Des
trois
districts
que
nous
avons
mentionnés,
selon
la
dernière
statistique
ottomane,
le
plus
à
l'est
et
au
nord
c'est
celui
de
Zeithoun;
celui
de
Fernouz
est
à
l'ouest,
et
celui
de
Gaban,
au
sud.
Tous
les
trois
sont
formés
d'un
terrain
montueux
inégal,
avec
des
vallons
étroits
et
raboteux.
Ainsi,
grâce
à
la
configuration
de
leur
pays,
les
habitants
ont
pu
vivre
dans
une
certaine
sûreté
et
conserver
leur
liberté,
en
se
réfugiant
dans
les
places
fortes
formées
par
la
nature.
Les
montagnes
qui
sont
indiquées
sur
des
cartes
géopographiques
et
qui
séparent
les
confins
de
Hadjine
et
de
Coc,
sont
le
Koche-dagh
au
nord-ouest
de
Zeithoun,
le
Kandil-dagh
du
même
côté,
au
pied
duquel
il
y
a,
près
du
village
Bentoukh,
un
lac
très
riche
en
sangsues,
aussi
l'a-t-on
appelé
Suluglu-gueul.
Au
sud-ouest
de
ce
lac
s'élèvent
les
deux
montagnes,
la
Grande
et
la
Petite,
Tchavdar,
la
dernière
est
au
sud
de
l'autre,
et
touche
au
mont
Tozlou;
entre
ces
montagnes
et
le
lac
s'étendent
des
pâturages
et
des
maisons
de
campagne
appelées
Khnekhoze
(
Խնըխօզ
).
La
montagne
que
l'on
voit
au
sud-ouest
est
le
Kezel-dagh,
qui
sera
peut-être
l'ancien
mont
Garmir
des
Arméniens.
Au
sud-est
de
cette
dernière
sommité
s'élève
le
Saghdaly,
d'où
sort
le
ruisseau
Sève
aghpure
(Source
noire),
qui
se
dirige
vers
Zeithoun;
non
loin
du
Saghdaly,
au
sud-ouest
c'est
le
mont
Tchoukhourlouk,
en
arménien
Dzovk
(les
mers);
puis
dans
la
même
direction
et
au
nord-ouest
de
Gaban,
un
peu
plus
loin
s'élève
la
grande
montagne
Asdouadzachèn
(Construite
par
Dieu).
Toutes
ces
montagnes
sont
à
l'ouest
de
Zeithoun
un
peu
vers
le
nord;
du
côté
de
l'est,
entre
Albisdan
et
Marache,
on
trouve
les
monts
Alichèr,
Èngouzég
ou
Anguedzeg
(écrit
sur
quelque
carte
En-yuksék,
en
turc:
le
plus
haut);
et
du
côté
du
sud
le
Kawkirt;
enfin
au
sud-ouest
de
ce
dernier,
près
de
Zeithoun,
sur
les
confins
de
Marache,
le
Khopoug.
La
haute
et
célèbre
montagne,
Brid
ou
Bérit,
est
la
sommité
principale
de
la
chaîne
qui
se
trouve
au
nord
de
Zeithoun;
elle
n'est
pas
assez
loin
de
la
ville.
Plus
au
nord,
on
trouve
encore
les
monts
Yédi-kardache
(sept
frères).
Dans
le
mémoire
d'une
bible,
laissée
par
le
catholicos
de
Sis,
Garabied
d'Oulni,
au
couvent
d'Angora,
qui
dépendait
de
son
siège,
on
trouve
l'explication
du
nom
de
cette
montagne.
Selon
l'éthymologie,
Brid
veut
dire
froid.
Cette
montagne,
à
laquelle
on
suppose
une
hauteur
de
10,
000
pieds,
est
en
effet
toujours
couverte
de
neige,
ce
qui
est
la
cause
de
la
fraîcheur
de
l'eau
de
la
rivière,
qui
prend
sa
source
sur
cette
sommité
et
descend,
au
sud
vers
Zeithoun,
s'unit
d'abord
avec
l'
Aghadjar,
en
un
lieu
appelé
Kavourma,
et
traverse
un
étroit
vallon.
Célèbre
par
sa
conformation
naturelle
et
ses
produits,
le
mont
Brid
est
à
la
fois
un
magasin
de
vivres
et
une
retraite
fortifiée
pour
les
habitants
de
Zeithoun.
Il
renferme
de
riches
mines
de
fer,
et
le
sol
fertile
abonde
en
plantes
alpestres
dont
les
espèces
varient
selon
l'exposition
des
lieux
et
leur
altitude,
comme
le
remarque
le
savant
allemand
Haussknecht.
L'an
1865,
il
en
a
trouvé
plus
de
200
espèces,
parmi
lesquelles
quelques-unes
étaient
encore
inconnues
et
furent
appelées
Bridéennes,
du
nom
de
la
montagne,
ou
reçurent
le
nom
de
l'explorateur,
ou
de
la
province
de
Cataonie,
selon
l'opinion
du
botaniste.
Prenant
en
considération
le
grand
nombre
de
ces
plantes
et
la
nouveauté
de
plusieurs
d'entre
elles,
afin
de
ne
pas
charger
de
trop
mon
texte
avec
une
longue
nomenclature,
j'ai
cru
bien
faire
d'ajouter
dans
les
annotations
une
liste
que
j'ai
dressé
d'après
la
Flore
Orientale
du
savant
botaniste
Boissier,
à
qui
Haussknecht
avait
envoyé
son
herbier
[1].
Le
catholicos
Garabied
que
nous
avons
cité
plus
haut,
indique
les
noms
des
trois
montagnes,
qui
entourent
de
près
la
ville
de
Zeithoun.
L'une
s'appelle
Barzenga
ou
Bérzénghian;
elle
est
fendue
en
deux,
l'une
de
ces
deux
parties
s'appelle
Mavoulou
et
s'élève
du
côté
est
de
la
ville,
près
du
couvent
de
la
Sainte
Mère
de
Dieu;
la
seconde
s'appelle
Aïradz
(brulée),
et
s'étend
au
nord,
près
des
vignes
de
Zeithoun;
et
la
troisième,
nommée
Ganguerod,
est
située
à
l'ouest.
Les
habitants
du
pays
croient
qu'elle
fut
ainsi
appelée,
à
cause
des
artichauts
que
les
compagnons
de
Saint
Etienne
d'Oulni
y
cueillaient;
le
mot
arménien
կանգռոտ
signifie,
en
effet,
lieu
des
artichauts.
Les
noms
de
ces
montagnes
semblent
leur
assigner
une
origine
volcanique,
de
même
que
les
eaux
thermales
et
minérales
que
l'on
trouve
à
l'est
de
Zeithoun.
La
dernière
montagne,
dont
nous
avons
supposée
la
situation
à
l'ouest,
nous
rappelle
la
montagne
Gonguernade
(
Կոնկըռնատ
)
dans
le
district
de
Coc
(
Կոկ)
Mathieu
d'Edesse
écrit
Goncanag:
c'est
là
que
durant
65
ans,
Marc,
le
solitaire
arménien
ou
syrien,
(qui
mourut
à
Castalon),
passa
sa
vie
dans
la
prière
et
la
mortification.
La
puissance
de
ses
«prières,
avait
fait
sourdre,
dit-on,
deux
sources
aux
alentours»;
et
on
dit
même
qu'il
prédit
la
reprise
de
Jérusalem
par
les
Sarrasins,
après
la
conquête
par
les
chrétiens.
Comme
l'historien
d'Edesse
pose
l'endroit
dont
nous
parlons,
dans
le
district
de
Coc
et
près
de
Marache,
il
doit
être
sans
doute
à
la
frontière
de
ces
deux
provinces,
où
est
situé
Zeithoun;
ainsi
nous
pouvons
admettre
que
Zeithoun
était
compris
dans
le
district
de
Coc.
Sur
une
carte
qui
a
été
publiée
dernièrement,
nous
voyons
indiqué
une
haute
montagne
sans
nom
au
sud-est
de
Cocussus,
à
deux
ou
trois
lieues
de
distance,
et
au
nord
du
village
de
Gantchi;
peut-être
cette
montagne
est-elle
la
même
que
Gonguernade,
droit
à
l'ouest,
peu
loin
de
Zeithoun.
Je
mentionne
aussi
ici
la
ville
ou
la
place
forte
de
Longhinach,
Լոնգինակ,
à
cause
de
la
ressemblance
de
son
nom
avec
Gonguernade.
La
position
de
Longhinach
nous
est
restée
inconnue:
là
dominait
autrefois
le
franc
Bernard
surnommé
l'
Etranger
(Extraneus).
Le
même
lieu
est
indiqué
encore
par
Anna
Comnène
dans
son
Alexiade,
comme
une
ville
de
la
Cilicie;
elle
l'appelle
Λογγινιάδα,
et
elle
fut,
dit-elle,
subjuguée
avec
les
villes
de
Tarse,
d'Adana
et
de
Messis,
par
Monaster,
général
de
son
père
Alexis,
l'an
1104.
Près
de
Zeithoun,
au
nord-ouest,
s'élève
encore
la
montagne
Solakh,
où
l'on
voit
une
immense
grotte
avec
des
stalactites.
De
nombreuses
rivières
descendent
des
montagnes
qui
entourent
la
ville;
l'une
s'appelle
Sève-tchour
(l'Eau
noire)
et
descend
de
la
montagne
Saghdaly;
on
a
jeté
plusieurs
ponts
sur
cette
rivière
qu'on
désigne
sous
les
noms
de
Sève-aghpure,
Tchou-khour,
Kaba-kéchiche,
Aghpurove,
près
de
Zeithoun.
Une
autre,
l'
Aghadjarghi,
prend
sa
source
sur
la
montagne
Brid;
son
pont
principal
s'appelle
Gharsi.
D'autres
ponts
encore
ont
été
jetés
des
deux
côtés
de
la
ville,
et
ils
sont
surmontés
par
de
grandes
croix
en
fer
pour
leur
protection:
l'un
de
ces
derniers
s'appelle
Վարդապետի
կամուրջ
(le
pont
du
maître
ou
du
Docteur).
La
ville
de
Zeithoun
est
située
sur
un
haut
plateau;
mais
comme
elle
est
dominée
par
les
cimes
de
hautes
montagnes,
elle
semble
s'élever
au
milieu
d'un
vallon;
cependant
elle
a
une
altitude
de
3,
500
pieds.
Le
plateau
est
assez
vaste
pour
contenir
des
vignes
et
des
plantations
de
figuiers
et
de
coton,
signes
d'un
climat
tempéré,
d'une
bonne
culture
et
du
progrès
du
pays.
