Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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  L'an 1215 ou 1216, Sibile mit au monde une fille qu'elle eut du roi, et cette fille qui fut appelée Zabèle ou Isabelle devint la plus célèbre et la plus glorieuse des princesses de Sissouan. On pourrait dire qu'elle fut une perle 1 apportée par Léon et que bien des princes la convoitèrent, mais ne purent obtenir sa main. Héthoum des Héthoumiens seul put devenir son époux et il hérita avec elle du trône et de la gloire de Léon. Zabèle était regardée comme un don du ciel par Léon qui, n'ayant pas pu avoir de fils, eut du moins le bonheur, sur ses vieux jours de posséder une fille si accomplie. C'est sur elle qu'il fit reposer toute sa confiance, c'est à elle qu'il remit la succession de son trône et le soin de sa destinée. Le choix de son successeur le préoccupait depuis bien des années. On a vu plus haut comment il s'était décidé à prendre Roupin pour lui succéder. Mais après l'avoir placé sur le trône d'Antioche, sur le trône de son père, en 1216, il avait essuyé de la part de Roupin un outrage qui l'avait refroidi vis-à-vis du jeune prince.

On ne sait pas au juste quelle injure lui fit Roupin. Quelques-uns prétendent qu'une fois sur le trône, celui-ci se dépêcha d'éloigner d'Antioche son père tuteur, son royal Mentor, et cela sans aucun motif 2. Léon voyait sa petite fille pleine de vie et donnant les plus belles espérances et pendant qu'il rêvait de mettre sa couronne royale sur le front de cette enfant, encore dans sa première candeur, il s'aperçut que ses ministres avaient la même pensée. Ceux-ci qui, de même, n'avaient plus peut-être de sympathie pour Roupin, dirent franchement au Roi: « Puisque Dieu t'a donné un enfant tel que le désirait ton cœur, fais de ta fille ton héritière, délie-nous du serment que nous avons fait à Roupin et fais-nous plutôt les liges de ta fille. Nous la servirons comme si elle était ton héritier. Tu as fait assez pour Roupin en lui donnant le trône de son père. Le Roi se rendit aux instances de ses princes » 3.

Il paraît que jusqu'alors Léon se faisait scrupule de laisser son trône à une fille et à une fille dans un âge si tendre que le sien. Non pas parce que ce n'était point légitime, mais parce qu'il pourrait avoir bien des prétendants à la main de la Reine et à la couronne. Des usurpations pouvaient s'en suivre. Mais cette manifestation d'affection et d'attachement au roi de la part de ses barons l'encouragea et, dès ce jour, il ne songea plus qu'à s'assurer un époux convenable pour Zabèle, et un prince digne de sa couronne. De jour en jour, une famille royale lui offrait un gendre. Le hasard sembla vouloir favoriser Léon dans cette circonstance. Bien que ce fait n'ait pas été conclu, Léon put fermer les yeux en paix et conserver l'espérance que tout arriverait au gré de son désir.

C'est en 1217, après la longue attente et les longs préparatifs d'Innocent, qui venait de mourir, que les Occidentaux se mirent en marche pour une nouvelle croisade. Tous étaient d'accord pour mettre à leur tête André II, roi de Hongrie. Il s'embarqua à Spalatro, en Dalmatie, pendant l'automne de la même année, débarqua à Chypre et de se rendit à Ptolémaïs vinrent le rejoindre son compagnon de voyage Léopold duc d'Autriche, le roi de Jérusalem, gendre de Léon, les légats du Pape et tous les princes de la Syrie 4.

Il y a plus de cent chroniqueurs qui racontent ce fait des Occidentaux, mais il y en a plusieurs aussi qui n'en parlent pas. Il y en a qui citent au nombre des Croisés notre Léon qui s'était rendu à Ptolémaïs pour saluer son gendre le roi Jean et lui venir en aide; ils notent comme une chose remarquable qu'il y avait quatre rois alliés; celui de Jérusalem, celui de Chypre, celui de Hongrie et celui d'Arménie 5, qui se dirigèrent ensemble vers le mont Thabor en Palestine pour s'emparer de la fameuse forteresse qui se trouvait au sommet de cette montagne. Ils parvinrent courageusement jusqu'au faîte du mont, sous les murs de la forteresse, mais ils s'en retirèrent le 3 Décembre sans raison valable.

