    cette 
   
    petite 
   
    caravane 
   
    s'augmenta 
   
    en 
   
    chemin. 
   
    Tantôt 
   
    Thoros 
   
    disait 
   
    qui 
   
    il 
   
    était, 
   
    tantôt 
   
    «il 
   
    cachait 
   
    son 
   
    nom 
   
    et 
   
    se 
   
    cachait 
   
    lui-même. 
   
    Peu 
   
    à 
   
    peu 
   
    pourtant 
   
    sa 
   
    conduite 
   
    pleine 
   
    de 
   
    sagesse 
   
    lui 
   
    attira 
   
    les 
   
    hommes 
   
    sensés 
   
    du 
   
    clergé 
   
    et 
   
    du 
   
    peuple.... 
   
    et, 
   
    par 
   
    la 
   
    grâce 
   
    de 
   
    Dieu, 
   
    il 
   
    finit 
   
    par 
   
    reprendre 
   
    autorité 
   
    sur 
   
    sa 
   
    patrie».
  
 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    arrêté 
   
    ses 
   
    regards 
   
    sur 
   
    le 
   
    centre 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    sur 
   
    les 
   
    sommets 
   
    des 
   
    montagnes 
   
    de 
   
    ses 
   
    pères 
   
    qui 
   
    avaient 
   
    été 
   
    son 
   
    berceau. 
   
    Son 
   
    cœur 
   
    l'attirait 
   
    d'abord 
   
    à 
   
    Vahga, 
   
    la 
   
    fameuse 
   
    citadelle, 
   
    qu'il 
   
    reprit 
   
    bientôt 
   
    aux 
   
    étrangers. 
   
    Puis 
   
    il 
   
    reconquit, 
   
    l'un 
   
    après 
   
    l'autre, 
   
    «les 
   
    châteaux 
   
    de 
   
    Hamouda, 
   
    de 
   
    Simanaglas, 
   
    d'Arioudze-pert 
   
    (Chateau 
   
    du 
   
    Lion) 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    d'autres 
   
    lieux 
   
    qu'il 
   
    mit 
   
    sous 
   
    son 
   
    pouvoir, 
   
    avec 
   
    l'aide 
   
    des 
   
    montagnards 
   
    du 
   
    Taurus, 
   
    hommes 
   
    de 
   
    race 
   
    arménienne 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    restés 
   
    là. 
   
    Un 
   
    autre 
   
    Chroniqueur 
   
    ajoute 
   
    qu'avec 
   
    le 
   
    fort 
   
    de 
   
    Vahga, 
   
    il 
   
    s'empara 
   
    « 
   
    de 
   
    toute 
   
    la 
   
    Phrygie 
   
    et, 
   
    peu 
   
    après, 
   
    d'Anazarbe 
   
    et 
   
    de 
   
    toute 
   
    la 
   
    plaine».
  
 
   
    Ses 
   
    frères 
   
    Stéphané 
   
    et 
   
    Melèh, 
   
    qui 
   
    se 
   
    trouvaient 
   
    auprès 
   
    du 
   
    fameux 
   
    Noureddin, 
   
    l'ayant 
   
    appris, 
   
    s'en 
   
    vinrent 
   
    le 
   
    rejoindre. 
   
    Tous 
   
    les 
   
    deux 
   
    étaient 
   
    de 
   
    fiers 
   
    guerriers 
   
    et 
   
    l'égalaient 
   
    peut-être 
   
    en 
   
    bravoure 
   
    mais 
   
    non 
   
    en 
   
    prudence. 
   
    C'est 
   
    ce 
   
    qui 
   
    fit 
   
    qu'ils 
   
    lui 
   
    furent 
   
    souvent 
   
    d'un 
   
    grand 
   
    secours, 
   
    mais 
   
    qu'ils 
   
    mirent 
   
    quelquefois 
   
    des 
   
    entraves 
   
    à 
   
    ses 
   
    sages 
   
    entreprises.
  
 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    à 
   
    peine 
   
    fixé 
   
    le 
   
    siège 
   
    de 
   
    son 
   
    gouvernement 
   
    qu'ils 
   
    pensa 
   
    à 
   
    établir 
   
    aussi 
   
    sa 
   
    famille 
   
    et 
   
    à 
   
    se 
   
    marier 
   
    lui-même. 
   
    C'était 
   
    dans 
   
    les 
   
    années 
   
    1149-50 
   
    C'est 
   
    dans 
   
    ce 
   
    but 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    à 
   
    Rabane 
   
    pour 
   
    demander 
   
    à 
   
    Josselin 
   
    II 
   
    la 
   
    main 
   
    de 
   
    sa 
   
    fille. 
   
    Cette 
   
    princesse 
   
    était 
   
    la 
   
    petite-fille 
   
    de 
   
    Constantin, 
   
    également 
   
    grand-père 
   
    de 
   
    Thoros.
  
 
   
    Thoros 
   
    était 
   
    en 
   
    chemin 
   
    pour 
   
    Rabane, 
   
    escorté 
   
    de 
   
    douze 
   
    cavaliers 
   
    et 
   
    de 
   
    quelques 
   
    fantassins, 
   
    lorsqu'il 
   
    fut 
   
    soudainement 
   
    entouré 
   
    par 
   
    une 
   
    bande 
   
    de 
   
    Turcs, 
   
    qu'il 
   
    écrasa 
   
    et 
   
    mit 
   
    en 
   
    fuite. 
   
    Il 
   
    reprit 
   
    sa 
   
    route 
   
    sain 
   
    et 
   
    sauf.
  
 
   
    C'est 
   
    ensuite 
   
    de 
   
    cela 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    songea 
   
    à 
   
    reculer 
   
    les 
   
    limites 
   
    de 
   
    son 
   
    pays. 
   
    Il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    maître 
   
    du 
   
    château 
   
    de 
   
    Til-Hamdoun 
   
    tout 
   
    proche 
   
    de 
   
    sa 
   
    capitale 
   
    Anazarbe; 
   
    puis, 
   
    il 
   
    s'empara 
   
    de 
   
    la 
   
    célèbre 
   
    ville 
   
    de 
   
    Messis 
   
    en 
   
    tombant 
   
    à 
   
    l'improviste 
   
    sur 
   
    son 
   
    gouverneur 
   
    grec, 
   
    le 
   
    duc 
   
    Thomas, 
   
    en 
   
    1157. 
   
    Manuel 
   
    en 
   
    reçut 
   
    la 
   
    nouvelle, 
   
    mais 
   
    il 
   
    était 
   
    retenu 
   
    par 
   
    une 
   
    autre 
   
    guerre 
   
    et 
   
    ne 
   
    voulait 
   
    pas 
   
    abandonner 
   
    l'entreprise 
   
    de 
   
    son 
   
    père 
   
    à 
   
    laquelle 
   
    il 
   
    avait, 
   
    lui-même, 
   
    pris 
   
    part 
   
    aussi.
  
 
   
    Il 
   
    considérait 
   
    Thoros 
   
    comme 
   
    un 
   
    révolté 
   
    et 
   
    un 
   
    homme 
   
    dangereux, 
   
    il 
   
    envoya 
   
    contre 
   
    lui 
   
    son 
   
    cousin 
   
    Andronicus, 
   
    le 
   
    prince 
   
    pervers 
   
    et 
   
    efféminé. 
   
    Andronicus 
   
    avait 
   
    pour 
   
    alliés 
   
    des 
   
    compatriotes 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    les 
   
    princes 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    occidentale 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    sujets 
   
    grecs: 
   
    les 
   
    Héthoumiens, 
   
    les 
   
    Nathanaëliens, 
   
    seigneurs 
   
    de 
   
    Baberon 
   
    et 
   
    de 
   
    Partzerpert. 
   
    Avec 
   
    leur 
   
    appui, 
   
    Andronicus, 
   
    à 
   
    la 
   
    tête 
   
    de 
   
    12000 
   
    hommes, 
   
    assiégea 
   
    Thoros 
   
    à 
   
    Mamestia. 
   
    Il 
   
    lui 
   
    envoya 
   
    dire 
   
    fièrement 
   
    de 
   
    se 
   
    soumettre 
   
    à 
   
    lui 
   
    et 
   
    de 
   
    venir 
   
    se 
   
    faire 
   
    charger 
   
    des 
   
    chaînes 
   
    dont 
   
    son 
   
    père 
   
    Léon 
   
    avait 
   
    été 
   
    chargé. 
   
    Thoros 
   
    attendit 
   
    le 
   
    moment 
   
    propice. 
   
    Pendant 
   
    une 
   
    nuit 
   
    d'averse 
   
    et 
   
    d'orage 
   
    il 
   
    fit 
   
    faire 
   
    une 
   
    sortie 
   
    en 
   
    passant 
   
    par 
   
    une 
   
    large 
   
    ouverture 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    ordonné 
   
    de 
   
    pratiquer 
   
    dans 
   
    la 
   
    muraille, 
   
    et 
   
    bouleversa 
   
    tout 
   
    le 
   
    camp 
   
    ennemi. 
   
    Il 
   
    tua 
   
    un 
   
    grand 
   
    nombre 
   
    des 
   
    Grecs, 
   
    en 
   
    fit 
   
    prisonniers 
   
    un 
   
    plus 
   
    grand 
   
    nombre 
   
    encore, 
   
    mais 
   
    il 
   
    laissa 
   
    la 
   
    vie 
   
    sauve 
   
    aux 
   
    soldats 
   
    de 
   
    la 
   
    basse 
   
    milice, 
   
    après 
   
    les 
   
    avoir 
   
    toutefois 
   
    dépouillés 
   
    de 
   
    leurs 
   
    vêtements 
   
    et 
   
    de 
   
    leurs 
   
    armes 
   
    et 
   
    gardé 
   
    auprès 
   
    de 
   
    lui 
   
    les 
   
    prisonniers 
   
    nobles. 
   
    Parmi 
   
    ces 
   
    derniers, 
   
    se 
   
    trouvaient 
   
    Ochin, 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Lambroun 
   
    et 
   
    père 
   
    de 
   
    S. 
   
    Nersès, 
   
    Vassil, 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Partzerpert 
   
    et 
   
    Tigran 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Bragane. 
   
    Quant 
   
    au 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Baberon, 
   
    Sempad, 
   
    frère 
   
    d'Ochin 
   
    (et 
   
    grand-père 
   
    de 
   
    Constantin 
   
    le 
     
      Père 
     
      du 
     
      Roi) 
   
    il 
   
    mourut 
   
    dans 
   
    le 
   
    combat, 
   
    auprès 
   
    de 
   
    la 
   
    porte 
   
    de 
   
    la 
   
    ville.
  
 
   
    Ochin 
   
    donna 
   
    pour 
   
    sa 
   
    rançon 
   
    quarante 
   
    mille 
   
    pièces 
   
    d'or 
   
    et 
   
    en 
   
    versa 
   
    immédiatement 
   
    la 
   
    moitié. 
   
    Pour 
   
    garantie 
   
    du 
   
    reste 
   
    il 
   
    donna 
   
    son 
   
    jeune 
   
    fils 
   
    Héthoum 
   
    en 
   
    ôtage. 
   
    Thoros 
   
    prit 
   
    en 
   
    si 
   
    grande 
   
    amitié 
   
    ce 
   
    jeune 
   
    enfant 
   
    qu'il 
   
    voulut 
   
    en 
   
    faire 
   
    son 
   
    gendre. 
   
    C'est 
   
    ce 
   
    qu'il 
   
    fit 
   
    en 
   
    effet 
   
    quelque 
   
    temps 
   
    après, 
   
    en 
   
    donnant 
   
    pour 
   
    dot 
   
    à 
   
    sa 
   
    fille 
   
    les 
   
    20000 
   
    écus 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    à 
   
    recevoir 
   
    d'Ochin. 
   
    Chacun 
   
    des 
   
    autres 
   
    seigneurs 
   
    eut 
   
    aussi 
   
    une 
   
    rançon 
   
    à 
   
    fournir. 
   
    Les 
   
    Grecs 
   
    voulant 
   
    imiter 
   
    les 
   
    Arméniens, 
   
    dirent 
   
    à 
   
    Thoros 
   
    de 
   
    leur 
   
    demander 
   
    des 
   
    rançons 
   
    selon 
   
    le 
   
    degré 
   
    de 
   
    leur 
   
    noblesse. 
   
    Thoros 
   
    se 
   
    moqua 
   
    d'eux 
   
    et 
   
    leur 
   
    dit: 
   
    Si 
   
    vous 
   
    valiez 
   
    quelque 
   
    chose 
   
    je 
   
    ne 
   
    vous 
   
    aurais 
   
    pas 
   
    faits 
   
    prisonniers. 
   
    Froissés 
   
    par 
   
    ces 
   
    paroles, 
   
    ils 
   
    furent 
   
    obligés 
   
    d'offrir 
   
    de 
   
    fortes 
   
    rançons 
   
    à 
   
    Thoros. 
   
    Le 
   
    vainqueur 
   
    accepta 
   
    ces 
   
    rançons 
   
    et 
   
    les 
   
    fit 
   
    partager 
   
    devant 
   
    eux 
   
    à 
   
    toute 
   
    son 
   
    armée, 
   
    en 
   
    disant: 
   
    C'est 
   
    pour 
   
    que 
   
    les 
   
    soldats, 
   
    à 
   
    l'avenir, 
   
    soient 
   
    encouragés 
   
    à 
   
    vous 
   
    prendre 
   
    encore. 
   
    Après 
   
    quoi, 
   
    il 
   
    mit 
   
    les 
   
    princes 
   
    grecs 
   
    en 
   
    liberté.
  
 
   
    L'empereur 
   
    comprit 
   
    enfin 
   
    que 
   
    ce 
   
    n'était 
   
    pas 
   
    facile 
   
    de 
   
    surprendre 
   
    Thoros. 
   
    Comme 
   
    ses 
   
    affaires 
   
    nombreuses 
   
    le 
   
    tenaient 
   
    en 
   
    haleine 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    ne 
   
    pouvait 
   
    plus 
   
    se 
   
    fier 
   
    à 
   
    ses 
   
    hommes, 
   
    il 
   
    imagina 
   
    d'exciter 
   
    contre 
   
    Thoros 
   
    le 
   
    fier 
   
    sultan 
   
    de 
   
    Konieh, 
   
    Maksoud, 
   
    en 
   
    lui 
   
    promettant 
   
    de 
   
    grands 
   
    trésors. 
   
    Pendant 
   
    trois 
   
    années 
   
    consécutives, 
   
    de 
   
    1153 
   
    à 
   
    1155, 
   
    le 
   
    Sultan 
   
    envahit 
   
    le 
   
    territoire 
   
    arménien, 
   
    mais 
   
    il 
   
    ne 
   
    put 
   
    rien 
   
    faire 
   
    à 
   
    Thoros. 
   
