Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Au fond du golfe que forme la Méditerranée dans sa partie orientale, à la jonction des terres habitées par deux grandes familles des peuples, les Sémites et les Japhétites, se trouve la contrée qui a été ensuite le théâtre de l'autonomie arménienne. Elle était bien connue dans les premiers temps, comme toutes les provinces de l'Asie Mineure, particulièrement à cause de sa position par rapport aux races primitives; elle est comme la ligne de démarcation des états de ces deux familles susdites et même de la troisième, celle de Cham, se trouvant non loin de l'Egypte. Il n'y a pas de doute que ce pays ait eu des relations civiles et commerciales avec ces divers peuples limitrophes.

La Cilicie est citée par les Livres saints des Juifs, de même que par les auteurs grecs les plus anciens: cependant les savants diffèrent dans leurs assertions et ne sont pas d'accord sur l'origine de la tribu autochtone et sur le nom de la contrée. Dans les poèmes homériques les Ciliciens ( Κίλιχες ) ont leur part, mais le poète les place non dans la Cilicie actuelle de l'Asie Mineure, mais dans la Myssie aux environs de Troie; cela fait croire qu'une colonie serait sortie de et qu'elle fût établie sur le rivage de la Méditerranée.

Mais d'autres croient, selon la fable, que le premier habitant fut un certain Cilice ou Cilix, fils du héros Agénor, roi de Phrygie et frère de Cadmus et de Phénix.

Laissant de côté les fabuleuses inventions grecques, les savants contemporains trouvent l'origine de ce nom dans le mot hébreux khilkim, signifiant pierre, dénomination tirée de la constitution calcaire de cette région; d'autres le font venir du mot khalék, signifiant et pierre et partie de butin. Cette dernière hypothèse pourrait bien s'accorder avec les habitudes et les occupations du peuple cilicien, célèbre par ses pillages, ses brigandages et surtout ses irruptions qui datent des temps les plus reculés, et qui pour cela était compté parmi les peuples les plus barbares. Un vieil auteur grec a dit qu'il y avait trois peuples grossiers dont le nom commence par K; les Cappadociens, les Crétois et les Ciliciens: « Καλλάδοχος, Κρήτις, Κίλιχες, τρια χα ̀ ππα χάχιατα ». Quoi qu'il en soit, nous trouvons gravé sur les monnaies des gouverneurs perses de la Cilicie durant le règne des Akémènides, le nom grec ΚΙΛΙΚΙΟΝ, et les savants croient lire dans les inscriptions cunéiformes le mot Kilacou. Dans le grec on trouve aussi le mot Κάλιξ ou Κάλιχα du même son et de même signification que l'hébreu; en outre, comme nous avons vu, le nom ordinaire de la partie occidentale du terrain signifie pierreux. Quelques uns enfin supposent que ce nom ordinaire dérive du grec Κίλιξ qui veut dire buffle; il est vrai que ces animaux sont très nombreux dans le pays, comme l'a remarqué le docteur Thomas; on sait que la ville de Tarsus, capitale de la Cilicie, avait pour symbole sur ses armoiries et ses monnaies un taureau.

La première de toutes ces hypothèses paraît la plus convenable à cause de la structure pierreuse de la région. De plus, cette étymologie hébraïque est préférable; puisque les savants affirment maintenant que le peuple cilicien est d'origine sémitique, mais qu'ensuite les habitants se sont confondus avec les populations japhétiques limitrophes; l'expression hébraïque ne donne pas une explication à double sens comme le mot grec. Chez les Latins même le caillou est appelé silex. Comme certains cailloux frottés avec une autre substance de plus grande résistance produisent du feu, les Grecs ont dit que Pyrodes, fils de la Cilicie, obtint du feu en frottant deux cailloux ensemble.

Ce peuple n'avait, à l'origine, aucune relation de race avec les Arméniens, mais bien des rapports de commerce à cause de leur voisinage. Hérodote affirme deux ou trois fois que les Ciliciens et les Arméniens sont limitrophes, ayant seulement le fleuve Euphrate pour ligne de démarcation. Ce père des historiens cite une chose étrange; il dit encore qu'avant la venue des Ciliciens le peuple qui habitait ce pays s'appelait Hypachéen [1] , Υπαχαιοι ̀.

