Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Pendant que cette partie de la Cilicie était encore sous la domination des princes d'Antioche, l'un des villages, appelé dans leur édit Churar, qui paraît être le Cherrare du chrysobulle de Héthoum, fut conféré par ces princes aux Chevaliers Teutoniques en 1149 et en 1163. Plus tard ceux-ci reçurent encore le hameau d' Agamir en face de Thil et les villages Gadire et Oupli? avec toutes leurs dépendances [1]. Dans le chrysobulle du prince sont cités en même temps que Thil, Haroun et Mamestie, aussi le district de Cafardan et son village de Mouserat [2], ce qui est une raison de supposer que ces lieux se trouvaient dans cette même région. De même il faudrait chercher non loin d'ici Levonia, ainsi appelée du nom du Baron Léon, et qui fut accordée aux chevaliers Teutoniques [3], l'an 1167, par le Prince Bohémond III. Le grand nombre des noms indiquent que les cinq autres forteresses principales, comme les deux plus célèbres, Amouda et Thil de Hamdoun, avaient aussi sous leur dépendance plusieurs villages et possessions dans cette région; mais aujourd'hui nous n'en connaissons presque pas même un avec des données certaines, soit ancien, soit moderne.

Je ne sais combien de temps la forteresse de Haroun resta aux mains des Teutons, probablement autant que le château d'Amouda ou un peu plus; car les Egyptiens exigeaient de notre roi, Haroun avec d'autres forteresses, et ils l'obtinrent enfin l'an 1337. Il est rapporté que plusieurs années auparavant (probablement en 1273), Léon II fit une expédition de ce coté, contre les maraudeurs égyptiens, il les surprit près de Haroun et les chassa.

Il nous reste de rechercher, au sud-est de Haroun, une autre forteresse célèbre, du nom de Saravan ou Saravani-kar, Sarvantave ou Saravanti-kar, selon les meilleurs manuscrits; ordinairement c ' est sous ce dernier nom que les auteurs arabes la citent, et l'appellent Servend-kiar, سروند كار. Le géographe turc connaissait ce lieu et le plaçait dans un vallon sur un rocher abrupt, mais à tort au nord; car alors il serait sur la rive droite du Djahan. Le beau nom arménien indique sa position et sa nature: comme Baudrom, Sarvante est situé sur un haut rocher, rude et escarpé; c'est l'un des châteaux les mieux fortifiés et les plus pittoresques du pays, Mais qu'il fut élevé par les Arméniens ou par les étrangers, probablement ce fut dans une époque antérieure à la domination des Roupiniens; au commencement du XII e siècle il se trouvait au pouvoir de Tancrède, le Chevalier ardent et belliqueux. A cette époque (1101) le comte Raymond de Saint-Gilles, de retour d'Occident, avec une armée de Croisés, fut défait par le sultan des Sarrasins et presque tous ses hommes furent massacrés, grâce à la trahison des Grecs; il s'empressa de s'enfuir à Antioche, mais Tancrède «le chargea de chaînes et l'envoya à la ville de Sarvantave (selon Mathieu d'Edesse). Quelques jours après, le patriarche des Francs qui résidait à Antioche, et d'autres prêtres encore, intercédèrent auprès de Tancrède en faveur du comte et obtinrent sa délivrance».

Notre historien royal rappelle ce fait, en donnant le nom de Sarvanti-kar à l'endroit de la prison, sans le désigner sous le nom de forteresse ou de ville; si à cette place était annexée une bourgade, comme il est probable, c'était au pied du rocher qu'elle devait se trouver: d'un autre côté sa position au sommet du rocher la rendant naturellement forte, n'exigeait pas de grands travaux de la part de l'homme. Le Baron Léon en 1135, réussit à l'arracher des mains des Occidentaux; «il en résulta un grand trouble entre Léon et les Francs», dit notre historien; ce qui causa une grande effusion de sang de part et d'autre. Cependant l'année suivante Bohémond, le prince d'Antioche, réussit à se saisir de Léon; il demanda pour sa rançon entre autres lieux, le château de Sarouanti-kar, et le laissa libre. Cinquante ans plus tard, (1185) Roupin son neveu, fut de même saisi par le Prince d'Antioche et ne put être délivré qu'en lui cédant le même fort. Mais ce lieu ne resta pas pour longtemps sous le domaine du prince d'Antioche; car nous trouvons que Léon le Magnifique, au commencement de son règne (1187), attaqua avec un petit nombre de soldats les maraudeurs turcomans, et après avoir tué Rustème leur conducteur, «il poursuivit les fuyards et les massacra jusqu'à Sarouanti-kar». Pendant son couronnement, le seigneur de la forteresse était Sempad, le frère du régent Constantin, de la famille des Héthoumiens. Son fils, Djofri, surnommé le brave soldat, lui succéda; il mourut au mois de décembre 1261, après avoir marié quelques années auparavant, Constantin, son fils aîné et successeur, avec Ritha la fille du roi Héthoum. Il désirait lui-même se marier avec Sibil, la veuve du roi Léon, mais Constantin, le bailli, son oncle, y mit opposition. A Constantin succéda Ochine, son frère, peut-être après son autre frère Sempad. On ne cite aucun héritier de ces deux princes, à part Zabel, fille d'Ochine, qui fut donnée en épouse à Thoros, fils de Gui d'Ibelin, noble franc et de Marie, fille du roi Héthoum.

