Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  A une heure à l'est de ces cavernes et à une même distance au sud d'Ayache, on voit encore, vers les bords de la mer, les débris célèbres et importants des deux châteaux et du bourg de Corycus, ( Κψ ́ ρυχος ), Coricus, Culchus, Curchus, au moyen âge; les Français et les Italiens l'appelaient Courc, Corc, Curco, Colco; aujourd'hui les Turcs le nomment Corgos. Dans les auteurs anciens, ce nom semble plus particulièrement attribué à un promontoire, mais comme on ne voit actuellement dans cette place rien qui rappelle un promontoire, quelques-uns ont pensé que ce nom se rapporte à l'île sur laquelle est construit le Château maritime de Corycus. D'autres pensent au contraire que cette île est celle de Crambousa, placée, selon Strabon, dans cette région. Quoiqu'il en soit, la position du bourg actuel situé au centre d'une enceinte de rochers, semble justifier le nom de Corycus: car dans la langue grecque ce mot signifie un lieu creux et profond ou un vase. Dans les temps anciens Corycus était une ville très commerçante, servant de port à Séleucie. Les Grecs l'avaient consacrée à Mercure, dont l'image était gravée sur les monnaies de la ville: plus tard elle devint un repaire de pirates, comme les autres villes maritimes de la Cilicie. (p. 396- Forteresse de terre de Corycus)

Sous les Byzantins Corycus était un siége épiscopal, dépendant de la province de Tarse. On mentionne alors la restauration des bains, et de l'hôpital, par l'empereur Justinien; mais elle n'est pas citée avec les autres villes durant les guerres des Byzantins contre les Arabes, ni non plus à propos d'autres faits historiques. Cela montre la décadence était tombé cette ville, qui n'a plus comme témoignage de son éclat primitif que les ruines de ses nombreux monuments, de ses sarcophages et de ses inscriptions. Pendant les Croisades, Corycus fut restauré: le prince Bohémond projetait de la prendre, mais l'empereur Alexis le prévint et envoya plusieurs navires sous les ordres d'Eustathe, général eunuque, pour restaurer la ville et fortifier le port [1] .

Quelque temps après les Arméniens étendirent leur domination jusqu'à Corycus et aux plages maritimes, et les conservèrent jusqu'à l'extinction du royaume.

Benjamin de Toudel, voyageur juif, venant de Chypre débarqua à Corycus, en 1163; il la représente comme une ville frontière du territoire des Arméniens, et il cite Thoros II, roi des montagnes. A la fin du XII e siècle, le seigneur de Corycus, que l'historien écrit Coricaus, était le Baron Simoun; peut-être que ce Simoun descendait d'une famille princiaire grecque, ou arménienne devenue grecque. A la même époque (en 1190, 15 juin) une partie de l'armée de Frédéric— cinq jours avant sa mort dans le fleuve du Calycadnus, s'y embarqua pour Antioche; car Corycus était alors un port important. C'est encore dans cette ville que quelques années plus tard, (1195), Amaury, roi de Chypre, vint pour reprendre sa femme et ses enfants qui avaient été enlevés par le pirate Kanaki; Léon avait menacé Kir-Sac (Isaac, qui dans cette affaire avait soutenu le pirate), des châtiments les plus sévères, si les captifs n'étaient pas immédiatement rendus. Il alla même en personne pour y attendre Amaury; il le reçut solennellement et lui offrit un festin magnifique: mais au milieu du repas, l'amiral du roi, Raymond de Bone-Done, prévoyant une grande tempête, vint prier Amaury de partir sans perdre de temps. Léon contrarié de ce contre-temps imprévu, ordonna de transporter sur le navire la table toute servie. Ils eurent juste le temps d'arriver au port sans danger.