Quoique l'histoire ancienne de la Cilicie ne soit pas connue avant la domination des Assyriens, et qu'elle soit aussi peu certaine quant au fait qu'elle fût subjuguée par des Amazones, on peut affirmer sans crainte que les peuples de ce pays n'étaient ni si rudes, ni si barbares que l'ont voulu les historiens anciens. En effet la situation de cette contrée, la mer qui baigne sa frontière méridionale et la met en communication avec beaucoup d'autres peuples de la Méditerranée, les Portes des montagnes qui sont des débouchés vers l'orient et l'occident, tout cela a faire de ce pays l'un des coins les plus cultivés de l'Asie Mineure. Le grand concours des différents peuples par terre, et son commerce par mer, la firent regarder comme le modèle et la mère de la célèbre Tyr. Tarsus était son port de trafic; elle jouissait de la renommée d'être la première parmi toutes celles qui se livraient au commerce; ainsi que, comme on a dit, tout navire qui servait au transport de marchandises était nommé Vaisseau de Tarsus. Plusieurs personnes savantes croient que la ville de Tarsus, dont il est parlé dans les livres saints, aux temps de Salomon et des rois de Judée, se trouvait en Espagne, ou sur les côtes de l'Arabie, ou de l'Afrique; mais elles admettent en même temps le progrès et le commerce de Tarsus cilicienne et interprètent dans le même sens la parole du Psaume XLVII, 7. «In spiritu vehementi conteres naves Tharsis».

L'époque de la domination des Assyriens sur la Cilicie reste inconnue, cependant on la fait remonter à mille ans avant J. C, car il est incontestable que Sardanapale, vivant au IX e siècle avant Jésus-Christ, habitait dans les environs de Tarsus.

L'histoire sainte et divers historiens étrangers, rappellent la conquête de la Cilicie et les exploits qui rendirent célèbres les derniers rois d'Assyrie, tels que Salmanasar, Sennachérib et Nabuchodonosor. Dans le livre de Judith il est dit que le général Holopherne «vint vers les grandes montagnes situées à gauche de la Cilicie supérieure et occupa entièrement cette contrée jusqu'aux frontières de Japhet» [2] . Cela montre clairement qu'il passa les deux portes d'Amanus et de Cilicie et s'avança jusque dans la Lydie. Ce qui précède fait croire à quelques auteurs, que parmi les nations subjuguées ou vassales, il y en avait, comme la nation arménienne, qui se révoltaient souvent contre les empereurs de Ninive, auxquels succédèrent les Babyloniens et les Persans. Durant la domination de ces derniers, les Ciliciens avaient leurs propres rois autonomes cités souvent sous le nom de Syennesis [3] , qui paraît être la dénomination du règne ou une marque d'honneur et non pas un nom de personne. Darius, fils d'Hysdaspe, selon les nouvelles divisions territoriales des provinces, plaça la Cilicie dans le quatrième rang, en l'obligeant à payer cinq cents talents d'argent et à fournir 360 chevaux.

Quand il entreprit son expédition en Grèce, ses généraux, Datis et Artafernés, se rendirent dans les plaines d'Alayé, levèrent des recrues, formèrent dans Mallus une escadrille de six cents trirèmes, et embarquant toutes les troupes et les chevaux, se dirigèrent vers l'Jonie.

De même, Xerxès (484 av. J. C. ) prit aux Ciliciens cent bateaux et une troupe de soldats; ceux-ci portaient des casques d'une autre forme que les siens, de petits boucliers de peaux d'animaux, des casaques de laine et ils étaient armés de deux lances et d'une épée. Durant le règne d'Artaxerxés-Longuemain, il est célèbre dans l'histoire, la révolte de son frère Cyrus le Jeune. Ce prince, passant les Portes de la Cilicie, vint à Tarsus, obligeant le satrape de ce pays à lui fournir l'argent pour les besoins de son armée; ce dernier lui donna même une troupe de soldats pour venir en aide aux insurgés et aux Grecs contre les Perses; mais ces derniers furent vainqueurs; ils subjuguèrent alors toute la Cilicie.

