Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Thoros de la Montaigne fu sire d'Ermenie, et moru sans heir, et escheut Ermenie au Melih son frère: lequel Melih ot deus fis, Rupin et Sanon [1]. Rupin esposa Isabeau, la fille Hanffroy dou Thoron, et orent deus filles, Aalis et Phelippe. Aalis esposa le prince Beimont et orent un fis qui ot nom Rupin, que l'on appelait le Prince Rupin, et esposa Helvis, la fille dou roy Emeri de Chipre si com est dit, et orent deus filles, Eschive et Marie. Eschive moru; Marie esposa Phelippe de Monfort, sire de Sur. Phelippe, l'autre fille Rupin de la Montaigne, esposa Pacre [2], et orent un fils Constans, qui moru.

Puis la mort de Rupin de la Montaigne, Livon son frère se saisit de la lerre et se fit coroner à roy, et fu le premier roy d'Ermenie et esposa Sebille, la fille dou roi Eimeri de Chipre et de la royne Isabeau, et orent une fille qui ot nom Isabeau. Après la mort du roy Livon, la dite Isabeau espousa Phelippe, le fis dou prince Borgne, lequel valut mout poi, et le tuerent li baron d'Armenie; puis esposa la royne Ysabeau d'Ermenie Heïton, le fis Constans, qui estoit conestable et bail d'Ermenie, et orent deus fis et cinq filles: Livon, Thoros, Sebille, Femie, Ritta, Isabeau, Marie. Sebille esposa le prince Beimont d'Antioche, Femie esposa Julien le sire de Saïette, Ritta esposa le sire de la Roche, Marie esposa Gui de Ibelin, Ysabeau moru, Thoros fu occis de Sarrasins.

Livon fu roy après la mort de son pere, et esposa Guiran, la fille au seignour dou Lambron, et orent sept fis et trois filles [3] : Heïton, Thoros, Semblat, Constans, Horses [4] , Rupin que il nomerent Alinah, Oïsim, Ysabeau, Ritta et Jefanon [5] .

Puis la mort du roy Livon, Heïton son fis ot la seignorie et ne se vost coroner, ains vesti abit de Menours, et dona la seignorie a Thoros son frere; puis li toli et la dona a Semblant, son autre frere et fu coroné du royaume d'Ermenie.

Thoros esposa Marguerite, la fille du roi Hugue de Chipre, et ot un fis, Livon; Isabeau esposa Amauri le fils du roy Hugue de Chipre, si com vous avez oy [6] ; Ritta esposa le fis de l'empereur de Constantinople; Jefanon morut.

Le dessusdit Semblat fit tuer Thoros son frere, puis Heïton le fit prendre, et dona la seignorie a Constans, son frere; puis fit il prendre Constans, et manda Semblat et Constans en Constantinople; morut Constans, et il donna la seignorie a Livon son neveu, qui fu fis Thoros et de Marguerite, la fille dou roy Hugue de Chypre, corne a esté dessus dit.

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Ochine, souche des Héthoumiens et premier seigneur de Lambroun, «qu'il fortifiait autant que possible, vivant en paix et sans épreuve dans ce château-fort inaccessible, devint l'ami des empereurs grecs et reçut d'eux la dignité de Sébaste et beaucoup de présents». Quel était au juste, à cette époque, l'état de la forteresse de Lambroun, je ne le sais pas positivement, mais nos historiens lorsqu'ils en parlent usent encore davantage des épithètes forte, inaccessible, imprenable; quelquefois même, ils disent une forteresse absolument imprenable. L'un d'eux en parlant du mont Armén ou Arméni, dit «qu'il se trouve à l'est de Lambroun, de cette forteresse inaccessible, bâtie sur l'un des premiers gradins du Taurus: de ce château-fort qui, enveloppé dans une grandeur majestueuse, du haut de la montagne domine la ville de Tarsus».

