Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Dans cette même région devait se trouver une autre place fortifiée, qui fut cause d'une inimitié de dix ans entre Léon et les Templiers, et par suite avec le Saint-siège: c'est le château de Gastime, (Gaston, Gast, Guast ou Guaston) selon les textes latins. Nous ne trouvons point ce nom en arménien et ne connaissons pas sa situation. Willebrand, qui arriva dans les possessions arméniennes du côté d'Alep, après avoir traversé le bourg fortifié de Hareng, au sud du lac d'Antioche, et en se dirigeant vers Alexandrette, parvint à Gastime. Il évalue à quatre milles la distance qui sépare ce dernier lieu d'Antioche; il entend probablement parler de milles allemands [1]. C'était selon lui un château très fort, muni d'une triple muraille et défendu par de fortes tours. Situé à l'extrémité des montagnes des Arméniens, il défendait l'entrée et la sortie du territoire et était depuis un temps assez long au pouvoir de leur roi [2]. Les Templiers, à tort ou à raison, en revendiquaient la possession.

Il fut bâti par les Grecs, en 1061. Durant la première Croisade, il tomba au pouvoir de Tancrède [3] ; je ne sais comment il passa à un autre possesseur; car en 1142, l'empereur Jean s'y arrêta avec son armée, le 15 septembre, exigeant le serment d'obéissance de Raymond, prince d'Antioche. Les Antiochéens s'y étant opposés, l'empereur se retira en ravageant les alentours et en pillant les couvents [4] . Melèh, oncle de Léon, occupa aussi ce château, puis les Arméniens ou les Antiochéens le passèrent aux Templiers [5] . Saladin s'en empara en même temps que de Baghras et de Tarbessag; mais après son départ, Foulques de Buillon [6] , cousin germain du roi Léon, le reprit et avec le consentement de ce dernier, en resta suzerain durant vingt ans. Les Sarrasins l'avaient quitté à la nouvelle de 1'approche de l'empereur Frédéric. Les Templiers le redemandèrent comme l'une de leurs anciennes possessions: Léon promit de le leur rendre après la solution de la querelle qu'il avait avec le prince de Tripoli, au sujet de la possession d'Antioche. N'ayant pu se mettre d'accord avec ce prince, il entra de vive force à Antioche, et choisit le patriarche comme arbitre. Les Templiers, qui avaient souvent joui des faveurs de Léon et s'étaient emparés de Tarbessag grâce à lui, se tournèrent pourtant contre notre roi, et après avoir battu ses soldats, hissèrent leur drapeau sur les murailles de la ville et appelèrent le sultan d'Alep à leur aide. Léon entra alors dans une grande colère: revenant sur ses pas, il attaqua et prit tous les châteaux et toutes les possessions des Chevaliers, et les chassa du territoire de son royaume. Incapables de résister par les armes, ceux-ci protestèrent auprès du Souverain-Pontife, Innocent III, de qui Léon avait reçu le drapeau de Saint Pierre.

Le pape exhorta Léon à rendre ces localités aux Chevaliers, comme biens intangibles d'un ordre religieux. Léon promit de les leur restituer s'ils consentaient à se désister de leur alliance avec les Antiochéens; il fit toutefois remarquer que ces lieux n'appartenaient plus aux Chevaliers, puisqu'ils les avaient perdus selon les lois de la guerre, et que ce n'étaient pas eux, mais bien son oncle Melèh qui les avaient délivrés des mains des Sarrasins. Les querelles et les froissements durèrent longtemps; il n'entre point dans notre plan de les raconter ici en détail; Léon eut à ce sujet une longue correspondance avec le Pape.

En 1207, lorsque les Antiochéens eurent accepté Roupin, comme prince de leur ville. Léon restitua ces châteaux aux Chevaliers; mais lorsque le comte de Tripoli eut repris Antioche, les Templiers se tournèrent de nouveau de son côté. Léon alors les rechassa de son royaume; cependant il ne parvint pas à les déloger de deux de leurs châteaux; il en dévasta les environs, brûlant les récoltes et soumettant à la torture tous ceux qui tombaient entre ses mains. En 1213, il se réconcilia avec eux, leur rendit leurs châteaux qui restèrent cette fois en leur pouvoir jusqu'à la grande invasion de Beïbars, en 1268: c'en fut fait alors de l'autorité des Latins, qui perdirent toutes les terres qu'ils avaient conquises dans cette région.

Quelques années après, les Tartares firent une grande incursion aux alentours de ce château, sans toutefois parvenir à s'en emparer, du moins la prise n'en est pas citée dans les chroniques.

Selon un chroniqueur français, une source remarquable jaillisait près de Gastime, Léon attira le Prince d'Antioche, dans un guet-apens, en 1193. L'ayant invité à un festin, il le conduisit à la forteresse et le fit jeter en prison avec tous les officiers de sa suite. Cependant, comme nous l'avons vu plus haut, d'après l'un de nos historiens, ce fait eut lieu dans le château de Baghras; le désaccord entre les deux chroniqueurs nous prouve le voisinage de ces deux châteaux.

Suivant un voyageur moderne [7] , le château de Gastime couronne un monticule et ne serait autre que le Château de Godefroy, à l'ouest de Beylan. Le même voyageur cite encore près de Beylan une belle source, jaillissant du fond d'un tombeau, à l'ombre d'un vieux caroubier, au pied d'une colline; l'eau se déverse dans un grand bassin, plein de roseaux et de poissons. C'est dans ce lieu qu'il dîna avec le gouverneur de Beylan, et il trouve que les environs présentent une grande analogie avec la description que l'historien des Croisés nous a laissée de Gastime.