    La 
   
    première 
   
    fois 
   
    que 
   
    les 
   
    Turcs 
   
    entrèrent 
   
    dans 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    Thoros 
   
    se 
   
    retira 
   
    sur 
   
    les 
   
    sommets 
   
    de 
   
    ses 
   
    montagnes 
   
    et 
   
    lui 
   
    résista 
   
    fortement. 
   
    Les 
   
    deux 
   
    ennemis 
   
    finirent 
   
    pas 
   
    conclure 
   
    un 
   
    traité 
   
    et 
   
    le 
   
    sultan 
   
    s'en 
   
    retourna. 
   
    La 
   
    seconde 
   
    fois, 
   
    l'armée 
   
    du 
   
    sultan, 
   
    sous 
   
    le 
   
    commandement 
   
    d'un 
   
    certain 
   
    Yakhoub, 
   
    n'atteignit 
   
    pas 
   
    Thoros; 
   
    elle 
   
    était 
   
    allée 
   
    porter 
   
    la 
   
    dévastation 
   
    d'un 
   
    autre 
   
    côté 
   
    et 
   
    fut 
   
    rencontrée 
   
    par 
   
    les 
   
    chevaliers 
   
    francs 
   
    et 
   
    Stéphané 
   
    qui 
   
    l'écrasèrent 
   
    près 
   
    des 
   
    frontières 
   
    d'Antioche. 
   
    La 
   
    troisième 
   
    fois, 
   
    Maksoud, 
   
    envoya 
   
    une 
   
    armée 
   
    encore 
   
    plus 
   
    nombreuse 
   
    pour 
   
    ravager 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Cette 
   
    armée 
   
    mit 
   
    le 
   
    siège 
   
    devant 
   
    Til-Hamdoun. 
   
    Cette 
   
    fois 
   
    encore, 
   
    les 
   
    chevaliers 
   
    et 
   
    Stéphané, 
   
    frère 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    eurent 
   
    les 
   
    devants 
   
    sur 
   
    l'ennemi. 
   
    La 
   
    Providence 
   
    fit 
   
    le 
   
    reste: 
   
    une 
   
    maladie 
   
    contagieuse 
   
    se 
   
    jeta 
   
    sur 
   
    les 
   
    chevaux 
   
    des 
   
    Turcs 
   
    et 
   
    se 
   
    communiqua 
   
    aux 
   
    cavaliers; 
   
    un 
   
    terrible 
   
    ouragan 
   
    se 
   
    déchaîna 
   
    en 
   
    même 
   
    temps, 
   
    la 
   
    foudre 
   
    déracina 
   
    les 
   
    arbres 
   
    et 
   
    bouleversa 
   
    la 
   
    nature. 
   
    On 
   
    était 
   
    en 
   
    été. 
   
    Les 
   
    Sarrasins, 
   
    saisis 
   
    d'épouvante, 
   
    se 
   
    retirèrent. 
   
    Quelque 
   
    temps 
   
    après, 
   
    le 
   
    sultan 
   
    Maksoud 
   
    mourut.
  
 
   
    Manuel, 
   
    déçu 
   
    dans 
   
    ses 
   
    intentions, 
   
    excita 
   
    alors 
   
    contre 
   
    Thoros 
   
    les 
   
    occidentaux, 
   
    c'est-à-dire 
   
    les 
   
    Antiochiens 
   
    et 
   
    les 
   
    Templiers 
   
    auxquels 
   
    vinrent 
   
    se 
   
    joindre 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    qui 
   
    se 
   
    mirent 
   
    en 
   
    marche 
   
    contre 
   
    le 
   
    prince 
   
    montagnard. 
   
    On 
   
    se 
   
    rencontra 
   
    près 
   
    d'Alexandrette. 
   
    De 
   
    part 
   
    et 
   
    d'autres 
   
    les 
   
    pertes 
   
    furent 
   
    grandes. 
   
    Mais 
   
    de 
   
    nouveaux 
   
    renforts 
   
    arrivèrent 
   
    aux 
   
    alliés 
   
    et 
   
    Thoros 
   
    crut 
   
    inutile 
   
    de 
   
    tenir 
   
    tête 
   
    plus 
   
    longtemps 
   
    à 
   
    une 
   
    pareille 
   
    multitude. 
   
    Il 
   
    consentit 
   
    à 
   
    leur 
   
    abandonner 
   
    les 
   
    forteresses 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    prises 
   
    sur 
   
    la 
   
    frontière 
   
    d'Antioche 
   
    et 
   
    conclut 
   
    un 
   
    traité 
   
    de 
   
    paix 
   
    avec 
   
    eux. 
   
    Renaud 
   
    de 
   
    Chatillon, 
   
    le 
   
    tuteur 
   
    ou 
   
    bailli 
   
    de 
   
    la 
   
    principauté 
   
    d'Antioche, 
   
    n'ayant 
   
    pas 
   
    reçu 
   
    les 
   
    présents 
   
    que 
   
    lui 
   
    avaient 
   
    promis 
   
    les 
   
    Grecs, 
   
    ne 
   
    tint 
   
    plus 
   
    compte 
   
    du 
   
    serment 
   
    qu'il 
   
    leur 
   
    avait 
   
    fait 
   
    et 
   
    se 
   
    tourna 
   
    contre 
   
    eux, 
   
    en 
   
    s'unissant 
   
    à 
   
    Thoros. 
   
    Il 
   
    arma 
   
    une 
   
    flotte, 
   
    se 
   
    jeta 
   
    sur 
   
    Chypre, 
   
    qui 
   
    était 
   
    encore 
   
    au 
   
    pouvoir 
   
    des 
   
    Grecs 
   
    et 
   
    y 
   
    fit 
   
    des 
   
    massacres 
   
    atroces. 
   
    Nos 
   
    historiens 
   
    disent 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    fut 
   
    l'instigateur 
   
    de 
   
    ces 
   
    massacres. 
   
    Mais 
   
    Guillaume 
   
    de 
   
    Tyr, 
   
    l'historien 
   
    le 
   
    plus 
   
    exact 
   
    de 
   
    l'occident, 
   
    qui 
   
    relate 
   
    ces 
   
    massacres 
   
    avec 
   
    beaucoup 
   
    de 
   
    détails, 
   
    ne 
   
    cite 
   
    que 
   
    Renaud 
   
    seul 
   
    comme 
   
    leur 
   
    auteur 
   
    et 
   
    parle 
   
    au 
   
    contraire 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    avec 
   
    éloge.
  
 
   
    Si 
   
    quelqu'un, 
   
    parmi 
   
    les 
   
    Arméniens, 
   
    s'est 
   
    lancé 
   
    dans 
   
    ces 
   
    horribles 
   
    représailles, 
   
    ce 
   
    ne 
   
    put 
   
    être 
   
    que 
   
    Melèh 
   
    ou 
   
    Stephané. 
   
    Celui-ci 
   
    avait 
   
    une 
   
    haine 
   
    profonde 
   
    contre 
   
    les 
   
    Grecs. 
   
    Bien 
   
    des 
   
    fois 
   
    il 
   
    les 
   
    avait 
   
    harcelé 
   
    sans 
   
    la 
   
    permission 
   
    et 
   
    contre 
   
    la 
   
    volonté 
   
    de 
   
    Thoros. 
   
    Ainsi, 
   
    l'an 
   
    1157, 
   
    il 
   
    avait 
   
    levé 
   
    une 
   
    légion 
   
    de 
   
    guerriers 
   
    et 
   
    avait 
   
    envahi 
   
    les 
   
    frontières 
   
    du 
   
    sultan, 
   
    avec 
   
    qui 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    signé 
   
    un 
   
    traité 
   
    de 
   
    paix. 
   
    Il 
   
    s'était 
   
    emparé 
   
    de 
   
    Cocuse 
   
    et 
   
    de 
   
    Pertouce. 
   
    Le 
   
    Sultan 
   
    irrité 
   
    s'en 
   
    vint 
   
    reprendre 
   
    Cocuse. 
   
    Contre 
   
    la 
   
    volonté 
   
    de 
   
    son 
   
    frère, 
   
    Thoros 
   
    lui 
   
    rendit 
   
    aussi 
   
    Pertouce. 
   
    Stéphané 
   
    n'en 
   
    fit 
   
    point 
   
    cas 
   
    et 
   
    alla 
   
    encore 
   
    pour 
   
    «voler 
   
    Marache, 
   
    mais 
   
    ne 
   
    put 
   
    le 
   
    prendre». 
   
    De 
   
    là, 
   
    il 
   
    se 
   
    retourna 
   
    contre 
   
    la 
   
    célèbre 
   
    forteresse 
   
    de 
   
    Béhesni, 
   
    à 
   
    la 
   
    prière 
   
    de 
   
    ses 
   
    habitants 
   
    tyrannisés 
   
    par 
   
    le 
   
    gouverneur. 
   
    Stéphané 
   
    arriva 
   
    et 
   
    se 
   
    mit 
   
    en 
   
    embuscade, 
   
    mais 
   
    le 
   
    gouverneur 
   
    l'ayant 
   
    appris, 
   
    ordonna 
   
    de 
   
    jeter 
   
    les 
   
    traîtres 
   
    du 
   
    haut 
   
    des 
   
    murailles 
   
    du 
   
    Château. 
   
    Effrayés, 
   
    les 
   
    habitants 
   
    de 
   
    Béhesni 
   
    vinrent 
   
    implorer 
   
    Stéphané 
   
    qui 
   
    les 
   
    emmena 
   
    et 
   
    leur 
   
    donna 
   
    un 
   
    abri 
   
    dans 
   
    la 
   
    plaine 
   
    d'Anazarbe, 
   
    où 
   
    l'ardeur 
   
    du 
   
    soleil 
   
    en 
   
    fit 
   
    périr 
   
    un 
   
    grand 
   
    nombre. 
   
    Thoros, 
   
    indigné 
   
    d'un 
   
    pareil 
   
    acte, 
   
    fit 
   
    prendre 
   
    et 
   
    jeter 
   
    en 
   
    prison 
   
    Stéphané. 
   
    Il 
   
    le 
   
    remit 
   
    en 
   
    liberté 
   
    dix 
   
    mois 
   
    après. 
   
    Ce 
   
    fut 
   
    peut-être 
   
    encore 
   
    Stéphané 
   
    qui 
   
    envahit, 
   
    en 
   
    1155, 
   
    les 
   
    frontières 
   
    d'Alep, 
   
    territoire 
   
    de 
   
    Noureddin, 
   
    bien 
   
    qu'un 
   
    historiographe 
   
    contemporain 
   
    prétende 
   
    que 
   
    ce 
   
    fut 
   
    Thoros. 
   
    «Le 
   
    pieux 
   
    et 
   
    grand 
   
    prince 
   
    des 
   
    Chrétiens, 
   
    Thoros, 
   
    vint 
   
    jusqu'à 
   
    Alep. 
   
    S'étant 
   
    rendu 
   
    maître 
   
    de 
   
    quelques 
   
    villes 
   
    et 
   
    forteresses, 
   
    il 
   
    les 
   
    rasa 
   
    et 
   
    s'en 
   
    revint 
   
    triomphalement 
   
    dans 
   
    son 
   
    pays».
  
 
   
    Thoros 
   
    eut 
   
    encore 
   
    une 
   
    fois 
   
    à 
   
    combattre 
   
    contre 
   
    les 
   
    Grecs. 
   
    Il 
   
    venait 
   
    de 
   
    s'emparer 
   
    de 
   
    presque 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    partie 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    et 
   
    de 
   
    la 
   
    province 
   
    de 
   
    l'Isaurie. 
   
    L'empereur 
   
    Manuel 
   
    ne 
   
    pouvait 
   
    pas 
   
    le 
   
    lui 
   
    pardonner. 
   
    Il 
   
    envoya 
   
    donc 
   
    contre 
   
    Thoros 
   
    trois 
   
    généraux 
   
    l'un 
   
    après 
   
    l'autre. 
   
    Le 
   
    dernier 
   
    fut 
   
    Andronicus, 
   
    parent 
   
    de 
   
    l'empereur, 
   
    qu'on 
   
    a 
   
    surnommé 
   
    l'Euphorpène. 
   
    Pendant 
   
    que 
   
    cet 
   
    Andronicus 
   
    assiégeait 
   
    la 
   
    ville 
   
    de 
   
    Tarse 
   
    (1156-57), 
   
    Thoros, 
   
    avec 
   
    ses 
   
    alliés 
   
    les 
   
    Antiochiens, 
   
    vint 
   
    fondre 
   
    sur 
   
    lui 
   
    et 
   
    écrasa 
   
    son 
   
    armée, 
   
    laissant 
   
    3000 
   
    hommes 
   
    sur 
   
    le 
   
    champ; 
   
    les 
   
    autres 
   
    soldats 
   
    du 
   
    général 
   
    grec 
   
    eurent 
   
    à 
   
    peine 
   
    le 
   
    temps 
   
    de 
   
    se 
   
    réfugier 
   
    dans 
   
    leurs 
   
    vaisseaux 
   
    où 
   
    Baudouin 
   
    IV, 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    et 
   
    qui 
   
    allait 
   
    devenir 
   
    le 
   
    gendre 
   
    de 
   
    l'empereur, 
   
    les 
   
    mit 
   
    en 
   
    sûreté 
   
    avec 
   
    Andronicus.
  
 
   
    À 
   
    la 
   
    fin 
   
    de 
   
    1158, 
   
    Manuel, 
   
    enfin 
   
    affranchi 
   
    des 
   
    embarras 
   
    que 
   
    lui 
   
    avait 
   
    causés 
   
    la 
   
    guerre 
   
    qu'il 
   
    soutenait 
   
    contre 
   
    les 
   
    Siciliens, 
   
    fit 
   
    voile 
   
    vers 
   
    l'Asie 
   
    et 
   
    débarqua 
   
    à 
   
    Attalie. 
   
    Il 
   
    venait 
   
    se 
   
    venger 
   
    de 
   
    tout 
   
    ce 
   
    que 
   
    lui 
   
    avaient 
   
    fait 
   
    ses 
   
    deux 
   
    adversaires, 
   
    Thoros 
   
    et 
   
    les 
   
    Antiochiens. 
   
    Thoros 
   
    se 
   
    retira 
   
    dans 
   
    ses 
   
    montagnes 
   
    et 
   
    plaça 
   
    sa 
   
    famille 
   
    dans 
   
    un 
   
    château 
   
    imprenable, 
   
    appelé: 
   
    Dadjeghikar, 
   
    (le 
   
    fort 
   
    des 
   
    Turcs), 
   
    près 
   
    des 
   
    sources 
   
    du 
   
    fleuve 
   
    Cydnus. 
   
    Quant 
   
    à 
   
    lui, 
   
    il 
   
    allait 
   
    d'un 
   
    château 
   
    à 
   
    l'autre, 
   
    sur 
   
    les 
   
    monts 
   
    inaccessibles. 
   
    L'empereur 
   
    ne 
   
    pouvant 
   
    le 
   
    prendre, 
   
    mit 
   
    les 
   
    villes 
   
    sous 
   
    son 
   
    autorité 
   
    et 
   
    passa 
   
    l'hiver 
   
    à 
   
    Tarse.
  
