Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  L'espace du territoire de la vallée à gauche, c'est-à-dire au sud et à l'ouest du Djahan, au nord du Golfe des Arméniens, à l'ouest des montagnes Amanus, a eu ses fastes dans notre histoire nationale, comme nous l'indiquent les noms des forteresses et des constructions, et l'histoire des nombreuses incursions des Egyptiens, qui s'en rendirent maîtres durant la dernière époque de la dynastie des rois arméniens. Jusqu'ici ce territoire a peu tenté l'esprit aventureux des explorateurs, aussi ne trouve-t-on que très peu de renseignements soit sur la configuration du sol, soit sur les bâtiments. La mention de l'étrange source thermale de Haroun, dont nous avons parlé dans la physiographie (p. 8), semble nous indiquer le siège d'intéressants phénomènes géologiques, que la proximité des montagnes Duldul confirment.

De nos jours on n'indique dans cette contrée que le ruisseau Ara, qui, descendant des montagnes Amanus, coule d'abord parallèlement au fleuve Djahan, dans la direction du sud, puis, tournant de l'est à l'ouest, se jette dans ce même fleuve, à quelques lieues de l'embouchure du Saouran. Il paraît que c'est le même ruisseau qu'on nomme Yalbouze, ou Yarbouze, du nom d'une bourgade située dans un défilé de l'Amanus, entre Osmanié et Islahié, et qui parcourt les gorges des montagnes Biléli et Dévricheli. Parmi les constructions on désigne les emplacements de cinq ou six villages sans nom, et deux champs de ruines.

Selon les annales de nos pères, ce territoire s'appelait thil, du moins en partie, à cause du grand bourg ou de la ville de ce nom, qui, conjointement avec le nom Hamdoun, s'appelle souvent Thil de Hamdoun, et plusieurs fois séparément Thil ou Hamdoun, tant pour signifier le bourg que le district, qui probablement s'étendait au nord-ouest jusqu'aux confins d'Anazarbe. Dans ce même-district de Thil étaient comprises, outre Hamdoun, la célèbre forteresse de Hamousse, la ville de Haroun, et vers le sud, la forteresse bien remarquable de Saravani-kar. Il faut aussi ajouter au nombre des forteresses, les châteaux de Govara et de Nédjmié, Nédjim ou Noudjey; mais ce dernier n'est mentionné que par les historiens arabes, peut-être par corruption d'un nom arménien; cependant son emplacement est sans aucun doute dans ces lieux. A part les susdites forteresses, l'édit de Héthoum en mentionne encore d'autres dans le district de Haroun: ce sont, selon le texte latin, Lalyan, Mautrig, Sève-averag-pert (ruine noire); chacune d'elles, comme nous le verrons peu après, avait sous sa dépendance, des villages, des couvents et des stations.

Les historiens témoignent que les Egyptiens se rendirent maîtres de quinze forteresse de la région du Djahan, soit par la force, soit par contrat avec les Arméniens: les plus remarquables étaient Haroun et Hamdoun, qui avaient de vastes terrains habités. L'un des derniers explorateurs, Davis, mentionne une forteresse ruinée appelée Keupek-kalé (fort du chien) près du passage étroit de Dévricheli, sur un rocher à précipice, à la hauteur de quatre ou cinq cents pieds [1] .

Le fort de Hamdoun semble avoir eu la suprématie sur tous les autres de cette région, et il est cité dans notre histoire avant les autres. Le mot Thil indique qu'il était bâti sur une colline, ayant le hameau à ses pieds, près d'une petite rivière, non loin du Djahan, حمدون -تل. Ce fut le prince Thoros qui pour la première fois parmi les Arméniens, s'empara de Thil, l'an 1151; peut-être est-ce dans cette même campagne qu'il fit prisonnier le duc Thomas, et qu'il battit, près de Messis, Andronic, l'autre duc et gouverneur de la Cilicie, accouru au secours du premier. Quelques années après, se trouvant dans l'incapacité de délivrer Thil des mains de Thoros, l'empereur Manuel excita Massoud, sultan d'Iconium, contre notre prince. Le sultan organisa deux expéditions; ses soldats, arrivant battus et couverts de confusion du côté d'Antioche, l'an 1154, voulurent profiter de l'absence de Thoros et traverser la frontière; mais «une maladie, qu'ils appellent dabakh, sévit sur leurs chevaux et en fit périr la plus grande partie. A la vue de ce désastre, les officiers turcs prirent la fuite; un grand nombre coupèrent les jarrets des chevaux et des mulets, jetèrent leurs armes pour se sauver plus rapidement, et, traversant des vallées boisées et des lieux impraticables, ils s'égarèrent. Dès que Thoros fut de retour avec ses hommes, ils virent le service inattendu que le Tout-Puissant leur avait rendu, en inspirant la terreur à leurs ennemis et les mettant en fuite, sans qu'ils eussent eu besoin de recourir aux armes ou au combat corps à corps; et ils en remercièrent Dieu».