Le
Catholicos
Garabied
en
a
décrit
sa
position
l'appellant
Petite
ville:
«Zeithoun,
dit-il,
est
bâtie
entre
les
trois
montagnes
voisines
de
Barzinga,
d'Aïradz
et
de
Ganguerode,
enfoncée
dans
un
vallon
fertile,
où
le
terrain
produit
des
vignes,
des
oliviers,
des
grenadiers,
des
figuiers,
etc:
il
produit
encore
du
coton
et
de
la
soie;
il
y
a
aussi
des
mines
de
fer.
La
villette
se
désaltère
dans
l'eau
douce
et
murmurante
du
petit
ruisseau
qui
descend
de
la
montagne
Brid,
dont
le
nom
veut
dire
froid,
à
cause
de
la
neige
éternelle
qui
couronne
sa
cime.
Cette
ville
possède,
à
l'est,
au
pied
de
la
montagne
Barzenga,
le
superbe
couvent
de
la
Sainte
Vierge
bâti
par
les
Apôtres;
et
un
peu
en
avant,
au
sud,
la
plaine
fertile,
qui
a
l'eau
thérapeutique
de
Tchermoug,
et
la
belle
église
du
Sauveur».
Le
produit
le
plus
remarquable
du
terrain
est
sans
doute
le
fer,
dont
les
mines
principales
sont,
comme
nous
l'avons
dit
plus
haut,
dans
la
montagne
Brid.
Les
mineurs
amassent
d'abord
le
minerai
au
pied
du
mont
Saghdaly,
et
en
automne
ils
le
transportent
dans
leurs
fonderies
et
dans
leurs
usines.
Ce
métal,
depuis
une
époque
très
reculée,
a
toujours
été
pour
les
habitants
une
garantie
de
travail,
de
subsistance,
d'activité
et
d'une
certaine
liberté;
non
seulement
ils
le
vendent,
mais
encore
ils
s'en
servent
pour
se
fabriquer
leurs
armes.
Dès
leur
enfance
ils
s'exercent
au
maniement
des
armes
et
les
portent
jusqu'à
leur
vieillesse.
En
cas
de
guerre
ou
d'attaque,
tous
les
hommes
de
16
à
60
ans
s'enrôlent.
Plusieurs
fois
ils
ont
combattu
contre
les
mahométans
du
voisinage;
d'autres
fois
ils
se
sont
alliés
avec
eux
contre
l'oppression
des
gouverneurs.
Tantôt
ils
leur
obéissaient
leur
payant
un
tribut;
tantôt
ils
se
déclaraient
sujets
du
seigneur
des
montagnes
Kozan,
qui
dans
la
première
moitié
de
notre
siècle
s'était
emparé
des
districts
du
voisinage
de
Hadjine
et
de
Sis,
les
tyrannisait
et
exigeait
un
tribut:
pourtant
les
habitants
le
payaient
pour
sauvegarder
leur
liberté.
L'origine
du
nom
Zethoune
Զեթուն,
comme
il
est
écrit
dans
les
livres,
nous
reste
inconnu;
par
habitude
générale
on
dit
à
présent
Zeithoun;
nous
ne
pouvons
pas
attribuer
ce
nom
à
l'olivier,
(car
zeithoun
en
turc
signifie
olive)
ni
même
à
la
tribu
des
Dzaïthounik,
Ծայթունիք.
Nous
ne
connaissons
pas
non
plus
l'origine
de
cette
communauté
libre,
ni
les
événements
historiques
qui
s'y
rattachent
dans
les
premiers
siècles.
Il
s'est
passé
pour
Zeithoun
le
contraire
de
ce
qui
eut
lieu
pour
les
autres
pays
arméniens.
Pour
ces
derniers
nos
livres
nous
donnent
le
récit
de
la
splendeur
et
des
événements
des
anciens
temps;
tandis
qu'ils
laissent
dans
l'obscurité
l'histoire
des
temps
actuels:
de
Zeithoun
on
ne
connaît
pas
l'origine,
mais
on
connaît
très
bien
l'état
présent.
Selon
la
tradition
encore
en
honneur
chez
les
Zeithouniens,
leurs
ancêtres
seraient
originaires
du
bourg
ou
du
village
voisin
d'Ané
ou
Ani,
cité
dans
nos
auteurs
comme
une
place
forte.
Il
est
presque
sûr
et
même
historique,
qu'après
la
suppression
du
royaume
de
Sissouan,
quelques
seigneurs,
maîtres
des
forteresses
des
montagnes,
conservèrent
leur
liberté,
comme
dans
les
places
fortes
des
Portes
de
la
Cilicie,
et
surtout
dans
la
région
de
Gaban.
Un
écrivain
de
mémoires
qui
vécut,
un
siècle
environ
après
l'extinction
du
royaume
des
Arméniens,
écrit
que
lui-même
descendait
de
la
famille
de
Héthoum,
le
dernier
généralissime
des
Arméniens;
lequel
continua
à
lutter
contre
les
Egyptiens,
même
après
que
Léon
V
eut
été
emmené
en
captivité:
il
ajoute
que
Zarmanouhi,
la
courageuse
femme
de
ce
général,
avait
elle-même
fait
prisonnier
le
fils
du
sultan,
qu'un
traître
nommé
Grégoire,
le
délivra
et
tua
même
Héthoum
le
général;
Zarmanouhi,
effrayée,
«s'enfuit
alors
dans
les
montagnes
de
Cocussus
et
d'Oulni,
et
elle
y
passa
cinq
ans;
après
quoi
elle
réunit
300
montagnards
et
avec
son
fils
(George)
s'empara
de
Gaban,
et
délivra
le
peuple
pour
soixante-cinq
ans,
du
joug
des
Turcs.
Les
exploits
de
Zarmanouhi,
de
Héthoum
son
mari,
et
de
ses
fils,
sont
écrits
dans
les
livres
de
mémoires
du
couvent
de
St.
Garabied
et
de
celui
de
St.
Etienne
à
Gantchi
et
dans
celui
du
couvent
de
Fernouz;
comme
encore
y
sont
écrits
tous
les
événements,
les
combats,
le
grand
tremblement
de
terre,
la
grande
famine
et
la
peste.
L'auteur
de
ce
mémoire
qui
se
dit
descendant
de
Héthoum
et
de
Zarman»,
est
un
nommé
D
r.
Cyriaque
(1473),
qui
était
frère
du
D
r.
Jean,
prêtre
de
Gantchi;
ce
dernier
était
le
père
de
Héthoum
et
de
Léon.
De
la
même
famille
descendaient
aussi
ceux
qui
en
1557
ont
restauré
le
livre,
dans
lequel
se
trouve
écrit
le
mémoire
de
ce
D
r.
Cyriaque,
et
qui
sont:
le
D
r.
Luc,
supérieur
de
Zeithoun
ou
de
St.
Garabied,
et
son
frère
le
prêtre
Mathieu,
père
de
Sarkis
et
de
Léon.
On
devrait
chercher
dans
les
couvents
de
ces
régions
les
mémoires
et
les
documents
des
églises;
on
y
découvrirait
peut-être
quelques
renseignements
sur
les
faits
accomplis
dans
ces
contrées,
surtout
depuis
le
XV
e
siècle
jusqu'à
nos
jours.
Mais
un
souvenir
beaucoup
plus
ancien
et
plus
sacré
que
tous
les
autres
se
rattache
à
ces
lieux:
c'est
le
martyre
de
Saint
Etienne
d'Oulni,
de
sa
mère
et
de
ses
36
compagnons,
originaires
de
différentes
régions;
plusieurs
étaient
de
Cocussus,
où
demeuraient
les
parents
mêmes
de
ce
saint,
Lazare
et
Marie,
qui
étaient
originaires
d'Antioche;
et
c'est
à
Cocussus
même
que
naquit
notre
Saint
et
qu'il
fut
élevé.
Pendant
la
persécution
de
Julien,
lorsque
le
juge
Socrate
vint
à
Cocussus,
les
fidèles
s'enfuirent
et
s'établirent
dans
ces
régions
montagneuses.
Etienne,
ou
Somnas
son
compagnon,
l'un
des
deux,
allait
sur
le
plateau
de
la
montagne
pour
y
ramasser
des
chardons,
(on
peut
concevoir
par
là
la
nature
et
la
hauteur
du
lieu);
trahis
par
un
berger,
ils
furent
arrêtés
et
conduits
au
tribunal
du
juge,
qui,
de
Cocussus
était
arrivé
à
la
forteresse
«qui
s'appelle
à
présent
Gantchi».
Cette
dernière
expression
du
mémoire
ou
de
notre
écrivain
Grégoire,
(dont
le
texte
grec
traduit
en
arménien
au
XI
e
ou
XII
e
siècle
[2],
a
été
trouvé
à
Constantinople),
nous
fait
comprendre
qu'anciennement
les
Grecs
appelaient
cette
place
d'un
autre
nom.
La
mère
du
Saint
et
les
vierges
furent
jugées
et
martyrisées
à
l'entrée
d'un
vallon
au
pied
de
la
montagne;
quant
à
Saint
Etienne
et
à
ses
compagnons,
le
juge
ordonna
de
les
conduire
près
du
torrent
et
de
les
tuer.
On
les
emmena
au
lieu
du
martyre,
dans
un
vallon
profond,
à
quelque
distance
du
lieu
où
les
vierges
avaient
été
martyrisées.
On
les
voulut
d'abord
brûler,
mais
leurs
corps
restant
intacts,
on
les
passa
au
fil
de
l'épée.
Les
fidèles
vinrent
relever
les
corps
et
ils
construisirent
dans
ces
lieux
trois
églises,
l'une
sur
le
lieu
du
martyre
des
saintes
vierges,
elle
fut
appelée
Cathédrale
(
Կաթողիկէ
);
la
seconde
en
l'honneur
des
compagnons
de
Saint
Etienne,
et
la
troisième
pour
recevoir
les
reliques
du
Saint;
elle
fut
placée
sous
le
vocable
de
son
nom
et
bâtie
devant
la
fontaine
miraculeuse
qui
jaillit
pour
le
salut
des
malades,
et
fut
la
cause
qui
peupla
ce
lieu
désert.
Comme
le
père
du
Saint
était
déjà
mort
et
avait
été
enterré
(selon
quelques-uns
sur
le
mont
Asdouadzachèn,
à
l'ouest
de
Gaban),
il
ne
doit
pas
être
compté
au
nombre
des
36
martyrs
que
notre
église
fête
avec
une
hymne
particulière,
dont
la
dernière
strophe
dit:
«Tu
as
été
choisi
par
le
Saint-Esprit
pour
la
joie
de
l'Eglise,
et
tu
as
éclairé
les
enfants
de
Thorgom,
(les
Arméniens);
aujourd'hui
les
fidèles
se
réjouissent
et
célèbrent
la
fête
de
ta
victoire;
prie
le
Seigneur
qu'il
nous
accorde
la
vie
éternelle».