Le roi de Chypre mourut à peine arrivé à Tripoli. André, sous prétexte que les affaires de son gouvernement le rappelaient en Hongrie, sous prétexte aussi de la maladie dont il était atteint, abandonna, croyant avoir accompli son vœu, le commandement de l'armée à Léopold et se mit en chemin, au commencement de l'année 1218 pour retourner par terre dans ses Etats. Il arriva à Antioche, le jour de la fête de la Présentation de la Vierge et de se rendit en Arménie 6 était revenu Léon. Celui-ci reçut magnifiquement son hôte, ce qui l'empêcha de se trouver à l'assaut de Damiette, selon le dire de quelques historiens occidentaux.

Damiette fut prise beaucoup plus tard, après un siège de près de deux années et après de terribles combats sur terre et sur mer. Elle se rendit dans les premiers jours de Novembre 1219, le 5 ou selon d'autres, le 2 Février 1220, et l'on renversa une partie de ses remparts. On dit que pendant ce long siège et au milieu des dissensions avec le légat du Pape, Jean de Brienne qui était alors le chef des princes croisés, demanda aide à Léon 7, son beau-père et à ses voisins les sultans d'Iconie et d'Alep et que ces derniers vinrent assiéger Damas, dont le sultan (Khoureddin ou Charfeddin) était allé prêter mainforte aux Égyptiens contre les Croisés et qu'ils le forcèrent à revenir sur ses pas 8.

Il peut se faire que cela ait eu lieu, mais nos historiens n'en disent mot. En revanche ils racontent que les deux rois, le nôtre et André, se lièrent d'amitié, et que Léon honora particulièrement le roi de Hongrie, qu'il en fit son hôte à Tarse, que, s'étant informé de l'état de sa milice, de sa famille et de ses enfants, il lui proposa de s'allier entre eux en mariant son troisième fils qui s'appelait également André, avec sa fille Zabèle et qu'il lui succ é derait sur le trône de l'Arménie. Les deux rois conclurent ce mariage dont Léon fit part ensuite à ses barons qui lui donnèrent leur adhésion par écrit et sous serment. Les deux Roi envoyèrent une copie de leur acte de consentement au pape Honoré pour que celui-ci le rendit authentique.

Nous ne possédons pas la lettre de Léon au Pape. André écrivit sur le même ton que Léon à Honoré, aussitôt qu'il fut de retour dans son royaume, en l'année 1218 ce qu'il paraît, car la date manque à la lettre), et l'informa de tout ce qui s'était passé. En outre il le priait de donner son consentement au mariage projeté, de prendre un soin paternel de son fils qu'il allait envoyer en Arménie, de le recommander à la sollicitude des Hospitaliers et des Templiers et d'autoriser l'union des jeunes princes. Car, disait-il, c'est ce que désire Léon pour protéger ses Etats contre les Sarrasins et pour concourir à la délivrance de la Terre-Sainte. Il priait encore le Pape d'apposer le sceau pontifical sur les deux lettres et de les retourner à lui et à Léon 9. Les deux souverains avaient stipulé que si Zabèle venait à mourir avant le mariage, l'époux aurait le droit de prendre la succession de Léon et d'en jouir sa vie durant.

Honoré, après avoir pesé leur demande, leur répondit par une brève et même bulle qu'il adressa séparément à chacun d'eux le 4 Mars 1219. Voici celle qui fut envoyée à André: « Honorius, etc. Sicut tam ex tuis, quam Charissimi in Christo filii nostri Leonis Armeniæ Regis Illustris literis intelleximus, quod inter te et regem pr æ dictum convenerit, ut natus tuus ipsius filiam accipiat in uxorem, ita ut eidem Regi ratione fili æ su æ prout h æ res succedat in regnum, habiturus illud toto tempore vit æ sue, si etiam contingat eam decedere ante quam reducatur ab illo; Nos quod super hoc provide ac utiliter factum est, Te, ac Rege pr æ dicto supplicantibus, duximus approbandum ».

Datum Laterani IV, Non. Martij, Pont. Nostri Anno III ».