Cependant l'année suivante, (1155) le sultan Massoud vint en personne à la tête de ses troupes et «attaqua Thil de Hamdoun... Par une dérogation à l'état habituel de l'atmosphère, dans le mois de juin, des ténèbres épaisses se répandirent: les nuages comme des montagnes, s'entrechoquaient avec des éclats de tonnerre, des éclairs enflammés embrasaient toute la voûte céleste, et un vent plus violent que jamais, déracinait même les arbres. Effrayés par ce spectacle de terreur, tous se pressaient éperdus dans l'église. Enfin le Seigneur eut pitié de ses créatures; au bout de trois jours il arrêta ce fléau. Pour la seconde fois le sultan Massoud s'en retourna chez lui ignominieusement» [2] .

Trente ans après (1185), Roupin II, le neveu du courageux Thoros, fut pris traîtreusement par le prince d'Antioche, et il fut obligé de céder pour sa rançon Thil et d'autres lieux. Peu de temps après, cette place tomba de nouveau sous la puissance de son frère Léon I er. Le seigneur du lieu s'appelait alors Robert (1198), il eut peut-être pour successeurs son fils Josselin, chambellan des Arméniens; celui-ci, en 1218, fut envoyé par Léon en Hongrie, en compagnie du roi des Hongrois André, afin de ramener en Cilicie le fils de ce dernier, à qui on voulait faire épouser Zabel, jeune fille de Léon; mais cela ne réussit pas. Quelques années auparavant (1212), Willebrand, à son retour de Sis et d'Amouda passa par Thil qu'il appelle Thila, forteresse très forte [3] , dont il attribue la propriété à une personne de la noblesse. Il raconte encore naïvement au sujet d'une montagne située près de Thil et nommée Montagne de la Fortune [4] , que si quelqu'un passe pendant six semaines de suite dans le jeûne et dans les mortifications, et après avoir communié s'approche de cette montagne, il y trouve la fortune sans faute, comme cela s'est réalisé pour plusieurs. Parmi ces fortunés, il a vu de ses propres yeux un soldat d'Antioche, qui, après avoir accompli les cérémonies prescrites, y avait trouvé une serviette (quoddam manutergæum), qui lui fournissait tout ce qui pouvait être nécessaire pour sa famille et ses hôtes; et il ajoute: Que nous serions heureux si une telle merveille venait encore aujourd'hui à l'aide des indigents! «Utinam etiam hujusmodi minister hodie vitæ succurreret indigentiæ»!

Aboulféda, l'historien arabe, affirme que Thil n'est pas seulement un château, mais encore une ville pleine de jardins. C'est que fut pris Philippe d'Antioche, époux de Zabel (1225), et il y mourut en prison. Héthoum I er, son héritier fortuné et digne époux de Zabel, célébra dans cette même ville, avec grande solennité, la fête de l'Epiphanie (1265), pendant qu'il y avait assemblé les notabilités et un grand nombre de soldats, afin de porter secours au général tartare, à Bir, vers les bords de l'Euphrate. Cette solennité fut, sinon pour Héthoum, du moins pour Thil, la dernière fête de sa magnificence et de sa gloire. L'année suivante, lorsque la fortune du roi commença à décliner, et que son fils héritier eut été fait prisonnier, et l'autre tué, il se vit obligé d'abandonner au vainqueur la ville de Thil avec d'autres, afin de délivrer son aîné Léon (II), et d'assurer de la sorte les frontières de son pays.