Probablement
le
grand
Chrysostome
qui
était
encore
en
bas
âge
lors
du
martyre
de
Saint
Etienne,
durant
son
exil
à
Cocussus,
aura
visité
l'église
du
Saint,
qui
était
fils
de
l'un
de
ses
compatriotes,
(Lazare
d'Antioche).
Nous
avons
une
biographie
de
ce
grand
Docteur,
écrite
I'an
1328,
«dans
le
saint,
magnifique
et
célèbre
couvent
de
Saint
Etienne
d'Oulni
et
de
ses
34
compagnons».
L'écrivain
Etienne,
mentionne
encore
le
supérieur
et
le
directeur
du
couvent
«de
ces
saints
et
braves
martyrs»,
le
P.
Thoros,
le
gardien
Constantin,
l'économe
Basile,
et
une
dixaine
de
religieux,
qu'il
nomme
séparément.
Le
nom
d'
Oulni
n'est
cité
ni
dans
ce
mémoire,
ni
dans
le
martyrologe
ancien
ni
dans
le
nouveau;
il
paraît
que
c'est
le
nom
du
lieu
du
martyre
de
ces
Saints;
pour
quelques-uns
c'est
l'ancien
Fernouz,
pour
d'autres,
Zeithoun.
Mais
quelle
est
l'origine
de
ces
noms,
Oulni
et
Zeithoun?
La
date
la
plus
ancienne
du
nom
de
Zeithoun
que
j'aie
rencontrée
dans
les
manuscrits
se
rapporte
à
deux
de
ses
évêques,
qui
ont
vécu
vers
le
commencement
du
XVI
e
siècle,
ou
plutôt
dans
la
seconde
moitié
du
XV
e;
car
ces
personnages,
pour
se
trouver
évêques
dès
l'année
1526,
devaient
avoir
un
certain
âge.
Naturellement
la
fondation
de
Zeithoun
ou
l'établissement
de
la
colonie
Arménienne
doit
être
plus
ancienne,
et
je
suis
d'opinion
qu'elle
doit
être
même
très
ancienne.
Après
ces
deux
évêques
(voir
la
liste
ci-dessous),
et
après
d'autres
sans
doute,
je
trouve
dans
l'année
1586,
Jean,
un
de
leurs
successeurs,
qui
avec
trois
ou
quatre
autres
évêques
signa
une
lettre
de
témoignage,
adressée
au
Pape
Grégoire
XIII,
pour
l'élection
du
D
r.
Azarie
à
la
succession
de
Khatchadour,
Catholicos
de
Sis.
Dix
ans
plus
tard
(1596)
je
retrouve
le
nom
de
Zeithoun
dans
un
livre
d'Ordination
des
clercs,
écrit
pour
l'évêque
Jacques
«dans
le
couvent
de
Zeithoun,
près
de
l'église
de
la
Sainte
Vierge,
pendant
le
supériorat
de
l'archevêque
Dér
Dzéroun»
(p.
200-
Fac-simile,
tiré
d'un
livre
d'Ordination,
écrit
à
Zeithoun,
en
1596
[3]
).
Dans
un
mémoire,
ce
couvent
est
appelé
Karavedag
(de
quatre
sources).
Ce
même
couvent
et
le
rectorat
d'Oulni,
qui
est
situé
au
pied
du
mont
Barzenga,
sont
appelés
par
le
Catholicos
Garabied,
fondé
par
les
Apôtres,
ce
qui
prouve
leur
antiquité;
il
serait
intéressant
de
chercher
des
renseignements
dans
les
archives
de
Sis,
s'il
en
reste
encore.
A
la
fin
du
XVI
e
siècle
et
au
commencement
du
XVII
e,
on
trouve
plusieurs
fois
le
nom
du
prêtre
Vahan
de
Zeithoun
mentionné
comme
un
excellent
calligraphe;
il
eut
plusieurs
élèves,
dont
l'un,
le
clerc
Hagopig,
était
aussi
«du
bourg
de
Zeithoun»;
il
s'était
retiré
à
Sébaste
et
pour
chasser
sa
tristesse,
s'occupait
à
copier
des
livres;
il
se
souvient
avec
gratitude
de
ses
professeurs
et
de
«son
frère
de
lait
Alexis
»,
qui
l'aida
dans
la
copie
des
livres.
Dans
un
de
ses
manuscrits
de
1608
il
dit:
«J'étais
étranger
et
triste
de
cœur
personne
ne
me
prêtait
assistance,
je
pleurais
toujours
et
j'étais
dans
l'incertitude;
mais
mon
compatriote
de
Zeithoun,
le
pélerin
diacre
Arakel,
qui
était
un
commerçant,
me
conduisait
dans
sa
chambre
et
me
consolait,
en
me
donnant
à
manger
et
à
boire,
et
il
me
disait:
Mon
frère,
ne
vous
tourmentez
point,
car
je
vous
délivrerai
de
ce
monde
cruel
et
difficile»
[4].
Vahan,
écrivait
encore
en
1625:
«Dans
le
bourg
de
Zeithoun,
sous
le
patronage
du
saint
général
Serge
et
de
tous
nos
autres
temples
et
objets
sacrés,
pendant
la
direction
de
notre
province
par
l'archevêque
Meguerditch
(J.
Baptiste)
et
par
l'évêque
Vartan
et
du
D.
r
Khatchadour,
assisté
de
tous
nos
autres
frères
qui
servent
dans
notre
couvent».
Il
n'oublie
pas
non
plus
son
père
Avédis,
ni
sa
mère
Zemrouth
(Emeraude),
ni
ses
frères,
l'évêque
Dér
Nersès
et
les
prêtres
Etienne
et
Constantin.
Vahan
eut
encore
un
autre
élève,
un
certain
Johan
qui,
l'an
1629,
«sous
le
patronage
de
la
Sainte
Vierge
et
de
Saint
Grégoire
»
a
écrit
un
recueil
d'hymnes
religieux.
Dans
un
autre
livre
copié
l'an
1634,
et
sous
la
direction
du
même
archevêque
Meguerditch,
on
trouve
mentionnées
huit
églises
à
Zeithoun:
celles
du
saint
Général
Serge,
des
Saints
Archanges,
de
Saint
Jacques
de
Nisibe,
de
la
Sainte
Vierge,
de
Saint
Garabied
(le
Précurseur),
de
Saint
Grégoire
l'Illuminateur,
des
Saints
Barsam
et
Théodore.
Le
D
r.
Garabied,
qui
fut
après
Catholicos
d'Etchmiadzine,
parle
plus
longuement
de
soi-même
dans
le
mémoire
d'une
Bible.
Il
était
né
à
Zeithoun,
l'an
1661,
de
Mardiros
surnommé
Tahoug
et
de
Marie,
«qui
me
porta,
dit-il,
sept
mois
dans
son
sein,
et
j'ai
sucé
son
lait
pendant
sept
ans».
Après
la
mort
de
ses
parents,
ayant
appris
qu'un
de
ses
compatriotes
avait
été
élu
évêque
au
siège
d'Ancyre,
il
alla
chez
lui,
s'instruisit
sous
sa
direction,
fut
ordonné
prêtre
par
lui
(1681),
et
reçut
également
de
ses
mains
le
bâton
doctoral
en
(1684
et
1687).
Il
aida
beaucoup
son
protecteur
pour
la
restauration
du
couvent,
et
fut
chargé
de
plusieurs
députations;
enfin
il
fut
envoyé
chez
le
catholicos
Nahabied
pour
y
être
ordonné
évêque
et
pour
devenir
le
successeur
de
l'évêque
d'Ancyre.
Il
succéda
en
effet
à
ce
dernier
et
régit
le
siége
plus
de
30
ans
(1694-1726):
au
dire
de
Lazare
de
Djahoug,
c'était
un
personnage
«d'un
aspect
superbe
et
majestueux».
Durant
son
long
épiscopat
il
restaura
ou
construisit
beaucoup
d'églises
et
de
couvents
à
Ancyre,
les
enrichit
de
toute
sorte
d'ornements
et
en
outre
d'un
grand
nombre
de
livres
qu'il
légua
et
confia
aux
soins
de
son
disciple,
le
D.
r
Moïse,
avec
lequel
en
1705,
il
fit
un
pèlerinage
à
Jérusalem,
à
Rome-cla
et
dans
sa
patrie,
pour
y
voir
son
frère
Etienne.
Il
y
demeura
quatre
mois
à
cause
des
troubles
de
cette
époque
et
des
périls
du
voyage.
Son
compagnon
et
son
successeur,
le
D.
r
Moïse,
écrit:
«Nous
avons
fait
notre
pèlerinage
à
Zeithoun
en
accomplissant
notre
vœu
dans
l'église
du
Saint
Sauveur,
dans
le
couvent
de
la
Sainte
Vierge,
et
dans
l'église
du
disciple
Ananie,
où
l'on
conserve
son
bras
droit,
de
même
qu'au
tombeau
de
notre
maître
(l'évêque
Etienne).
Nous
avons
passé
dans
cette
région
120
jours,
effrayé
par
les
Turcomans
qui
rugissaient
comme
des
lions
autour
de
nous.
Enfin,
par
une
voie
secrète
nous
arrivâmes
au
couvent
de
Hadjine,
auprès
du
Catholicos
Jean».
A
la
mort
du
Catholicos
Asdouadzadour,
Garabied
d'Oulni
fut
élu
à
Constantinople
pour
son
successeur
et
se
rendit,
avec
un
édit
royal,
à
Etchmiadzine
(1726);
il
y
mourut
après
avoir
occupé
le
siége
pendant
cinq
ans,
(1730).
Voici
comment
il
parle
de
sa
patrie
dans
le
mémoire
qu'il
a
ajouté
dans
une
Bible:
«Avant
elle
était
riche
et
dans
l'opulence,
à
présent
à
cause
de
nos
péchés
elle
est
humiliée
et
devenue
pauvre;
pourtant
elle
possède
encore
les
sept
églises,
dont
la
plus
grande
est
celle
de
la
Sainte
Mère
de
Dieu,
outre
le
couvent
du
même
nom».
Il
mentionne
le
D
r.
Jean
son
compatriote,
personnage
austère
et
dévot,
qui
pendant
trente
ans
fut
son
coadjuteur
à
Ancyre,
et
qui
à
sa
mort,
lorsque
Garabied
fut
élevé
au
siége
de
catholicos,
laissa
beaucoup
de
fournitures
ecclésiastiques
et
de
livres
au
siège
d'Angora.
Sis
aussi
eut
des
Catholicos
qui
étaient
natifs
d'Oulni,
parmi
lesquels
nous
connaissons
Siméon
(1539),
et
son
successeur
Lazare
(1545),
puis
Khatchadour
II,
surnommé
le
Musicien
(1560-1584).