 
   
    Pendant 
   
    qu'il 
   
    était 
   
    là, 
   
    le 
   
    bailli 
   
    d'Antioche, 
   
    l'un 
   
    de 
   
    ceux 
   
    qu'il 
   
    était 
   
    venu 
   
    châtier, 
   
    vint 
   
    lui 
   
    présenter 
   
    une 
   
    épée 
   
    nue 
   
    et 
   
    trouva 
   
    grâce 
   
    auprès 
   
    de 
   
    lui, 
   
    par 
   
    l'intercession 
   
    du 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem. 
   
    Alors 
   
    le 
   
    bailli 
   
    fit 
   
    entrer 
   
    l'empereur, 
   
    comme 
   
    son 
   
    suzerain, 
   
    dans 
   
    Antioche 
   
    en 
   
    1159. 
   
    À 
   
    Antioche, 
   
    le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    et 
   
    les 
   
    maîtres 
   
    chevaliers, 
   
    intercédèrent 
   
    auprès 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    pour 
   
    Thoros; 
   
    ils 
   
    lui 
   
    dirent: 
   
    «C'est 
   
    un 
   
    homme 
   
    sage, 
   
    un 
   
    guerrier 
   
    vigoureux 
   
    et 
   
    expérimenté, 
   
    un 
   
    homme 
   
    intrépide 
   
    et 
   
    magnanime, 
   
    très-utile 
   
    aux 
   
    Chrétiens, 
   
    généreux 
   
    et 
   
    doué 
   
    des 
   
    plus 
   
    belles 
   
    qualités». 
   
    Les 
   
    beaux 
   
    traits 
   
    du 
   
    visage 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    les 
   
    belles 
   
    réponses 
   
    que 
   
    celui-ci 
   
    avait 
   
    faites, 
   
    plutôt 
   
    que 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qu'on 
   
    put 
   
    lui 
   
    dire 
   
    d'ailleurs 
   
    en 
   
    sa 
   
    faveur, 
   
    finirent 
   
    par 
   
    émouvoir 
   
    et 
   
    apaiser 
   
    l'empereur. 
   
    Lorsque 
   
    Thoros 
   
    se 
   
    présenta 
   
    devant 
   
    lui 
   
    avec 
   
    les 
   
    cadeaux 
   
    qu'il 
   
    apportait 
   
    à 
   
    lui 
   
    et 
   
    à 
   
    son 
   
    armée, 
   
    cadeaux 
   
    qui 
   
    consistaient 
   
    en 
   
    magnifiques 
   
    chevaux 
   
    de 
   
    selles 
   
    et 
   
    en 
   
    vivres, 
   
    c'est 
   
    alors, 
   
    — 
   
    paraît-il, 
   
    — 
   
    que 
   
    Manuel 
   
    le 
   
    nomma 
     
      Sébaste 
   
    et 
   
    lui 
   
    laissa 
   
    son 
   
    autorité 
   
    à 
   
    titre 
   
    de 
   
    l'un 
   
    des 
   
    gouverneurs 
   
    impériaux. 
   
    «Il 
   
    lui 
   
    délivra 
   
    une 
   
    bulle 
   
    d'or», 
   
    raconte 
   
    le 
   
    poëte.
  
 
   
    Malgré 
   
    tout 
   
    cela, 
   
    Thoros 
   
    ne 
   
    put 
   
    pas 
   
    s'accorder 
   
    très-bien 
   
    avec 
   
    Manuel 
   
    et 
   
    leur 
   
    bonne 
   
    entente 
   
    ne 
   
    dura 
   
    pas 
   
    longtemps. 
   
    L'empereur 
   
    partit, 
   
    laissant 
   
    les 
   
    croisés 
   
    peu 
   
    satisfaits 
   
    de 
   
    l'avoir 
   
    pris 
   
    pour 
   
    allié. 
   
    Thoros, 
   
    paraît-il, 
   
    l'accompagna 
   
    jusqu'au 
   
    port 
   
    de 
   
    son 
   
    embarquement, 
   
    mais 
   
    se 
   
    figurant 
   
    qu'on 
   
    allait 
   
    se 
   
    saisir 
   
    de 
   
    sa 
   
    personne, 
   
    comme 
   
    on 
   
    l'avait 
   
    fait 
   
    pour 
   
    son 
   
    père, 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    serait 
   
    emmené 
   
    à 
   
    la 
   
    Cour 
   
    de 
   
    Constantinople 
   
    où 
   
    on 
   
    le 
   
    jeterait 
   
    ensuite 
   
    en 
   
    prison, 
   
    il 
   
    s'enfuit 
   
    pendant 
   
    la 
   
    nuit 
   
    et 
   
    alla 
   
    se 
   
    réfugier 
   
    à 
   
    Vahga. 
   
    Quand 
   
    il 
   
    fut 
   
    bien 
   
    certain 
   
    que 
   
    l'empereur 
   
    était 
   
    parti, 
   
    il 
   
    en 
   
    sortit 
   
    et 
   
    s'empara 
   
    d'Anarzabe 
   
    et 
   
    de 
   
    Messis 
   
    et 
   
    des 
   
    bourgades 
   
    environnantes. 
   
    Dès 
   
    lors, 
   
    Thoros 
   
    fut 
   
    plus 
   
    vigilant 
   
    et 
   
    tous 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    le 
   
    connurent 
   
    eurent 
   
    pour 
   
    lui 
   
    un 
   
    profond 
   
    respect. 
   
    Il 
   
    resta 
   
    en 
   
    paix 
   
    avec 
   
    les 
   
    Antiochiens, 
   
    ainsi 
   
    qu'avec 
   
    le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    Baudouin 
   
    IV, 
   
    qui 
   
    était 
   
    parent 
   
    avec 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    du 
   
    côté 
   
    maternel. 
   
    C'est 
   
    avec 
   
    ce 
   
    dernier 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    marcha 
   
    contre 
   
    Noureddin 
   
    pour 
   
    venger 
   
    la 
   
    captivité 
   
    de 
   
    Renaud, 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    qui 
   
    imprudemment 
   
    s'était 
   
    jeté 
   
    dans 
   
    la 
   
    mêlée 
   
    et 
   
    avait 
   
    été 
   
    surpris 
   
    par 
   
    des 
   
    soldats 
   
    en 
   
    embuscade. 
   
    Il 
   
    se 
   
    trouvait 
   
    captif 
   
    depuis 
   
    seize 
   
    ans. 
   
    Le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem, 
   
    étant 
   
    mort 
   
    prématurément 
   
    au 
   
    commencement 
   
    de 
   
    l'an 
   
    1162, 
   
    Thoros 
   
    se 
   
    retira 
   
    dans 
   
    ses 
   
    terres.
  
 
   
    Cette 
   
    même 
   
    année 
   
    ou 
   
    l'année 
   
    qui 
   
    la 
   
    suivit, 
   
    Thoros, 
   
    libre 
   
    du 
   
    souci 
   
    de 
   
    toute 
   
    guerre, 
   
    entreprit 
   
    un 
   
    pélerinage 
   
    à 
   
    Jérusalem 
   
    et 
   
    aux 
   
    Lieux-Saints. 
   
    Il 
   
    voulait 
   
    en 
   
    même 
   
    temps, 
   
    rendre 
   
    visite 
   
    au 
   
    nouveau 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem, 
   
    Amaury, 
   
    frère 
   
    de 
   
    Baudouin 
   
    et 
   
    pour 
   
    qui 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    une 
   
    grande 
   
    amitié. 
   
    Amaury 
   
    le 
   
    reçut 
   
    comme 
   
    un 
   
    roi. 
   
    Thoros, 
   
    pour 
   
    consolider 
   
    ses 
   
    liens 
   
    d'amitié 
   
    avec 
   
    lui 
   
    et 
   
    avec 
   
    d'autres 
   
    personnages 
   
    braves 
   
    comme 
   
    ce 
   
    dernier, 
   
    promit 
   
    au 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    d'être 
   
    son 
   
    allié 
   
    et 
   
    celui 
   
    des 
   
    croisés, 
   
    et, 
   
    — 
   
    ce 
   
    qui 
   
    mérite 
   
    d'être 
   
    remarqué, 
   
    — 
   
    d'envoyer 
   
    à 
   
    Amaury 
   
    une 
   
    armée 
   
    de 
     
      trente 
     
      mille 
   
    hommes. 
   
    Il 
   
    lui 
   
    donna 
   
    immédiatement 
   
    quinze 
   
    mille 
   
    soldats. 
   
    Ceci 
   
    est 
   
    une 
   
    preuve 
   
    de 
   
    sa 
   
    puissance 
   
    et 
   
    de 
   
    l'extension 
   
    de 
   
    ses 
   
    Etats. 
   
    Et 
   
    lorsque 
   
    quelques 
   
    membres 
   
    du 
   
    clergé, 
   
    sans 
   
    prévoyance 
   
    ou 
   
    excités 
   
    par 
   
    la 
   
    cupidité, 
   
    exigèrent 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    qu'il 
   
    leur 
   
    livrât 
   
    la 
   
    dîme, 
   
    ils 
   
    se 
   
    privèrent 
   
    sottement 
   
    de 
   
    plus 
   
    grands 
   
    bienfaits 
   
    qu'ils 
   
    pouvaient 
   
    recevoir 
   
    de 
   
    lui.
  
 
   
    Le 
   
    célèbre 
   
    voyageur 
   
    juif 
   
    contemporain, 
   
    Benjamin 
   
    de 
   
    Tudela 
   
    parle 
   
    de 
   
    l'étendue 
   
    des 
   
    possessions 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    en 
   
    1163-64; 
   
    il 
   
    dit 
   
    que 
   
    leurs 
   
    frontières 
   
    du 
   
    sud-ouest 
   
    commençaient 
   
    du 
   
    château 
   
    de 
   
    Gorigos 
   
    et 
   
    finissaient 
   
    d'un 
   
    côté 
   
    à 
   
    Doukim 
   
    ou 
   
    Douchia, 
   
    ville 
   
    qui 
   
    n'est 
   
    certainement 
   
    pas 
   
    Eudoxie 
   
    (Tokate), 
   
    mais 
   
    dont 
   
    on 
   
    ignore 
   
    actuellement 
   
    la 
   
    situation. 
   
    A 
   
    moins 
   
    cependant 
   
    qu'on 
   
    n'ait 
   
    mal 
   
    écrit 
   
    son 
   
    nom 
   
    et 
   
    qu'on 
   
    n'ait 
   
    voulu 
   
    dire 
   
    Antiochia. 
   
    Car 
   
    Benjamin 
   
    dit 
   
    que 
   
    de 
   
    l'autre 
   
    côté 
   
    le 
   
    pays 
   
    confinait 
   
    à 
   
    celui 
   
    des 
   
    Tokarmas, 
   
    c'est-à-dire 
   
    des 
   
    Turcs.
  
 
   
    À 
   
    cette 
   
    époque, 
   
    en 
   
    1164, 
   
    les 
   
    occidentaux 
   
    se 
   
    réunirent 
   
    encore 
   
    une 
   
    fois 
   
    avec 
   
    le 
   
    nouveau 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    Bohémond 
   
    III, 
   
    et 
   
    son 
   
    frère 
   
    Raymond, 
   
    prince 
   
    de 
   
    Tripoli, 
   
    ainsi 
   
    qu'avec 
   
    le 
   
    Duc 
   
    grec 
   
    Constance 
   
    Calaman 
   
    qui 
   
    commandait 
   
    à 
   
    Tarse. 
   
    Thoros 
   
    fit 
   
    partie 
   
    de 
   
    cette 
   
    ligue; 
   
    il 
   
    venait 
   
    de 
   
    mettre 
   
    sur 
   
    le 
   
    trône 
   
    d'Antioche, 
   
    Bohémond 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    débarrassé 
   
    de 
   
    son 
   
    ambitieuse 
   
    mère 
   
    Constantia.
  
 
   
    Tous 
   
    marchèrent 
   
    ensemble 
   
    contre 
   
    Noureddin, 
   
    vers 
   
    les 
   
    frontières 
   
    de 
   
    Tripoli, 
   
    et 
   
    le 
   
    vainquirent. 
   
    Exaspéré, 
   
    le 
   
    sultan 
   
    leva 
   
    une 
   
    armée 
   
    formidable. 
   
    C'est 
   
    alors 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    conseilla 
   
    à 
   
    ses 
   
    alliés 
   
    de 
   
    ne 
   
    pas 
   
    courir 
   
    à 
   
    sa 
   
    rencontre 
   
    et 
   
    de 
   
    se 
   
    retirer 
   
    chacun 
   
    dans 
   
    son 
   
    pays. 
   
    Lui-même 
   
    donna 
   
    l'exemple. 
   
    Mais 
   
    les 
   
    autres 
   
    ne 
   
    suivirent 
   
    pas 
   
    son 
   
    conseil, 
   
    ils 
   
    reprirent 
   
    le 
   
    armes 
   
    contre 
   
    Noureddin. 
   
    Ils 
   
    furent 
   
    battus 
   
    et 
   
    mis 
   
    en 
   
    fuite, 
   
    le 
   
    10 
   
    aôut 
   
    1164. 
   
    Leurs 
   
    principaux 
   
    officiers 
   
    furent 
   
    faits 
   
    prisonniers 
   
    et 
   
    furent 
   
    menés 
   
    là 
   
    où 
   
    gémissaient 
   
    depuis 
   
    longtemps 
   
    Renaud 
   
    et 
   
    Josselin 
   
    III. 
   
    Seul, 
   
    leur 
   
    allié 
   
    Melèh, 
   
    frère 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    put 
   
    s'enfuir 
   
    aidé 
   
    par 
   
    une 
   
    peuplade 
   
    de 
   
    Turkomans 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    ses 
   
    amis.
  
 
   
    Thoros 
   
    fut 
   
    ému 
   
    du 
   
    sort 
   
    des 
   
    prisonniers 
   
    et 
   
    pria 
   
    Noureddin 
   
    d'en 
   
    avoir 
   
    aussi 
   
    pitié 
   
    et 
   
    de 
   
    leur 
   
    rendre 
   
    la 
   
    liberté. 
   
    Le 
   
    sultan 
   
    ne 
   
    voulut 
   
    rien 
   
    entendre, 
   
    alors 
   
    Thoros 
   
    envahit 
   
    la 
   
    province 
   
    de 
   
    Marache 
   
    et 
   
    mit 
   
    en 
   
    fuite 
   
    tout 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    voulurent 
   
    lui 
   
    faire 
   
    résistance. 
   
    Le 
   
    fier 
   
    sultan 
   
    fut 
   
    obligé 
   
    de 
   
    demander 
   
    la 
   
    paix 
   
    et 
   
    de 
   
    signer 
   
    les 
   
    traités 
   
    qui 
   
    stipulaient 
   
    que 
   
    ses 
   
    prisonniers 
   
    seraient 
   
    rendus 
   
    moyemment 
   
    rançons. 
   