C'est bien en effet à l'est de Lambroun qu'il faut placer le mont Armén; la haute sommité qui s'élève au nord-ouest de la forteresse porte un nom turc qui, traduit en arménien, signifie à peu près «Croupe de bœuf».

Près de Lambroun se trouve un plateau d'une assez grande étendue, à une altitude de 1250 métres au-dessus du niveau de la mer. Il est recouvert de belles prairies, de pâturages et d'ombrage, et sert de résidence d'été aux habitants de Tarse et d'Adana. Ces deux dernières villes se trouvent à une distance de 12 à 16 heures de la forteresse, et le chemin est bordé d'arbres fruitiers. Les Turcs ont donné à la contrée qui s'étend entre la forteresse et la montagne de la «Groupe du bœuf», le nom de Ghiavour bahdjéssi (Jardin des infidèles). Cet espace est parsemé de plantations, de maisons de bois, et de cabanes pour ceux qui y demeurent pendant l'été. Peut-être les plantations furent-elles faites et ordonnées par les premiers seigneurs aisés du château, car on affirme même à présent, au dire d'un voyageur européen, qu'elles datent du temps des Croisés. On trouve aussi en cet endroit un petit lac. (p. 82  Vue des maisons d'été de Lambroun)

Au milieu de ce plateau s'élève à pic un rocher calcaire, taillé et poli comme un mur par la nature et par les hommes [7] . Ce n'est que du côté de l'ouest qu'on peut le gravir, par un escalier artificiel, très difficile, qui conduit au sommet, se dresse superbement la forteresse trois fois glorieuse, De son côté sud, elle regarde Tarse, la capitale; de l'est, la Cilicie Trachée, les Portes ou les Gorges de la Cilicie; enfin au nord et à l'ouest elle est protégée par les hauts remparts du Taurus, qui se dressent comme de formidables murailles. A ces pieds croissent en abondance, des cèdres, semblables à ceux du Liban, aux tons bruns et verts.

Les murailles épaisses sont encore debout en partie. On entre par cinq grandes portes à larges voûtes, sur lesquelles sont sculptées des figures de lions héraldiques portant sur la tête une couronne royale, et à leur côté on voit une croix travaillée par de menus ornements. En pénétrant dans la forteresse, on aperçoit les restes de tours carrées et d'un édifice oblong construit en belles pierres de taille, lequel est divisé dans sa longueur en trois compartiments. Les salles du château sont voûtées et les murs percés de fenêtres ogivales. Ce monument est purement arménien, ce que confirment les lettres arméniennes, gravés sur beaucoup de pierres entrées dans sa construction. Les tours sont percées de petites ouvertures circulaires communiquant entre elles; dans les embrasures de ces meurtrières, on voit les traces des feux qui ont servir probablement à faire des signaux, comme autrefois on avait l'habitude de les employer en stratégie. Une fort belle tour octogone, bien voûtée et recevant le jour par de petites fenêtres ménagées dans l'épaisseur des murailles, est au sud-est de la forteresse. La salle basse de cette tour était la chapelle du château.

Ces derniers détails nous viennent de V. Langlois qui a visité ces lieux en 1852-1853; mais ni lui, ni d'autres explorateurs n'ont mentionné aucune inscription mémorable, alors que nos princes, pendant trois siècles d'un règne glorieux, devraient en avoir laissé beaucoup. Peut-être en découvrira-t-on dans l'avenir, par des fouilles et des recherches plus minutieuses. Seule une grande croix, transportée de ce château à Tarse, datée de l'an 1297, porte sur son piédestal cette inscription:

«Aie pitié de ton serviteur, Grégoire, qui l'a construite. Amen».

Et aux angles: «Mon Dieu Seigneur J. C. 1297. Amen».

Et plus haut il semble que l'on ait ajouté plus tard: «Aie pitié de ton serviteur Jean Gaspar».