Durant la seigneurie de Constantin eut lieu un événement mémorable à Saravan. Les Egyptiens avaient fait une incursion, l'an 1266, après la bataille désastreuse de Mari, mais ils ne purent pas s'emparer de Saravan; ils se rendirent maîtres cependant de Hamousse et la ruinèrent. C'est en ce même temps qu'eut lieu un épouvantable tremblement de terre, qui détruisit entre autres le fort de Saravani-kar; «il se fendit en deux et se renversa, enterrant sous ses ruines tous les habitants, excepté quelques-uns» [4] . Il paraît pourtant qu'on la restaura immédiatement; car il en est question dans le traité de Constantin avec les chevaliers Allemands, dont nous avons l'original de l'an 1271; leurs possessions, comme nous l'avons vu, s'étendaient jusqu'à Haroun et aux alentours, c'est-à-dire, jusqu'aux frontières de Saravan. Cette frontière était marquée par une colline du nom de Sève-bourdj, (Tour-Noire), au sommet de laquelle se trouvaient une croix et un poirier. Les chevaliers avaient établi tout près une douane, pour imposer les passants: cela était une cause d'inimitié avec les habitants de Saravan. Constantin persuada aux chevaliers de transporter leur douane un peu plus en de çà ou au delà de Sève-bourdj, et par les signatures de Sempad son frère et d'autres nobles, il fit valider l'acte des conditions. Ce fait nous fait voir que ce lieu appartenait aux seigneurs de Saravane, qui avaient accordé aux chevaliers par faveur d'y poser la douane. Comme ce traité est l'unique dont l'original arménien soit conservé, tous les autres étant perdus, nous publions ici la traduction française. L'original se trouve dans les archives de Venise.

 

+ Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Je fais savoir à vous tous qui aurez connaissance de cette Charte, que nous Constantin, serviteur de Dieu, et fils du Baron Djofré, et Seigneur de Sarvanti-kar; nous sommes venus au coteau de la Tour-Noire, se trouvaient la Croix et le poirier; nous et le très-grand Maître des Hospitaliers Allemands, le frère Jean [5] : et sur le susmentionné coteau étaient la Croix et le poirier, ils avaient bâti leur maison pour leur péage; ce qui se faisait contre notre consentement, et était cause de beaucoup de querelles entre eux et nous. C'est pourquoi nous vînmes, nous et le sus-nommé Maître, au lieu susmentionné, au coteau de la Tour-Noire, étaient la Croix et le poirier, et nous avons convenu nous et le Maître et ses..., qu'ils établiront leur douane à la Tour-Noire, s'ils veulent dans l'intérieur de la Tour même, ou s'ils veulent en dehors près de la Tour, et qu'ils percevront leurs droits de péage de la route, de la même manière qu'ils ont fait jusqu'au jour nous avons écrit cet Acte: et que sur l'emplacement de cette maison, qu'ils avaient bâtie, (ce à quoi nous ne consentions pas), près du poirier et près de la Croix, sur le coteau, ils ne construiront point de maison, ni eux, ni leurs Commandeurs à venir.

Et nous avons donné notre Charte et la signature de notre propre main au très-grand Maître et à sa maison, afin qu'elle soit durable pour toujours.

Cela fut écrit l'an 720 de la grande Ère Arménienne. Confirmé par le témoignage du très-noble prince notre frère le Baron Sempad, et les très-honorables Chevaliers, Sir Gosdantz, et Sir Renald, et Sir Couyner [6] . Cela fut écrit dans la petite Ere, le 15 Juin, et 14 de l'Ere.

PAR CONSTANTIN.

