Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Après avoir considéré la surface de la terre, sa configuration et ses divers produits, il nous reste encore à parler de son climat.

Vu la fertilité du terrain, l'abondance de toute espèce de produits, la situation géographique, il semble que la Cilicie soit un des coins du monde des plus tempérés et des plus salubres. Pourtant ce n'est pas la réalité; non seulement cette terre n'est pas un pays des plus salubres, mais elle est tout à fait malsaine dans sa partie plate loin des montagnes.

Il est évident que la longue négligence des habitants et les continuelles dévastations ont augmenté les terrains marécageux vers la mer et vers les fleuves. Les exhalaisons méphitiques qui s'en dégagent causent la fièvre jaune pendant l'été qui dure jusqu'à la moitié d'octobre. Dans les ouvrages anciens aussi nous trouvons des allusions à ces fièvres: bien que nos historiens et nos auteurs n'aient fait aucune observation à ce sujet, des étrangers, leurs contemporains, nous en parlent. Lorsqu'il fut question de former une croisade, aux XIII e et XIV e siècles, pour conserver la terre aux chrétiens et protéger les Arméniens, on a prit de grandes précautions pour ne pas y laisser habiter les étrangers; et quelqu'un eut le courage de dire qu'au bout d'une année sur 4000 cavaliers il n'en restera que 500. Quand on en parla au Concile de Vienne, au commencement du XIV e siècle, Henri, roi de Chypre, écrivit au Pape Clément V, que le climat du pays était si malsain et si sujet à occasionner des maladies, que, durant l'été, les habitants s'enfuyaient vers les montagnes, et que ceux qui étaient obligés à demeurer dans la plaine étaient frappés par la fièvre et en mouraient souvent.

Peu auparavant, le Karaman, prince tur-coman, écrivait, avant sa domination, ces sarcasmes au roi Héthoum: «Ayez encore un peu de patience, jusqu'à ce que vos terres soient purifiées par les vents d'automne, afin que pendant mon séjour je ne sois pas affaibli et incapable d'agir». Naturellement l'air était plus insupportable aux visiteurs et aux étrangers, comme ils l'avouent, qu'aux naturels habitants [1] . Cependant il est sûr qu'alors le terrain était mieux entretenu et mieux cultivé. Les forêts et les bois y étaient nombreux, les marais et les marécages en très petit nombre, et, pourtant, l'air n'y était pas si malsain qu'aujourd'hui. D'un autre côté, il paraît étrange que l'air soit si mauvais, car en apparence on ne voit pour cause que les marécages; mais d'autres attribuent l'infection de l'air à l'accumulation des mêmes eaux dans le sous-sol: car nous avons vu que la surface était formée des terrains d'alluvions charriés par les fleuves, dont l'eau en s'infiltrant cause une humidité continuelle, dont les vapeurs, durant les grandes chaleurs de l'été, provoquent la fièvre. Ce fléau se rencontre souvent dans les environs de Tarsus qui avait un grand nombre d'habitants dans les temps anciens. Actuellement on voit clairement les marécages, soit du côté de la mer, soit près des sources des fleuves; même près d'Anazarbe, les marais et les bourbiers ne font pas défaut.

En vérité, autant le climat de la plaine est mauvais, autant celui des lieux élevés est agréable et sain; ce n'est pas difficile à comprendre: sur les hautes montagnes on a de rigoureux hivers, tandis qu'à leurs pieds la neige n'arrive presque jamais. C'est un fait extraordinaire que de voir la blanche visiteuse s'y arrêter sur le terrain pour quelques jours. Vers la mi-février on y voit déjà une multitude de fleurs printanières.

L'année 1272, le jour de l'Epiphanie, il neigea dans toute la Cilicie jusqu'aux bords de la mer, et cela fut noté dans les annales de la Cilicie comme un événement extraordinaire. Sur les hautes montagnes même les influences de l'été se font sentir très vite. Les glaciers fondent rapidement, les fleuves débordent et bientôt les campagnes sont submergées. Ces inondations soudaines remplissent les étangs et les marais qui se dessècheront durant l'été.