A défaut d'inscriptions, nous placerons ici quelques notes extraites des chroniques et des mémoires sur Lambroun. Ce château-fort ne s'est rendu qu'une seule et dernière fois; mais dans quelles conditions et à quelle époque? nous ne le savons pas; car la capitulation n'est indiquée que d'une façon très vague. Notre chroniqueur parlant des seigneurs de Lambroun, dit:

«Ochine eut pour successeur, son fils Héthoum, qui fut également honoré du titre de Sébaste par l'empereur Alexis. Après que les Latins, venus en Orient, eurent pris Jérusalem, la cité sainte, (1098-9), le Sébaste eut à soutenir plusieurs attaques de leur part pour défendre le château son patrimoine; mais avec l'aide de Dieu et du saint apôtre Pierre, il sortit victorieux de ces épreuves, s'enrichit et fut comblé d'honneur par Jean, roi des Grecs». Ce dernier est Jean Comnène, fils et successeur de l'empereur Alexis, qui occupa le trône de Byzance de 1118 à 1143. Comme le dit ce passage, dès l'arrivée des Croisés dans ces lieux, ils s'efforcèrent de ravir aux Grecs les châteaux et les terres qui leur appartenaient. Suivant leur exemple, les princes Roupiniens descendirent peu à peu du nord au sud. Les Héthoumiens et les autres seigneurs, vassaux des Grecs, eurent donc à lutter contre leurs compatriotes Arméniens et contre les étrangers. S'ils purent leur résister, ils le durent à l'excellente position de leurs forteresses de Lambroun, de Babéron, d'Asgourse, et d'autres. Si elles n'avaient pas été bien défendues par la nature et par leurs fortes murailles, ou si l'art de diriger les sièges avait été plus avancé, elles seraient tombées infalliblement au pouvoir des Latins et peut-être les Léoniens n'auraient-ils plus eu le bonheur de régner sur toute la Cilicie.

Le même mémoire, d'où nous avons tiré ces considérations, nous apprend que: «Héthoum avait de nobles fils et des filles qui parvinrent sous ses yeux à l'âge de puberté. Il maria quelques - uns de ses enfants avant sa mort, mais non son fils aîné Ochine qui ne se maria qu'après avoir succédé à son père. Héthoum laissa le château de Babéron à son second fils Sempad; il maria l'une de ses filles avec Basile, frère de Grégoire, Catholicos des Arméniens et petit fils de Grégoire Magistros de Betceni. Ochine, qui succéda à Héthoum, reçut également de l'empereur Manuel le titre de sébaste; il accumula des trésors et s'enrichit beaucoup». Basile parvint à lui faire épouser la fille de son frère Zoravar, la princesse Chahantoukhte. Ochine eut de cette princesse d'abord une fille (Marie), puis en 1151, un fils auquel il donna le nom de Héthoum, et en 1152, notre père spirituel», c'est-à-dire saint Nersès de Lambroun, et enfin trois autres fils Abirad, Chahenchah, Grégoire et deux autres filles, Talitha et Chouchan ou Suzanne.

La fidélité d'Ochine comme lige de l'empereur lui valu des richesses et des honneurs, mais aussi l'inimitié des Roupiniens. C'était alors le brave Thoros II qui gouvernait la Cilicie. Revenu de Constantinople, il avait partagé la captivité de son père, il reconquérait peu à peu tout le domaine de ses pères. Pour mieux résister au jeune envahisseur, Ochine s'allia aux Grecs. Les Nathanaël, ses parents, et d'autres seigneurs, imitèrent son exemple. Joints à 12, 000 cavaliers commandés par Andronic, ils vinrent assiéger Messis; mais ils furent vaincus par Thoros. Sempad, frère d'Ochine et Seigneur de Babéron, fut tué dans la bataille; Ochine, fait prisonnier, dut promettre 40, 000 pièces d'or pour sa rançon. Il en paya la moitié immédiatement, et comme garantie pour le reste de la somme, il donna, comme otage, son fils Héthoum, à peine âgé de deux ans.