C'est dans la région de Saravante que Sempad, le vieux généralissime et connétable des Arméniens, réussit à battre les Egyptiens une dernière fois l'an 1276; et c'est dans cette même bataille qu'il fut blessé mortellement et mourut couvert de gloire.

Malgré les répétitions nous croyons devoir encore dire, que les Egyptiens devenant de jour en jour plus forts, tandis que les Arméniens s'affaiblissaient, exigèrent, avec les châteaux mentionnés plus haut, aussi ceux de Sarouanti-kar et de Govara ou Gouvaira. Le seigneur de ce dernier n'est pas mentionné dans la liste de ceux qui se trouvaient présents à la solennité du couronnement de Léon. Je crois que ce Govara n'est autre que la forteresse de Gouvaira, que Constantin, seigneur de Lambroun et neveu de Saint Nersès, accorda, l'an 1233, aux Hospitaliers. Le chrysobulle, écrit en français, se conservait autrefois dans un couvent de leur pays, aujourd'hui il ne s'y trouve plus. En réalité ce lieu est assez loin de Lambroun, mais Constantin pouvait l'avoir obtenu par héritage; la découverte du chrysobulle vérifierait peut-être cette supposition et permettrait de le distinguer de Sghévra, avec lequel on pourrait le confondre facilement.

Govara est tout près du fleuve Djahan, nous le connaissons par le continuateur de l'historien Sempad, lorsqu'il dit en parlant de la cavalerie des Egyptiens, l'an 1322: «La cavalerie qui se trouvait en présence de Govara, avait jeté un pont de bateaux sur le fleuve». Un prêtre, nommé David, copiait un livre, l'an 1335, «dans cette forteresse inaccessible de Govara, sous la protection de la Sainte Vierge»: ce sont ses propres paroles.

A part ces forteresses qui ne sont connues que par les mentions des manuscrits, nous en trouvons dans ces mêmes régions, à l'est des sources du ruisseau Ara, au pied des montagnes Amanus, deux autres qui portent des noms turc: Tchardak et Topra ou Toprak-kaléssi. La première est plus à l'est et plus près des montagnes Amanus, sur un haut sommet couvert de pins; dans quel état se trouve-t-elle actuellement, je l'ignore; à ses pieds, nous trouvons le village du même nom.

A un kilomètre à l'ouest de cette forteresse, après la soumission des montagnards des Monts-Noirs, on a bâti un village qu'on appelle Osmanié, et selon d'autres Asmanié: il est habité par des Circassiens et des montagnards de l'Amanus. Il compte environ 150 familles, dont cinq seulement sont arméniennes; chez une de ces dernières logea Davis, le 28 avril 1875. Le village est pourvu d'un marché. A cause de l'abandon des alentours on y voit souvent des bêtes féroces, surtout des loups, pendant l'hiver, et il y a quelques années, un léopard y avait déchiré un homme et quatre enfants.

L'autre forteresse Toprak (Château de terre) est beaucoup plus à l'ouest, près du fleuve, sur un plateau conique, à la hauteur de 80 mètres, construite avec des roches éruptives, des basaltes noirs, provenant de la colline d'origine volcanique. Du sommet de ses murailles on aperçoit au nord une vaste plaine s'étendant presque jusqu'au pied des montagnes Taurus, et bordée à droite et à gauche par les montagnes de Messis et d'Amanus; enfin au nord-ouest on découvre les murailles d'Anazarbe et de Sis. Le fort n'est pas entièrement ruiné; il a double enceinte, l'intérieure est assez bien fortifiée; on y voit un donjon dont les étages à grandes arcades, sont garnis tout autour de petites chambres voûtées; dans la cour il y a une citerne, plus en bas des greniers et des écuries. La colline est complètement buissonneuse et pleine de serpents: à ses pieds on voit les restes de l'ancien hameau; un minaret de la mosquée construit de pierres noires volcaniques, est encore debout. On y remarque en outre des débris de colonnes et une abaque corinthienne de marbre blanc. Probablement c'est l'une des forteresses mentionnées dans le chrysobulle de Héthoum.

Entre ce fort au sud et Yelan-kalé au nord se trouve le village Djamili, au bord du Djahan, ainsi appelé à cause de son haut minaret qu'on voit d'assez loin. Ce furent des paysans qui construisirent ce minaret; ils furent en compensation exemptés de l'obligation de la dîme. Près de la colline Toprak il y en a un autre village du nom d'Azizli, à l'entour duquel on trouve des tombeaux avec des chiffres romains.

