Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  La ville d' Egée ou Egéa, Αι ̉ γαί, Αι ̉ γαι ̃ αι, Αι ̉ γεαε, Aegœ, fut probablement fondée par les Grecs, mais on ignore quel fut son fondateur. Le nom de cette ville semble lui avoir été donné à cause de la grande quantité de chèvres, qui paissaient dans l'endroit elle fut bâtie; ou à cause de la forme du pays ressemblant à une chèvre. Le nom de la chèvre en arménien, Այծ, Aïdz, a presque la même consonnance que l' Αι ́̉ ξ du grec, dont le pluriel est Αι ̉ γαί. D'autres font venir le nom de cette ville, des ondes de la mer. D'autres enfin prétendent qu'il lui fut donné par une amazone appelée Aegea, ou par Egée père de Thésée. Remarquons aussi que la ville fut appelée Πολίχνιον, à cause de la grande quantité de poissons que l'on pêchait dans le golfe et dans les cours d'eau qui s'y jettent. (p. 427- Monnaie d'Egée)

Egée ou Ayas, ne comptait pas parmi les villes célèbres du pays, mais elle avait néanmoins une certaine importance. Elle était petite, mais son port assez large et bien fréquenté. Il paraît que sous la domination romaine, elle avait dédié un temple ou une statue aux dieux pour la prospérité de son port. On a retrouvé l'inscription suivante au milieu de ses ruines:

ΘΕΩ ΣΕΒΑΣΤΩ ΚΑΙΣΑΡΙ ΚΑΙ

ΠΟΣΕΙΔΟΝΙ ΑΣΦΑΛΕΙΩ ΚΑΙ

ΑΦΡΟΔΙΤΗ ΕΥΠΛΙΟΑ.

Il y avait aussi à Egée un temple célèbre dédié à Esculape, qui fut détruit par l'ordre de Constantin. Le poète Lucain cite (III, 227) le port d'Egée:

Mallos et extrem æ resonant navilibus Aegae.

 

En l'an 55 de l'ère vulgaire, Corbulon, le général qui remporta tant de brillantes victoires en Arménie, et Quadratus, gouverneur de la Syrie, réunirent leurs armées à Egée pour chasser de l'Arménie le roi Parthe, Valarche. Au commencement du II e siècle, cette ville fut appelée Hadriana, en l'honneur de l'empereur Adrien, comme elle fut appelée aussi Macrinopolis et Alexandropolis en l'honneur des empereurs Macrin et Alexandre. Dès le commencement, elle fut déclarée ville libre: aussi Pline (V. 22) l'appelle: Oppidum Aegae liberum.

A l'introduction du christianisme, Egée devint un siége épiscopal dépendant de l'archevêque de la Cilicie Inférieure. Son premier évêque fut Saint Zénobe, qui y fut martyrisé avec sa sœur Zénobie, en 303, par odre du gouverneur Lycias; ils furent inhumés dans le même tombeau [1] . Par ordre du même gouverneur et la même année, furent aussi martyrisés deux frères, les célèbres « Médecins sans argent », les saints Côme et Damien. Un de nos historiens du XIV e siècle, appelle le lieu précis de leur martyre: «La fontaine de Khotzatéghe, Խոցադեղ, (Baume de blessures), à la sortie de la ville d'Ayas». C'est ici encore que furent martyrisés les trois frères Antimus, Léontius et Euprepius, ainsi que les autres trois frères Glaudius, Astérius et Mévon, et les Saintes Domina et Déonilla.

Tout cela nous prouve que non seulement Egée se faisait remarquer par l'ardente foi de ses chrétiens, mais qu'elle était encore une des villes principales, puisqu'elle servait de siége au gouverneur de vastes contrées. On ne peut nier non plus qu'elle eut une grande importance aux yeux des empereurs qui voulurent lui léguer leurs noms.

On cite les évêques grecs d'Egée qui se sont succédé jusqu'au milieu du VI e siècle. Vers la fin du même siècle un certain Théodore, écrivait dans son voyage en terre Sainte, en 538: «In provincia Cilici æ Egea dicitur civitas, ubi quadraginta dies comercia geruntur, et nemo de eis aliquid requirit: sed post 40 dies qui inventur negotium facere, fiscali redit» [2] .

Ce n'est que vers la moitié du XIII e siècle, que les évêques arméniens commencent à occuper le siége épiscopal de cette ville, et avec ces derniers y commencent aussi des nouveaux événements politiques.

Egée ou Ayas, après sept siècles passés sans bruit, mais non sans gloire pourtant, sortit tout à coup de son obscurité. Une ère nouvelle et brillante s'ouvrit pour elle, mais qui n'eut malheureusement que la durée de la fortune passagère des souverains arméniens Roupiniens. Ce fut alors que cette ville se remplit de vie et de mouvement, et qu'elle devint une des plus comerçantes du monde. Tant que la dynastie arménienne fut au pouvoir, c'est-à-dire pendant tout un siècle, elle fut le rendez-vous de tous les peuples: elle fut en quelque sorte le cœur du pays et du royaume, tandis que Sis en était la tête, comme capitale. Ayas fut même supérieure à Sis, car sa renommée était universelle. Elle l'emporta sur les premières villes commerciales du pays, rivalisa et surpassa celles de la Syrie et de l'Egypte. Depuis le milieu du XIII e siècle, mais surtout après l'effondrement de la principauté d'Antioche, en 1268, et la prise de Ptolémaïs (Acca ou Accon) par les Egyptiens, jusqu'à la moitié du XIV e siècle, Ayas fut en Asie le premier port et l'entrepôt commercial des antiques pays de la Perse, des Indes, de la Chine même, ainsi que des pays occidentaux de l'Italie, de la France, de l'Espagne, des Flandres et autres.