Dans les annales historiques, aussi le passage d'Alexandre le Grand par les Portes de Cilicie (333 a. J. C. ) est demeuré célèbre. Ce prince repoussa les soldats de la garde persane, et sauva la ville de Tarsus du pillage et de l'incendie. Les Perses voulaient en effet se venger de la révolte des Ciliciens et de leur alliance avec les Grecs. G'est dans cette ville qu'en prenant un bain dans le fleuve Cydnus, Alexandre fut pris subitement d'un frisson qui mit sa vie en danger. A peine guéri, ce grand conquérant s'avança jusqu'à Issus, il rencontra Darius, et après une bataille décisive, l'empire d'Asie passa sous les mains du puissant Macédonien.

Après la mort d'Alexandre, la Cilicie tomba tour à tour au pouvoir de Philotas, Philoxène et Plistarque, qui étaient les lieutenants généraux d'Antigone, l'un des principaux capitaines grecs. Ce dernier à peine mort, la Cilicie tomba au pouvoir des Séleucides, dont le royaume avait été fondé par Nicanor Séleucus. Ceux-ci fondèrent des villes auxquelles ils donnèrent des noms grecs, entre autres, Séleucie, Antioche, Epiphanie: introduisirent et répandirent la langue et la religion attiques. Durant le règne du petit fils de Nicanor, Antiochus Théos, les Ptolémées d'Egypte s'emparèrent de la Cilicie (245 av. J. C. ) et l'occupèrent jusqu'au temps elle fut délivrée par Antiochus le Grand (233 av. J. C), qui la peupla, comme les autres parties de l'Asie Mineure, de colonies juives. C'est de l'une de ces colonies que naquit l'apôtre des Gentils, saint Paul.

Pendant le règne d'Antiochus Epiphane, le pays se révolta, mais l'ordre fut en peu de temps rétabli: il y eut encore une sédition durant le règne d'Antiochus, fils de Démètre, provoquée par Triphon qui fut tué en défendant la forteresse dans laquelle il s'était enfermé. Quelque temps après, un conquérant plus puissant, Rome, s'empara de cette contrée; laquelle, en 103 av. J. C., fut déclarée province de l'empire romain; comme aussi après au temps de Sylla, en 92 av. J. C. Mais le fameux Mithridate roi de Pont, aidé par le célèbre Tigrane d'Arménie, (qui avait été élu roi par les Syriens et qui étendit son pouvoir sur la Cilicie), révolta le pays (69 a. J. C. ). Tigran ayant détruit la ville maritime de Solis, conduisit les habitants dans sa capitale, Tigranocerte. Pendant que les alliés combattaient les Romains, les Ciliciens se révoltèrent et par leur piraterie firent beaucoup souffrir les navigateurs; jusqu'à ce que le grand Pompée, obligé de marcher contre eux, à la tête de 120, 000 hommes et d'une flotte de 500 bateaux, les battit, dispersa ou anéantit leurs innombrables navires, et tranquillisa ainsi tout le pays [4] .

C'est alors qu'il rebâtit la ville de Solis, l'appela Pompéiopolis, et y laissa comme gouverneur son lieutenant Longinus Cassius. Sur ces entrefaites, la Cilicie fut déclarée province de Rome qui la divisa d'abord en Cilicie Pierreuse et en Cilicie Plane. A ces deux divisions on ajouta l'Isaurie, la Pamphylie, la Pisidie et la Lycaonie. Les gouverneurs étaient des proconsuls qui se succédaient tous les ans: parmi ces gouverneurs on remarque Cornelius Lentullus, Appius Claudius Pulcher, et le célèbre orateur Tullius Cicéron, (48-47 avant J. C. ) [5] . Ce dernier, partit du Latium avec 12, 000 guerriers et plus de 2600 cavaliers, débarqua à Tarsus; et, avec plus de prudence que d'adresse et de courage, soumit les brigands qui infestaient les Monts Amanus: il rasa quelques forteresses qu'il cite, mais dont les noms nous ont échappés et sont inconnus de nos jours.