L'enfant n'avait pas encore reçu le baptême; Thoros le fit baptiser et se chargea de son éducation. Sa figure éveillée, son intelligence plurent tant à Thoros qu'il lui donna sa fille en mariage avant même qu'il eût atteint l'âge de puberté, et le renvoya libre chez son père, estimant comme dot de sa fille les 20, 000 pièces d'or qui lui étaient encore dues.

Ochine entra encore plus d'une fois en lutte contre Thoros; mais je ne sais pour quels motifs; ce fut probablement à l'instigation de l'empereur Manuel qui excitait tous les princes d'alentour contre Thoros. Mais comme ce dernier était fort et puissant, et surtout très vaillant, Ochine ne s'avança jamais seul contre lui. Il s'allia plus d'une fois aux Turcs; même une fois il les conduisit jusqu'à Adana, s'empara de la ville et y fit un grand carnage. L'historien, qui du reste ne raconte pas tout, dit qu'on enleva 500 vierges. Thoros fut extrêmement irrité de cette action; il envahit le territoire de Lambroun (l'an 1165). «Il y eut une grande confusion et beaucoup de sang versé jusqu'à ce que le Catholicos Grégoire eut envoyé son frère Nersès-le-Gracieux, le sage et prudent archevêque, avec la mission de réconcilier les deux adversaires. Nersès obéit avec joie et accomplit avec succès sa difficile mission; il réussit si bien que depuis ce jour les deux princes restèrent unis d'un lien indissoluble». C'est Saint Nersès de Lambroun lui-même qui nous raconte ces faits. Enflammé de tendresse filiale, il accuse Thoros d'avoir été «parjure à sa promesse d'obéissance faite à l'empereur (1159); tandis qu'Ochine était resté fidèle au roi des Grecs». Après la réconciliation, «Ochine, accompagna le saint archevêque à sa résidence; il lui donna les marques du plus profond respect devant toute sa famille et ses amis les plus intimes; l'archevêque les bénit tous ainsi que le château et toute la province». Ochine était le neveu du saint archevêque par alliance. C'est pourquoi S. Nersès de Lambroun ajoute encore: «Il s'empressait amoureusement chez ses parents; car la fille de son frère était l'épouse légitime d'Ochine».

Quelques années après cette réconciliation nous n'avons pas la date exacte, mais ce dut être avant 1175) Ochine, «dans une vieillesse avancée, se reposait dans le Seigneur, entouré de ses frères et de ses enfants, après avoir désigné comme successeur son fils aîné Héthoum».

Ce dernier eut à peu près le même talent et le même savoir que son saint frère Nersès; l'historien l'appelle «un homme sage, savant et très lettré». Quelques-uns de ses ouvrages nous sont parvenus. Déjà leur père, Ochine lui-même, était lettré; comme témoignage de sa science littéraire nous avons un manuscrit de la vie de Saint Jean Chrysostome, traduite par le Catholicos Grégoire le Martyrophile.

Dans un manuscrit précieux [8] Héthoum porte le titre de Suprême Prince des princes. Il resta possesseur de Lambroun jusqu'aux premières années du XIII e siècle; sa domination fut accompagnée de divers événements politiques assez graves. D'abord après la mort de son beau-père Thoros-le-Grand, et probablement après la mort d'Ochine, «il se divorça et renvoya sa femme; ce qu'il n'eut jamais osé faire du vivant de Thoros. Cet acte irrita vivement Meléh (frère et successeur de Thoros), il vint assiéger Lambroun, et fit beaucoup souffrir, par son blocus, les habitants de la forteresse qui manquaient de vivres. Cela ne fit que rallumer la haine et les anciennes rancunes qui séparaient les Roupiniens et les Héthoumiens» [9] . Roupin II successeur de Meléh vint également assiéger Lambroun et l'inquiéta pendant trois ans sans toutefois parvenir à la prendre. Les Lambrouniens, ainsi que le raconte Vahram, gagnèrent sur ces entrefaites le prince d'Antioche; celui-ci les débarrassa de leur ennemi en s'emparant de sa personne par un stratagème déloyal. Mais ce fut alors Léon, frère de Roupin qui vint attaquer Lambroun pour venger cette trahison:

  «Léon son frère s'enflamma

Et avec ses soldats enhardis,

Tenant ses forces sur pied,

Il fit beaucoup souffrir Lambroun de la faim».