Dès que les Arméniens eurent fondé leur royaume, les occidentaux commencèrent à affluer en Cilicie. Le premier décret de Léon en faveur de ceux-ci, porte la date de la première année du XIII e siècle. Alors les ports du pays étaient Tarse, Corycus et d'autres, mais on en parle moins souvent, parce que la grande voie du trafic avec le Levant n'était pas encore ouverte, et la Syrie avait sur ses côtes des villes anciennes qui se prêtaient davantage aux transactions commerciales avec les orientaux. Mais lorsque ces dernières villes furent tombées dans les mains des Sarrasins, cet important commerce dut se chercher un autre centre de refuge qui fût à l'abri des pirates, et en même temps tout proche de l'antique route suivie par les marchands de l'Orient. C'est alors qu'Ayas, à laquelle la nature avait déjà donné une position qui la mettait à l'abri de la fureur des vents, acquit sa célébrité. Les voyageurs modernes affirment que, sur les côtes de Karamanie et de la Syrie, il n'existait pas de port plus sûr que celui d'Ayas. C'est-là, du reste, que, ces dernières années, une grande partie de la flotte anglaise vint hiverner.

L'histoire ne nous a pas révélé l'époque précise ni le nom du génie qui fit d'Ayas ce qu'elle a été; à quel moment il a creusé son port, planté ses digues, élevé ses forteresses de terre et de mer, agencé ses dépôts et magasins, créé ses douanes, installé, enfin, tout ce qui était indispensable pour en faire l'un des principaux et l'un des plus grands ports d'un royaume, qui donna l'hospitalité aux sujets de tant d'autres royaumes. L'histoire ne nous dit pas quel est cet homme qui a droit à de grandes louanges pour avoir apporté tant de richesses au trésor du royaume de l'Arménie. Mais je crois que ce ne put être que celui qui, après le roi Léon, eut le plus ardent amour pour sa patrie et brilla au premier rang parmi ses concitoyens; je veux nommer Constantin, le père du roi Héthoum. C'est lui qui mit la vie dans Ayas. Car on ne peut contester que c'est de son vivant, pendant les dernières années si bien remplies, si méritoires de son existence, qu'Ayas brilla de tout son éclat comme ville commerciale. Le célèbre voyageur contemporain Rubruquis l'atteste formellement: «Ipse autem (Constantin) fecit me deduci usque ad mare ad portum qui dicitur Auax; et inde transivi in Ciprum». Cela est attesté aussi par le décret du roi Héthoum aux Vénitiens, date de-  novembre, 1261 [3] . Ce décret accorde aux étrangers liberté de résidence et de trafic, non seulement à Tarse, à Sis et à Messis, dont nous venons de parler, mais également à Ayas. Dans la traduction latine de ce privilège, car l'original est perdu,   Ayas est appelée Iatia; il se peut que le copiste ait oublié d'écrire les lettres initiales de ce mot: A ou La. Voici ce qu'on y lit: «Et apud Iatiam dabimus eis locum ad fatiendum domum»; la permission de bâtir une maison à Ayas était, donc accordée aux Vénitiens. Dans un décret antérieur, publié en 1245, Héthoum leur accordait une maison à Messis, ce qui fait voir qu'Ayas n'était pas encore complétement édifiée; il est donc probable que cette nouvelle reine de la Mer arménienne ne s'élevait que depuis peu devant les flots qui la baignaient.


[1] Ce Lycias est le même qui ordonna plus tard le supplice des Quarante martyrs de Sébaste. Dans les martyrologes, la ville d'Egée est dite ville de la baie d'Ionie(?). On l'aura sans doute prise pour une autre ville du même nom. En effet, il existait une Æ gée en Eolie et une autre en Macédonie. On pourrait plutôt supposer qu'elle est dite ainsi à cause du nom du Cap Ionia, situé près de Mallos.

[2] ThÉodor, De situ Terrœ Sanctœ.

[3] Ni Langlois, ni personne d'autre n'a eu connaissance de ce Chrysobulle, qui n'est qu'une répétition, avec peu de changements, du décret de 1245. C'est pour cela que le savant Bibliothécaire de Stuttgard, Hayd, (qui a écrit: Le colonie Commerciali degli Italiani in Oriente, etc. I, 301. ), croit qu'il n'est fait mention d'Ayas pour la première fois qu'en 1271, dans le décret de Léon II. Tandis qu'alors même, en 1271, il existait déjà des documents d'archives à Ayas, entre autres celui il est parlé d'une Logia Januensis; ce qui prouve que les Génois devaient s'y être installés depuis quelques années au moins. Voici ce que dit Jean, curé de Ptolémaïs, relativement à ce décret:  «Ego Johannes presbiter et plebanus Sancti Marci de Accon, Notarius et Ducalis aule Veneciarum Cancellarius, auctenticum hujus exempli sigillo aureo sigillatum vidi, et coram me legi feci litteris Arminorum; et sicut in auctentico continebatur ita vidi in aliud exemplum sumptum litteris latinis, per manum Archiepiscopi Torso, sicut dicebatur; quod et meo signo proprio ipsum corroboravi de mandato domini Johannis Belligni Bajuli in Accon, Tyro et in omnibus partibus Cismarinis, et ejus consiliarium, pro Domino nostro Duce; Currente anno ab Incarnatione Domini Nostri Jhesu Christi millesimo duecentesimo sexagesimo primo, mense febmaris, die sexto, exeunte Indictione quinta. Accon». Cet archevêque Torso, est certainement Thoros le chancelier.