    Il 
   
    demanda 
   
    pour 
   
    le 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    cent 
   
    mille 
   
    besans 
   
    d'or.
  
 
   
    Les 
   
    dernières 
   
    années 
   
    du 
   
    principat 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    furent, 
   
    agitées 
   
    aussi. 
   
    Ses 
   
    frères 
   
    surtout, 
   
    qui 
   
    ne 
   
    voulurent 
   
    agir 
   
    qu'à 
   
    leur 
   
    guise, 
   
    lui 
   
    suscitèrent 
   
    bien 
   
    des 
   
    tourments. 
   
    Stéphané 
   
    nourrissait 
   
    une 
   
    haine 
   
    implacable 
   
    contre 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    et 
   
    les 
   
    harcelait 
   
    sans 
   
    cesse. 
   
    Il 
   
    cherchait 
   
    tous 
   
    les 
   
    moyens 
   
    pour 
   
    s'emparer 
   
    de 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qui 
   
    leur 
   
    restait 
   
    de 
   
    possessions. 
   
    A 
   
    la 
   
    fin, 
   
    il 
   
    parvint 
   
    à 
   
    se 
   
    rendre 
   
    maître 
   
    de 
   
    la 
   
    Montagne-Noire. 
   
    De 
   
    leur 
   
    côté, 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    lui 
   
    en 
   
    voulaient 
   
    aussi 
   
    et 
   
    se 
   
    rendirent 
   
    coupable 
   
    envers 
   
    lui 
   
    d'une 
   
    action 
   
    aussi 
   
    sauvage 
   
    que 
   
    celle 
   
    des 
   
    fils 
   
    Mantaliens, 
   
    peut-être 
   
    plus 
   
    atroce 
   
    encore. 
   
    Les 
   
    Grecs 
   
    le 
   
    firent 
   
    inviter 
   
    amicalement 
   
    par 
   
    le 
   
    duc 
   
    de 
   
    la 
   
    forteresse 
   
    de 
   
    Hamouse, 
   
    ils 
   
    se 
   
    saisirent 
   
    de 
   
    sa 
   
    personne 
   
    et 
   
    le 
   
    plongèrent 
   
    dans 
   
    l'eau 
   
    bouillante 
   
    et 
   
    le 
   
    firent 
   
    périr 
   
    de 
   
    cette 
   
    façon 
   
    épouvantable 
   
    en 
   
    1165, 
   
    «sans 
   
    pitié, 
   
    dit 
   
    l'historien, 
   
    pour 
   
    cet 
   
    homme 
   
    valeureux»; 
   
    nous 
   
    ajouterons, 
   
    sans 
   
    respect 
   
    pour 
   
    eux-mêmes, 
   
    sans 
   
    songer 
   
    aux 
   
    conséquences 
   
    de 
   
    leur 
   
    forfait, 
   
    car 
   
    il 
   
    était 
   
    facile 
   
    de 
   
    prévoir 
   
    que 
   
    les 
   
    puissants 
   
    frères 
   
    de 
   
    leur 
   
    victime 
   
    ne 
   
    laisseraient 
   
    pas 
   
    impuni 
   
    leur 
   
    crime 
   
    barbare. 
   
    Ceux-ci, 
   
    dit 
   
    l'historien, 
   
    «exaspérés 
   
    de 
   
    cet 
   
    acte 
   
    de 
   
    férocité 
   
    vengèrent 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    leur 
   
    frère 
   
    en 
   
    égorgeant 
   
    des 
   
    milliers 
   
    de 
   
    Grecs 
   
    innocents 
   
    et 
   
    le 
   
    duc 
   
    fut 
   
    responsable 
   
    de 
   
    ces 
   
    flots 
   
    de 
   
    sang 
   
    versé». 
   
    Le 
   
    Catholicos 
   
    des 
   
    Syriens 
   
    (Michel) 
   
    avance 
   
    que 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    massacrèrent 
   
    jusqu'à 
   
    dix 
   
    mille 
   
    Grecs. 
   
    Il 
   
    est 
   
    évident 
   
    que 
   
    ce 
   
    ne 
   
    fut 
   
    pas 
   
    seulement 
   
    un 
   
    assassinat 
   
    que 
   
    ce 
   
    carnage 
   
    mais 
   
    le 
   
    fait 
   
    d'une 
   
    guerre. 
   
    Andronicus, 
   
    l'efféminé 
   
    venait 
   
    de 
   
    sortir 
   
    de 
   
    prison 
   
    où 
   
    il 
   
    était 
   
    resté 
   
    enfermé 
   
    pendant 
   
    douze 
   
    ans; 
   
    il 
   
    avait 
   
    à 
   
    cœur 
   
    de 
   
    se 
   
    venger, 
   
    lui 
   
    aussi, 
   
    de 
   
    sa 
   
    première 
   
    défaite. 
   
    Il 
   
    vint 
   
    prêter 
   
    main-forte 
   
    aux 
   
    Grecs, 
   
    à 
   
    la 
   
    tête 
   
    de 
   
    légions 
   
    d'irréguliers, 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    fait 
   
    déguiser 
   
    par 
   
    dérision 
   
    en 
   
    bêtes 
   
    sauvages. 
   
    Thoros 
   
    mit 
   
    ses 
   
    soldats 
   
    en 
   
    embuscade 
   
    dans 
   
    les 
   
    bois 
   
    et 
   
    fondit 
   
    sur 
   
    cette 
   
    bande 
   
    d'hommes 
   
    qui 
   
    semblait 
   
    un 
   
    troupeau 
   
    de 
   
    bêtes. 
   
    Il 
   
    les 
   
    écrasa 
   
    et 
   
    Andronicus 
   
    lui-même, 
   
    reçut 
   
    un 
   
    choc 
   
    si 
   
    violent 
   
    à 
   
    son 
   
    bouclier 
   
    qu'il 
   
    tomba 
   
    de 
   
    son 
   
    cheval 
   
    et 
   
    eut 
   
    grand'peine 
   
    à 
   
    se 
   
    sauver 
   
    et 
   
    à 
   
    s'enfuir 
   
    lâchement 
   
    à 
   
    Antioche.
  
 
   
    Ce 
   
    fut 
   
    peut-être 
   
    sur 
   
    ces 
   
    entrefaites 
   
    que 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    vinrent 
   
    assaillir 
   
    le 
   
    château 
   
    de 
   
    Partzerpert, 
   
    mais 
   
    ils 
   
    furent 
   
    repoussés 
   
    par 
   
    Thoros 
   
    qui 
   
    leur 
   
    infligea 
   
    de 
   
    grandes 
   
    pertes 
   
    et 
   
    leur 
   
    fit 
   
    beaucoup 
   
    de 
   
    prisonniers. 
   
    Vahram 
   
    et 
   
    un 
   
    autre 
   
    auteur 
   
    de 
   
    mémoires 
   
    racontent 
   
    ce 
   
    fait 
   
    comme 
   
    ayant 
   
    eu 
   
    lieu 
   
    lors 
   
    de 
   
    la 
   
    première 
   
    guerre 
   
    avec 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    et 
   
    de 
   
    l'arrivée 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    Manuel 
   
    en 
   
    Cilicie.
  
 
   
    L'autre 
   
    Andronicus, 
   
    celui 
   
    qui 
   
    est 
   
    surnommé 
   
    l'Euphorpène, 
   
    fit 
   
    intervenir 
   
    le 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    pour 
   
    mettre 
   
    fin 
   
    aux 
   
    représailles 
   
    de 
   
    Thoros 
   
    qui 
   
    voulait 
   
    venger 
   
    grandement 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    son 
   
    frère 
   
    Stéphané. 
   
    C'est 
   
    à 
   
    cette 
   
    dernière 
   
    occasion, 
   
    paraît-il, 
   
    qu'une 
   
    querelle 
   
    éclata 
   
    entre 
   
    Thoros 
   
    et 
   
    les 
   
    Héthoumiens, 
   
    partisans 
   
    des 
   
    Grecs. 
   
    On 
   
    dit 
   
    qu'Ochin 
   
    qui, 
   
    avait 
   
    été 
   
    prisonnier 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    excita 
   
    contre 
   
    lui 
   
    une 
   
    bande 
   
    de 
   
    maraudeurs 
   
    Turkomans 
   
    auxquels 
   
    il 
   
    fit 
   
    enlever 
   
    du 
   
    territoire 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    cinq 
   
    cents 
   
    jeunes 
   
    filles. 
   
    Thoros 
   
    qui 
   
    s'était 
   
    débarrassé 
   
    de 
   
    ses 
   
    ennemis 
   
    de 
   
    l'extérieur, 
   
    tourna 
   
    aussitôt 
   
    ses 
   
    armes 
   
    contre 
   
    Ochin 
   
    et 
   
    vint 
   
    dévaster 
   
    les 
   
    alentours 
   
    de 
   
    l'imprenable 
   
    forteresse 
   
    de 
   
    Lambroun. 
   
    Des 
   
    deux 
   
    côtés 
   
    on 
   
    se 
   
    préparait 
   
    à 
   
    une 
   
    résistance 
   
    acharnée, 
   
    bien 
   
    que, 
   
    depuis 
   
    la 
   
    première 
   
    bataille 
   
    de 
   
    Mamestie, 
   
    Héthoum 
   
    et 
   
    Thoros 
   
    fussent 
   
    liés 
   
    par 
   
    des 
   
    liens 
   
    de 
   
    parenté.
  
 
   
    On 
   
    sut 
   
    au 
   
    loin 
   
    que 
   
    des 
   
    difficultés 
   
    s'étaient 
   
    élevées 
   
    entre 
   
    ces 
   
    princes. 
   
    Le 
   
    Catholicos 
   
    Grégoire 
   
    se 
   
    mourait, 
   
    son 
   
    frère 
   
    Nersès 
   
    de 
   
    Cla 
   
    (Romcla) 
   
    surnommé 
   
    le 
     
      Chenorhali 
   
    (Gracieux), 
   
    vint, 
   
    comme 
   
    l'ange 
   
    de 
   
    la 
   
    paix, 
   
    réconcilier 
   
    les 
   
    deux 
   
    ennemis, 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    Dieu 
   
    le 
   
    lui 
   
    inspirait.
  
 
   
    Thoros, 
   
    redevenu 
   
    ami 
   
    avec 
   
    son 
   
    parent, 
   
    allait 
   
    être 
   
    trahi 
   
    par 
   
    son 
   
    propre 
   
    frère, 
   
    le 
   
    seul 
   
    qui 
   
    lui 
   
    restait, 
   
    l'impie 
   
    Melèh. 
   
    Celui-ci 
   
    s'était 
   
    entouré 
   
    d'une 
   
    bande 
   
    d'hommes 
   
    du 
   
    même 
   
    caractère 
   
    que 
   
    lui, 
   
    et 
   
    méditait 
   
    d'assassiner 
   
    son 
   
    frère 
   
    aîné, 
   
    un 
   
    jour 
   
    qu'ils 
   
    se 
   
    rendirent 
   
    ensemble 
   
    à 
   
    une 
   
    partie 
   
    de 
   
    chasse 
   
    entre 
   
    Messis 
   
    et 
   
    Adana. 
   
    Thoros 
   
    en 
   
    fut 
   
    averti 
   
    et 
   
    fit 
   
    saisir 
   
    le 
   
    traître. 
   
    Après 
   
    l'avoir 
   
    dégradé 
   
    en 
   
    présence 
   
    de 
   
    ses 
   
    soldats 
   
    et 
   
    des 
   
    princes, 
   
    il 
   
    lui 
   
    donna 
   
    des 
   
    provisions, 
   
    des 
   
    armes 
   
    et 
   
    de 
   
    l'argent 
   
    et 
   
    le 
   
    chassa 
   
    du 
   
    pays. 
   
    Melèh 
   
    alla 
   
    demander 
   
    l'hospitalité 
   
    à 
   
    Noureddin 
   
    et 
   
    trouva 
   
    grâce 
   
    devant 
   
    lui.
  
 
   
    Thoros, 
   
    le 
   
    brave 
   
    guerrier 
   
    et 
   
    l'homme 
   
    prudent, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    apaisé 
   
    tant 
   
    de 
   
    rebellions 
   
    et 
   
    soutenu 
   
    tant 
   
    de 
   
    guerres, 
   
    légua 
   
    à 
   
    sa 
   
    famille, 
   
    sinon 
   
    toute 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    au 
   
    moins 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    partie 
   
    de 
   
    ce 
   
    pays, 
   
    et 
   
    lui 
   
    en 
   
    rendit 
   
    la 
   
    possession 
   
    plus 
   
    assurée 
   
    en 
   
    faisant 
   
    des 
   
    Templiers 
   
    et 
   
    des 
   
    Hospitaliers 
   
    ses 
   
    amis. 
   
    Tout 
   
    en 
   
    s'occupant 
   
    de 
   
    politique 
   
    il 
   
    eut 
   
    soin 
   
    de 
   
    relever 
   
    le 
   
    bien-être 
   
    de 
   
    ses 
   
    Etats 
   
    et 
   
    de 
   
    son 
   
    Église. 
   
    Il 
   
    cacha 
   
    enfin 
   
    sous 
   
    l'habit 
   
    des 
   
    religieux 
   
    la 
   
    splendeur 
   
    de 
   
    sa 
   
    gloire 
   
    et 
   
    l'éclat 
   
    de 
   
    ses 
   
    armes 
   
    triomphantes 
   
    qui 
   
    avaient 
   
    fait 
   
    de 
   
    lui 
   
    l'un 
   
    des 
   
    plus 
   
    célèbres 
   
    personnages 
   
    de 
   
    notre 
   
    Nation 
   
    et 
   
    mourut 
   
    en 
   
    1169. 
   
    C'est 
   
    le 
   
    premier 
   
    des 
   
    princes 
   
    souverains 
   
    qui 
   
    furent 
   
    inhumés 
   
    parmi 
   
    les 
   
    Vartabieds 
   
    dans 
   
    le 
   
    cimetière 
   
    du 
   
    célèbre 
   
    Monastère 
   
    de 
   
    Trazargue. 
   
    Thoros 
   
    laissa 
   
    en 
   
    pleine 
   
    prospérité 
   
    l'Etat 
   
    de 
   
    Cilicie 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    pour 
   
    ainsi 
   
    dire 
   
    tiré 
   
    du 
   
    néant 
   
    et 
   
    fondé. 
   
    L'auteur 
   
    de 
   
    courts 
   
    mémoires 
   
    sur 
   
    les 
   
    actes 
   
    des 
   
    Roupéniens 
   
    qui 
   
    écrivait 
   
    vers 
   
    la 
   
    fin 
   
    du 
   
    13
    
     e 
   
    siècle, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    prodigué 
   
    les 
   
    éloges 
   
    à 
   
    la 
   
    haute 
   
    intelligence 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    l'avoir 
   
    loué 
   
    d'être 
   
    versé 
   
    dans 
   
    l'étude 
   
    des 
   
    Ecritures 
   
    sacrées 
   
    et 
   
    félicité 
   
    «d'avoir 
   
    commenté 
   
    nombre 
   
    de 
   
    passages 
   
    obscurs» 
   
    de 
   
    ces 
   
    Ecritures, 
   
    ajoute: 
   
    «nous 
   
    conservons 
   
    encore 
   
    auprès 
   
    de 
   
    nous 
   
    (ces 
   
    commentaires)». 
   