Les
évêques
ou
les
archevêques
de
Zeithoun,
qui
ont
sièges
au
couvent
de
la
Sainte
Vierge,
sont,
outre
ceux
que
j'ai
mentionnés
plus
haut:
La
ville
de
Zeithoun
est
divisée
en
quatre
quartiers,
deux
supérieurs
et
deux
inférieurs.
Au
nombre
des
églises
on
en
a
ajouté
une,
celle
des
S.
S.
Pierre
et
Paul.
Lors
de
la
restauration
de
l'église
de
S.
Jacques
on
a
découvert
le
tombeau
d'un
religieux
nommé
Gabriel,
qui
avait
fait
construire
l'ancienne
église,
moitié
en
bois.
Dans
la
petite
église
de
Saint
Jean,
se
conserve
le
grand
patron,
le
Palladium
de
Zeithoun:
c'est
un
évangile,
appelé
l'
Evangile
de
Basile;
je
ne
sais
quand
il
fut
écrit
ni
si
ce
Basile
est
le
prince
surnommé
le
Voleur
ou
un
autre.
On
donne
une
grande
validité
au
serment
prêté
sur
cet
évangile:
on
lui
attribue
aussi
une
grande
puissance
dans
les
périls
et
dans
les
combats.
Hors
de
la
ville,
à
la
distance
d'une
heure
et
demie
du
couvent
de
la
Sainte
Vierge,
au
sud-est
de
la
vallée
Ilidjé,
où
sont
les
eaux
thermales,
s'élève
le
superbe
couvent
du
Saint
Sauveur,
appelé
par
quelques-uns
de
Saint
Jean
Baptiste.
Dessous
le
maître-autel
de
l'église
jaillit
une
source
d'eau
froide,
qui
s'écoule
dans
des
bassins
près
de
la
porte
du
temple;
selon
la
tradition
du
pays,
c'est
l'apôtre
Barthélemie
qui
a
fondé
l'église
et
fait
jaillir
l'eau.
A
un
quart
d'heure
du
couvent
vers
la
ville,
est
érigée
une
chapelle
dédiée
à
Sainte
Chatherine,
qu'on
suppose
l'une
des
compagnes
de
Saint
Etienne
d'Oulni;
peut-être
est-ce
là
la
place
où
les
Saintes
Vierges,
leurs
autres
compagnes,
furent
martyrisées.
Sur
différents
autres
points,
on
trouve
encore
des
sanctuaires;
comme
celui
du
tombeau
de
Saint
Elie,
sur
un
monticule
à
une
heure
du
couvent;
sur
une
autre
montagne
près
de
la
ville
on
trouve
un
ancien
ermitage.
Une
chapelle
s'élève
entre
le
pont
de
Kars
et
les
vignes
de
Zeithoun;
elle
est
placée
sous
le
vocable
de
Saint
Jacques,
qui
était,
dit-on,
cordonnier
à
Marache,
il
y
a
un
siècle,
et
qui
fut
étranglé
pour
sa
foi
par
un
gouverneur
nommé
Ibiche.
Ce
grand
nombre
d'églises,
de
sanctuaires,
de
couvents
et
de
livres
écrits
à
Zeithoun,
confirment
le
témoignage
du
catholicos
Garabied
d'Oulni,
à
l'égard
du
développement
intellectuel
et
religieux
des
Zeithouniens;
contrairement
aux
affirmations
de
certains
critiques
modernes,
qui
ont
prétendu
que
le
progrès
de
ces
braves
gens,
abrités
au
milieu
des
formidables
boulevards
de
la
nature,
dont
leur
pays
est
entouré,
ne
consistait
que
dans
l'exercice
de
la
force
musculaire
et
dans
le
maniement
des
armes.
Si
leur
communauté
a
pu
durer
jusqu'à
nos
jours,
avec
un
système
de
gouvernement
tout
spécial
et
paternel,
c'est
une
preuve
du
bon
sens,
des
traditions
et
des
règlements
qui
leur
ont
été
transmis
par
leurs
ancêtres.
En
effet,
ils
sont
gouvernés
par
un
conseil
de
quatre
de
leurs
notables,
qui
résident
dans
la
ville
même,
mais
ils
ont
dans
chaque
village
leurs
représentants
appelés
kiahia.
Dans
les
conseils
d'intérêt
général,
leur
évêque
a
la
présidence.
Cependant
il
faut
avouer
que
les
événements
de
ces
derniers
temps
ont
eu
leur
contre-coup
sur
les
Arméniens
de
Zeithoun.
La
rivalité
et
les
troubles
suscités
par
la
haine
des
Turcomans
et
des
Afchars,
qui
parfois
se
faisaient
la
guerre
entre
eux,
et
d'autres
fois
se
battaient
contre
les
gouverneurs
ottomans
de
la
Cilicie
et
de
Marache,
les
colonies
sauvages
des
peuples
barbares,
comme
de
nos
jours
celle
des
Circassiens,
la
guerre
des
Egyptiens
contre
les
Turcs,
la
tyrannie
exercée
par
les
frères
Kozans
sur
les
territoires
d'alentour,
toutes
ces
circonstances
ont
troublé
et
harassé
le
peuple
d'Oulni;
mais
elles
n'ont
pas
pu
le
décourager
tout-à-fait.
L'accord
entre
la
commune
de
Zeithoun
et
la
Porte
était,
je
ne
sais
depuis
quelle
époque,
de
payer
à
la
caisse
du
gouvernement,
60,
000
piastres
en
temps
de
tranquillité.
Pourtant
s'il
arrivait
quelque
révolte,
ils
refusaient
de
payer
n'importe
quelle
somme:
c'est
ce
qui
est
arrivé
en
1819;
ils
s'étaient
révoltés:
le
catholicos
Guiragos
qui
se
trouvait
à
Constan-tinople,
fut
accusé
de
connivence
avec
eux:
il
parvint
à
se
justifier,
mais
il
refusa
de
prendre
la
responsabilité
du
tribut
dû
par
les
Zeithouniens
à
la
sublime
Porte,
car
il
ne
se
fiait
pas
à
la
soumission
de
ses
compatriotes.
Pendant
les
guerres
d'Ibrahim
pacha
(1830-40),
ils
se
coalisèrent
avec
d'autres
peuplades
des
montagnes
pour
lui
faire
opposition.
Après
cet
événement,
les
Kozans
surexcités,
commencèrent
à
menacer
sérieusement
les
Zeithouniens,
qui
cependant,
par
quelques
petites
concessions
suggérées
par
la
prudence,
réussirent
à
les
appaiser.
En
1862
eurent
lieu
les
fameux
événements
dont
les
causes
ne
sont
pas
bien
connues.
On
a
émis
diverses
opinions,
mais
ce
n'est
point
ici
le
lieu
de
les
discuter;
je
citerai
seulement
celle
qui
me
paraît
la
plus
probable.
Pendant
l'été
de
cette
même
année
eut
lieu
une
querelle
et
un
combat
entre
les
habitants
turcs
du
village
Kértmèn
ou
Kurdmèn,
au
pied
de
la
montagne
du
même
nom,
à
12
kilomètres
à
l'est
de
Zeithoun.
Le
motif
de
la
querelle
regardait
la
culture
et
la
moisson
d'un
terrain;
ceux
qui
eurent
le
dessous
demandèrent
assistance
au
village
voisin
Béchén
ou
Kissir:
mais
quand
ceux-ci
arrivèrent,
la
plupart
des
habitants
de
Kertmèn,
laissant
de
côté
leur
querelle
intestine,
s'unirent
pour
chasser
les
nouveaux
venus;
là-dessus
il
y
eut
du
sang
répandu.
Les
Béchéniens
en
se
retirant
s'adressèrent
aux
Arméniens
du
village
Alabache,
qui
est
au
sud
de
Zeithoun:
le
chef
du
village
Garabied
et
son
aide
Jacques,
accoururent,
accompagnés
d'un
petit
nombre
de
gens
armés,
pour
terminer
le
différend;
mais
les
Kertméniens.
s'y
opposèrent,
les
esprits
s'échauffèrent
et
il
en
résulta
un
combat,
dans
lequel
il
y
eut
plusieurs
morts
des
deux
côtés;
les
Arméniens
perdirent
Jacques,
mais
ils
furent
vainqueurs
et
chassèrent
l'ennemi
dont
ils
dévastèrent,
peut-être,
quelques
propriétés.
Les
Turcs
incapables
de
se
mesurer
avec
les
Arméniens,
et
voulant
se
venger,
envoyèrent
dire
au
gouverneur
de
Marache,
que
les
Arméniens
sans
aucun
motif
massacraient
les
croyants
de
l'Islame;
les
Béchéniens
de
leur
côté
envoyèrent
un
message
pour
défendre
et
justifier
les
Arméniens.
Mais
les
mahométans,
surexcités
par
la
première
ambassade,
et
surtout
les
bachibozouks,
crièrent
vengeance.
Le
gouverneur
Aziz-pacha,
pour
contenter
la
populace
embrassa
son
parti
et
s'empressa
de
réprimer
la
prétendu
révolte.
Un
corps
de
5
à
6,
000
hommes,
réguliers
et
bachibozouks,
se
mit
alors
en
marche;
le
village
d'Alabache
fut
attaqué
et
réduit
en
un
amas
de
cendres,
tous
ceux
qui
tombèrent
entre
leurs
mains
furent
massacrés;
mais
la
plupart
des
habitants,
s'étaient
déjà
réfugiés
à
Zeithoun.
La
ville
s'alarma;
les
notables
se
réunirent
en
conseil:
l'ordre
fut
donné
de
courir
aux
armes,
et
de
se
hâter
pour
défendre
les
confins
du
pays
contre
les
hordes
qui
s'avançaient
le
fer
et
le
feu
à
la
main.
Pendant
ce
temps
Aziz-pacha
lui
même
passa
le
fleuve
Djahan;
il
arriva
au
village
Tchaker-déré,
groupe
de
150
maisons,
qu'il
détruisit,
puis
s'avançant
jusqu'au
village
d'Alabache,
il
en
chassa
les
défenseurs
et
les
villageois
accourus
à
leur
aide,
et
incendia
le
reste
des
habitations,
après
quoi
il
vint
camper
dans
la
vallée
d'
Ilidjé,
près
du
couvent
du
Saint-Sauveur.
Dans
cette
enceinte
sacrée,
on
trouva
trois
ou
quatre
solitaires
et
une
vieille
femme;
à
l'instant
ils
furent
massacrés,
peut-être
à
l'insu
du
pacha-général.
En
même
temps
on
tua
un
chien
que
les
soldats
jetèrent
sur
les
cadavres
de
ces
infortunés,
puis
ils
s'occupèrent
à
démolir
les
moulins
et
les
usines
des
forgerons.