De , lui même le dit, il se dirigea vers Pindenissus, qu'on suppose être maintenant la ville de Sis ou Kara-Sis, dans la patrie des Ciliciens libres, Eleuthero-cilicum: car ce peuple était libre jusqu'alors. Il assiégea cette ville qui résista deux mois et finit par tomber entre ses mains. Durant la guerre civile entre Pompée et César, les Ciliciens se déclarèrent partisans du premier; mais César vainqueur à Pharsale, enrôla les Ciliciens pour refournir son armée.

Après la chute de Pompée, les gouverneurs des provinces ciliciennes furent nommés par les Romains; ces gouverneurs avaient sous leur autorité les rois de Cilicie et des provinces limitrophes des Monts Amanus. A cette époque Tarcondimus I er était souverain de ces pays; il eut pour successeur Philopator l er, Tarcondimus II, et Philopator II, qui mourut vers l'an 16 ou 17 de l'ère chrétienne. (p. 35 Monnaie de Tarcondimus II)

Lorsque l'empire fut divisé, la Cilicie échut à Antoine, (41 av. J. C. ) qui en offrit une partie (36 av. J. C. ) à Amyndès, roi de Galatie, et l'autre part à Cléopâtre, son amante et à son fils Ptolémée. Peu de temps après, les adversaires d'Antoine s'introduisirent dans la Cilicie sous la direction de Labienus qui fut défait, ainsi que ses partisans, par Venditius, substitut d'Antoine; les Arméniens et les Parthes conduits par Barzaphran Rechedouni, eurent le même sort. Celui-ci avait fortifié les passages et les défilés, par devaient passer les légions romaines, par des forteresses et des barricades; mais les ennemis renversèrent tout, battirent complétement l'armée orientale qui se dispersa; Barzaphran fut tué dans la mêlée. A l'avénement d'Auguste (30 av. J. C. ), le roi Tarcondimus II fut destitué comme partisan d'Antoine et remplacé par Philopator II. Le territoire de cette province fut déclaré partie de la Présidence de la Syrie. Il fut gouverné ainsi par ses rois particuliers, jusqu'à l'empereur Vespasien, qui abolit le pouvoir indigène et annexa cette province à l'empire romain.

Pendant que ces guerres se faisaient, que ces révoltes étaient réprimées, la ville de Tarsus, sagement gouvernée et bien dirigée dans la voie du progrès, brillait par l'éloquence disciplinée de ses orateurs et par ses philosophes. Il n'est pas improbable du reste, que Saül n'y puisa ses premières notions, qui, avec la grâce du Saint-Esprit, en firent plus tard le sage et prudent Apôtre Paul.

Au point de vue politique cependant il y avait souvent des révoltes et des questions épineuses entre les indigènes et les Romains: ainsi, l'an 36 de notre ère, les montagnards de la Cilicie se révoltèrent et s'enfermèrent en se fortifiant dans Cadra et Dauara; mais Marc Tribellius arriva de Syrie à la tête d'une légion de quatre mille combattants, assiégea les rebelles et par son blocus les contraignit à se rendre, faute de vivres. Une seconde fois (en 52) la rébellion éclata plus menaçante. Les insurgés sous la conduite de Trosophore, se fortifièrent sur les montagnes inaccessibles; souvent ils descendaient dans la plaine en commettant toutes sortes de rapines et de dévastations, détruisant les moissons et les cultures; ils arrivèrent même à battre l'armée romaine. Antiochus, alors roi de Cilicie, parvint à saisir par ruse Trosophore qui fut condamné à mort, ce qui mit fin à l'insurrection. Au roi Antiochus succéda Polémon qui se maria avec Bérénice, veuve d'Hérode, devant lequel fut jugé l'apôtre Saint Paul. Il se convertit à la religion de cette femme, mais une fois que celle-ci l'eut abandonné, il retourna au culte des idoles.