    Nous 
   
    serions 
   
    bien 
   
    heureux, 
   
    si 
   
    nous 
   
    les 
   
    avions 
   
    aussi!
  
 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    laissé 
   
    pour 
   
    lui 
   
    succéder 
   
    un 
   
    très-jeune 
   
    enfant 
   
    nommé 
   
    Roupin. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    désigné 
   
    pour 
   
    son 
   
    bailli, 
     
      Thomas, 
   
    que 
   
    quelques-uns 
   
    ont 
   
    prétendu 
   
    être 
   
    le 
   
    propre 
   
    beau-père 
   
    de 
   
    Thoros. 
   
    Il 
   
    est 
   
    plus 
   
    probable 
   
    qu'il 
   
    était, 
   
    comme 
   
    le 
   
    dit 
   
    Aboul-Faradje, 
   
    le 
   
    fils 
   
    de 
   
    la 
   
    sœur 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    et 
   
    l'un 
   
    des 
   
    plus 
   
    nobles 
   
    hommes 
   
    d'Antioche. 
   
    Même 
   
    de 
   
    son 
   
    vivant, 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    en 
   
    lui 
   
    la 
   
    plus 
   
    grande 
   
    confiance. 
   
    C'est 
   
    avec 
   
    Thomas 
   
    et 
   
    un 
   
    certain 
   
    Georges 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    s'enfuit 
   
    dans 
   
    les 
   
    montagnes 
   
    lorsque 
   
    l'empereur 
   
    envahit 
   
    la 
   
    Cilicie.
  
 
   
    Thoros 
   
    avait 
   
    pourtant 
   
    un 
   
    frère, 
   
    c'était 
     
      Melèh, 
   
    lugubre 
   
    figure 
   
    de 
   
    la 
   
    famille 
   
    des 
   
    Roupéniens 
   
    et 
   
    de 
   
    notre 
   
    histoire. 
   
    Melèh 
   
    était 
   
    resté 
   
    seul 
   
    en 
   
    Cilicie 
   
    pendant 
   
    la 
   
    captivité 
   
    de 
   
    ses 
   
    frères. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    grandi 
   
    comme 
   
    un 
   
    vagabond, 
   
    privé 
   
    de 
   
    toute 
   
    espèce 
   
    d'éducation, 
   
    surtout 
   
    quand 
   
    il 
   
    fréquentait 
   
    les 
   
    Sarrasins 
   
    et 
   
    plus 
   
    encore 
   
    pendant 
   
    son 
   
    séjour 
   
    à 
   
    la 
   
    Cour 
   
    de 
   
    Noureddin. 
   
    Melèh 
   
    avait 
   
    été 
   
    chassé 
   
    du 
   
    pays 
   
    par 
   
    son 
   
    frère, 
   
    quand 
   
    celui-ci 
   
    allait 
   
    bientôt 
   
    mourir, 
   
    et 
   
    il 
   
    avait 
   
    alors 
   
    reçu 
   
    des 
   
    Sarrasins 
   
    la 
   
    seigneurie 
   
    de 
   
    la 
   
    province 
   
    de 
   
    Cyrus. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    été 
   
    reçu 
   
    auparavant 
   
    dans 
   
    l'ordre 
   
    des 
   
    Templiers 
   
    qui 
   
    l'avaient 
   
    éduqué 
   
    et 
   
    lui 
   
    avaient 
   
    donné 
   
    l'orgueilleuse 
   
    présomption 
   
    de 
   
    soi-même 
   
    dont 
   
    il 
   
    était 
   
    rempli. 
   
    Ils 
   
    l'expulsèrent 
   
    de 
   
    leur 
   
    ordre 
   
    ou 
   
    il 
   
    les 
   
    quitta 
   
    de 
   
    son 
   
    plein 
   
    gré.
  
 
   
    Ce 
   
    qui 
   
    fit 
   
    croire 
   
    à 
   
    quelques-uns 
   
    qu'il 
   
    renia 
   
    sa 
   
    foi 
   
    et 
   
    se 
   
    fit 
   
    musulman, 
   
    mais 
   
    ce 
   
    qui 
   
    n'est 
   
    pas 
   
    probable 
   
    bien 
   
    qu'on 
   
    ne 
   
    puisse 
   
    pas 
   
    affirmer 
   
    absolument 
   
    le 
   
    contraire; 
   
    car 
   
    il 
   
    ne 
   
    se 
   
    conduisait 
   
    pas 
   
    en 
   
    chrétien 
   
    et 
   
    ne 
   
    voulait 
   
    pas 
   
    entretenir 
   
    de 
   
    relations 
   
    avec 
   
    les 
   
    chrétiens. 
   
    Melèh 
   
    poursuivait 
   
    également 
   
    de 
   
    sa 
   
    haine 
   
    le 
   
    bas-peuple, 
   
    le 
   
    bourgeois, 
   
    le 
   
    clergé 
   
    et 
   
    la 
   
    noblesse.
  
 
   
    Lorsqu'il 
   
    sut 
   
    que 
   
    Thoros 
   
    était 
   
    mort, 
   
    il 
   
    partit 
   
    avec 
   
    une 
   
    armée 
   
    que 
   
    lui 
   
    donna 
   
    son 
   
    protecteur 
   
    Noureddin 
   
    et 
   
    vint 
   
    s'emparer 
   
    de 
   
    l'autorité 
   
    de 
   
    son 
   
    frère. 
   
    Le 
   
    Bailli 
   
    Thomas 
   
    n'eut 
   
    que 
   
    le 
   
    temps, 
   
    pour 
   
    sauver 
   
    sa 
   
    vie, 
   
    de 
   
    se 
   
    réfugier 
   
    à 
   
    Antioche. 
   
    Quant 
   
    au 
   
    jeune 
   
    Roupin 
   
    qu'on 
   
    avait 
   
    cru 
   
    mettre 
   
    en 
   
    sûreté 
   
    à 
   
    Romcla, 
   
    sous 
   
    les 
   
    ailes 
   
    tutélaires 
   
    de 
   
    son 
   
    ange 
   
    gardien, 
   
    S. 
   
    Nersès 
   
    Chenorhali, 
   
    il 
   
    fut 
   
    assassiné 
   
    par 
   
    des 
   
    malfaiteurs. 
   
    J'ignore 
   
    s'ils 
   
    furent 
   
    ou 
   
    non 
   
    soudoyés 
   
    par 
   
    Melèh.
  
 
   
    Le 
   
    principat 
   
    de 
   
    ce 
   
    tyran 
   
    se 
   
    prolongea 
   
    six 
   
    ou 
   
    sept 
   
    ans 
   
    au 
   
    milieu 
   
    des 
   
    troubles. 
   
    Il 
   
    fut 
   
    exécré 
   
    par 
   
    les 
   
    Arméniens 
   
    et 
   
    par 
   
    les 
   
    étrangers. 
   
    N'ayant 
   
    aucun 
   
    égard 
   
    ni 
   
    pour 
   
    l'ami, 
   
    ni 
   
    pour 
   
    l'ennemi, 
   
    il 
   
    ne 
   
    prit 
   
    pour 
   
    lois 
   
    que 
   
    sa 
   
    volonté 
   
    et 
   
    ses 
   
    caprices. 
   
    Il 
   
    n'avait 
   
    peur 
   
    de 
   
    personne, 
   
    car 
   
    il 
   
    se 
   
    sentait 
   
    soutenu 
   
    par 
   
    Noureddin 
   
    qu'il 
   
    affectionnait 
   
    comme 
   
    un 
   
    frère. 
   
    Il 
   
    fit 
   
    battre 
   
    monnaie 
   
    à 
   
    son 
   
    nom 
   
    et 
   
    à 
   
    celui 
   
    de 
   
    Noureddin. 
   
    Il 
   
    se 
   
    fit 
   
    aussi 
   
    l'allié 
   
    de 
   
    son 
   
    autre 
   
    puissant 
   
    voisin, 
   
    le 
   
    sultan 
   
    de 
   
    Konieh. 
   
    Il 
   
    était 
   
    tranquille 
   
    et 
   
    sûr 
   
    de 
   
    tous 
   
    les 
   
    côtés.
  
 
   
    Comme 
   
    on 
   
    peut 
   
    le 
   
    supposer, 
   
    il 
   
    songea 
   
    d'abord 
   
    à 
   
    tirer 
   
    vengeance 
   
    de 
   
    l'humiliation 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    essuyée, 
   
    bien 
   
    qu'il 
   
    l'eût 
   
    méritée, 
   
    d'avoir 
   
    été 
   
    chassé 
   
    du 
   
    pays. 
   
    Alors, 
   
    — 
   
    dit 
   
    l'historien, 
   
    — 
   
    «il 
   
    se 
   
    vengea 
   
    de 
   
    tous 
   
    ses 
   
    adversaires, 
   
    leur 
   
    prit 
   
    tout 
   
    ce 
   
    qu'ils 
   
    possédaient 
   
    et 
   
    les 
   
    fit 
   
    jeter 
   
    en 
   
    prison 
   
    après 
   
    les 
   
    avoir 
   
    enchaînés. 
   
    II 
   
    fit 
   
    prendre 
   
    les 
   
    évêques 
   
    auxquels 
   
    il 
   
    fit 
   
    arracher 
   
    les 
   
    dents. 
   
    Où 
   
    il 
   
    soupçonnait 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    trouvait 
   
    de 
   
    l'or 
   
    et 
   
    de 
   
    l'argent, 
   
    il 
   
    allait 
   
    le 
   
    dérober… 
   
    Il 
   
    entassa 
   
    de 
   
    cette 
   
    façon 
   
    des 
   
    trésors 
   
    et 
   
    s'enrichit 
   
    extraordinairement 
   
    en 
   
    dépouillant 
   
    les 
   
    innocents… 
   
    C'était 
   
    un 
   
    être 
   
    sauvage, 
   
    au 
   
    caractère 
   
    difficile 
   
    et 
   
    cruel. 
   
    Tous 
   
    l'exécraient 
   
    et 
   
    voulaient 
   
    s'en 
   
    débarrasser, 
   
    mais 
   
    ils 
   
    ne 
   
    purent 
   
    en 
   
    trouver 
   
    l'occasion 
   
    favorable». 
   
    Nous 
   
    ne 
   
    voulons 
   
    pas 
   
    parler 
   
    de 
   
    ses 
   
    actes 
   
    d'immoralité.
  
 
   
    Le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    et 
   
    les 
   
    autres 
   
    princes 
   
    avaient 
   
    mandé 
   
    auprès 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    un 
   
    grand 
   
    personnage, 
   
    le 
   
    Comte 
   
    Etienne 
   
    de 
   
    Blois. 
   
    Ce 
   
    Comte 
   
    devait 
   
    passer 
   
    par 
   
    les 
   
    Etats 
   
    de 
   
    Melèh. 
   
    Ce 
   
    dernier 
   
    en 
   
    fut 
   
    informé; 
   
    il 
   
    se 
   
    mit 
   
    en 
   
    embuscade 
   
    près 
   
    de 
   
    Messis, 
   
    le 
   
    surprit, 
   
    le 
   
    dépouilla 
   
    complètement 
   
    et 
   
    le 
   
    laissa 
   
    libre 
   
    après 
   
    lui 
   
    avoir 
   
    donné 
   
    pourtant 
   
    la 
   
    plus 
   
    pitoyable 
   
    monture. 
   
    Du 
   
    reste, 
   
    Melèh 
   
    avait 
   
    l'habitude 
   
    de 
   
    dépouiller 
   
    de 
   
    même 
   
    tous 
   
    les 
   
    pèlerins 
   
    qui 
   
    passaient 
   
    par 
   
    son 
   
    pays. 
   
    Comme 
   
    il 
   
    avait 
   
    une 
   
    haine 
   
    profonde 
   
    contre 
   
    les 
   
    Templiers, 
   
    ses 
   
    amis 
   
    d'autrefois, 
   
    il 
   
    les 
   
    chassa 
   
    tous 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    après 
   
    s'être 
   
    emparé 
   
    de 
   
    toutes 
   
    les 
   
    possessions 
   
    qu'ils 
   
    avaient 
   
    entre 
   
    ses 
   
    frontières 
   
    et 
   
    celles 
   
    d'Antioche.
  
 
   
    Il 
   
    ne 
   
    se 
   
    fit 
   
    encore 
   
    aucun 
   
    scrupule 
   
    d'envahir 
   
    la 
   
    principauté 
   
    d'Antioche, 
   
    surtout 
   
    après 
   
    que 
   
    le 
   
    bailli 
   
    Thomas 
   
    s'y 
   
    fut 
   
    réfugié. 
   
    Le 
   
    Prince 
   
    d'Antioche 
   
    marcha 
   
    contre 
   
    lui, 
   
    excité, 
   
    lui 
   
    aussi, 
   
    à 
   
    faire 
   
    cette 
   
    invasion 
   
    par 
   
    quelques 
   
    princes 
   
    arméniens. 
   
    Mais 
   
    avant 
   
    qu'ils 
   
    ne 
   
    fussent 
   
    en 
   
    face 
   
    l'un 
   
    de 
   
    l'autre, 
   
    le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    envoya 
   
    coup 
   
    sur 
   
    coup, 
   
    ses 
   
    ambassadeurs 
   
    pour 
   
    conjurer 
   
    Melèh 
   
    de 
   
    signer 
   
    la 
   
    paix. 
   
    Ce 
   
    dernier 
   
    refusa. 
   
    Alors 
   
    le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    envahit, 
   
    avec 
   
    d'autres 
   
    alliés, 
   
    la 
   
    plaine 
   
    du 
   
    territoire 
   
    de 
   
    Melèh, 
   
    car 
   
    il 
   
    n'osait 
   
    pas 
   
    s'aventurer 
   
    dans 
   
    les 
   
    montagnes 
   
    et 
   
    il 
   
    avait 
   
    peur 
   
    du 
     
      Montagnard. 
   
    Aussitôt, 
   
    Melèh 
   
    fit 
   
    avertir 
   
    Noureddin. 
   
    Quand 
   
    les 
   
    alliés 
   
    apprirent 
   
    que 
   
    le 
   
    Sultan 
   
    d'Alep 
   
    s'avançait 
   
    contre 
   
    eux, 
   
    ils 
   
    furent 
   
    épouvantés 
   
    et 
   
    chacun 
   
    d'eux 
   
    s'en 
   
    retourna 
   
    chez 
   
    soi. 
   
    Melèh 
   
    à 
   
    son 
   
    tour, 
   
    enhardi, 
   
    songea 
   
    alors 
   
    à 
   
    faire 
   
    une 
   
    invasion 
   
    dans 
   
    les 
   
    possessions 
   
    du 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem. 
   