Ceci
fait,
Aziz
envoya
un
message
aux
Zeithouniens,
les
engageant
à
se
soumettre,
à
consigner
leurs
armes,
à
donner
des
otages
et
à
payer
une
amende;
mais
les
Arméniens
se
méfiant
n'acceptèrent
pas
ces
propositions.
Ils
occupèrent
les
passages,
bien
résolus
à
résister,
et
même
se
mirent
en
embuscade.
Aziz
alors
ordonna
l'attaque;
ses
soldats
se
précipitèrent,
pendant
que
les
canons
leur
ouvraient
le
chemin.
C'était
le
26
août;
les
Zeithouniens
se
défendirent
en
désespérés;
ceux
qui
étaient
en
embuscade
agirent
de
leur
côté.
Bientôt
le
terrain
fut
jonché
de
cadavres;
la
résistance
fut
telle
qu'Aziz
ne
pouvant
plus
avancer
s'embarrassa:
et
enfin,
après
quatre
heures
de
combat,
sa
déroute
fut
complète;
la
panique
fut
telle,
que
le
camp
fut
abandonné
avec
armes
et
bagages,
canons
et
munitions,
sans
compter
huit
cent
cadavres.
Ces
braves
bachibozouks
tout
terrorisés
dans
leur
fuite
précipitée
et
hors
de
haleine,
ne
s'arrêtèrent
que
quand
ils
se
virent
bien
en
sûreté
sous
les
murs
de
Marache,
où
bientôt
se
replia
toute
l'armée,
avec
le
gouverneur
Aziz.
Mais
pendant
leur
fuite
ils
n'épargnèrent
rien;
ils
massacrèrent
plusieurs
personnes
inoffensives
sur
le
chemin,
entre
autres
un
religieux
dans
le
couvent
de
la
Sainte
Vierge,
et
ailleurs
plusieurs
autres
encore.
Avant
qu'Aziz
eût
entrepris
de
nouveaux
massacres,
il
fut
destitué
et
remplacé
par
Achir-pacha
qui
arriva
avec
un
corps
de
soldats
réguliers.
Des
experts
furent
envoyés
en
même
temps
pour
examiner
la
cause
des
troubles,
et
après
beaucoup
de
négotiations
et
des
procès,
les
notables
de
Zeithoun
furent
obligés
à
se
rendre
à
Constantinople.
Voici
leurs
noms:
Asdouadzadour
Yéni-dunia,
Mardiros
ou
Nazareth
Sourénian,
Lazare
fils
de
Chour
ou
Chorvayan
et
Meguerditch
Hagopian.
Après
de
longs
pourparlers,
grâce
à
l'entremise
des
ambassadeurs
des
puissances
européennes,
et
en
particulier
de
celui
de
la
France,
ainsi
qu'à
la
protection
du
primat
ou
du
patriarche
des
Arméniens
catholiques,
que
les
Zeithouniens
avaient
implorée,
les
notables
furent
remis
en
liberté,
et
le
gouvernement
ottoman
résolut
d'établir
à
Zeithoun
un
gouverneur
et
un
collecteur
pour
ramasser
les
impôts,
sous
la
suprême
autorité
du
gouverneur
de
Marache,
comme
auparavant.
Pour
prévenir
de
nouveaux
troubles
et
pour
soumettre
entièrement
la
ville
de
Zeithoun,
le
gouvernement
turc
érigea
une
caserne
fortifiée
au
sommet
du
mont
au
sud-ouest
de
la
ville,
et
établit
un
service
télégraphique
jusqu'à
Marache.
Dans
le
même
temps
les
Kozans
furent
entièrement
subjugués
et
l'administration
de
cette
partie
de
la
Cilicie
fut
transformée
de
fond
en
comble.
Des
confusions
et
des
troubles
eurent
encore
lieu
l'an
1872;
plusieurs
Zeithouniens
furent
arrêtés,
parmi
lesquels
Nicolas,
évêque
de
Fernouz,
qui
fut
arrêté
à
Marache.
L'ordre
et
le
calme
régnèrent
de
nouveau,
et
les
règlements
et
dispositions
de
1862-3
continuèrent
à
être
en
vigueur.
Depuis
cette
époque,
les
voies
de
communications
furent
améliorées
dans
ces
régions
montagneuses.
Le
catholicisme
y
pénétra
mieux,
et
en
1879,
la
Société
Arménienne
de
Constantinople
fonda
à
Zeithoun
des
écoles
pour
les
deux
sexes.
Après,
comme
avant
ces
faits,
les
abus
des
gouverneurs
et
des
représentants
du
gouvernement
qui
devaient
surveiller
les
Zeithouniens,
les
incursions
de
leurs
voisins,
les
Circassiens
et
les
Kozans,
poussèrent
plusieurs
fois
nos
Arméniens
à
protester
et
même
à
prendre
les
armes,
tant
contre
les
tribus
indociles
que
contre
leurs
supposés
protecteurs.
C'est
ainsi
que
pendant
l'été
de
1876,
un
acte
inqualifiable
du
gouverneur
turc
suivi
du
meurtre
d'un
domestique
arménien,
excita
à
tel
point
la
juste
indignation
des
compatriotes
de
ce
dernier,
que
le
notable
Babig
Yenidunia,
surnommé
le
Pacha,
se
mit
à
la
tête
de
quelques
centaines
de
citoyens
(le
15
juin),
prit
d'assaut
le
palais
du
délinquant,
et
le
brûla
avec
la
mosquée.
Ayant
capturé
le
gouverneur
et
son
aide
de
camp,
il
les
envoya
honteusement
au
vali
de
Marache;
puis,
pour
punir
ces
étrangers
trop
fanfarons,
il
ravagea
quelques-uns
de
leurs
villages.
L'année
suivante,
pendant
que
le
vali
marchait
contre
les
Kozans,
Babig,
assisté
par
le
fougueux
évêque
de
Fernouz,
Nicolas,
battit
une
troupe
des
soldats
réguliers
et
irréguliers:
mais
la
soumission
des
Kozans
le
força
à
se
retirer
avec
une
poignée
de
ses
hommes
vers
les
montagnes
d'un
accès
difficile;
l'évêque
guerrier
à
la
tête
de
quelques
autres
combattants
fut
surpris
et
capturé.
Les
Turcs
rentrèrent
alors
à
Zeithoun
et
rebâtirent
la
résidence
du
gouverneur.
Une
commission
fut
chargée
par
le
gouvernement
d'examiner
la
cause
des
troubles:
mais
c'est
surtout
la
modération
du
vali
Dadà-pacha,
qui
les
appaisa.
Babig
et
sa
troupe
purent
rentrer
dans
leurs
foyers
(1878-9).
Dix
années
après
ces
événements,
un
malheur
naturel
occasionna
de
nouveaux
troubles.
En
1890
la
petite
vérole
éclata
à
Zeithoun
et
y
fit
de
grands
ravages;
400
enfants
en
furent
victimes:
mais
la
cause
d'une
si
grande
mortalité
fut
attribuée
à
l'imprudence,
volontaire
ou
non,
du
médecin
délégué
par
le
gouvernement.
La
douleur
des
parents
de
ces
innocents
moissonnés,
et
les
intrigues
d'une
société
dite
des
Aimants
ou
Chéris,
Սիրականք,
causèrent
un
nouveau
soulèvement:
on
attaqua
de
nouveau
la
résidence
du
gouverneur,
et
on
battit
dans
diverses
petites
rencontres,
des
détachements
de
troupes
régulières.
Le
vali
Salih-pacha
partit
à
la
hâte
de
Marache,
et
réussit
à
étouffer
encore
cette
fois
la
révolte:
une
partie
des
insurgés
se
retira
vers
les
montagnes,
les
autres
se
soumirent;
parmi
ces
derniers
se
trouvaient
de
nouveau
l'évêque
Nicolas,
et
un
autre
prélat,
l'évêque
Garabied;
ils
furent
éxilés
à
Alep.
Quant
aux
derniers
événements
(1895-6)
et
aux
faits
d'armes
des
Zeithouniens,
les
journaux
du
monde
entier,
les
uns
à
demi,
les
autres
à
haute
voix,
en
ont
suffisamment
parlé.
Les
malheurs
inouïs
de
presque
toute
l'Arménie
turque
et
de
l'Asie
Mineure,
en
commençant
par
les
horribles
massacres
de
Sassoun,
si
non
excités,
du
moins
nullement
ou
très
faiblement
réprimés
par
les
gouverneurs
de
ces
contrées,
devaient
nécessairement
allarmer
les
cœurs
des
Zeithouniens,
déjà
mécontents
des
traitements
de
leurs
surveillants.
Toute
la
ville
et
les
communes
arméniennes
voisines
reprirent
leurs
vieux
fusils;
cette
fois
ayant
à
leur
tête
non
seulement
quelques-uns
de
leurs
concitoyens,
mais
encore
des
jeunes
hommes
instruits
et
exercés
en
Europe,
accourus
de
loin
pour
les
secourir
et
les
guider.
Après
avoir
délibéré
et
dressé
plusieurs
plans,
le
24
octobre
1895,
ils
hissèrent
le
drapeau
de
la
révolte:
le
27
du
même
mois,
ils
chassèrent
la
troupe
de
la
garde;
le
30
ils
assiégèrent
et
prirent
la
caserne
fatale,
en
la
privant
de
l'eau
potable:
300
soldats
turcs
prisonniers
furent
distribués
et
nourris
dans
les
maisons
de
la
ville;
on
permit
à
400
autres
personnes
de
leurs
familles
ou
de
leurs
serviteurs
d'aller
où
ils
voulaient:
tous
les
vivres,
les
munitions
et
surtout
les
armes,
les
fusils
martini,
furent
pillés
et
permirent
aux
Zeithouniens
de
continuer
la
guerre
et
de
soutenir
un
siège
d'environ
deux
mois.
Après
avoir
en
procession
générale
remercié
Dieu
dans
leur
célèbre
couvent
de
la
Sainte
Vierge,
et
encouragés
par
la
bénédiction
du
clergé,
entre
autres
d'un
prêtre
centenaire
D.
r
Isaac,
les
chefs
mirent
en
ordre
leurs
petites
troupes;
et
dès
le
lendemain
même
(31
octobre)
ils
battirent,
après
quatre
heures
de
lutte
acharnée,
une
troupe
régulière
près
du
village
Tchoukour-ova.
Le
15
novembre
ils
défirent
aussi
les
réguliers
et
irréguliers
à
Androun,
dont
ils
prirent
ce
bourg
et
délivrèrent
plusieurs
prisonniers;
ils
firent
de
même
à
Yenidjé-kalé,
où
se
trouvaient
deux
Pères
Franciscains
emprisonnés,
un
autre
Père
du
même
ordre
fut
tué
par
les
Turcs.