Ces eaux stagnantes, pleines de matières en décomposition, exhalent durant les grandes chaleurs, des émanationt qui corrompent l'air et forcent les habitants à déserter ces lieux pestilentiels. Il est certain que peu à peu par une irrigation soigneuse et patiente on pourrait assainir les cours des fleuves en les faisant aboutir directement à la mer. En multipliant les bois, en séchant les marais ou en les diminuant, on améliorerait les conditions climatériques, on développerait l'agriculture et on augmenterait la population.

Les pluies commencent dans ce pays ci au mois d'octobre; pendant l'été il ne pleut presque jamais. La clarté éblouissante d'un ciel sans nuages augmente la force des grandes chaleurs et dessèche les campagnes verdoyantes. Les grands arbres mêmes peuvent à peine supporter cette température excessive, qui, durant le jour, s'élève à l'ombre en moyenne à 25° Réaumur, et pendant la nuit n'est pas inférieure à 20°. Sur les terrains montagneux la neige commence à tomber vers les premiers jours d'octobre, obligeant les mineurs à s'abriter dans leurs quartiers d'hiver jusqu'aux pluies du mois de mars qui fondent les neiges: le mois d'avril voit fleurir des milliers de fleurs qui durent jusqu'en juillet; pendant les derniers mois la chaleur augmente et pénètre dans le sol; alors seulement les plantes alpestres peuvent croître dans des endroits ombragés, ne dardent point les rayons brûlants du soleil; vers la moitié de septembre on jouit d'une température assez fraîche.

De la mi-octobre jusqu'au mois de mai les montagnes se recouvrent d'un blanc manteau; mais dans les vallées l'hiver et la neige durent deux mois de moins: beaucoup de sommets et de versants de ces hautes montagnes paraissent toute l'année couverts de neige, tandis que d'autres difficilement perdent leur couverture de neige, battus par les rayons brûlants du soleil.

Jusqu'à présent on n'a pas fait beaucoup d'observations météorologiques sur les diverses positions de la Cilicie, ou du moins nous n'en avons pas connaissance; exceptées celles du botaniste Kotschy, durant le mois de juillet 1853.

Cet auteur parle de l'influence qu'exercent les vents sur le degré de chaleur et de siccité de l'air. Il fit ses observations en été. Durant trois mois ce fut presque toujours le vent N. E. N. qui souffla. Assez souvent des tempêtes descen­daient des hauts plateaux de la Karamanie avec une grande violence et raffraîchissaient l'air. Quelques fois aussi les vents brûlants du midi arrivent du côté de la mer et font monter le thermomètre, qui marque ordinairement 20° à 22°, jusqu'à 26° ou 28° R. Les mêmes vents se font sentir dans la région des montagnes: ils y apportent la fièvre et les coliques; du moins cela arriva l'année ce naturaliste faisait ses observations (1853). Pendant toute la durée de son séjour, c'est à peine s'il entendit une fois ou deux le vent du sud-est.

Comme nous l'avons déjà fait observer plus haut, les pluies commencent dans les plaines vers la fin de l'automne; elles y sont très abondantes, et les routes publiques en souffrent beaucoup. Sur les hauteurs, c'est en automne et au printemps qu'elles sont les plus fréquentes. Dans la région des forêts elles sont quelquefois torrentielles. Au pied des chaînes des montagnes, l'eau tombe aussi en abondance et les chemins et les défilés deviennent impraticables.

Au-dessus de la zone des forêts la pluie est plus rare. Elle est remplacée par la rosée et par des sources qui jaillissent toujours. Cependant ces dernières ne sont pas très nombreuses. C'est sur les flancs septentrionaux des hautes montagnes qu'on en rencontre le plus et qu'elles sont les plus abondantes quant à leur débit. On en trouve aussi sur le versant sud de ces mêmes montagnes à la hauteur de 3800 à 4200 pieds.


[1]          Comme aussi un secrétaire vénitien écrivait au Doge d'alors: Terra Armeniœ alienigenis est infirma. La même chose écrit aussi l'historien Sanudo Torsello, l'ami des Arméniens.