Léon
qui
fut
si
longtemps
le
défenseur
passionné
des
droits
de
son
neveu
et
qui
résista
tant
d'années
à
tant
de
hauts
et
puissants
personnages,
devait
être
bien
plus
ardent,
ce
semble,
à
défendre
et
à
protéger
son
pays
qu'il
avait
acquis
au
prix
de
tant
d'adresses
et
à
d'efforts.
Il
n'épargna
rien
pour
le
rendre
prospère
et
fort.
Mais
pour
y
réussir,
ce
n'était
plus
avec
des
étrangers
qu'il
avait
à
faire,
c'était
avec
ses
compatriotes
dont
la
jalousie
et
la
défiance
excessives
et
rarement
fondées
lui
suscitaient
de
graves
embarras.
La
première
maison
seigneuriale
à
laquelle
il
porta
ombrage
fut
la
famille
des
Lambrouniens,
la
noble
famille
des
Héthoumiens,
plus
ancienne
dans
le
pays
de
Sissouan
que
la
famille
même
de
Léon.
La
superbe
forteresse
de
Lambroun,
située
au
milieu
et
sur
la
crête
des
monts
du
Taurus,
avait
toujours
résisté
aux
fils
de
Roupin
et
menaçait
de
devenir
la
rivale
de
la
ville
de
Sis
nouvellement
fondée.
On
a
vu
tout
ce
que
firent
les
oncles,
le
frère
et
Léon
lui-même,
avant
sa
principauté,
contre
Lambroun
et
les
Lambrouniens,
et
l'on
sait
qu'ils
ne
réussirent
jamais
à
se
rendre
maîtres
de
cet
orgueilleux
Château-fort,
bien
qu'ils
vinssent
l'assiéger
bien
des
fois.
Bon
gré
mal
gré
il
leur
fallut
en
venir
à
passer
des
traités
d'alliance.
Léon,
quand
il
n'était
encore
que
Baron,
fut
forcé
de
faire
de
même.
Lors
de
la
cérémonie
de
la
consécration
des
Eaux
de
l'Epiphanie,
parmi
les
barons
qui
y
assistaient
se
trouvaient
les
deux
frères
de
S.
Nersès,
les
seigneurs
de
Lambroun
et
de
Loulou.
Le
premier,
Héthoum,
l'aîné
de
la
famille
et
le
prince
du
domaine
de
Lambroun
était
parent
de
Léon;
il
était
neveu,
par
sa
mère,
de
l'oncle
de
Léon.
Les
Grecs
l'avaient
honoré
du
titre
de
Sébaste.
Mais
sa
véritable
grandeur
venait
de
sa
remarquable
prudence
et
de
la
magnificence
qu'il
développait.
A
tout
cela
s'ajoutait
le
prestige
d'être
le
frère
du
si
célèbre
et
saint
archevêque
de
Tarse.
Cela
lui
valut
encore
d'être
assuré
de
vivre
en
paix
même
après
l'élévation
au
trône
royal
de
Léon.
Après
la
mort
de
S.
Nersès,
la
politique
et
les
relations
de
Léon
et
de
Héthoum
changèrent
complétement,
nous
ne
savons
pas
pour
quel
motif.
Fut-ce
parce
que
Héthoum
donna
lieu
à
Léon
de
se
méfier
de
lui,
ou
que
celui-ci
sentit
se
raviver
les
vieilles
rancunes
qu'il
avait
contre
l'
autre,
ou,
enfin,
parce
que
Héthoum
était
le
voisin
du
Sultan
d'Iconie
avec
lequel
Ochine,
son
père,
s'était
allié
jadis
contre
les
Roupéniens
?
C'est
cette
dernière
raison
que
font
prévaloir
notre
Historien-royal
et
Guiragos.
«
Cest
pour
cela,
dit
le
premier,
que
Léon
résolut
sagement
de
lui
couper
les
ailes
et
d'abattre
sa
haute
fierté
».
Nous
ignorons
en
quoi
consistait
cette
haute
fierté
de
Héthoum.
C'est
peut-être
sa
rebellion
contre
Léon
qui
donna
lieu
à
cette
expression,
comme
nous
le
donne
à
croire
Guiragos,
lorsqu'il
dit:
«
(Léon),
après
l'
avoir
essayé
à
plusieurs
reprises,
ne
put
pas
vaincre
le
révolté
»,
ni
même
prendre
le
fort
où
il
l'avait
traqué,
ni
soutenir
un
long
siège
par
ce
que
les
affaires
de
son
royaume
ne
le
lui
permirent
pas.