Le
18
du
mois,
ils
délivrèrent
aussi
les
assiégés
de
Gaban
et
des
villages
environnants,
dont
les
habitants
se
réfugièrent
à
Zeithoun.
Ainsi
cette
ville
se
trouva
peuplée
de
15,
000
âmes
de
plus
qu'en
temps
ordinaire,
et
ne
tarda
pas
à
se
voir
à
court
de
vivres
et
de
munitions
de
guerre.
Les
premiers
jours
de
décembre
le
vali
Remzi-pacha,
qui
avait
rassemblé
une
armée
de
50,
000
hommes,
sans
compter
les
Gircassiens
bachibozouks,
s'avança
vers
Zeithoun,
qu'il
assiégea
de
trois
côtés,
le
16
de
ce
même
mois.
Le
même
jour
les
Arméniens
repoussaient
l'ennemi,
après
un
combat
acharné,
près
de
Fernouz.
Quelques
jours
après
(19
Novembre),
un
corps
de
soldats
turcs
réguliers,
de
6
à
8,
000
hommes,
sous
les
ordres
du
colonel
Ali-bey,
assiégea
le
village
de
Saban,
dont
les
habitants
prirent
aussitôt
la
fuite.
Mais
une
poignée
d'Arméniens,
gens
braves
et
résolus,
guidés
par
un
de
leurs
quatre
chefs,
et
par
le
prêtre
Barthélemie,
se
jetèrent
contre
ces
Turcs,
et
arrêtèrent
leur
marche
près
du
défilé
de
ce
même
lieu
(Saban).
Cependant
les
Turcs
ayant
pour
eux
le
nombre,
eurent
l'avantage,
et
les
Arméniens
furent
enveloppés
et
dispersés.
Leur
chef
et
le
prêtre
Barthélemie
restés
seuls,
tous
deux
à
cheval,
réussirent
à
forcer
les
lignes
turques
et
à
se
sauver
à
Zeithoun,
malgré
la
grêle
de
balles
qui
les
poursuivait.
—
Groupés
dans
cette
ville,
les
Arméniens,
après
de
nouvelles
processions
pour
se
recommander
à
leurs
saints
patrons,
attaquèrent
les
assiégeants
le
18-20
du
mois
de
décembre
et
en
tuèrent
plusieurs
milliers.
Le
24
ils
brûlèrent
et
abandonnèrent
la
caserne,
dont
quelques
jours
après
s'emparèrent
les
Turcs,
qui
commencèrent
alors
à
bombarder
la
ville:
mais
les
900
boulets
qu'ils
lancèrent,
ne
causèrent
que
des
dégats
insignifiants
et
n'intimidèrent
point
les
habitants.
C'est
plutôt
le
manque
de
munitions
de
tout
genre
et
l'épidémie
qui
s'en
suivit,
qui
porta
le
dernier
coup
à
la
ville.
Les
chefs
de
l'insurrection
réussirent
à
faire
parvenir
à
Marache
une
personne
déguisée
qui
en
rapporta
bientôt
la
nouvelle,
qu'une
commission
y
était
arrivée
de
la
part
des
grandes
puissances
européennes
avec
le
consentement
de
la
sublime
Porte,
pour
arranger
la
question
Zeithounienne.
En
effet,
après
quelques
pourparlers,
le
3
février,
1896,
les
quatre
chefs
de
l'armée
arménienne
se
rendirent
au
camp
des
Turcs,
où
se
trouvaient
déjà
les
consuls
délégués
des
dites
puissances;
en
quelques
jours
furent
discutées
et
établies
les
conditions
de
la
paix
et
de
l'amnistie:
les
Zeithouniens
étaient
obligés
de
restituer
les
fusils
martini
et
les
autres
armes
enlevées
à
la
caserne;
les
quatre
chefs
et
guides
de
la
révolte
devaient
quitter
le
territoire
de
l'empire
ottoman,
(ce
qu'ils
firent
bientôt).
Le
gouvernement
de
sa
part
consentit,
grâce
à
l'intercession
des
consuls,
à
ne
pas
obliger
les
Zeithouniens
de
rebatir
eux
mêmes
la
caserne,
et
à
leur
donner
pour
gouverneur
ou
caïmacam,
un
chrétien.
En
effet,
quelques
mois
plus
tard
pendant
le
courant
de
l'année
1896,
un
Grec
y
fut
envoyé
en
cette
qualité.
Selon
le
tableau
statistique
que
nous
avons
rapporté
plus
haut,
le
nombre
des
habitants
de
Zeithoun
s'élève
à
plus
de
17,
000;
par
conséquent
il
doit
y
avoir
au
moins
2,
000
maisons.
Quelques-uns
prétendent
cependant,
que,
comme
il
y
a
quarante
ans,
aujourd'hui
même
le
nombre
des
maisons
ne
surpasse
pas
1,
000;
d'autres
le
font
monter
à
1,
500;
enfin
un
Arménien,
en
1863,
y
comptait
5,
000
maisons.
C'est
ainsi
qu'on
ne
peut
se
faire
une
idée
du
nombre
de
la
population
des
villages
qu'en
se
basant
sur
des
calculs
probables.
En
1884,
le
22
septembre,
un
grand
incendie
éclata
à
Zeithoun
qui
dévora
500
maisons
et
100
magasins.
Plus
tard,
en
1887
un
autre
incendie
plus
terrible
éclata,
le
8
août,
qui
causa
presque
la
ruine
de
la
ville.
Pendant
que
je
m'occupais
de
la
topographie
de
ces
lieux
montueux,
de
Djahan
et
en
particulier
du
district
de
Zeithoun,
comme
je
l'ai
dit
plus
haut,
je
n'avais
pas
rencontré
un
voyageur
européen
qui
eût
visité
et
décrit
cette
région.
Au
moment
où
je
finissais
mon
ouvrage,
je
trouvai
le
récit
de
voyage
d'un
explorateur
Français,
Léon
Paul,
qui,
comme
il
le
dit
lui-même,
est
le
premier
explorateur
qui
soit
entré
à
Zeithoun.
C'était
en
1864;
il
y
passa
trois
jours
(27-9
juin)
sous
la
conduite
et
la
responsabilité
du
D.
r
Grégoire
Apardian;
celui-ci,
quelques
années
auparavant,
avait
été
à
Paris
et
avait
trouvé
grâce
devant
l'empereur
Napoléon
et
bon
accueil
auprès
d'autres
personnages.
L'écrivain
ne
fait
pas
une
description
scientifique
du
pays
et
de
tout
ce
qu'il
y
a
vu;
il
décrit
en
touriste;
il
parle
de
la
familiarité
des
Zeithouniens,
et
de
la
bonne
réception
qu'ils
lui
firent,
et
donne
beaucoup
de
détails
sur
leur
mœurs
et
sur
leur
industrie,
et
quelques
mots
sur
la
configuration
du
pays.
Je
pense
qu'on
lira
avec
plaisir
le
récit
des
principales
aventures
de
ce
vaillant
explorateur
européen.
Léon
Paul
se
mit
en
route
avec
ses
compagnons,
ses
domestiques
et
deux
soldats
que
le
gouverneur
de
Marache
voulut
bien
lui
donner
pour
escorte.
Il
avait
à
sa
suite
un
jeune
Arménien
de
seize
ans,
qui
connaissait
l'arménien,
le
turc,
l'arabe,
ainsi
que
le
français
et
l'italien.
Il
passa
les
montagnes
à
pic
qui
séparent
Marache
de
Zeithoun.
Comme
sa
petite
troupe
se
reposait
au
bord
d'un
torrent
à
l'ombre
d'un
platane,
12
cavaliers
montagnards
bien
armés
se
firent
voir
sur
le
haut
plateau;
mais
comme
ils
avaient
leurs
fusils
sous
le
bras,
on
les
reconnut
pour
des
Zeithouniens
amis.
Ces
gens
aussitôt
qu'ils
nous
aperçurent,
dit
notre
voyageur,
se
hâtèrent
de
venir
nous
apporter
les
saluts
et
l'invitation
des
notables
de
Zeithoun.
Ils
étaient
envoyés
par
eux
pour
rencontrer
et
escorter
ces
hôtes,
dont
ils
étaient
honorés.
Tous
ces
montagnards
étaient
jeunes,
le
plus
âgé
n'avait
pas
plus
de
vingt-cinq
ans;
tous
avaient
l'air
ouvert,
aimable,
distingué:
nous
avions
de
la
peine
à
nous
figurer
qu'on
risquât
quelque
danger
à
passer
au
milieu
d'eux
sans
escorte.
Les
Zeithouniens
étant
réputés
habiles
tireurs,
leurs
invités
voulurent
les
mettre
à
l'épreuve;
ils
posèrent
une
petite
pierre
à
la
distance
de
200
mètres
et
promirent
un
médjidié
(4
frs.
)
à
celui
qui
la
toucherait;
personne
ne
parvint
à
atteindre
exactement
le
but,
pourtant
toutes
les
balles
passèrent
très
près;
et
l'on
n'eut
qu'à
admirer
la
manière
toute
particulière
de
tirer
des
Zeithouniens.
«Ils
grimpent
comme
des
chats
sur
un
arbre,
se
cachent
dans
le
feuillage,
appuient
le
canon
de
leur
arme
sur
une
branche
et
visent
avec
assez
de
précision.
Rien
de
plus
beau
que
leur
pays.
De
grands
pins,
des
platanes
énormes,
des
chênes
verts
reposent
délicieusement
les
yeux;
des
ruisseaux
qui
serpentent,
des
torrents
qui
se
précipitent,
des
sources
limpides
et
glacées
étanchent
la
soif
et
maintiennent
les
défilés
dans
un
état
de
verdure
permanente,
malgré
l'ardeur
dévorante
du
soleil».
Ils
portaient
tous
un
fusil
en
bandoulière
et
marchaient
en
avant.
Ils
s'avançaient
ensemble
en
masse;
arrivés
au
bord
d'un
ruisseau
impétueux,
tous,
à
l'exception
des
deux
chefs,
se
dépouillèrent
de
leurs
vêtements
et
se
jetèrent
dans
l'eau,
s'efforçant
de
se
surpasser
en
vitesse;
ils
poussaient
des
cris
joyeux
et
se
débattaient
dans
les
eaux
impétueuses
du
ruisseau
comme
dans
leur
élément
naturel.
Le
soleil
descendait
derrière
les
montagnes,
et
il
faisait
une
brize
assez
fraîche
mais
agréable,
sans
causer
aucune
sensation
pénible
de
froid.
L'escorte
des
Zeithouniens
tirait
de
temps
en
temps,
des
coups
de
fusil
en
l'honneur
des
étrangers.
Cependant
le
chemin
devenait
de
plus
en
plus
difficile,
et
à
un
détour,
quelques
cavaliers
se
firent
voir
tout
à
coup,
leur
chef
dirigeait
son
cheval
fougueux
avec
une
grande
adresse.