Sous la domination romaine, la Cilicie goûta assez longtemps un certain repos qui dura jusqu'à l'année 117, année l'empereur Trajan, de retour d'une expédition contre les Arméniens et les Parthes, mourut dans la ville de Sélinounte. C'est à la mort de ce prince que cette ville changea son nom contre celui de Trajanopolis. Son successeur, l'empereur Adrien, dans la visite qu'il fit dans les provinces de l'empire, aura probablement passé dans la Cilicie, car on trouve des monnaies et des inscriptions des différentes villes qui les lui ont offertes. Vers la fin du II e siècle, l'année 194, l'empereur Sévère battit et défit dans un grand combat l'armée de Niger, son adversaire, le tua avec vingt mille de ses guerriers, dans la plaine renommée d'Issus, beaucoup de sanglantes et de terribles batailles furent livrées, avant et après celle que nous venons de nommer, et même par les Arméniens comme nous le verrons dans la suite. Profitant des circonstances et des troubles qui semaient la discorde parmi les empereurs de Rome, après la seconde moitié du III e siècle, Sapor I er, roi de Perse, envahit la Cilicie et conduisit plusieurs de ces habitants comme esclaves dans son royaume. Après lui, Odénath, roi de Palmyre, et sa femme, la célèbre Zénobie, s'érigèrent en maîtres du pays pour quelque temps; mais survint l'empereur Aurélien qui battit les usurpateurs et conquit le pays en 275. Quelques années après, l'empereur Probe chassa Florien de la Cilicie et fit son entrée triomphale dans Tarsus. Pendant les dernières années de l'empereur Dioclétien, ses deux collègues dans l'autorité impériale, Maximien et Licinien se disputèrent le pouvoir et finirent par recourir aux armes qui favorisèrent le dernier. Durant la domination de ces deux tyrans beaucoup de chrétiens de la Cilicie furent persécutés par les cruels gouverneurs, et nombre d'entre eux obtinrent la palme du martyre: ainsi Claude, et les deux frères Aster et Névon, en 285; Vonipace, le procureur de la dame Aglaë, en 307; Zénob, évêque d'Ayas et sa sœur en 303; Tatien Toulas de Zéphyrium et les martyrs Taracossiers en 307; le gouverneur du pays était alors Térentius Ciliciarches. La religion chrétienne s'était introduite du temps même des apôtres et avait pris de profondes racines dans la Cilicie. Beaucoup d'églises s'y étaient fondées, ayant chacune un évêque à leur tête; il s'était formé ainsi une province ecclésiastique comptant de nombreux érudits et savants; même aussi on y trouvait des sectaires, tels que Diodore de Tarsus et son disciple le célèbre Théodore de Mopsueste, qui entretenait des relations avec les Arméniens illustres de son temps. Cependant, les erreurs dont il était imbu amenèrent la rupture de ces relations, et il fut réfuté par notre patriarche S. Isaac.

Outre l'institution des églises et la foi confessée par les martyrs, les solitudes des montagnes du pays furent des asiles sûrs pour les anachorètes. «Nous voyons partout, écrivait saint Nersès de Lamproun, dans son exégèse, des cellules, des maisons de prière que nos ancêtres ont fondées dans les montagnes et dans les cavernes; mais nous n'avons pas été dignes de leur paix et de leur fermeté dans la construction des sanctuaires, nous qui sommes fils des troubles des derniers temps» [6] . Pourtant pendant sa vie même et après lui, beaucoup de monastères florissants s'élevèrent dans le pays.

Sous le règne de Constantin le Grand, pendant qu'il publiait de nouvelles lois civiles et religieuses, la Cilicie fut divisée en trois provinces: La I re Cilicie, ayant pour capitale Tarsus, gouvernée par un Consul, Consularis; La II e Cilicie, capitale Anazarbe, gouvernée par un Praeses; enfin la III e Cilicie, Pierreuse ou Isaurie, dont la ville principale était Séleucie, ayant un gouverneur. Quant à la division ecclésiastique, la première province comptait cinq sièges épiscopaux, la deuxième neuf et la troisième vingt-quatre.

Les principales villes libres étaient: Tarsus, (libera et immunis); Anazarbe Cesarea et Métropolis; les villes libres secondaires étaient Mopsueste, Séleucie, Corycus et Ayas; la ville de Sélinus, changée en Trajanopolis, jouissait probablement des mêmes droits que les villes nommées ci-dessus.

Dans le premier siècle, on enrôlait une troupe de soldats ciliciens qui portait le nom de Cohors Cilicicum. Cette troupe a été donnée, au dire de Moïse de Khorène (III 6), par l'empereur Constance, à Managihre Rechedouni qui fut envoyé en Mésopotamie contre les Perses.