Ce même Léon entreprit la restauration de Corycus et y construisit de nouvelles fortifications; ainsi que le rappelle une inscription du château maritime, datant de l'an 1206. La copie de cette inscription est très imparfaite, on parvient cependant à déchiffrer que Léon avait construit la grande tour, ce qui indiquerait qu'une partie du château était déjà construite. Willebrand qui avait passé de Tarse à Corycus, en 1212, ne mentionne pas le château, mais seulement la ville in mari sita, avec un bon port et des ruines de construction magnifique, qui semblaient dater de la domination romaine. De 1210 à 1212 le maréchal Vahram était maître de Corycus, ainsi que le déclare Léon dans son chrysobulle aux Génois, les informant qu'il ne pouvait les exempter de l'impôt qu'ils devaient payer au seigneur de ce district. Ce Vahram, possesseur d'un autre château du nom de Schechadi, selon Aboufaradj, voulut après la mort de Léon, épouser Alice, nièce du roi et mère de Roupin-Raymond; il se fit partisan de ce dernier pour le faire régner, et excita les habitants de Tarse à la révolte. Mais Constantin le bailli à force d'adresse et d'énergie, réussit à les attraper; il les fit jeter en prison, et peut-être périr par l'épée comme coupables de trahison. Le père de Vahram s'appelait Gofred, je ne sais pas s'il était français de nom seulement ou aussi de nationalité: il est appelé, Baharam, filius Gofredi de Corcs [2] ; sa fille Marie fut mariée à Philippe, fils de Balian Ibelin [3] . Le bailli Constantin confisqua le domaine de Vahram, comme celui d'un rebelle et d'un traître; et lorsqu'il fit monter sur le trône son fils Héthoum, il distribua à ses autres fils des titres et des terres, et voulut passer Corycus à Ochine; Sempad son aîné s'opposa à son père en prétendant que ce lieu devait lui revenir de droit d'aînesse, d'après les lois des Assises de Jérusalem. Constantin demanda conseil à son gendre [4] , Jean Ibelin, fils de Philippe, savant jurisconsulte [5] . Celui-ci examina la question avec d'autres experts, et donna raison à Constantin, alléguant comme motif que Corycus n'était pas un patrimoine héréditaire, mais acquis par la force, et que par conséquent, Constantin était maître de l'accorder à qui bon lui semblait. Ochine devint ainsi maître et héritier de cette place; il y entreprit plusieurs restaurations et y ajouta de nouveaux édifices, terminés en 1258. Nous avons déjà cité, qu'en 1255 au commencement de mai, Rubrouk, célèbre voyageur, religieux, messager et auteur d'un Itinéraire, y vint à son retour de la Tartarie, en même temps que parvenait la bonne nouvelle que le roi Héthoum aussi était heureusement revenu du même pays. Alors son père, Constantin le bailli, rassembla tous ses fils et leur fit un grand festin, auquel ne manquait qu'Ochine, occupé à la construction d'un château, probablement l'un des deux de Corycus, que les Turcs appellent aujourd'hui Korcos-kaléléri. (p. 398- Forteresse de mer de Corycus)

L'un de ces châteaux est situé sur la terre ferme, non loin des bords de la mer, près des ruines de l'ancienne ville, en partie sur un rocher escarpé; il est ceint d'une double muraille, de remparts et de tours et d'un fossé de 30 pieds de profondeur, creusé dans le rocher même, comme on en voit encore des traces du côté du nord et de l'est; une source remplissait ce fossé d'eau, le trop-plein coulait à la mer par des canaux.

On avait pratiqué des escaliers entre les tours et les remparts. Ces derniers ont deux portes: l'une au nord, l'on entrait par un pont-levis; l'autre plus grande, à l'est, du côté de la mer; on y voyait d'anciennes inscriptions arméniennes, que ne surent pas déchiffrer les Arméniens qui accompagnaient Josaphat Barbaro, ambassadeur vénitien, en 1471. Ce voyageur parle de l'épaisseur et de la solidité des murailles et des tours, bâties en partie sur un rocher et en partie au bord de la mer; elles étaient si fortes que les boulets ne pouvaient les entamer. Il évalue au tiers d'un mille l'enceinte du château: dans toutes les chambres on voyait des puits d'eau douce, et dans les endroits publics il y avait encore quatre puits très profonds, remplis d'une eau excellente qui aurait pu suffire à une grande cité. Au sortir de la porte de l'est, jusqu'à la portée d'une flèche, des deux côtés, le chemin était bordé d'arcades supportées par des colonnes de marbre monolithes; à cette époque les colonnes de l'un des deux côtés étaient brisées et renversées. La rangée de colonnes conduisait vers une grande église, éloignée seulement d'un demi-mille; elle était solidement construite et ornée de grosses colonnes de marbre et de belles sculptures.