Son
costume
consistait
en
une
veste
longue
de
couleur
rouge,
ornée
de
ganses
bleues,
et
en
un
large
pantalon
blanc
qui
ondulait
au
souffle
du
vent;
son
visage
brûlé
du
soleil,
paraissait
encore
plus
noir
par
le
crépuscule.
Il
avait
la
mine
d'un
chef,
et
réellement
il
était
l'un
des
plus
puissants
membres
et
des
plus
braves
guerriers
de
la
république,
le
prince
Khosroyan.
Il
s'approcha
de
ses
hôtes
avec
une
élégance
vraiment
princière;
une
multitude
de
citoyens
le
suivaient,
et
en
signe
d'honneur
on
déchargeait
sans
cesse
des
coups
de
fusil.
«Le
mauvais
état
des
chemins
nous
causaient
mille
ennuis;
ajoutez
à
cela
pour
comble,
les
saluts
incessants
qu'on
était
obligé
d'offrir
au
peuple
qui
nous
prodiguait
ces
signes
d'honneur,
nos
bras
étaient
lassés
de
ces
mouvements
réitérés».
Les
coups
de
fusil
se
succédaient
sans
interruption
du
haut
de
la
montagne,
d'où
le
D.
r
Àpardian
descendant,
après
avoir
salué
le
voyageur,
posa
sa
main
sur
le
cou
de
son
cheval
et
le
conduisit
au
milieu
du
crépuscule.
Soudain
des
ombres
parurent
sur
une
montagne
basse,
qui
fut
tout
à
coup
illuminée,
et
dix
cavaliers
descendirent
rapidement
de
ses
pentes
en
déchargeant
leurs
fusils.
Après
avoir
souffert
une
heure
entière,
dans
des
impasses
terribles,
ils
entrevirent
quelques
maisons
de
l'autre
côté
du
vallon;
enfin
ils
parvinrent
au
couvent
de
la
Sainte
Vierge,
après
un
voyage
de
12
heures.
«Je
regrette
de
ne
pouvoir
donner
qu'une
bien
pâle
idée
de
notre
réception.
J'entends
encore
à
l'heure
qu'il
est,
l'écho
de
la
montagne,
reproduisant
les
coups
de
feu
tirés
en
notre
honneur
avec
un
roulement
semblable
à
celui
du
tonnerre:
mon
seul
regret,
avant
de
m'endormir,
est,
de
ne
pouvoir
dessiner
quelques-uns
des
sites
qui
nous
ont
charmés».
A
peine
eurent-ils
monté
l'escalier
que
les
princes,
les
prêtres,
les
chefs
des
soldats
et
les
officiers
vinrent
saluer
leurs
hôtes,
et
s'assirent
tous;
l'évêque,
(probablement
l'évêque
Sarkis),
parut
d'un
caractère
affable
et
gai,
et
posa
plusieurs
questions;
et
lorsque
la
table
fut
servie
avec
du
riz
et
du
lait,
l'évêque
prit
sa
place,
en
disant:
«Cela
nous
fermera
la
bouche».
Le
français
voyant
le
loche
[7]
fin
pour
la
première
fois,
crut
que
c'était
la
serviette,
et
en
même
temps
il
cherchait
du
pain,
mais
on
l'avisa
que
ce
n'était
pas
seulement
du
pain,
mais
que
cela
remplaçait
encore
la
fourchette
et
la
cuillère.
Il
décrit
la
ville
perchée
sur
la
pente
accidentée
de
la
montagne,
et
dont
les
maisons
sont
étagées
comme
les
degrés
d'un
escalier.
Les
chemins
raboteux
et
tortueux
obligent
le
voyageur
à
marcher
avec
force
précautions,
s'il
veut
en
sortir
sain
et
sauf.
Il
fait
monter
le
nombre
des
habitants
à
20,
000;
la
plupart
travaillent
aux
forges
et
à
la
préparation
du
fer:
les
montagnes
leur
fournissent
le
minerai
en
abondance.
On
voit
dans
la
ville
un
petit
nombre
de
Turcomans,
auxquels
un
gouvernement
libéral
a
permis
de
se
fixer.
Les
églises
sont
misérables
et
les
tableaux
qui
y
figurent
n'ont
aucune
valeur
artistique.
Khosroyan
lui
en
montra
un
où
une
énorme
tête
de
saint
Jean
Baptiste
était
sur
une
petite
assiette,
soutenue
par
deux
petits
anges
fort
laids;
à
part
cela,
pas
la
moindre
trace
d'art.
Les
églises
dans
la
ville
sont
au
nombre
de
cinq,
pareilles
à
de
vastes
hangars,
en
grande
partie
en
bois;
à
toute
cette
laideur
s'ajoute
celle
des
grosses
billes
en
verre,
rouges
et
bleues,
qui
sont
suspendues
au
moyen
de
pièces
de
corde
liées
grossièrement.
Quinze
prêtres,
dont
quelques-uns
résident
dans
les
couvents,
déservent
les
cinq
paroisses.
Les
Zeithouniens
ont
leur
Palladium,
l'évangile
du
parjure
Vassile.
Au
moment
où
ce
dernier
prêtait
un
faux
serment
sur
ce
livre
vénéré,
il
fut,
dit-on,
frappé
d'un
coup
de
poignard
par
une
main
invisible,
et
le
sang
du
criminel
jaillit
sur
le
manuscrit;
aux
grandes
solennités,
on
le
tire
de
son
étui
pour
l'exposer
à
la
vénération
des
fidèles.
Les
grandes
cloches
des
Européens
sont
inconnues
des
Zeithouniens;
elles
feraient
crouler
les
misérables
églises
tremblantes
des
Arméniens
du
Taurus:
au
lieu
de
cloches
ils
usent
d'une
espèce
de
crécelle.
L'écrivain
décrit
l'instrument
et
déclare
que
ceux
qui
les
frappent
ont
assez
d'art
et
d'adresse,
pour
en
tirer
des
sons
mélodieux.
On
remarque
à
Zeithoun
six
grands
noisetiers
célèbres.
Selon
Khosroyan,
des
incurseurs
circassiens
entrèrent
dans
ce
pays
où
il
n'y
avait
que
des
femmes
et
des
enfants;
soudain
les
arbres
furent
couverts
de
jeunes
gens,
qui,
pendant
la
nuit,
massacrèrent
les
pillards
et
ensevelirent
les
cadavres
sous
de
grandes
masses
rocheuses
et
élevèrent
dessus
une
croix
de
fer.
Le
Français
demanda
au
chef
s'il
n'avait
pas
peur
de
nouvelles
incursions.
Celui-ci
avec
un
sourire,
lui
montra
le
rocher,
et
lui
dit:
«II
y
a
encore
assez
de
place
là-dessous».
Le
voyageur,
dans
ses
promenades
d'exploration,
rencontra
au
nord-ouest
de
la
ville
les
chemins
que
les
torrents
des
montagnes
se
sont
creusés
à
travers
les
rochers
dont
les
blocs
massifs
sont
troués
en
plusieurs
points
pour
livrer
passage
aux
eaux,
qui
tantôt
se
précipitent
avec
un
grand
bruit,
tantôt
s'écoulent
avec
un
doux
murmure.
La
profondeur
des
abîmes
donne
la
vertige
aux
personnes
les
plus
vigoureuses,
et
notre
voyageur
s'étonna
du
courage
qu'il
avait
eu
de
passer
dans
de
tels
lieux
pendant
la
nuit,
alors
qu'il
eut
pu
y
être
écrasé
plusieurs
fois.
Au
bord
du
fleuve
on
a
établi
des
bains
à
découvert,
pour
les
femmes,
et
personne,
disait
le
prince,
ne
les
regarde
de
mauvais
œil,
car
elles
sont
nos
femmes,
nos
sœurs
et
nos
filles.
Le
voyageur
trouva
les
Zeithouniens
de
mœurs
fort
douces
et
affables,
et
dit
qu'on
ne
saurait
leur
reprocher
un
assassinat,
ayant
le
vol
pour
mobile.
Ils
sont,
ajoute-t-il,
si
réguliers
qu'ils
n'y
a
pas
de
prisons
chez
eux;
lorsqu'un
Zeithounien
commet
un
crime
on
l'exile:
si
après
un
certain
temps
il
retourne
en
montrant
du
repentir,
on
l'oblige
à
aller
s'enfermer
dans
un
couvent
pour
faire
pénitence
durant
quelque
temps
et
à
distribuer
des
aumônes
selon
sa
fortune.
Les
hommes
travaillent
le
fer;
les
femmes
sont
occupées
principalement
à
l'élevage
des
vers-à-soie;
les
enfants
fréquentent
les
écoles
jusqu'à
l'âge
de
dix
ans,
ils
y
reçoivent
une
éducation
élémentaire,
conforme
au
savoir
de
leurs
maîtres.
Quant
à
la
religion,
les
Zeithouniens
se
montrent
tolérants
envers
les
Turcs,
mais
inexorables
envers
les
renégats:
en
1845
ils
écorchèrent
et
brûlèrent
un
prêtre
qui
avait
apostasié,
et
ils
racontaient
ce
fait
avec
le
plus
grand
sang-froid.
Lorsqu'ils
veulent
introduire
un
nouveau
règlement
ou
amender
quelqu'autre
qui
est
en
vigueur,
les
Zeithouniens
assemblent
les
prêtres
et
leur
déclarent
leur
intention;
ceux-ci
à
leur
tour
font
assembler
les
vieillards
et
leur
communiquent
la
demande
du
peuple:
alors
les
vieillards
examinent
la
question
et
décident
ce
qui
leur
paraît
bon.
Le
pouvoir
exécutif
dépend
de
quatre
notables,
qui
sont
choisis
ou
parmi
la
noblesse
de
la
tribu
ou
parmi
les
plus
éclairés
par
leur
intelligence;
ils
écoutent
les
vieillards
avec
respect
et
exécutent
selon
qu'ils
jugent
convenable;
c'est
leur
patriotisme
qui
les
fait
placer
à
la
tête
du
peuple,
auquel
appartient
le
plein
pouvoir
de
démettre
ses
chefs
s'ils
tombent
dans
des
fautes
graves.
En
temps
de
guerre
c'est
aux
princes
qu'incombe
le
droit
de
rassembler
tous
les
hommes
en
état
de
porter
les
armes;
la
levée
en
masse
comprend
de
7
à
8
mille
combattants
de
seize
à
soixante-cinq
ans,
armés
à
leurs
frais.
Enfin
notre
voyageur
parle
d'un
chant
national
ou
de
guerre
de
ces
montagnards,
que
V.
Langlois
avait
traduit
et
publié;
le
D.
r
Apardian
montra
à
notre
voyageur,
avec
un
certain
orgueil,
un
de
ses
ouvrages.