Durant les dernières années du règne de Roupin et au commencement de celui de son frère Léon, la paix régna entre les deux familles; elle dura vingt ans environ: aussi Héthoum avec ses frères et plusieurs autres seigneurs, vassaux de Babéron, assista au couronnement de Léon. Héthoum était un prince prudent et pacifique, comme l'atteste une notice renfermée dans un évangéliaire de l'an 1193, écrit sur l'ordre et aux frais de Saint Nersès, son frère.

Après la mort de ce dernier un acte de trahison vint de nouveau désunir les deux familles. Pour agrandir sa puissance, ou excité par une cause que nous ne connaissons pas, mais que l'historien Cyriaque appelle rébellion, Léon «pensa arracher (aux Héthoumiens) les ailes de leur orgueilleuse fierté. Il parla avec Héthoum de choses qui lui plurent: Je voudrais, lui dit-il, avoir avec toi des liens de parenté et d'affection plus étroites, et donner pour épouse à ton fils aîné Ochine, la fille de mon frère Roupin. Héthoum reçut avec joie cette proposition. Léon fit alors commencer les préparatifs du mariage à Tarse (1201). Héthoum y vint avec toute sa famille et de nombreux cadeaux. Léon alors s'empara traîtreusement de leurs personnes et envoya des troupes qui se rendirent maîtres de Lambroun, sans combat. Il jeta Héthoum en prison, mais il le délivra au bout de quelque temps et lui donna en compensation un grand nombre de villages et le combla d'honneurs; Héthoum de son côté, le servit fidèlement» [10] . Mais Léon, toujours soupçonneux, le fit rejeter en prison quelque temps plus tard. Héthoum, dégoûté du monde et d'honneurs qui mettaient sa vie dans des troubles continuels et dans une fatigue perpétuelle, y renonça de plein gré et prit dans la prison l'habit religieux. Son oncle le Catholicos Abirad, ayant appris ces faits, se rendit immédiatement vers le roi et l'exhorta à la réconciliation. Alors «le roi s'en alla en personne à la prison, à Vahga. , les deux princes se demandèrent mutuellement pardon. Le roi délivra son prisonnier et lui donna l'abbaye de Trazargue; Héthoum y resta jusqu'à la fin de sa vie. A sa prise d'habit, il changea son nom contre celui d'Elie [11] . Il mourut entre les années 1212 et 1218; car l'an 1210, Léon l'envoya en ambassade au pape Innocent III et à l'empereur Othon, afin de régler les affaires de sa succession et accroître l'éclat de sa couronne.

Durant son voyage, Héthoum, occupa ses loisirs à traduire du latin, une Chronologie des empereurs et des papes de Rome. Il resta auprès d'Othon un an et trois mois, comme il l'écrit lui-même: «J'y demeurai un an et trois mois; l'empereur nous renvoya à notre roi chargés de cadeaux. Il nous remit une couronne royale d'un très grand prix, garnie de pierres précieuses et de grandes perles. Nous l'avons portée à notre roi qui la reçut avec une grande joie, et s'en servit pour couronner Roupin, fils de sa nièce et de Raimond prince d'Antioche, l'an 1211 le 15 août, jour de l'Assomption de la Sainte-Vierge. Ce prince régna ainsi avec Léon sur les Arméniens par la grâce de Dieu».