Alors,
«il
essaya
de
le
tromper
par
des
promesses
d'alliances
de
parentés
»
et
parla
à
Héthoum
en
termes
bienveillants
et
flatteurs:
«
Je
pense,
lui,
dit-il,
conclure
avec
toi
une
alliance
d'amitié
et
donner
la
fille
de
mon
frère
Roupin,
Philippine,
en
mariage
à
ton
fils
aîné
Ochine.
Héthoum
accueillit
ces
paroles
en
le
remerciant
et
tressaillit
de
joie.
Ensuite
ils
préparèrent
les
fêtes
de
la
célébration
du
mariage
à
Tarse.
Héthoum
s'y
rendit
avec
toute
sa
famille
et
ses
enfants
et
tous
ses
bagages.
Alors
Léon
le
fit
saisir
et
envoya
des
troupes
qui
s'emparèrent
de
Lambroun
sans
livrer
de
combat
»,
et
sans
y
causer
de
troubles,
puisqu'il
y
avait
là
quelques-uns
des
fils
de
Héthoum
qui,
quoique
tout
jeunes
encore,
lorsqu'ils
apprirent
que
leur
père
et
leurs
frères
étaient
prisonniers
de
Léon,
se
hâtèrent
de
livrer
le
fort
en
échange
de
leur
délivrance.
Léon,
à
la
nouvelle
de
la
prise
de
Lambroun,
appropria
cette
forteresse
à
la
couronne,
et
la
donna
à
sa
mère
Rita,
la
princesse
des
princesses,
jurant,
ou,
selon
les
expressions
de
Guiragos,
«
écrivant
le
serment
sous
anathème
de
ne
plus
rendre
le
château
de
Lambroun
à
un
prince
quelconque,
mais
d'en
faire
la
propriété
du
roi,
car
ajoute-t-il,
tous
les
seigneurs
de
ce
château
se
révoltent
parce
qu'ils
le
savent
imprenable
».
Ensuite
il
mit
Héthoum
en
liberté:
«
il
le
délivra
de
sa
prison,
lui
donna
beaucoup
de
villages
et
le
recevait
ensuite
avec
tous
les
honneurs.
Héthoum,
de
son
côté,
le
servit
fidèlement
et
avec
sa
prudence
éprouvée
».
Il
était
plus
facile
à
celui
qui
avait
été
dépouillé
de
se
conduire
avec
loyauté
qu'à
celui
qui
avait
fait
le
dommage
de
ne
pas
garder
de
la
méfiance
vis-à-vis
de
sa
victime.
Léon
n'eut
pas
confiance
en
Héthoum
et
il
paraît
que,
plutôt
agité
par
le
remords
de
ce
qu'il
avait
fait
qu'exaspéré
par
quelque
indiscrétion
de
la
part
de
celui-ci,
il
le
fit
saisir
encore
une
fois
et
emprisonner
dans
le
fort
de
Vahga,
vers
l'an
1202.
L'oncle
maternel
de
Héthoum,
le
vieux
Catholicos
Grégoire
Abirad,
l'ayant
appris,
partit
de
Romcla
et
fit
tout
le
long
chemin
jusqu'à
Sis,
pour
venir
supplier
le
roi
de
faire
sortir
son
neveu
de
prison
et
d'apaiser
ainsi
le
scandale
que
sa
rancune
causait.
Léon
céda
aux
instances
du
Patriarche
et
résolut
d'aller
en
personne
rendre
la
liberté
à
Héthoum.
Mais
avant
que
Léon
et
Abirad
ne
se
fussent
rendus
au
lieu
de
la
prison,
Héthoum
avait
déjà
résolu
de
se
dépouiller
de
toute
autorité
et
d'abandonner
la
magnificence
mondaine
dont
il
était
entouré
depuis
son
berceau;
car,
tout
jeune,
il
avait
été
fiancé
à
la
fille
de
Thoros
II;
c'est
lui
encore
qui
avait
tenu
tête
à
Melèh,
à
Roupin
et
à
Léon,
lui-même,
lorsque
ces
derniers
étaient
venus
assiéger
Lambroun.