Après
deux
jours,
(le
29
juin),
nos
voyageurs
voulurent
partir
de
Zeithoun
le
matin
de
bonne
heure,
pour
se
rendre
à
Hadjine;
mais
il
leur
fut
impossible
de
trouver
des
gens
d'escorte,
à
cause
des
dangers
qui
pouvaient
résulter
de
l'inimitié
des
Circassiens.
Ils
crurent
devoir
se
plaindre
de
cette
lâcheté
devant
Khosroyan.
Le
prince
garda
le
silence,
mais
mettant
la
main
sur
l'épaule
du
plaignant,
il
regarda
en
arrière,
et
aussitôt
se
présentèrent
quatre
hommes
armés
de
fusils
et
de
pistolets,
avec
leurs
vêtements
retroussés,
pour
courir
plus
librement.
—
«Vous
pouvez
à
présent
partir,
leur
dit-il,
avec
confiance;
ces
hommes
vous
serviront
de
guide».
—
Lorsqu'ils
voulurent
passer
au
prince
de
l'argent
pour
récompenser
les
hommes
qui
étaient
venus
à
leur
rencontre:
«Ce
serait
une
injure
pour
eux,
dit-il,
ils
ne
l'accepteront
pas».
Puis,
comme
on
le
priait
avec
instance
de
l'accepter
comme
aumône
pour
les
pauvres,
le
prince
prit
l'argent
et
le
passa
à
l'évêque.
Les
quatre
jeunes
hommes
se
mirent
en
marche,
après
avoir
jeté
un
regard
de
mépris
sur
les
gardes
qui
accompagnaient
les
voyageurs,
et
quelques
minutes
après
ils
se
mirent
à
chanter
un
de
leurs
chants
de
guerre,
qui
inspira
même
à
nos
chevaux,
dit
l'écrivain,
une
ardeur
fougueuse.
Presque
tout
le
chemin
était
en
pente;
à
droite
s'élevaient
de
hauts
rochers
abrupts
et
à
gauche
on
ne
voyaient
que
des
cimes
couvertes
d'arbres
et
se
perdant
dans
les
nuages.
Aucune
description
ne
pourrait
rendre
la
beauté
de
la
nature
dans
cette
région,
où
la
main
de
l'homme
n'avait
fait
aucun
changement
ni
aucun
travail;
elle
est
telle
que
Dieu
l'a
créée.
Là
s'élèvent
de
hauts
cèdres,
des
platanes
à
larges
feuilles,
des
chênes
déracinés
et
renversés
sur
le
sol,
n'attendant
que
le
jour
où
ils
serviront
à
allumer
le
feu,
et
des
peupliers
vieillis,
qu'un
orage
doit
renverser
pour
qu'on
en
puisse
faire
des
ponts
rustiques
sur
le
torrent.
«Toutes
ces
hauteurs
et
ces
cavités
étaient
verdoyantes,
arrosées
de
plusieurs
sources
d'eau;
et
le
bruit
des
cigales
seulement
interrompait
le
silence
sublime
qui
régnait
dans
ces
places;
le
soleil
paraissait
se
jouer
de
nous
à
travers
l'épais
feuillage
des
arbres;
le
ciel
azur
qui
s'étendait
sur
notre
tête,
remplissait
le
cœur
de
reconnaissance
envers
celui
qui
y
habite
et
qui
est
notre
protecteur.
Après
quatre
heures
de
chemin,
les
voyageurs
arrivèrent
dans
une
place
toute
boisée,
où
coulait
un
ruisseau
clair
et
bruyant,
et
où
s'élevait
d'un
côté
le
tronc
d'un
cèdre
sec,
qui
impressionna
fortement
notre
voyageur,
et
lui
suggéra
des
réflexions
morales
qui
durèrent
pendant
toute
la
descente
du
chemin,
jusqu'ils
fussent
arrivés
dans
une
plaine;
là
ils
rencontrèrent
des
Circassiens,
tous
armés
et
la
faulx
sur
l'épaule;
les
Zeithouniens
les
regardèrent
fixement
d'un
air
farouche,
mais
aucun
accident
fâcheux
ne
se
produisit;
des
deux
côtés
on
se
croisa
tranquillement,
et
peu
après
les
voyageurs
arrivèrent
aux
portes
de
Cocusson;
mais
les
jeunes
hommes
ne
voulant
pas
y
entrer,
se
dirigèrent
vers
le
village
arménien
Kiradji-oghlou.
Les
gardes
voulaient
aller
loger
dans
la
ville;
mais
comme
il
y
avait
à
craindre
que
leurs
coreligionnaires
excités
par
leurs
paroles
n'assaillissent
les
Zeithouniens,
les
voyageurs
les
obligèrent
par
des
prières
d'abord,
ensuite
par
des
menaces,
à
renoncer
à
leur
intention;
l'un
d'eux
cependant
résistant
à
tout
conseil,
réussit
à
s'échapper
et
à
prendre
la
course
vers
la
ville;
mais
l'un
des
Zeithouniens
le
coucha
promptement
en
joue
et
l'obligea
de
revenir
sur
ses
pas.
Les
voyageurs
continuant
leur
chemin,
arrivèrent
dans
les
tentes
des
Arméniens,
où
ils
trouvèrent
un
bon
accueil;
pour
les
honorer
on
leur
offrit
des
laitages.
Le
jour
suivant
de
bonne
heure
(30
juin),
ils
se
dirigèrent
vers
la
plaine,
où
l'on
voyait
des
cigognes
blanches
et
des
bœufs
à
larges
cornes.
Deux
heures
après,
ils
étaient
en
face
des
montagnes
et
furent
obligés
de
passer
à
travers
des
chemins
très
difficiles,
étroits
et
escarpés,
ayant
à
peine
une
largeur
de
26
centimètres,
mais
les
montagnards
qui
les
guidaient,
couraient
comme
des
chevreuils,
et
regardant
continuellement
les
voyageurs
ils
leur
criaient
et
leur
indiquaient
la
direction,
jusqu'à
ce
qu'ils
fussent
enfin
arrivés
aux
bords
du
fleuve.
Les
rives
parurent
admirablement
belles
à
notre
voyageur,
et
il
regrette
de
n'avoir
pas
pu
prendre
quelque
vue.
Nous
laissons
de
côté
la
description
qu'il
en
fait,
car
il
n'indique
pas
distinctement
la
position
des
divers
lieux
ni
leur
distance;
il
paraît
pourtant
que
c'était
entre
Cocusson
et
Hadjine,
où
ils
arrivèrent
pendant
la
nuit,
après
avoir
traversé,
en
montant
et
en
descendant,
les
passages
difficiles
des
montagnes,
et
les
gardes
se
plaignaient
amèrement;
car
ils
avaient
marché
pendant
14
heures,
hormis
les
quelques
heures
de
repos;
ils
passèrent
la
nuit
dans
un
couvent
de
Hadjine.
Le
lendemain
(1
juillet),
les
Zeithouniens
se
séparèrent
des
voyageurs,
après
leur
avoir
baisé
la
main,
ainsi
que
celle
du
recteur
de
Hadjine
(que
l'écrivain
appelle
patriarche,
peut-être
le
catholicos
était-il
dans
cette
ville
ces
jours-là).
Ils
retroussèrent
leurs
vêtements,
prirent
leurs
fusils
sur
l'épaule,
et
après
avoir,
pour
une
dernière
fois,
jeté
un
regard
de
mépris
sur
les
gardes,
s'éloignèrent
à
pas
accélérés
à
travers
les
montagnes
de
Hadjine,
en
laissant
les
voyageurs
pleins
d'une
reconnaissante
admiration
pour
ces
intrépides
enfants
du
Taurus,
«toujours
en
train,
toujours
obligeants»,
comme
le
dit
lui
même
l'écrivain.
[1]
La
première
édition
du
livre
de
M.
r
Edmond
Boissier,
parût
à
Bâle,
en
1866;
elle
n'était
pas
encore
achevée
lors
de
la
publication
de
notre
ouvrage
en
arménien;
peut-être
dans
la
dernière
partie
de
son
livre
trouverait-on
indiquées
encore
d'autres
plantes
qui
croissent
sur
la
montagne
Brid;
l'altitude
des
endroits
où
croissent
ces
plantes
est
indiquée
en
pieds
parisiens.
[2]
La
vie
des
Saints
dans
laquelle
nous
lisons
le
récit
de
ce
martyre
est
écrite
avec
des
lettres
d'anciennes
formes
et
paraît
être
un
ouvrage
du
XII
e
siècle.
[3]
Traduction
du
fac-similé:
«Gloire
à
la
Sainte
Trinité,
au
Père,
au
Fils
et
au
Saint-Esprit.
Ainsi
soit-il.
Ce
livre
d'Ordination
a
été
écrit
en
1045
(1596);
à
la
demande
de
moi,
Jacques,
évêque
indigne;
pour
mon
propre
usage
et
en
souvenir
de
mon
âme
et
de
mes
parents
et
de
toute
ma
famille.
Amen.
Ce
livre
fut
écrit
dans
le
couvent
de
Zeithoun,
près
de
l'église
de
la
Sainte
Vierge,
durant
le
supériorat
de
l'archevêque
Der
Dzéroun.
Qu'à
celui
qui
dira:
«Que
Dieu
lui
soit
miséricordieux,
qu'à
celui-là
Dieu
accorde
miséricorde
pour
vous
et
nous.
Notre
père
qui».
[4]
Car
il
dit:
J'entendais
les
gémissements
navrants
de
notre
ville
Germanice,
qui
est
Marache,
où
régnait
la
famine
avec
chereté
des
provisions:
six
drachmes
de
pain
coûtaient
un
para
et
mes
enfants
y
demeuraient,
et
il
n'y
avait
ni
qui
venait
ni
qui
partait.
Sous
de
semblables
calamités
je
copiai
l'hymnaire
d'un
exemplaire
bon
et
excellent
»
etc.
[5]
Selon
d'autres
écrivains,
son
prédécesseur
s'appelait
également
Jacques
et
était
surnommé
Bechedian.
Après
la
mort
de
Bostanian
se
succédèrent
sans
interruption
les
évêques
et
les
docteurs
suivants:
Jean
de
Tcharsandjak
Pascal
D
r.
Der-David
Serge
évêque
Khantkarian
Jean
évêque
Euksuzian
Sarkis
évêque
Koulighian,
etc.
[6]
Celui-ci,
à
cause
de
son
âge
très
avancé,
avait
donné
sa
démission
et
demeurait
dans
le
couvent,
et
il
vivait
encore
à
l'époque
où
j'écrivais
mon
livre
(1882).
[7]
Loche
ou
Lavache,
լօշ,
լաւաշ,
espèce
de
pain,
plat
et
mince.