Après que Léon se fut emparé de Lambroun, il fit serment, (si nous voulons prêter foi au récit de l'historien Cyriaque), de ne plus donner cette forteresse à aucun prince vassal; mais d'en faire l'apanage de la couronne; car, disait-il, les seigneurs de Lambroun se rebellèrent toujours à cause de l'excellence de ces fortifications. Léon garda donc la forteresse sous sa dépendance immédiate et y logea sa mère Ritha, la Dame des Dames». (p. 86. Fac-simile, tiré d'un manuscrit qui traite de Saint Jean Christostome, écrit pour Ochine le Sébaste)

Un des parents des seigneurs de Lambroun, le prêtre Nersès, neveu du grand Saint Nersès de Lambroun, écrit en gémissant: «A la quatrième année (1205) de la prise de son frère Héthoum, prince dévot et pieux, de toute sa famille, et de la spoliation de notre propre habitation, du château de Lambroun, des biens des religieux angéliques du couvent de Sghévra ... je n'ai plus d'autre consolation pour mon âme affligée et malheureuse que de copier le plus précieux des ouvrages de mon oncle, le Commentaire de la Messe et des prières». (p. 87. Fac-simile, tiré d'un évangile écrit pour Saint Nersès de Lambroun)

Après que Héthoum se fut retiré du monde, ses fils se partagèrent le patrimoine que Léon leur avait laissé; l'aîné Ochine, n'est pas mentionné dans ce partage; il est probable qu'il était mort prématurément. Constantin, second fils de Héthoum fut fait prisonnier en combattant contre le sultan d'Iconie (1217); mais il put racheter sa liberté et ce fut même Léon qui paya sa rançon. Après la mort de ce dernier, le grand prince Constantin, seigneur de Babéron; fut bailli et régent du royaume; pour avoir l'assistance et l'aide de Constantin fils de Héthoum, il lui donna la forteresse de Lambroun, patrimoine des Hethoumiens, et le désigna pour Couronneur de son fils (Héthoum I er roi des Arméniens). Mais Constantin, suivant l'habitude de ses pères, se révolta contre son neveu le roi Héthoum. Alors, le régent Constantin et son fils le roi Héthoum, travaillèrent beaucoup, mais en vain, pour le ramener à l'obéissance. Le prince révolté s'allia au sultan d'Iconium et persista dans sa rébellion. Mais lorsque ce dernier eut été défait par le roi des Tartares, Héthoum conquit tous les villages et tout le territoire de Lambroun, et il ne resta à Constantin que cette forteresse. Alors il envoya des messagers au roi pour lui demander la paix; il lui offrit de lui livrer ses enfants pour le service de sa cour, et ne posa pas d'autre condition que celle de rester dans sa forteresse. Le roi refusa ses propositions. Constantin envoya encore une seconde fois, puis une troisième fois des messagers; mais le roi et le régent persistèrent dans leur refus. Alors Constantin se rendit à Iconium et emmenant avec lui un renfort de soldats du sultan, il fondit sur les domaines du roi Héthoum, alors que les troupes de se dernier étaient rentrées dans leurs foyers. Il dévasta plusieurs villages, ravagea les campagnes, brûla, tua, fit esclaves ou massacra, pour se venger, un grand nombre de chrétiens. Héthoum rassembla ses soldats, marcha contre le rebelle, l'attaqua avec une grande bravoure et massacra presque toute son armée; Constantin put à peine échapper avec un petit nombre de ses hommes. Battu sept fois par le roi, il se retira dans sa forteresse et n'osa plus se hasarder ni à droite ni à gauche [12] .

C'était pour lui un grand honneur que d'avoir été couronneur du roi; aussi Constantin, mentionnait-il ce titre dans ses lettres officielles. Il nous reste une pièce d'un édit par lequel il donnait aux Hospitaliers le village et la forteresse de Govara, l'an 1233, forteresse qui devait être assez éloignée de Lambroun, dans la vallée du Tchahan; la signature de cet édit est en vieux français: «Constantin, seigneur de Lambruns et sers de Deus, et meteor de la couronne des Ermines ».