Maintenant
que
tout
son
domaine
patrimonial
et
le
couvent
de
Skévra
qui
renfermait
les
tombeaux
de
ses
aïeux,
étaient
tombés
aux
mains
de
Léon,
Héthoum
les
abandonna
volontairement
à
ses
héritiers.
Il
se
souvint
de
sa
mère
Chahantoughte
et
de
ses
tendres
sœurs
Talitha
et
Suzaine,
qui
s'étaient
empressées
de
quitter
le
luxe
de
ce
monde
pour
prendre
l'
habit
de
pénitence.
Il
se
souvint
encore
plus
de
son
vénérable
frère
S.
Nersès
à
qui
la
solitude
et
le
désert
étaient
si
chers.
Il
ordonna
donc
qu'on
lui
apportât
l'habit
religieux,
le
vêtit
et
en
couvrit
les
restes
de
sa
splendeur
princière.
Il
se
livra
assidûment
à
la
lecture
des
Saintes-Ecritures,
et
élevant
sa
pensée
à
Dieu
il
passait
ainsi
tranquillement
ses
jours,
aussi
heureux
que
s'il
se
fût
trouvé
au
milieu
de
sa
cour
au
château
de
Lambroun.
Quel
ne
fut
pas
l'étonnement
et
quels
ne
furent
pas
surtout
les
remords
de
Léon,
lorsqu'il
vit
celui
qu'il
croyait
son
rival
revêtu
de
l'
habit
de
pénitence
?
Toutes
ses
idées
de
gloire
s'évanouirent
devant
la
pureté
des
vertus
du
patient,
et
je
crois
que
si
jamais
Léon
fut
vaincu
par
quelqu'un,
ce
fut
ce
jour-là
par
son
noble
prisonnier.
Il
se
jeta
au
cou
de
celui
qui
s'était
humilié
pour
lui
et
pour
le
maître
de
toute
humilité,
Jesus
Christ.
Tous
deux
s'embrassèrent,
se
pardonnèrent
et,
se
tenant
par
la
main,
sortirent
de
cette
vieille
résidence
des
Roupéniens
(le
château
de
Vahga).
Héthoum
avait
fait
vœu
de
ne
plus
mettre
le
pied
dans
un
palais
et
de
finir
les
jours
qu'il
avait
encore
à
vivre
dans
un
monastère.
Léon
lui
offrit
le
plus
célébre
et
le
premier
des
couvents
de
Sissouan,
celui
de
S.
te
Marie-Trium-Arcium
(
Trazargue),
et
l'en
fit
l'Abbé.
Héthoum
y
resta
jusqu'à
la
fin
de
sa
vie.
C'est
là
qu'en
même
temps
qu'il
échangea
ses
habits
de
prince
contre
le
costume
de
moine,
il
laissa
son
nom
de
Héthoum
pour
prendre
celui
d'Elie,
sans
que
nous
sachions
dans
quel
but
il
choisit
ce
vieux
nom.
Personne
ne
dit
s'il
fut
ordonné
prêtre
et
s'il
passa
à
un
degré
supérieur.
Cela
paraît
probable
cependant.
Innocent
III,
dans
une
de
ses
lettres,
cite
Héthoum-Elie
comme
lui
ayant
été
envoyé
en
ambassade,
en
1210-1211;
et
le
nomme:
Abbas
S.
Mariœ-Trium-Arcium.
Bien
que
Héthoum
ne
désirât
plus
désormais
que
de
passer
sa
vie
dans
la
retraite,
Léon
qui
le
savait
versé
dans
les
langues
et
les
études
et
qui
connaissait
sa
prudente
sagesse,
le
fit
participer,
comme
les
autres
grands
personnages
de
ses
Etats,
les
évêques
et
les
Barons,
aux
affaires
du
gouvernement
de
son
royaume.
Héthoum
lui
rendit
plus
de
sérvices
en
son
état
de
religieux,
que
les
autres
princes
dans
tout
leur
éclat.
Nous
l'avons
vu
accomplissant
sa
difficile
mission
d'ambassadeur
pendant
que
la
question
d'Antioche
tenait
au
cœur
du
Pontife
de
Rome;
nous
allons
le
voir
maintenant
au
milieu
des
dissensions
qui
éclatèrent
entre
le
roi
et
le
Catholicos
arménien
Jean,
car
nous
en
sommes
à
ce
point
de
notre
histoire.