L'un des châteaux les plus forts de cette contrée, était celui de Guinouk ou Keinouk, كينوك, selon les chroniqueurs arabes. On ne trouve cependant aucun nom analogue dans nos auteurs arméniens. D'après les descriptions qui nous en ont été laissées, ce château devait dominer l'un des défilés des Portes Syriennes, car la garnison arménienne avait l'habitude d'assaillir les caravanes et de dépouiller les Turcs. Léon II qui régnait alors, n'y regardait pas de trop près, et laissait faire. Souvent même les Arméniens revêtaient le costume des Tartares pour se livrer à ces razzias. Aussi en 1273, 1'émir d'Alep envoya-t-il le général Hussameddin-el-Aïntabi avec l'ordre de raser ce château, qui fut pris au mois de juillet, après un long siège, et ruiné de fond en comble. On en attribuait la construction à Seyf-ed-dœvlé, appelé aussi El-hadat El-hamra.

Dans les environs devait se trouver une ville que les Croisés nommaient Artasia ou Arthesia; ils la placent à dix milles au nord d'Antioche, à l'est du fleuve Oronte. Les habitants arméniens avaient été subjugués par les Sarrasins; à l'arrivée des premiers Croisés, du côté de Marache, ils massacrèrent leurs oppresseurs et ouvrirent leurs portes à l'armée chrétienne.

Un explorateur moderne indique dans ces montagnes, près de la mer, la vallée de Mesgidou, dans laquelle se trouvent la plupart des jardins et des campagnes des habitants de Beylan, et celle de Bekschidschik, probablement Bahdjédjik, à deux heures de Beylan. Cette vallée, arrosée par de nombreux cours d'eau, est bien ombragée par de grands arbres et d'innombrables espèces de fleurs, parmi lesquels notre botaniste, qui y passa en juin 1862, mentionne la Melissa altissima, le Neprodium pallidum, la Scutellaria albida, l'Althea digitata, la Scabiosa calocephala, le Convolvulus scammonea, l'Asperula  stricta, le Poterium glaucescens, ainsi que des peupliers, des cyprès et d'autres arbres du même genre.

A deux heures de , se trouve le village de Tchakal, et un peu plus loin le vallon d' Aridéré, à 3, 000 pieds d'altitude, on rencontre le petit village de Yapraclik, (Feuillé) près duquel on voit les ruines d'un aqueduc et d'autres édifices.

Plusieurs rivières descendent du versant occidental de la chaîne méridionale des monts Amanus, chaîne à laquelle les géographes et les cartes donnent différents noms: ainsi les uns l'appellent; Moussa, d'autres Kezel, d'autres encore Kesrig ou Elma. Dans les petites vallées formées par ces rivières on indique plusieurs villages, mais les géographes ne sont guère d'accord; nous citerons cependant quelques-uns de leurs noms, ainsi que ceux des cours d'eau.

La première et la plus grande de ces rivières est celle qui se trouve le plus au nord; on l'appelle Eau de Beylan. Dans la vallée, à quelques lieues au nord de ce dernier bourg, on trouve le village de Sakou, Sakoud ou Sakoub; à l'ouest, sur la rive droite, Kechela ; un peu plus en aval, près de la mer, Karakache; enfin au sud, sur la rive gauche, Kachemour; au bord de la mer, Beuyuk-déré, et encore plus au sud (peut-être aussi dans un autre vallon), Kara-kouchelou, Arab-tarassi? Choung. Près de l'embouchure d'une autre rivière, se trouve le village de Kesrig, qui tire son nom des montagnes et paraît être le même que Kisli, cité sur quelques cartes. A quelque distance de cette localité se trouve le village d' Akbar, à moins qu'il n'y ait erreur et qu'on ne doive l'appeler Akbache ou Akbase; autrement il y aurait deux Akbar, le premier se trouvant près d'Alexandrette, au pied des montagnes, une compagnie française acheta, en 1882, un vaste terrain, avec l'intention d'y conduire 60 Trappistes pour s'y occuper d'agriculture.


[1] Quelques-uns, entendent par ces milles un voyage de quatre jouis.

[2] «Hoc est castrum quoddam fortissimum, tres habens muros circa se fortissimos et turritos, situm in extremis montibus Hermeni æ, illius terr æ introitus et semitas diligenter observans, et possidetur a Rege illius terr æ, scilicet a Rege Hermeni æ ». - Willebrand.

[3] C'est ainsi que quelques-uns croient expliquer le passage l'auteur de la biographie de ce brave chevalier normand, dit que ce dernier avait traversé les passages difficiles qui se trouvent entre Alexandrette et Gastone: «Montes qui medij Alexandriolam Guastonumque oppidulam dirimunt, conscendit». Vita Tancredi, 144.

[4] Le Beau, Histoire de l'Empire d'Orient. XVI, 54.

[5] «Si Sarrasin qui tenaient le Chastel de Gaston, que Saladin avait pris aprez la prise dou roiaume de Jérusalem, l'abandonnerent. Fouques de Buillon, cosin germain dou devant dit Livon, entendi que li Sarrasin avoient guerpi le devant dit chastel, il entra dedens le chastel et le saisi et le tint XX ans»— Eracles, XXIV, 25. XXXI, 6.

[6] C'est ainsi qu'écrit un vieil historien des Croisades, et il est probable que ce nom est mis pour celui de Bouillon. Il aurait donc été parent de Geoffroi de Bouillon. Il n'est pas mentionné parmi les seigneurs français qui passèrent la mer; pour être cousin germain de Léon il devait  être fils de sa  tante, c'est- à-dire de la fille de Sempad, seigneur de Babéron.

Levonius de Biulum, l'un des Barons du roi Léon, dont la signature figure, à la suite d'autres, dans le chrysobulle donné en 1214, était peut-être aussi son parent.

[7] Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, etc.