Nous savons que sous la suzeraineté du sultan, avant l'affranchissement complet de son royaume, Héthoum, lui fournissait un contingent de 300 archers; le seigneur de Lambroun de sa part en fournissait 29 dès que le sultan les lui demandait. Nous pourrions approximativement, en nous basant sur le rapport de ces nombres, conjecturer que le domaine et la force du roi des Arméniens surpassaient dix fois celle des seigneurs de Lambroun. Sous la conduite de ce même Constantin, les troupes du Sultan firent une incursion dans les terres du roi Héthoum. Ils descendirent, l'an 1245, des hauteurs qui avoisinent Babéron, et après avoir brûlé et ruiné les environs de Tarse, ils vinrent mettre le siège devant cette ville. Mais ils furent bientôt repoussés par les troupes du roi et de son frère Sempad. Une nouvelle incursion eut lieu l'année suivante, et eut la même issue. Ces différentes campagnes doivent faire partie probablement des sept incursions de Constantin, dont parle Cyriaque. En considérant toute cette inimitié de la part de Constantin, on dirait qu'il aspirait au trône des Arméniens; car on ne saurait croire que ce prince agissait par pure obéissance à l'empereur de Byzance. Bien que dans les environs de Lambroun, les Grecs proprement dits et les Arméno-Grecs selon le rit, fussent beaucoup plus nombreux que dans les autres parties du pays, l'empereur avait déjà abandonné, depuis longtemps, tout espoir de reconquérir la Cilicie.

Après avoir donné et reçu tant de coups et avoir été la cause de tant de sang versé, Constantin mourut «frappé par l'épée», l'an 1250, comme l'indique un chronologiste, sans en mentionner la cause. Cet événement n'est pas raconté non plus en détail dans l'histoire de la dynastie de Cilicie, d'où notre chroniqueur semble avoir puisé son récit. Constantin finit par tomber probablement dans les mains du bailli ou des partisans de ce dernier, et fut tué comme traître.

Après sa mort les hostilités cessèrent de part et d'autre. Héthoum IV (des seigneurs de Lambroun), frère de lait du roi des Arméniens, succéda à son père Constantin. L'une des filles de cet Héthoum, Ghir'-Anna, devint la femme de Léon, frère aîné de Héthoum I er de la dynastie des Roupiniens. Une autre fille du nom d'Alice, épousa Philippe Ibelin, sénéchal de Chypre.

Ce Héthoum avait encore un frère, Ochine, seigneur de la forteresse de Marniche et maréchal du royaume de l'Arménie, dès l'an 1277. Il mourut en 1294 et fut remplacé dans ses fonctions par son fils Héthoum. Après la mort de ce dernier en 1307, la charge de maréchal passa à son frère Sempad, seigneur de Pinag et d'Asgouras, qui mourut en 1314.

Quant à la mort de Héthoum IV, seigneur de Lambroun, elle n'est mentionnée nulle part; mais elle doit avoir précédé, celle de son frère Ochine; car il est dit dans une chronique contemporaine de ces événements, que l'an 1285, «le seigneur de la forteresse de Lambroun» était Héthoum II, fils aîné du roi Léon II, et, par sa mère, petit fils de Héthoum, seigneur de Lambroun. Ce dernier n'ayant pas eu d'enfants mâles, du moins l'histoire n'en mentionne aucun, Héthoum, le roi hérita peut-être tout à fait légitimement par droit de succession maternelle, de cette fameuse forteresse, qui devint ainsi l'apanage incontestable de la famille royale.

Vers cette époque, la sœur du roi Héthoum, Ghir Marie, comtesse de Joppé, qui était venue chez ses parents pour les consoler (1263), mourut à Lambroun et fut enterrée à Sghévra.