    Mais 
   
    les 
   
    chevaliers 
   
    Hospitaliers 
   
    accoururent 
   
    et 
   
    arrêtèrent 
   
    sa 
   
    marche; 
   
    c'était 
   
    en 
   
    1172. 
   
    Cet 
   
    implacable 
   
    ennemi 
   
    des 
   
    Grecs 
   
    tourna 
   
    alors 
   
    ses 
   
    armes 
   
    contre 
   
    eux. 
   
    Il 
   
    les 
   
    chassa 
   
    de 
   
    toutes 
   
    les 
   
    villes 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    encore 
   
    en 
   
    leur 
   
    pouvoir. 
   
    Il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    maître 
   
    de 
   
    Tarse, 
   
    d'Adana 
   
    et 
   
    de 
   
    Messis, 
   
    ou 
   
    pour 
   
    mieux 
   
    dire 
   
    de 
   
    toute 
   
    la 
   
    Cilicie.
  
 
   
    Manuel, 
   
    furieux 
   
    de 
   
    ce 
   
    qu'après 
   
    tant 
   
    de 
   
    peines, 
   
    il 
   
    ne 
   
    pouvait 
   
    parvenir 
   
    à 
   
    garder 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    qui 
   
    lui 
   
    glissait 
   
    toujours 
   
    dans 
   
    les 
   
    mains, 
   
    envoya 
   
    contre 
   
    Melèh 
   
    trois 
   
    généraux 
   
    célèbres 
   
    qui, 
   
    auparavant, 
   
    avaient 
   
    été 
   
    les 
   
    gouverneurs 
   
    de 
   
    quelques-unes 
   
    de 
   
    ces 
   
    villes: 
   
    Michel 
   
    Vrana, 
   
    Constance 
   
    Euphorpène 
   
    et 
   
    Constance 
   
    Calaman 
   
    le 
   
    jeune. 
   
    Melèh 
   
    vint 
   
    à 
   
    leur 
   
    rencontre, 
   
    vers 
   
    la 
   
    fin 
   
    de 
   
    1172 
   
    ou 
   
    au 
   
    commencement 
   
    de 
   
    1173; 
   
    il 
   
    avait 
   
    probablement 
   
    avec 
   
    lui 
   
    des 
   
    troupes 
   
    que 
   
    lui 
   
    avait 
   
    fournies 
   
    Noureddin. 
   
    Il 
   
    écrasa 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    et 
   
    revint 
   
    chargé 
   
    de 
   
    butin 
   
    et 
   
    emmenant 
   
    de 
   
    nombreux 
   
    prisonniers, 
   
    dont 
   
    il 
   
    envoya 
   
    une 
   
    partie 
   
    avec 
   
    trente 
   
    officiers 
   
    prisonniers 
   
    au 
   
    Sultan 
   
    que 
   
    celui-ci 
   
    offrit 
   
    au 
   
    Calife 
   
    de 
   
    Bagdad. 
   
    Cette 
   
    victoire 
   
    de 
   
    Melèh 
   
    fut 
   
    considérée 
   
    par 
   
    le 
   
    Sultan 
   
    comme 
   
    une 
   
    des 
   
    plus 
   
    grandes 
   
    de 
   
    ses 
   
    propres 
   
    victoires.
  
 
   
    Il 
   
    n'y 
   
    avait 
   
    plus 
   
    que 
   
    peu 
   
    de 
   
    châteaux 
   
    en 
   
    Cilicie 
   
    restés 
   
    au 
   
    pouvoir 
   
    des 
   
    Byzantins. 
   
    L'un 
   
    de 
   
    ces 
   
    châteaux 
   
    était 
   
    Lambroun. 
   
    Il 
   
    appartenait 
   
    au 
   
    plus 
   
    obstiné, 
   
    au 
   
    plus 
   
    acharné 
   
    rival 
   
    de 
   
    la 
   
    Maison 
   
    des 
   
    Roupéniens. 
   
    Melèh 
   
    ressentait 
   
    autant 
   
    de 
   
    haine 
   
    pour 
   
    les 
   
    seigneurs 
   
    de 
   
    Lambroun 
   
    qu'il 
   
    en 
   
    avait 
   
    ressenti 
   
    pour 
   
    les 
   
    Grecs. 
   
    Il 
   
    en 
   
    voulait 
   
    surtout 
   
    au 
   
    Sébaste 
   
    Héthoum 
   
    d'avoir 
   
    répudié 
   
    sa 
   
    femme, 
   
    fille 
   
    de 
   
    Thoros, 
   
    après 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    celui-ci. 
   
    «Melèh, 
   
    profondément 
   
    irrité, 
   
    alla 
   
    (en 
   
    1173) 
   
    assiéger, 
   
    avec 
   
    une 
   
    forte 
   
    armée, 
   
    Lambroun 
   
    et 
   
    cerna 
   
    ses 
   
    habitants…. 
   
    il 
   
    les 
   
    fit 
   
    cruellement 
   
    souffrir 
   
    par 
   
    les 
   
    armes 
   
    et 
   
    par 
   
    la 
   
    famine». 
   
    Melèh 
   
    aurait 
   
    encore 
   
    fait 
   
    plus 
   
    de 
   
    mal 
   
    à 
   
    ce 
   
    château 
   
    s'il 
   
    avait 
   
    pu 
   
    le 
   
    faire 
   
    capituler 
   
    par 
   
    la 
   
    famine, 
   
    mais 
   
    l'archevêque 
   
    Grégoire 
   
    Degha 
   
    dont 
   
    on 
   
    affirme 
   
    que 
   
    Melèh 
   
    était 
   
    le 
   
    beau-frère 
   
    (donc 
   
    Melèh 
   
    avait 
   
    épousé 
   
    l'une 
   
    des 
   
    filles 
   
    de 
   
    Vassil, 
   
    frère 
   
    de 
   
    S. 
   
    Nersès 
   
    Chenorhali), 
   
    vint 
   
    le 
   
    supplier 
   
    d'accorder 
   
    la 
   
    paix. 
   
    Pendant 
   
    que 
   
    l'Evêque 
   
    s'occupait 
   
    de 
   
    cela, 
   
    ou 
   
    vint 
   
    lui 
   
    apprendre 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    son 
   
    oncle, 
   
    le 
   
    saint 
   
    Catholicos 
   
    Nersès, 
   
    et 
   
    il 
   
    se 
   
    hâta 
   
    de 
   
    retourner 
   
    à 
   
    Romcla. 
   
    Là, 
   
    Grégoire 
   
    vit 
   
    avec 
   
    étonnement 
   
    qu'on 
   
    ne 
   
    l'attendait 
   
    pas 
   
    et 
   
    que, 
   
    sans 
   
    prendre 
   
    en 
   
    considération 
   
    le 
   
    testament 
   
    de 
   
    Chenorhali, 
   
    on 
   
    lui 
   
    avait 
   
    donné 
   
    pour 
   
    successeur, 
   
    Grégoire 
   
    Abirad, 
   
    son 
   
    parent.
  
 
   
    Grégoire 
   
    Degha 
   
    retourna 
   
    auprès 
   
    de 
   
    Melèh, 
   
    celui-ci 
   
    en 
   
    référa 
   
    à 
   
    son 
   
    fidèle 
   
    protecteur 
   
    Noureddin. 
   
    Comme 
   
    on 
   
    les 
   
    craignait 
   
    tous 
   
    deux, 
   
    on 
   
    exécuta 
   
    le 
   
    testament 
   
    du 
   
    Saint 
   
    Catholicos 
   
    et 
   
    on 
   
    élut 
   
    pour 
   
    son 
   
    successeur 
   
    Grégoire 
   
    Degha. 
   
    On 
   
    promit 
   
    à 
   
    Abirad 
   
    de 
   
    le 
   
    faire 
   
    succéder 
   
    à 
   
    ce 
   
    dernier.
  
 
   
    Deux 
   
    ans 
   
    après, 
   
    en 
   
    1175, 
   
    les 
   
    princes 
   
    et 
   
    la 
   
    milice 
   
    des 
   
    Arméniens, 
   
    las 
   
    de 
   
    la 
   
    tyrannie 
   
    de 
   
    Melèh 
   
    et 
   
    ne 
   
    pouvant 
   
    plus 
   
    le 
   
    supporter, 
   
    formèrent 
   
    un 
   
    complot 
   
    et 
   
    le 
   
    tuèrent 
   
    à 
   
    Sis. 
   
    C'est 
   
    à 
   
    cette 
   
    triste 
   
    circonstance 
   
    qu'on 
   
    cite 
   
    la 
   
    première 
   
    fois 
   
    cette 
   
    ville 
   
    comme 
   
    restaurée 
   
    par 
   
    Melèh 
   
    premier 
   
    tyran 
   
    de 
   
    cette 
   
    dynastie 
   
    arménienne.
  
 
   
    Melèh 
   
    fut 
   
    inhumé 
   
    au 
   
    couvent 
   
    de 
   
    Medzakar 
   
    (Grande 
   
    Roche) 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    fait 
   
    bâtir. 
   
    Ce 
   
    qui 
   
    prouverait 
   
    que 
   
    les 
   
    sentiments 
   
    religieux 
   
    n'étaient 
   
    point 
   
    tout-à-fait 
   
    éteints 
   
    dan 
   
    son 
   
    cœur 
   
    sombre. 
   
    On 
   
    ignore 
   
    à 
   
    quelle 
   
    époque 
   
    le 
   
    couvent 
   
    fut 
   
    bâti.
  
 
   
    Roupin 
   
    II, 
   
    qui 
   
    succéda 
   
    a 
   
    Melèh 
   
    ne 
   
    voulut 
   
    pas 
   
    laisser 
   
    impuni 
   
    l'assassinat 
   
    de 
   
    son 
   
    oncle. 
   
    Cet 
   
    attentat 
   
    était, 
   
    malgré 
   
    tout, 
   
    in 
   
    crime 
   
    de 
   
    lèse-majesté. 
   
    A 
   
    force 
   
    de 
   
    ruse, 
   
    il 
   
    finit 
   
    par 
   
    connaître 
   
    et 
   
    retrouver 
   
    les 
   
    auteurs 
   
    de 
   
    ce 
   
    délit, 
   
    qui 
   
    se 
   
    considéraient 
   
    comme 
   
    des 
   
    bienfaiteurs 
   
    de 
   
    la 
   
    nation. 
   
    C'était 
   
    Tchahane 
   
    et 
   
    l'eunuque 
   
    Aboulgharib. 
   
    Il 
   
    leur 
   
    fit 
   
    attacher 
   
    une 
   
    pierre 
   
    au 
   
    cou 
   
    et 
   
    jeter 
   
    au 
   
    fleuve.
  
 
   
    Ce 
   
    Roupin 
   
    était 
   
    le 
   
    fils 
   
    de 
   
    Stéphané, 
   
    frère 
   
    de 
   
    Melèh 
   
    et 
   
    de 
   
    Thoros. 
   
    Sa 
   
    mère 
   
    Rita, 
   
    fille 
   
    de 
   
    Sempad 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Babéron, 
   
    l'avait 
   
    sauvé 
   
    avec 
   
    son 
   
    petit 
   
    frère 
   
    Léon 
   
    des 
   
    mains 
   
    de 
   
    Melèh 
   
    le 
   
    tyran, 
   
    et 
   
    l'avait 
   
    conduit 
   
    elle-même 
   
    auprès 
   
    de 
   
    son 
   
    frère 
   
    Pagouran, 
   
    à 
   
    Babéron. 
   
    C'est 
   
    là 
   
    que 
   
    Rita 
   
    les 
   
    éleva, 
   
    dit 
   
    l'historien 
   
    qui 
   
    prodigue 
   
    des 
   
    éloges 
   
    à 
   
    la 
   
    mère 
   
    et 
   
    aux 
   
    deux 
   
    enfants: 
   
    «Elle 
   
    était 
   
    pieuse 
   
    et 
   
    sage, 
   
    cette 
   
    femme, 
   
    et 
   
    craignait 
   
    Dieu. 
   
    Pour 
   
    son 
   
    frère, 
   
    le 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Babéron, 
   
    il 
   
    dit: 
   
    C'était 
   
    un 
   
    homme 
   
    bon 
   
    et 
   
    généreux, 
   
    affable 
   
    pour 
   
    tous, 
   
    aimé 
   
    de 
   
    Dieu 
   
    et 
   
    des 
   
    hommes».
  
 
   
    Après 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    Melèh, 
   
    les 
   
    princes 
   
    du 
   
    pays 
   
    le 
   
    lui 
   
    réclamant, 
   
    Pagouran 
   
    leur 
   
    envoya 
   
    Roupin, 
   
    muni 
   
    de 
   
    «beaucoup 
   
    de 
   
    présents 
   
    d'or 
   
    et 
   
    d'argent». 
   
    II 
   
    ne 
   
    voulut 
   
    plus 
   
    se 
   
    souvenir 
   
    que 
   
    Sempad, 
   
    son 
   
    père 
   
    à 
   
    lui 
   
    Pagouran, 
   
    avait 
   
    été 
   
    tué 
   
    dans 
   
    un 
   
    combat 
   
    contre 
   
    Thoros, 
   
    l'oncle 
   
    des 
   
    jeunes 
   
    princes 
   
    Roupin 
   
    et 
   
    Léon.
  
 
   
    Roupin 
   
    fut 
   
    reçu 
   
    au 
   
    milieu 
   
    des 
   
    acclamations 
   
    et 
   
    des 
   
    démonstrations 
   
    de 
   
    joie 
   
    par 
   
    les 
   
    princes 
   
    arméniens. 
   
    «Car, 
   
    dit 
   
    l'historien, 
   
    c'était 
   
    un 
   
    jeune 
   
    homme 
   
    affable 
   
    et 
   
    généreux, 
   
    à 
   
    l'aspect 
   
    noble; 
   
    il 
   
    avait 
   
    trente 
   
    ans; 
   
    il 
   
    était 
   
    exercé 
   
    dans 
   
    le 
   
    maniement 
   
    des 
   
    armes, 
   
    habile 
   
    à 
   
    lancer 
   
    des 
   
    flèches. 
   
    Il 
   
    commença 
   
    par 
   
    distribuer 
   
    à 
   
    tous 
   
    des 
   
    présents. 
   
    Ayant 
   
    réuni 
   
    les 
   
    trésors 
   
    de 
   
    Melèh, 
   
    il 
   
    les 
   
    distribua 
   
    à 
   
    tort 
   
    et 
   
    à 
   
    travers. 
   
    Il 
   
    s'attira 
   
    la 
   
    bienveillance 
   
    de 
   
    tous 
   
    en 
   
    donnant 
   
    des 
   
    festins 
   
    somptueux. 
   
    Partout 
   
    où 
   
    il 
   
    alla 
   
    avec 
   
    ses 
   
    soldats, 
   
    il 
   
    arrêta 
   
    la 
   
    résistance 
   
    de 
   
    ses 
   
    ennemis. 
   