C'est dans ce temps que fut rédigé l'Itinéraire ou le célèbre Voyage de Bordeaux à Jérusalem, dont les distances des villes sont calculées en milles romains (1482 m. ), et dans lequel tous les logements, hôtelleries, relais, etc., sont indiqués avec une très sévère précision: en voici la Table:

 

De Chusa à Sasima........................... 12

Antavale......................................... 16

Tiana..........................................     18

Faustinopolis..............................     12

Cona ou Caena................................ 13

Opodando....................................... 12

Pylas (Portes de Cilicie)  ...              14

Mopsucrène, Monsvérine  ...            12

Pargais ou Pargas........................     13

Adana.........................................     14

Mansista (Mamestia)....................... 18

Tardequia........................................ 15

Catavolo......................................... 16

Baie............................................ .    17

Alexandria Scabrosa   ....                  16

Pictanus ou Platanus ....                     9

Pagrius (Paghras)........................        8

Antiochia........................................ 16

En total                                          251

 

Pendant que Constance marchait contre Julien son adversaire, il tomba malade et mourut peu après en 361, dans la ville de Mopsucrène près de Tarsus. C'est dans cette dernière ville de Tarsus, renommée alors, que fut enterré Julien (363) qui voulait y établir la capitale de son empire. Pendant le règne de ces deux empereurs on cite comme gouverneurs de la Cilicie, Procopius (348), Maxime (358) et Mémorius (365).

L'empire romain s'affaiblissant de jour en jour par les invasions des Huns, les Isauriens et les montagnards ciliciens profitèrent de l'occasion propice pour se révolter. L'empereur Zénon, qui était de leur nombre, forma une garde toute composée de Ciliciens. Mais Anastase, son successeur, après avoir dissous ce petit corps, renvoya les soldats dans leurs foyers. Cette action indigna les Isauriens qui élurent son frère pour empereur, formèrent une armée de plus de 170, 000 hommes, et marchèrent sur Constantinople; ils furent mis en déroute par les Goths et les troupes d'Anastase.

Sous le règne de Justinien, des hordes, dirigées par Khosroés Anoucherévan, firent des incursions en Cilicie comme le témoigne l'historien Sébéus. Le grand Bélisaire purgea le pays de ces hordes dévastatrices; mais au commencement du VII e siècle le petit-fils de Khosroés, Khosroés II Abrouéze, fit de nouveau des incursions en Cilicie. Sébéus raconte que ce dernier prince s'avança jusqu'au fond de la Cilicie près des Portes, et que les Grecs battirent son armée et lui tuèrent plus de huit mille hommes; mais l'armée persane se réorganisant, s'empara de Tarsus et de tous les pays habités par les Ciliciens. Les commandants grecs ne pouvant résister aux Perses, l'empereur Héraclius s'embarqua en personne pour Alexandrette en 622 et dispersa l'armée persane dans les champs ciliciens. A son retour de Perse (625) il extermina près du pont d'Adana les derniers restes de cette armée.

