Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Il est intéressant d'étudier, ou plutôt, admirable, de voir les différents aspects que ces montagnes ont offerts tour à tour. Repaires de bandits et théâtres de crimes à l'époque actuelle et sous la domination romaine, elles furent des asiles de paix et de prière durant la période chrétienne; la foi y opéra de telles merveilles qu'elles furent surnommées Saintes, et c'est sous ce titre qu'elles sont célébrées par nos historiens, du XI e au XIII e siècle. Dans ces retraites sûres et tranquilles pour les amateurs de la solitude religieuse des différentes nations, on vit principalement des Arméniens, des Syriens et des Grecs; car ces lieux se trouvaient aux confins des territoires de ces trois peuples; on y vit aussi des Géorgiens, et même des Latins durant les Croisades. Ils avaient choisi pour retraites les cavités de ces montagnes comme les moines du Liban, du mont Sinaï ou du mont Athos, ceint par la mer. Ils ne s'occupaient pas toujours uniquement de la prière: ils savaient au besoin marcher les armes à la main contre les maraudeurs ou les envahisseurs étrangers.

A l'approche des invasions sarrasines ou des Turcs, on se réfugiait sur ces montagnes. L'un de nos historiens du commencement du XI e siècle [1] , dit à propos de l'empereur Romain, que lorsque au début de son règne (1028), il marcha contre Alep, «il arriva à la Montagne Noire, et y rencontra une multitude de monastères et de couvents habités par des anachorètes, qui, sous une forme corporelle, avaient l'apparence d'êtres incorporels, contents d'être couverts tout simplement d'une peau de chèvre ou d'une tunique, la bêche de fer à la main, se fatiguant à semer l'orge pour se préparer la nourriture journalière. Quant aux viandes, aux apprêts variés, aux mets savoureux et à la joyeuse liqueur que fournit le fruit de la vigne, ils les abandonnaient aux amis du monde. Retirés au sommet de la montagne, imitant le premier des prophètes, (Moïse), ils étaient en colloque perpétuel avec Dieu.

«En les apercevant, l'empereur demanda à ses officiers, quelle était cette multitude d'hérétiques. Ils lui répondirent: Ce sont des troupes d'hommes qui font sans cesse des prières pour la paix du monde et la conservation de votre existence. - Je n'ai point besoin de leurs prières, répliqua l'empereur; dans tous ces couvents enrôlez des archers pour le service de mon empire... Telle était la grossière impiété de ce prince... C'est pourquoi les justes jugements de Dieu ne tardèrent pas à l'atteindre. Une troupe d'Arabes, de huit cents ou mille hommes au plus, fondirent sur les troupes qui l'accompagnaient, les massacrèrent, s'emparèrent de ses trésors et de ceux de sa suite et s'en retournèrent chargés de butin. Romain, accablé de honte, s'enfuit dans sa capitale de toute la vitesse de son cheval». Ce que n'avait pu réaliser ce prince insensé, fut accompli environ quarante ans plus tard, par l'émir persan Auchin, encore plus insensé (1066). Après avoir fait plusieurs incursions et pillé d'autres contrées, «il se mit en marche avec des forces considérables et vint poser ses quartiers d'hiver dans les Montagnes-Noires. Les populations de toute cette province furent massacrées. Une multitude de moines périrent par le fer ou le feu. Leurs cadavres, privés de tombeaux, devinrent la pâture des animaux féroces et des oiseaux de proie, parce qu'il n'y avait personne pour leur donner la sépulture. Nombre de couvents et de villages furent incendiés, les traces de ces dévastations sont encore apparentes de nos jours. Les Montagnes- Noires, et tout le pays furent inondés, d'un bout à l'autre, du sang des religieux et des prêtres, des hommes et des femmes, des vieillards et des enfants» [2] .