    C'est 
   
    ainsi 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    maître 
   
    de 
   
    Messis, 
   
    d'Adana 
   
    et 
   
    de 
   
    Tarse». 
   
    On 
   
    voit 
   
    clairement 
   
    par 
   
    ce 
   
    passage 
   
    que 
   
    ces 
   
    villes 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    étaient 
   
    retombées 
   
    au 
   
    pouvoir 
   
    des 
   
    Grecs. 
   
    Elles 
   
    n'étaient 
   
    pas 
   
    glissées 
   
    des 
   
    griffes 
   
    de 
   
    Melèh, 
   
    car 
   
    il 
   
    les 
   
    avait 
   
    redonnées 
   
    de 
   
    bonne 
   
    volonté 
   
    et 
   
    par 
   
    traités 
   
    passés 
   
    au 
   
    prince 
   
    d'Antioche. 
   
    On 
   
    en 
   
    donne 
   
    l'assurance 
   
    formelle 
   
    quant 
   
    à 
   
    la 
   
    ville 
   
    de 
   
    Tarse. 
   
    Bien 
   
    plus, 
   
    comme 
   
    cette 
   
    ville 
   
    était 
   
    trop 
   
    éloignée 
   
    de 
   
    la 
   
    capitale 
   
    pour 
   
    être 
   
    facilement 
   
    défendue, 
   
    les 
   
    Antiochiens 
   
    la 
   
    rendirent 
   
    volontiers 
   
    à 
   
    Roupin 
   
    en 
   
    1182, 
   
    mais 
   
    à 
   
    un 
   
    haut 
   
    prix. 
   
    Depuis 
   
    lors, 
   
    elle 
   
    resta 
   
    toujours 
   
    aux 
   
    Arméniens; 
   
    les 
   
    Grecs 
   
    n'ayant 
   
    plus 
   
    l'espoir 
   
    de 
   
    la 
   
    reprendre 
   
    jamais, 
   
    la 
   
    saluèrent 
   
    pour 
   
    la 
   
    dernière 
   
    fois. 
   
    Kyr-Isaac, 
   
    son 
   
    gouverneur 
   
    dut 
   
    l'aban
    
     donner.
  
 
   
    Ce 
   
    Kyr-Isaac 
   
    se 
   
    rendit 
   
    alors 
   
    à 
   
    Chypre; 
   
    d'autres 
   
    affirment 
   
    que 
   
    ce 
   
    fut 
   
    autrepart. 
   
    D'autres 
   
    encore 
   
    qu'il 
   
    resta 
   
    à 
   
    Tarse 
   
    ou 
   
    tout 
   
    au 
   
    moins 
   
    dans 
   
    une 
   
    des 
   
    villes 
   
    des 
   
    provinces 
   
    appartenant 
   
    aux 
   
    Arméniens. 
   
    Les 
   
    historiens 
   
    contemporains 
   
    disent 
   
    de 
   
    cet 
   
    Isaac 
   
    qu'en 
   
    1183, 
   
    il 
   
    marcha 
   
    contre 
   
    le 
   
    Sultan 
   
    de 
   
    Konieh, 
   
    mais 
   
    que 
   
    Roupin 
   
    arrivant 
   
    avant 
   
    son 
   
    voisin 
   
    et 
   
    allié 
   
    le 
   
    sultan, 
   
    repoussa 
   
    Kyr-Isaac, 
   
    le 
   
    défit, 
   
    s'en 
   
    saisit 
   
    et 
   
    le 
   
    remit 
   
    entre 
   
    les 
   
    mains 
   
    du 
   
    sultan. 
   
    Celui-ci 
   
    refusa 
   
    de 
   
    le 
   
    recevoir; 
   
    alors 
   
    Roupin, 
   
    le 
   
    livra 
   
    au 
   
    prince 
   
    d'Antioche, 
   
    avec 
   
    lequel 
   
    il 
   
    s'était 
   
    brouillé 
   
    et 
   
    cela 
   
    amena 
   
    leur 
   
    réconciliation. 
   
    Kyr-Isaac 
   
    était 
   
    parent 
   
    de 
   
    Roupin; 
   
    il 
   
    avait 
   
    épousé 
   
    la 
   
    fille 
   
    de 
   
    Thoros.
  
 
   
    Après 
   
    bien 
   
    des 
   
    années, 
   
    le 
   
    vieil 
   
    ennemi 
   
    des 
   
    Arméniens, 
   
    le 
   
    lâche 
   
    Andronicus 
   
    leur 
   
    déclara 
   
    une 
   
    nouvelle 
   
    guerre. 
   
    Ce 
   
    tyran 
   
    occupait 
   
    le 
   
    trône 
   
    impérial; 
   
    c'était 
   
    en 
   
    1185. 
   
    Il 
   
    manda 
   
    une 
   
    ambassade 
   
    secrète 
   
    au 
   
    fier 
   
    Kurde 
   
    Salaheddin 
   
    et 
   
    l'engagea 
   
    à 
   
    s'emparer 
   
    de 
   
    la 
   
    principauté 
   
    de 
   
    Konieh 
   
    et 
   
    de 
   
    celle 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Avant 
   
    d'entamer 
   
    cette 
   
    entreprise, 
   
    Andronicus 
   
    fut 
   
    tué 
   
    par 
   
    ses 
   
    sujets, 
   
    et 
   
    la 
   
    conquête 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    sortit 
   
    de 
   
    la 
   
    pensée 
   
    des 
   
    Byzantins 
   
    pour 
   
    toujours.
  
 
   
    Une 
   
    fois 
   
    affranchis 
   
    de 
   
    la 
   
    suzeraineté 
   
    des 
   
    Grecs, 
   
    les 
   
    Héthoumiens, 
   
    seigneurs 
   
    de 
   
    Lambroun, 
   
    devinrent 
   
    princes 
   
    indépendants 
   
    dans 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Roupin 
   
    en 
   
    voulait 
   
    à 
   
    ces 
   
    derniers. 
   
    Il 
   
    suivait 
   
    les 
   
    errements 
   
    de 
   
    ses 
   
    ancêtres. 
   
    Dès 
   
    le 
   
    commencement 
   
    de 
   
    son 
   
    principat, 
   
    il 
   
    vint 
   
    attaquer 
   
    leur 
   
    château 
   
    qu'il 
   
    assiégea 
   
    pendant 
   
    trois 
   
    ans 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    réduisit 
   
    à 
   
    la 
   
    famine. 
   
    Il 
   
    ne 
   
    put 
   
    s'en 
   
    rendre 
   
    maître, 
   
    d'autres 
   
    affaires 
   
    étant 
   
    survenues.
  
 
   
    Vers 
   
    la 
   
    fin 
   
    de 
   
    1180, 
   
    le 
   
    puissant 
   
    Salaheddin, 
   
    après 
   
    la 
   
    conquête 
   
    de 
   
    Konieh, 
   
    avait 
   
    tourné 
   
    ses 
   
    armes 
   
    contre 
     
      le 
     
      pays 
     
      de 
     
      Roupin. 
   
    C'est 
   
    ainsi 
   
    qu'on 
   
    appelait 
   
    alors 
   
    la 
   
    Cilicie. 
   
    Les 
   
    historiens 
   
    arabes, 
   
    prétendent 
   
    que 
   
    Roupin 
   
    avait 
   
    permis 
   
    à 
   
    une 
   
    peuplade 
   
    turkomane 
   
    de 
   
    venir 
   
    paître 
   
    leurs 
   
    bestiaux 
   
    sur 
   
    son 
   
    territoire 
   
    et 
   
    qu'ensuite 
   
    il 
   
    les 
   
    dépouilla. 
   
    Salaheddin 
   
    entra 
   
    donc 
   
    dans 
   
    le 
   
    pays 
   
    des 
   
    Arméniens, 
   
    mais 
   
    quand 
   
    il 
   
    vit 
   
    combien 
   
    les 
   
    montagnes 
   
    étaient 
   
    fortifiées, 
   
    il 
   
    s'arrêta 
   
    dans 
   
    la 
   
    plaine. 
   
    Il 
   
    porta 
   
    la 
   
    dévastation 
   
    de 
   
    côté 
   
    et 
   
    d'autre. 
   
    Roupin 
   
    supposant 
   
    que 
   
    le 
   
    musulman 
   
    avait 
   
    envie 
   
    de 
   
    s'emparer 
   
    de 
   
    l'un 
   
    des 
   
    châteaux 
   
    où 
   
    il 
   
    avait 
   
    enfermé 
   
    ses 
   
    richesses, 
   
    fit 
   
    abattre 
   
    ce 
   
    château. 
   
    Mais 
   
    avant 
   
    qu'on 
   
    eût 
   
    eu 
   
    le 
   
    temps 
   
    d'emporter 
   
    ce 
   
    trésor, 
   
    les 
   
    Sarrasins 
   
    arrivèrent 
   
    et 
   
    s'en 
   
    emparèrent. 
   
    Roupin 
   
    consentit 
   
    à 
   
    ce 
   
    que 
   
    le 
   
    butin 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    pris 
   
    aux 
   
    Turkomans 
   
    leur 
   
    fut 
   
    restitué 
   
    avec 
   
    les 
   
    prisonniers 
   
    qu'il 
   
    leur 
   
    avait 
   
    faits 
   
    et 
   
    éloigna 
   
    de 
   
    cette 
   
    façon 
   
    le 
   
    grand 
   
    Conquérant.
  
 
   
    A 
   
    cette 
   
    époque, 
   
    en 
   
    1181, 
   
    Roupin 
   
    contracta 
   
    des 
   
    liens 
   
    de 
   
    parenté 
   
    avec 
   
    les 
   
    Latins, 
   
    en 
   
    épousant 
   
    la 
   
    fille 
   
    de 
   
    Humfroi 
   
    seigneur 
   
    de 
   
    Karak 
   
    ou 
   
    Crak 
   
    et 
   
    de 
   
    Toron. 
   
    Il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    en 
   
    personne 
   
    à 
   
    Jérusalem 
   
    et 
   
    y 
   
    fit 
   
    célébrer 
   
    magnifiquement 
   
    ses 
   
    noces. 
   
    Il 
   
    revint 
   
    avec 
   
    sa 
   
    femme, 
   
    dont 
   
    il 
   
    eut 
   
    deux 
   
    filles, 
   
    Alice 
   
    et 
   
    Philippine 
   
    qui 
   
    devinrent 
   
    célèbres 
   
    par 
   
    la 
   
    suite, 
   
    surtout 
   
    la 
   
    première 
   
    qui 
   
    fut 
   
    cause 
   
    de 
   
    longs 
   
    embarras 
   
    politiques 
   
    sous 
   
    le 
   
    règne 
   
    de 
   
    Léon 
   
    et 
   
    encore 
   
    après. 
   
    Roupin, 
   
    par 
   
    son 
   
    mariage, 
   
    rendit 
   
    plus 
   
    étroite 
   
    l'amitié 
   
    des 
   
    Latins 
   
    et 
   
    des 
   
    Arméniens. 
   
    Plusieurs 
   
    des 
   
    princes 
   
    latins 
   
    qui 
   
    avaient 
   
    été 
   
    en 
   
    guerre 
   
    avec 
   
    le 
   
    roi 
   
    de 
   
    Jérusalem 
   
    ou 
   
    qui 
   
    étaient 
   
    mal 
   
    avec 
   
    lui 
   
    se 
   
    réfugièrent 
   
    auprès 
   
    de 
   
    Roupin.
  
 
   
    Celui-ci, 
   
    en 
   
    paix 
   
    maintenant 
   
    avec 
   
    tous 
   
    et 
   
    aimé 
   
    de 
   
    tous, 
   
    commença 
   
    à 
   
    être 
   
    pris 
   
    de 
   
    passions 
   
    indignes. 
   
    C'est 
   
    «pour 
   
    cela, 
   
    dit-on, 
   
    qu'il 
   
    se 
   
    rendit 
   
    à 
   
    Antioche 
   
    où 
   
    le 
   
    prince 
   
    Bohémond 
   
    le 
   
    fit 
   
    mettre 
   
    en 
   
    prison 
   
    en 
   
    1185» 
   
    selon 
   
    les 
   
    coutumes 
   
    barbares 
   
    du 
   
    temps 
   
    qui 
   
    permettaient 
   
    d'attenter 
   
    à 
   
    la 
   
    liberté 
   
    et 
   
    à 
   
    la 
   
    vie 
   
    des 
   
    voisins 
   
    et 
   
    même 
   
    des 
   
    amis. 
   
    Bohémond 
   
    exigea 
   
    de 
   
    Roupin 
   
    qu'il 
   
    lui 
   
    livrât 
   
    la 
   
    contrée 
   
    qui 
   
    confinait 
   
    à 
   
    sa 
   
    principauté, 
   
    située 
   
    sur 
   
    la 
   
    rive 
   
    gauche 
   
    du 
   
    fleuve 
   
    de 
   
    Tchahan. 
   
    Roupin 
   
    écrivit 
   
    alors 
   
    à 
   
    son 
   
    oncle 
   
    Pagouran 
   
    et 
   
    à 
   
    son 
   
    frère 
   
    Léon, 
   
    d'envoyer 
   
    comme 
   
    otages 
   
    sa 
   
    mère 
   
    et 
   
    d'autres 
   
    grands 
   
    personnages 
   
    arméniens 
   
    et 
   
    fut 
   
    remis 
   
    en 
   
    liberté, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    encore 
   
    livré 
   
    au 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    quelques 
   
    châteaux 
   
    que 
   
    celui-ci 
   
    avait 
   
    exigés: 
   
    Til, 
   
    Sarouantikar 
   
    et 
   
    Djigher, 
   
    et 
   
    lui 
   
    avoir 
   
    donné 
   
    en 
   
    outre 
   
    mille 
   
    besans 
   
    d'or 
   
    comme 
   
    rançon.
  
 
   
    Les 
   
    otages 
   
    furent 
   
    renvoyés. 
   
    Peu 
   
    de 
   
    temps 
   
    après 
   
    Roupin 
   
    redevint 
   
    maître 
   
    du 
   
    pays 
   
    soit 
   
    par 
   
    lui-même, 
   
    soit 
   
    par 
   
    le 
   
    fait 
   
    de 
   
    Léon. 
   
    On 
   
    prétend 
   
    que 
   
    l'acte 
   
    du 
   
    prince 
   
    d'Antioche 
   
    avait 
   
    été 
   
    commis 
   
    à 
   
    l'instigation 
   
    des 
   
    Héthoumiens, 
   
    seigneurs 
   
    de 
   
    Lambroun, 
   
    car 
   
    Roupin 
   
    ne 
   
    cessait 
   
    point 
   
    de 
   
    harceler 
   
    ces 
   
    derniers. 
   