Son fils, puis ses petits fils, reprirent plusieurs fois aux Egyptiens la ville de Thil avec ses environs; plusieurs fois de même ces derniers disputèrent ces lieux aux Arméniens et s'en emparèrent, comme dans les années 1273-75, 1278. Durant le règne de Sempad, l'an 1294, les Egyptiens firent une grande incursion, dit le chroniqueur, et s'emparèrent, avec Thil, de la moitié de la Cilicie. Dans le traité de paix de Boundoukhedar avec Héthoum, on voit aussi que plus d'une fois les Egyptiens avaient prétendu occuper le côté oriental de la Cilicie jusqu'au fleuve Djahan, et qu'ils le conservèrent de 1294 jusqu'à 1300. Ce fut alors que Khazan khan, marcha contre le sultan; le gouverneur de cette région était à cette époque Hassan-Timour-Gurdji, qui, selon les historiens arabes, s'enfuit à Damas, en compagnie du prince des Arméniens. Après la grande bataille de Hémes et la défaite des Egyptiens, les Arméniens se rendirent de nouveau maîtres de Thil de Hamdoun et des districts qui en dépendaient. Mais quand les Tartars cessèrent de se faire craindre, les Egyptiens se hâtèrent de tirer vengeance. D'abord ils n'eurent pas de succès (1302); la seconde fois (1304) ils assiégèrent la forteresse, s'étaient abrités plusieurs fugitifs du voisinage; ceux-ci furent enfin obligés de capituler (le 17 juin); parmi eux se trouvaient six princes, seigneurs de forteresses. Le roi des Arméniens ne voulut pas se porter garant, disent les historiens arabes, pour des princes qui avaient violé sciemment les traités et cessé de payer le tribut: alors le général qui était le gouverneur d'Alep, les fit décapiter, à l'exception de Romanus ou Roumag qui se fit mahométan; il était le maître du fort Hamia, peut-être Hamousse ou Nédjime. Mais quelque temps après, les Arméniens s'emparèrent de nouveau de Thil, et les Egyptiens marchèrent contre cette ville l'an 1320, année mourut le roi Ochine; cependant la reprise du château n'est pas mentionnée. A Ochine succéda Léon IV qui fit un traité de paix pour 15 ans; il est probable que dans cette circonstance les Egyptiens exigèrent entre autres le district de Thil qui leur fut cédé. Dans un autre traité de l'an 1337, il est dit clairement que le même Léon laissa aux Egyptiens ce côté du fleuve Djahan, avec cinq forteresses, y compris Ayas; cette fois-ci encore le nom de Thil est omis, et même depuis ce temps son nom n'est plus mentionné dans notre histoire. Cependant après l'extinction même du royaume des Arméniens, ce lieu garda une certaine importance; car un géographe turc du XVII e siècle parle du château et des fortifications de Thil et de ses jardins.


[1] At about the middle of the Pass, on a rock with precipitous sides from 400 to 500 feet high, and cut off by deep gorges from the surrounding heights, was a ruined fort, Keupèk-kalesi (Dog-castle), perhaps one of the many robber holds destroyed by the governement troops a few years ago. Davis, 84.

[2] Paroles de l'historien de la Cilicie. Mathieu d'Edesse aussi rapporte, que le 27 mai de la même année, 604 de l'ère des Arméniens, il tomba une grêle terrible, et le 5 ou le 7 juin, eut lieu une extrême obscurité ténébreuse... et par le choc des nuages l'un contre l'autre et le bruit du tonnerre, on croyait entendre le fracas de deux montagnes dures comme des diamants, qui se frappaient l'une contre l'autre, et l'éclat de la foudre silonnait la voûte céleste. Il n'y avait pas d'endroit sur le ciel l'on ne remarquât des éclairs mêlés au vent. Personne n'osait porter ses yeux aux terribles commotions qui avaient lieu sans interruption.

[3] Venimus ad Thilam, quod est castrum bonum cujusdam nobilis. Willbrand.

[4] Quidam mons satis amænus, quem montera de Aventuris appellant. Id.