1 Allusion à l'hymne du Catholicos Gomidas (VII siècle) à l'honneur de S. te Rhipsimée, renommée par sa beauté:

«Vers cette unique perle précieuse

Tous les payens se précipitèrent joyeusement;

L'Occident se hâta de s'unir à l'Orient

Pour célébrer publiquement cette merveille sans égale!»

2 Un décret de Roupin donné aux Génois, pendant le mois de Février 1216, prouve que Léon se trouvait alors à Antioche puisqu'il y apposa sa signature. Dans un décret qui succéda à celui-ci et qui fut donné aux Pisans le 7 Avril de la même année, on voit que Léon n'y était plus.

3 Paroles de notre historien royal.

4 Notre histoirien cite un peu confusément les alliés; il dit: «Le duc des Allemands d'Autriche vint avec beaucoup de soldats ed avec lui, le roi de Hongrie André avec peu d'hommes, et le duc d'Autriche et le Roi de Jérusalem Re Juan, et la Maison des Frères avec leurs maîtres, les Templiers et les Hospitaliers avec tout leur couvent et les légats de Rome. Tous se rendirent en Égypte et arrivèrent à Damiette l'on avait élevé une grand tour sur le port, etc».

5 Ernoul qui écrivait en 1228, dit: «Après vint li rois d'Erménie à Acre quand li rois Jean et sa fille espousée. Or furent à Acre quatre rois, et si ot moult grans peuples (de toutes terres) qui arrives i estoient».

6 «D'ilec se parti li rois de Hongrie et ala en Erménie et la se mist en mer en galees et passa en Aquilée, et d'ilec s'en ala en sa terre». Eracles. XXX, 13.

7 Histoire de Jean de Brienne.

8 Notre historien raconte ainsi la prise de Damiette; «Ils arrivèrent à Damiette il y avait une très forte tour sur le port qu'on avait fermé avec des chaînes qu'on ne pouvait rompre. , ils ne purent aborder ni mettre pied à terre qu'après bien des jours. Alors ils fabriquèrent des échelles dans leurs vaisseaux et les ayant appuyées contre le mur, ils y grimpèrent et purent à grand peine s'emparer de la tour après de grandes pertes. Abordant la terre, ils construisirent des ponts sur le fleuve qu'ils passèrent et mirent le siège autour de la ville. Le sultan d'Égypte, Adel, frère de Salaheddin, et ses fils Kémil et Achraf vinrent camper devant eux et ne purent en aucune manière porter secours à la ville ni effrayer les armées chrétiennes». Vingt mois après, les chrétiens furent obligés, par traité, de rendre de nouveau Damiette aux Sarrasins et cela après de longues contestations, pendant lesquelles les Arméniens, du même avis que les Chevaliers et autres, voulurent abandonner la ville. Cet avis l'emporta, le 8 Septembre 1221.

9 Illustris enim Leo Rex Armeniæ, ut nostræ gentis et suæ glutinata in unum commercio ad confingendos vicinos atque juges Turcorum insultus, robustior existeret, filiam suam nostro filio tradidit in uxorem, totumque Armeniæ cum sua corona, juxta plenum suorum Baronum consensum atque juramentum in perpetuum jurisdictionem eidem filio nostro et suis hæredibus, subjugavit. Ut igitur hæc omnia firma permanent, factum inter nos et Regem Armeniæ contractum, tam super matrimoniæ filiæ suæ cum filio nostro, quam de collatione sui diadematis ac regni, auctoritats Vestræ munimine confermatis. Petimus etiam quatenus nuptiorum commercio inter eos... in quibus maximum Terræ Sanctæ occultum divina providentia consilium procuravit, commodum, prout cujuslibet scripta protestantur, similis modo roboretis; et transmissas Sanctitati vestræ ab unoquoque principe litteras, cum apertæ coram vobis fuerint, iterato sub vestra bulla nobis remittatis. Verum quia filii nostri quem in Armeniam transmittimus, immatura teneritas ad debitæ circumspectionis commoda non sufficit, Vestræ paternitatis profugis genibus a Vobis postulamus; quatenus memoratum puerum cum uxore et sibi assistentibus, in Vestræ protectionis suscipientes gremium, ut spiritualem in Christi filium, ad tuendum et fovendum sacratissimis Domibus Militiæ Templi, nec non Hospitalis, vice nostro, et mandato commendantes.