    Roupin 
   
    était 
   
    encore 
   
    en 
   
    captivité 
   
    lorsqu'il 
   
    fit 
   
    passer 
   
    secrètement 
   
    l'ordre 
   
    à 
   
    son 
   
    frère 
   
    Léon 
   
    de 
   
    ne 
   
    point 
   
    abandonner 
   
    le 
   
    siège 
   
    de 
   
    Lambroun 
   
    et 
   
    de 
   
    cerner 
   
    étroitement 
   
    le 
   
    château 
   
    comme 
   
    il 
   
    fit 
   
    lui 
   
    même 
   
    aussi, 
   
    sans 
   
    doute 
   
    à 
   
    son 
   
    retour, 
   
    pour 
   
    se 
   
    venger 
   
    de 
   
    ce 
   
    qu'on 
   
    lui 
   
    avait 
   
    fait. 
   
    Il 
   
    ne 
   
    persévera 
   
    pas 
   
    dans 
   
    ces 
   
    sentiments 
   
    de 
   
    haine 
   
    terrible, 
   
    car, 
   
    en 
   
    1187, 
   
    à 
   
    l'approche 
   
    de 
   
    sa 
   
    mort, 
   
    il 
   
    s'en 
   
    repentit 
   
    et 
   
    se 
   
    fit 
   
    pardonner 
   
    des 
   
    Héthoumiens, 
   
    les 
   
    mauvais 
   
    traitements 
   
    qu'il 
   
    leur 
   
    avait 
   
    fait 
   
    endurer.
  
 
   
    Roupin 
   
    remit 
   
    son 
   
    principat 
   
    à 
   
    son 
   
    frère 
   
    Léon 
   
    qu'il 
   
    chargea 
   
    aussi 
   
    de 
   
    l'éducation 
   
    de 
   
    ses 
   
    filles. 
   
    Il 
   
    lui 
   
    conseilla 
   
    paternellement 
   
    de 
   
    bien 
   
    gouverner 
   
    le 
   
    pays 
   
    qu'il 
   
    avait 
   
    agrandi 
   
    et 
   
    qu'il 
   
    espérait 
   
    lui 
   
    voir 
   
    agrandir 
   
    encore 
   
    et 
   
    consolider. 
   
    Roupin 
   
    avait 
   
    reconnu 
   
    la 
   
    haute 
   
    intelligence 
   
    et 
   
    la 
   
    vaillance 
   
    de 
   
    Léon. 
   
    Ensuite, 
   
    suivant 
   
    l'exemple 
   
    de 
   
    son 
   
    oncle 
   
    Thoros, 
   
    il 
   
    revêtit 
   
    l'habit 
   
    religieux, 
   
    jeta 
   
    un 
   
    dernier 
   
    regard 
   
    vers 
   
    le 
   
    soleil 
   
    et 
   
    dit 
   
    adieu 
   
    à 
   
    la 
   
    vie. 
   
    Il 
   
    fut 
   
    enterré 
   
    dans 
   
    le 
   
    cimetière 
   
    de 
   
    Trazargue.
  
 
   
    La 
   
    Cilicie, 
   
    surtout 
   
    la 
   
    plaine 
   
    de 
   
    cette 
   
    province, 
   
    après 
   
    bien 
   
    des 
   
    évolutions 
   
    et 
   
    des 
   
    bouleversements, 
   
    après 
   
    avoir 
   
    été 
   
    occupée 
   
    tantôt 
   
    par 
   
    les 
   
    Grecs, 
   
    tantôt 
   
    par 
   
    les 
   
    Arméniens, 
   
    les 
   
    Francs 
   
    et 
   
    quelquefois 
   
    même 
   
    les 
   
    Sarrasins, 
   
    allait 
   
    trouver 
   
    une 
   
    paix 
   
    relative 
   
    sous 
   
    Léon 
   
    et 
   
    ses 
   
    successeurs, 
   
    pendant 
   
    près 
   
    d'un 
   
    siècle 
   
    ou 
   
    peu 
   
    s'en 
   
    faut; 
   
    quant 
   
    aux 
   
    montagnes 
   
    elles 
   
    furent 
   
    toujours 
   
    leur 
   
    possession 
   
    assurée. 
   
    Léon 
   
    recula 
   
    les 
   
    frontières 
   
    de 
   
    son 
   
    pays 
   
    au-delà 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    et 
   
    de 
   
    I'Isaurie. 
   
    Alors 
   
    les 
   
    antiques 
   
    divisions 
   
    grecques 
   
    de 
   
    l'Asie 
   
    Mineure 
   
    durent 
   
    se 
   
    modifier 
   
    au 
   
    gré 
   
    de 
   
    l'autorité 
   
    des 
   
    Arméniens; 
   
    elles 
   
    durent 
   
    changer 
   
    de 
   
    noms 
   
    malgré 
   
    elles, 
   
    et 
   
    nous 
   
    citerons 
   
    ceux 
   
    qui 
   
    nous 
   
    paraissent 
   
    le 
   
    plus 
   
    authentiques.
  
 
   
    Nous 
   
    voudrions 
   
    connaître 
   
    la 
   
    manière 
   
    d'administrer 
   
    des 
   
    premiers 
   
    princes 
   
    Roupéniens 
   
    dont 
   
    nous 
   
    avons 
   
    relaté 
   
    les 
   
    actes, 
   
    soit 
   
    civiles, 
   
    soit 
   
    militaires. 
   
    Nous 
   
    voudrions 
   
    savoir 
   
    au 
   
    juste 
   
    en 
   
    quoi 
   
    consistait 
   
    l'autorité 
   
    qu'ils 
   
    avaient 
   
    sur 
   
    les 
   
    nobles 
   
    et 
   
    le 
   
    peuple 
   
    arménien, 
   
    et 
   
    quels 
   
    hommages 
   
    ils 
   
    en 
   
    recevaient. 
   
    Nous 
   
    manquons 
   
    de 
   
    documents 
   
    à 
   
    ce 
   
    sujet 
   
    ou 
   
    plutôt 
   
    nous 
   
    n'en 
   
    avons 
   
    que 
   
    très 
   
    peu. 
   
    Ceux 
   
    qui 
   
    nous 
   
    sont 
   
    parvenus, 
   
    c'est-à-dire 
   
    les 
   
    lettres 
   
    qui 
   
    ont 
   
    été 
   
    adressées 
    
     à 
   
    ces 
   
    princes, 
   
    nous 
   
    apprennent 
   
    qu'on 
   
    leur 
   
    donnait 
   
    le 
   
    nom 
   
    de 
     
      Prince 
   
    auquel 
   
    on 
   
    ajoutait 
   
    les 
   
    épithètes 
   
    de 
     
      Grand 
   
    et 
     
      Pieux. 
   
    Nous 
   
    n'avons 
   
    pas 
   
    trouvé 
   
    chez 
   
    les 
   
    contemporains, 
   
    leur 
   
    dénomination 
   
    de 
     
      Baron. 
   
    Cependant 
   
    nos 
   
    derniers 
   
    auteurs 
   
    contemporains 
   
    ont 
   
    attribué 
   
    à 
   
    leurs 
   
    ancêtres 
   
    ce 
   
    titre, 
   
    qui 
   
    était 
   
    donné 
   
    également 
   
    aux 
   
    princes 
   
    européens 
   
    de 
   
    leur 
   
    temps. 
   
    Il 
   
    avait 
   
    été 
   
    introduit 
   
    par 
   
    des 
   
    Européens. 
   
    Les 
   
    premiers 
   
    occidentaux 
   
    qui 
   
    connurent 
   
    les 
   
    Roupéniens 
   
    l'ont 
   
    appelé 
   
    souvent 
   
    les 
     
      Montagnards, 
   
    comme 
   
    nous 
   
    le 
   
    dirons 
   
    ci-après. 
   
    Quelquefois 
   
    aussi, 
     
      Princeps, 
   
    ainsi 
   
    que 
   
    le 
   
    dit 
   
    Guillaume 
   
    de 
   
    Tyr, 
   
    l'historien 
   
    des 
   
    croisades, 
   
    en 
   
    ajoutant 
   
    presque 
   
    toujours: 
     
      Potentissimi. 
   
    Il 
   
    donne 
   
    souvent 
   
    ce 
   
    dernier 
   
    titre 
   
    à 
   
    Thoros 
   
    II, 
   
    à 
   
    Melèh 
   
    et 
   
    à 
   
    Roupin. 
   
    Quelquefois 
   
    aussi 
   
    cet 
   
    auteur 
   
    les 
   
    qualifie 
   
    de 
     
      Très-grand 
   
    et 
   
    de 
     
      Satrape. 
   
    Aussi, 
   
    il 
   
    dit 
   
    pour 
   
    Roupin 
     
      Rupino 
     
      Armeniorum 
     
      potentissimo. 
   
    Il 
   
    emploie 
   
    les 
   
    mêmes 
   
    termes 
   
    pour 
   
    tous 
   
    les 
   
    princes 
   
    arméniens 
   
    et 
   
    turcs.
  
 
   
    Le 
   
    Traducteur 
   
    francais 
   
    ou 
   
    celui 
   
    que 
   
    l'on 
   
    appelle 
   
    le 
   
    continuateur 
   
    d'Eracle, 
   
    donne 
   
    seulement 
   
    le 
   
    nom 
   
    de 
   
    Seigneur 
   
    aux 
   
    princes 
   
    Roupéniens. 
   
    Aussi, 
   
    il 
   
    dit: 
   
    «Rupin, 
   
    seigneur 
   
    d'Erménie» 
   
    ou 
   
    bien 
     
      Sire: 
   
    «Thoros, 
   
    qui 
   
    Sires 
   
    estoit 
   
    d'Erménie».
  
 
   
    Les 
   
    plus 
   
    fidèles 
   
    de 
   
    nos 
   
    souverains 
   
    à 
   
    l'empereur, 
   
    — 
   
    comme 
   
    nous 
   
    l'avons 
   
    déjà 
   
    dit, 
   
    — 
   
    furent 
   
    honorés 
   
    du 
   
    titre 
   
    de 
     
      Sébaste 
   
    et 
   
    plus 
   
    tard 
   
    de 
   
    celui 
   
    de 
     
      Protosébaste. 
   
    Les 
   
    seigneurs 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    furent 
   
    réputés 
   
    liges 
   
    non-seulement 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    mais 
   
    aussi 
   
    des 
   
    princes 
   
    d'Antioche 
   
    et 
   
    leur 
   
    devaient 
   
    hommage. 
   
    La 
   
    cause 
   
    en 
   
    est 
   
    que 
   
    les 
   
    croisés 
   
    qui 
   
    eurent 
   
    d'abord 
   
    sous 
   
    leur 
   
    autorité 
   
    les 
   
    villes 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie, 
   
    donnèrent 
   
    en 
   
    suite 
   
    ces 
   
    villes 
   
    aux 
   
    princes 
   
    d'Antioche. 
   
    Les 
   
    princes 
   
    en 
   
    furent 
   
    effectivement 
   
    les 
   
    maîtres, 
   
    surtout 
   
    de 
   
    la 
   
    ville 
   
    de 
   
    Tarse. 
   
    Cette 
   
    coutume 
   
    subsistait 
   
    encore 
   
    à 
   
    la 
   
    mort 
   
    de 
   
    Roupin 
   
    II 
   
    et 
   
    même 
   
    au 
   
    commencement 
   
    du 
   
    principat 
   
    de 
   
    Léon, 
   
    qui 
   
    s'affranchit 
   
    de 
   
    ce 
   
    joug 
   
    importun 
   
    et 
   
    se 
   
    reconnut 
   
    seulement 
   
    vassal 
   
    de 
   
    l'empereur 
   
    de 
   
    l'occident.
  
 
   
    On 
   
    ne 
   
    mettra 
   
    pas 
   
    en 
   
    doute 
   
    que 
   
    les 
   
    Souverains 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    se 
   
    soient 
   
    montrés 
   
    véritablement 
   
    grands. 
   
    Nous 
   
    avons 
   
    pour 
   
    en 
   
    témoigner 
   
    leurs 
   
    liens 
   
    de 
   
    parenté 
   
    avec 
   
    les 
   
    Rois 
   
    d'occident 
   
    et 
   
    les 
   
    grandioses 
   
    dots 
   
    qu'ils 
   
    faisaient 
   
    à 
   
    leurs 
   
    fils 
   
    et 
   
    à 
   
    leur 
   
    filles. 
   
    On 
   
    a 
   
    vu 
   
    quelles 
   
    énormes 
   
    rançons 
   
    ils 
   
    donnaient 
   
    pour 
   
    recouvrer 
   
    leur 
   
    liberté.
  
 
   
    Les 
   
    sources 
   
    de 
   
    leur 
   
    richesse 
   
    étaient 
   
    d'abord 
   
    les 
   
    butins 
   
    pris 
   
    à 
   
    l'ennemi 
   
    et 
   
    les 
   
    rançons 
   
    des 
   
    prisonniers 
   
    qu'ils 
   
    faisaient; 
   
    en 
   
    second 
   
    lieu 
   
    les 
   
    impôts 
   
    que 
   
    devaient 
   
    acquitter 
   
    leurs 
   
    sujets. 
   
    On 
   
    ignore 
   
    quel 
   
    était 
   
    le 
   
    mode 
   
    de 
   
    perception 
   
    de 
   
    ces 
   
    impôts. 
   
    Enfin, 
   
    c'était 
   
    la 
   
    taxe 
   
    que 
   
    l'on 
   
    devait 
   
    payer 
   
    pour 
   
    passer 
   
    les 
   
    montagnes 
   
    ou 
   
    les 
   
    rivières. 
   
    Ces 
   
    ressources 
   
    s'accrurent 
   
    sous 
   
    les 
   
    rois 
   
    leurs 
   
    successeurs 
   
    et 
   
    emplirent 
   
    les 
   
    coffres 
   
    du 
   
    trésor 
   
    de 
   
    l'Etat. 
   
    Ces 
   
    richesses 
   
    furent 
   
    employées 
   
    au 
   
    maintien 
   
    du 
   
    pays, 
   
    dans 
   
    ses 
   
    fréquents 
   
    bouleversements, 
   
    et 
   
    même 
   
    aux 
   
    jours 
   
    d'envahissement 
   
    par 
   
    les 
    
     ennemis.
  
 
   
    Nous 
   
    croyons 
   
    nous 
   
    être 
   
    suffisamment 
   
    étendu 
   
    sur 
   
    la 
   
    conquête 
   
    de 
   
    la 
   
    Cilicie 
   
    par 
   
    les 
   
    Arméniens, 
   
    sur 
   
    la 
   
    puissance 
   
    de 
   
    la 
   
    famille 
   
    des 
   
    Roupéniens 
   
    jusqu'à 
   
    l'avénement 
   
    de 
   
    Léon-le-Magnifique 
   
    qui 
   
    donna 
   
    tant 
   
    d'éclat 
   
    à 
   
    cette 
   
    province 
   
    chancelante, 
   
    qui 
   
    en 
   
    fit 
   
    un 
   
    royaume 
   
    sûr 
   
    et 
   
    lui 
   
    appropria 
   
    le 
   
    nom 
   
    d'Arménie.