Au commencement de son règne, Héthoum II déposa le Catholicos Constantin Il et le garda en prison à Lambroun durant un certain temps. C'est dans cette même forteresse que fut emprisonné aussi, pour plus de quatre ans (1306-1310), Henri, roi de Chypre. Son frère Amaury était parvenu à le renverser du trône pour régner à sa place, aidé en cela par les Arméniens, avec lesquels il avait des liens de parenté: Amaury était en effet, le beau-frère d'Ochine et d'Alinac, ayant épousé leur sœur Zabloun.

Après Alinac, le dernier seigneur de Lambroun connu est le généralissime des Arméniens, Constantin, fils de l'historien Héthoum, seigneur de Coricos et cousin du roi Léon II, qui fut tué avec son frère Ochine l'an 1329, par ordre de Léon IV.

Ainsi en commençant par Ochine de Gantzagh, durant deux siècles et demi, nous ne trouvons que neuf seigneurs-gouverneurs de Lambroun. A partir de cette époque l'histoire se tait; nous ne trouvons plus aucun acte historique qui fasse mention de l'existence de ce château, ni de son abandon, ni de sa ruine. Il dut être délaissé vers le milieu du XIV e siècle, alors que les Egyptiens, les Turkomans et les Caramans, infestèrent le royaume de Léon, avant que le port d'Ayas eut été fermé et occupé par le sultan d'Egypte.

Ce n'est que par un acte de générosité d'une femme pieuse que nous venons en connaissance de ce fait. En effet elle a écrit sur la magnifique copie des Evangiles des Seigneurs de Lambroun ce qui suit: «Souvenez-vous de moi, Fimie, épouse de Vahram. Quand la Forteresse de Lambroun fut ravagée, cet Evangile fut emmené en esclavage à Ayas. Moi, Fimie, je l'ai acheté pour l'amour de Jésus-Christ».

Nous sommes heureux de posséder actuellement ce précieux monument sacré dont nous offrons ici une fidèle représentation en couleurs, en ajoutant une notice détaillée sur le plus célèbre de ses possesseurs, qui est:


[1] Lisez Livon.

[2] Lisez Lascre. C'est Théodore Lascaris, empereur de Nicée.

[3] Léon eut quinze enfants et non seulement dix; dans ce nombre on doit compter les jumeaux qu'il a eu trois fois, comme on pourrait voir dans la liste du tableau généalogique.

[4] Lisez Nersès.

[5] On devra lire Théfano.

[6] Les Lusignans, rois d'Arménie, descendent de ces derniers.

[7] Aucher Eloy qui, en 1834, vers le 15 du  mois d'avril, visita cet endroit, lui donne le nom de Nebrod, et dit: «Le village est situé sur un plateau élevé entouré de montagnes qui conservent la neige une partie de l'année: au milieu du village est un monticule que l'on dirait fait de main d'homme: au sommet, on voit de vieilles tours qui paraissent être du moyen âge. Ce point devait être important; car il paraît qu'autrefois c'était la seule route pour se rendre à Constantinople». Aucher Eloy. II e partie, p. 78.

[8] Ce manuscrit est un Evengile écrit pour l'église de Saint Sauveur du Couvent de Sghévra, et fut offert gracieusement à notre Couvent de Saint Lazare, par Nicolas Hovouviantz de Constantinople.

[9] Chronique de l'histoire abrégée des Roupiniens.

[10] Cela suivant l'histoire de Cyriaque, XXXI.

[11] D'après l'historien des Roupiniens.

[12] Cyriaq. Chapitre XXXVI. Le Croniqueur, suivant de Samuel d'Ani, écrit de ces faits en abrégé: «Constantin de  Lambroun se rebella du Roi Héthoum et se réfugiant auprès du Sultan Khiatadine, il enrola des soldats et entra dans la Cilicie; il fut vaincu.