Un peu plus loin, au nord-ouest d'Osmanié, entre le ruisseau Carpouze ou Yalbouze à l'est, et la grande chaîne de l'Amanus, il y a un étroit passage ou défilé, appelé Dévricheli ou Dévriche-béli; c'est un passage assez difficile, et dans l'endroit le plus resserré s'élève un fort à demi ruiné, appelé par les Turcs Keupék-kaléssi (fort du chien). Ce passage conduit du nord à un autre défilé appelé Billéli-béli, qui passe près d'une sommité du même nom; la vallée s'étend plus au loin et à son extrémité se trouve un village appelé Bahdjé, de 150 habitants environ, selon Davis, tous protestants arméniens, à part quelques mahométans. Les alentours du village construit près de l'union des deux vallons du ruisseau Yalbouze, ont un aspect sombre et grandiose, grâce aux formes tourmentées que prennent les rochers et les arbres.

Davis qui, en 1875, de la bourgade Osmanié se rendit à Marache, en traversant les passages des monts Dévricheli et Billéli, a laissé une belle description de ces rochers raides et escarpés. Si par hasard, dit-il, une pierre venait à se détacher, elle tomberait perpendiculairement dans la rivière (Yalbouze), d'une hauteur de plusieurs centaines de pieds. On a, du haut de ces défilés une vue superbe sur les monts Ghiavour-dagh: ils sont tout couverts de cèdres; la vallée est également riche en pins, en chênes et en autres espèces d'arbres. Le ruisseau, d'une eau limpide et claire, forme tantôt un courant rapide, tantôt des cascades sur de grandes masses de marbres rouges et verts; ici il enlace des racines rondes d'arbres noueux et séculaires, il reste ferme comme un lac paisible, et de tous côtés la vallée lui apporte de petits ruisseaux.

De çà et de sont dispersées des cabanes, avec peu de terrains cultivés sur des pentes presqu'inaccessibles, du côté du ruisseau. Davis estime les habitants de ces lieux plus heureux que ceux de l'Europe, dans les mêmes conditions; ils sont pauvres, dit-il, mais se contentent de peu, ils sont sobres, simples modestes et pieux.

Après avoir marché quatre heures à travers le défilé, Davis remonta le cours du ruisseau et de son affluent à 3, 500 pieds de hauteur. Après il se tourna à l'est et parvint au. village arménien Kizel-aghadj Odoussou? et descendit chez le principal des Arméniens appelé Thoros Tchakerian, dont les propriétés et les vignes étaient à Hovdou? Davis se plaint de ce que le gouvernement n'avait pas donné d'emploi public à un personnage si habile. Il mentionne encore un maître ou instituteur et des élèves, signe évident qu'il y avait une école dans ce lieu. Des abaques des colonnes de marbre blanc, apportées d'Anazarbe, indiquaient la construction future d'une église.

En continuant à avancer de ce côté vers le nord on arrive aux frontières de Marache, située encore dans la vallée du Djahan.


[1] In terra Aronie casale Churar cum suis pertinenciis... Ante Tilium gastinam nomine Agamir, cum pertinenciis suis. Casale Gadir... Casale... Uplie, cum pertinenciis suis. Paoli.

[2] In terra Cafardan casale Muserat, cum pertinenciis suis. Paoli.

[3] Levoniam quidem cum divisis suis. Id.

[4] C'est un chroniqueur contemporain qui dit ceci. Quant aux autres lieux nous en avons déjà parlé plus au long dans la pysiographie.

[5] Dans la liste des Commandeurs des chevaliers Allemands, on ne trouve pas ce nom de Yan, maison trouve celui de Anno ou Hanon Sangershausen; les Occidentaux croient que celui-ci resta toujours en Allemagne; toutefois d'après les paroles de l'édit authentique, on peut croire qu'il ait été en 1271 en Orient, et dans la Cilicie, ou qu'il y ait laissé son lieutenant appelé Yan.

[6] Tous ces honorables chevaliers paraissent être Arméniens. Le titre honoraire Sir ou Sire était adopté par l'aristocratie arménienne du royaume de la Cilicie. Le nom Cosdantz Կոստանց s'y rencontre souvent; Couyner Գոյներ est le surnom d'une famille; à l'époque fut passé cet Acte vivait un prêtre, Etienne Couyner ou Couyn-Yéritzantz, Գոյն Երիցանց dont nous possédons, quelques manuscrits. Le nom de Renald, Erenaghd Ըռընաղտ, n'est pas arménien.