Peu à peu de nouveaux religieux vinrent remplacer les morts; les couvents se multiplièrent, les déserts furent repeuplés, et trente ans plus tard, lorsque les Croisés arrivèrent dans ces régions, non seulement les princes Roupiniens et Héthoumiens, mais «aussi les religieux des couvents de la Montagne Noire les secoururent en leur procurant les vivres nécessaires» [3] . Les historiens mêmes de l'Occident mentionnent le grand nombre des couvents de la Montagne-Noire demeuraient aussi des Latins [4] . Parmi ces nombreux ermitages, dont les débris méritent d'être explorés, nous ne retrouvons les noms que d'une douzaine de monastères avec des souvenirs presque insignifiants. Je les enregistrerai ici suivant l'ordre des faits, ces débris sacrés sont comme des îles surgies soudainement des abîmes de la mer. La plupart de ces mémoires appartiennent au XII e siècle, à l'époque du catholicat de Grégoire le Martyrophile et du bienheureux Nersès. Le premier qui parle de ces couvents est Grégoire II, le grand Martyrophile, qui les visita pendant les dernières années de sa vie, poursuivant ses recherches sur les Vies des Saints. Mathieu, son coopérateur et son disciple, écrivit sous sa dictée en 1102, dans la préface de la traduction de la vie de Saint Jean Chrysostome: «Nous parvînmes à la sainte Montagne, appelée Noire, dans nos propres églises; et au saint couvent qui, en syriaque, s'appelle Barlaho et se traduit Paradis de Dieu. Ici dans la trente-sixième année de mon patriarcat, j'ai traduit avec la coopération d'un grec du nom de Théophiste, la vie du grand et admirable homme de Dieu, Saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople. Après je l'ai fait corriger et rédiger par le prêtre Mathieu, élevé et nourri sous notre direction». De son côté Mathieu ajoute une adresse au Catholicos: «Autant que dans ma faiblesse je le pouvais faire, j'ai terminé votre commande, ô Saint Catholicos... Recevez ceci avec bonté sans m'accuser d'arrogance, et si je suis tombé dans quelques fautes, corrigez-les selon votre grande sagesse», etc.

C'est de ce monastère assurément qu'il est parlé dans les archives des Chevaliers de Jérusalem, sous le nom d' Abbatia Montis Parlerei ou Parleri, près de laquelle se trouvaient les villages de Casnapor, Կզնափոր ? de Cozconei, de Meuaserac [5] , etc.

Un autre couvent, celui d' Ariki, Արիգի, donna l'hospitalité au même catholicos l'an 1103. C'est que Grégoire reçut les messagers que la ville d'Ourha, lui avait envoyés pour connaître son avis sur la célébration de Pâques, car ils craignaient en se séparant des Grecs, d'avoir à souffrir de leur inimitié. Le catholicos les encouragea à s'armer de patience et il leur proposa son propre exemple: «Mon patriarcat compte déjà quarante ans, et c'est pour la paix que j'ai quitté la maison paternelle et me suis retiré dans celle-ci; me serais je donc trompé? J'ai posé mon espoir en Dieu et dans les témoignages des livres saints; car, je garde ma foi catholique et sans tache», etc.

Il visita encore d'autres couvents de ces montagnes, imitant, dit un historien, son ancêtre, le grand Illuminateur; «celui-ci aussi habitait dans les solitudes de la Montagne Noire, plongé dans l'étude des Saintes Ecritures et des livres de dévotion, et il y mena durant plusieurs années une vie de mortification». Le petit-neveu de Grégoire II, Nersès le Gracieux, écrit à ce propos:

Arrivé à la montagne du Taurus,

sont les habitations des Saints,

Et vivant dans un corps on devient ange;

C'est dans ce beau lieu qu'il parvint

Le sage et pieux patriarche,

Dans cette montagne appelée Noire et obscure;

se trouvent les âmes éclairées,

Qui ont abandonné la vie des troubles

Qu'on a démontré être un rêve.

il réunissait les amateurs des lettres

Et les abritait chez lui.

Lisant sans cesse les livres inspirés du Saint-Esprit

Et causant toujours avec eux.


[1] Aristacès de Lastivert, VI.

[2] Mathieu d'Edesse, XCVI.

[3] Mathieu d'Edesse, XCVI.

[4] Montagna Nigra dicitur in quo multi sunt here-mit æ ex omni genere et natione, et plura monasteria monachorum, tam Gr æ corum quam Latinorum.... Sanuto, III, V. 4.

[5] Bibli. de l'Ecole franc. XXXII. p. 161.