Machau, chroniqueur français, faisait ainsi la description de Corycus, vers la fin du XIV e siècle, pendant que ce lieu était encore habité:

Comment le chastiaus est assis

De Courc, qui est grans et massis

De tours, de creniaus et de murs,

Qui sont haus, fermes et seurs.

Courc siet en pais d'Ermenie,

Et s'est assis par tel maestrie

Que la mer li bat au gyron,

Et non mie tout environ.

 

Devant la porte a une place

Qui tient deux archies d'espace,

Et puis une haute montaigne

Qui est moult rote et moult grifaigne;

Et se n'i a que trois entrées

Qui sont rotes et si polées

Qu'il n'i peut monter nullement

Q'un homme ou deus tant seulement.

On compte aujourd'hui, selon Langlois, trois chapelles dans ce château; dans la principale, les parois intérieures sont ornées de fresques, représentant divers saints; les colonnes et les arceaux sont embellis de différents ornements; le toit est écroulé. Les deux autres chapelles sont entièrement encombrées de débris. On voit encore à leurs côtés des greniers, des prisons et des caveaux souterrains.


[1] Anna Comnena, dans Alexiade, XII, 266.

[2] Chrysobulle de Léon, en 1210. Cartulaire, 116.

[3] Ce Philippe, fils de Balian d'Ibelin, fut durant l'enfance de Henri I er, roi de Chypre, régent du roi et du royaume; + en 1227-8.

[4] Par sa fille Marie.

[5] J ean Ibelin, auteur des Assises de Jérusalem, rapporte, Chap. CXLV: «Celui qui a fié conquis, le peut doner, par l'assise ou l'usage de cest reiaume, auquelque il viaut de ces heirs, mais que ce soit par l'otrei de  celui  de  qui  il tient le fié. Et ce me distrent le Seignor de Seete, Mesire Bellian*, et Sire Nicolle Antiaume, desquels Dieu ait les armes: et je lor enquis ce, por ce que le Baill d'Ermenie me manda, preant que je lor enqueysce c'il poreit, par l'assise ou ousage dou reiaume de Jerusalem, doner le fié, que il avoit de son conquest, auquelque il vodreit de ces enfans, par l'otroi dou seignor, de qui il teneit le fié. Et ce qu'il me manda que je lor enqueysce por le Corc, que il diseit que il aveit conquis et que il voleit doner à Baron Oissin son fiz; et que Baron Sembat, le Conestable d'Ermenie, son ainzné fiz, contrediseit cel don, et diseit que il ne le poeit faire. Et por ce me manda il, que je lor enqueysce ce il le poreit faire. Et il me distrent que oy bien: car aussi come le conqueror dou fié le peut rendre et quiter au seignor de qui il le tient, et que, ce il le fait, ces heirs n'i pevent puis recouvrer le fié par l'assise ou l'usage de cest reiaume, le peut il par la dite assise ou par le dit usage doner auquelque il viaut de ses heirs par l'otrei de celui de qui il tient le fié, ou à l'un de ces heirs, seit à son dreit heir ou à autre... Et je, ensi corne il le me distrent, le mandai au dit Baill d'Ermenie, et il dona à Baron Oissin le Corc, qu'il ot et tint tant come il vesqui, l'oiant et le veant dou dit Conestable, son ainzné frere qui eust mit contredit et chalonge, c'il faire le peust par raison».

* Balian, l'un des deux conseillers de l'auteur, était Seigneur de Sidon et père de Julien, qui épousa Fimie, fille du roi Héthoum.