A partir de cette époque un adversaire terrible devait surgir contre l'empire romain: les Arabes. Les provinces asiatiques tombèrent une à une en leur pouvoir, et une des premières fut la Cilicie. Quoique durant deux siècles, la lutte entre les deux empires se fit plusieurs fois sur le territoire envahi, les Grecs ne surent pas rester longtemps maîtres de cette dernière province. Les Sarrasins firent une grande incursion au commencement du IX e siècle: l'émir El-Mamoun s'empara de quinze villes (829). Cet illustre conquérant mourut d'indigestion pour avoir bu trop d'eau froide du Cydnus et mangé une trop grande quantité de dattes. Son frère Moutassim l'égala dans ses conquêtes. En marchant sur Amorium, ville de Phrygie, contre l'empereur Théophile, il ravagea toute la province, capturant plus de 30, 000 esclaves qu'il emmena à Tarsus. A partir de cette époque, la Cilicie avec toutes ses provinces resta sous la domination arabe sans aucune contestation ni protestation. L'empereur Basile I er parvint à la reconquérir pour quelque temps (de 875 à 950 à peu près). Dans les guerres qu'il y eut durant ce période, l'empereur Nicéphore Phocas, et surtout Jean Zemeschghig, eurent beaucoup de peine à chasser les envahisseurs; la ville d'Adana fut reprise après un long siège qui coûta la vie et la liberté à plus de 200, 000 personnes qui s'y étaient enfermées. La ville de Tarsus aussi fut assiégée et réduite par la famine; les Arabes alors se soumirent. Durant un siècle à peu près, les Byzantins restèrent maîtres de la Cilicie sans être nullement contrariés par les Arabes dont la force s'affaiblissait de plus en plus par les factions et les divisions intestines. Mais un autre peuple menaçant et destructeur s'avançait vers l'orient: les Scythes. C'est de cette race barbare que sortirent les Seldjoucides, qui, durant la première moitié du XI e siècle, envahirent toute la Grande Arménie et s'avancèrent jusqu'au territoire des Ardzerouniens, et, durant la seconde, s'emparèrent d'Ani, et de plusieurs autres villes de la Grande Arménie et pénétrèrent jusqu'en Asie Mineure, Dans cette dernière contrée, le sultan Suleïman fonda en 1072 le royaume des sultans de Nicée, puis celui d'Iconie, en y joignant, après l'avoir subjuguée, une partie de la Cilicie avec la ville de Tarsus, gouvernée alors par l'ordre de l'empereur de Byzance par les Arméniens Abelgharibs Ardzerouniens.

De grandes révolutions s'accomplissaient alors. Les Turcs infestaient le pays, et les Européens s'agitaient pour la délivrance des Lieus saints. La guerre sainte se prêchait partout; les armées des Croisés se formaient et se dirigeaient vers l'Asie Mineure, en particulier vers la Cilicie. Tandis que les Arméniens se réfugiaient dans la Cappadoce, les Croisés s'avançaient insensiblement, guidés par nos Ciliciens, qui, unis aux armées chrétiennes, auraient pu soumettre facilement les populations musulmanes et subjuguer tout le pays de la plaine; mais les empereurs de Byzance, et spécialement Alexandre Comnène, jaloux des succés des Croisés, cherchèrent à brouiller les chefs de la Croisade, le pieux Tancrède et le valeureux Baudouin, qui se disputaient la ville de Tarsus, ville que ces empereurs avaient prise sous leur protection. Les successeurs d'Alexandre Comnène, Jean, mort près d'Anazarbe en 1143, et Manuel, s'efforcèrent d'attirer sous leur juridiction les chefs chrétiens; ils y réussirent, mais pour peu de temps: car une grande partie de la nation arménienne se retira sur les montagnes Taurus et s'y fortifia partout. Pendant plus d'un siècle elle eut à combattre trois ennemis puissants qui se présentèrent tour à tour pour lui contester la possession du pays: les Grecs, les Turcs et les Francs. Mais après des efforts inouïs elle parvint, sur le déclin du XII e siècle, à s'établir définitivement sur la Cilicie, à laquelle elle imposa son nom, l'autorité de ses princes et la légitimité de sa dynastie, comme on le verra dans l'article suivant.

(p. 38 Acantholimon venustum)


[1]          S. Jérôme dans son commentaire de l'Épître aux Galates (I. 21), donne une étymologie de ce nom tout à fait différente de celle que nous venons de dire. Il dit: «Cilicia quippe interpretatur assumti, sive vocatio lamentationis ».

[2]          Judith, II, 13-5.

[3]          Tel est le nom du roi qui, en 618 av. J. C., fut médiateur entre Crésus, roi des Lydiens, et Darius roi des Mèdes. Tel aussi se nomme le roi qui régna aux temps de Darius et de Xerxès, quoiqu'il s'appelle aussi fils d' Oromédon. Le roi qui régnait aux temps de Cyrus le Jeune, et dont la femme s'appelait Epyaxa, portait aussi le même nom. D'après quelques auteurs, ce dernier nom signifie en hébreux, prince, noble ou grand.

[4]          Avant Pompée Servilius, dit Isauricus, avait déjà combattu contre les pirates, de 78 à 75 av. J. C.

[5]          D'après quelques uns, Cicéron vint dans ces lieux 51-50 av. J. C. Le consul orateur raconte, dans ses lettres, les principaux actes de son administration.

[6]          Dans le commentaire du psaume LXXI.