D'après
l'édit
de
Léon,
le
chef-lieu
de
la
province
de
Djeguère,
était
Nigrinum,
en
arménien,
Neghir.
C'était
l'un
des
châteaux
les
plus
remarquables;
il
n'est
cependant
pas
énuméré
dans
la
chronique
du
couronnement
de
Léon
le
Grand;
peut-être
le
roi
en
était-il
suzerain
immédiat.
Willebrand
qui
y
passa,
la
douzième
année
du
règne
de
Léon,
l'appelle
château
du
roi:
Castrum
Regis,
Nigrum.
Dans
l'édit
de
Léon,
il
n'est
pas
appelé
château,
mais
village
ou
bourgade.
Comme
la
date
de
sa
fondation
et
l'origine
de
son
nom
sont
incertaines,
je
ne
saurais
dire
si
le
nom
arménien
a
été
traduit
en
latin
ou
viceversa.
Nigrinum
ou
Negrinum,
comme
il
est
écrit
en
latin,
signifie
noire
ou
noirâtre;
ce
nom
alors
lui
viendrait
peut-être
des
montagnes.
Les
Arabes
auront
emprunté
aux
Latins
le
nom
de
Nougheir,
qu'ils
donnaient
à
ce
même
château;
nous
le
trouvons
mentionné
dans
leurs
chroniques,
1'an
1274;
le
sultan
Béibars
envahit
le
territoire
de
Sis
et
de
Messis,
traversa
Thil
de
Hamdoun
et
de
là,
passa
au
château
de
Neghir.
Le
premier
seigneur
arménien
connu
de
Neghir
fut
Constantin
(+
1308),
fils
présumé
du
grand
Constantin,
père
du
roi.
«Il
eut,
dit
un
chroniqueur,
trois
fils,
qui
occupent
aujourd'hui
(1319)
des
charges
honorifiques,
sont
dans
la
gloire
et
en
même
temps
fidèles.
L'un
de
ces
trois
fils
est
Baudouin,
jouissant
à
présent
du
titre
de
maréchal
des
Arméniens».
La
mère
de
ce
Baudouin
paraît
être
la
fille
du
roi
de
Chypre
(Hugue);
car
Edouard
II,
roi
d'Angleterre,
dans
sa
lettre
à
Léon
III,
appelle
Baudouin
son
cousin
germain
(consobrinus);
la
mère
de
Léon
était
Marguerite,
fille
de
Hugue.
Le
second
fils
de
Constantin
était
Vassag,
dont
je
ne
connais
ni
le
rang
ni
les
fonctions;
toutefois
la
date
de
sa
mort
est
indiquée
par
son
frère
Baudouin:
«En
1328,
le
29
octobre,
samedi,
au
coucher
du
soleil,
mon
frère
Vassag
mourut
dans
le
Seigneur».
Son
fils
aîné
Héthoum,
héritier
de
Neghir,
devint
chambellan
des
Arméniens.
Après
la
mort
du
roi
Ochine,
il
fut
nommé
régent
de
Léon
IV,
encore
enfant,
avec
deux
autres
princes,
Ochine,
le
grand
bailli,
et
Constantin
le
connétable.
Suivant
Basile
de
Macheguévor,
en
1325,
«il
(Héthoum)
leur
était
uni
comme
l'esprit
avec
l'âme
et
le
corps,
et
il
gouvernait
toute
la
maison
royale,
comme
aussi
le
bon
esprit
dirige
l'âme
et
le
corps».
Une
lettre
de
ratification
de
Héthoum,
avec
sa
propre
signature
est
conservée
dans
les
Archives
de
Montpellier;
c'est
une
lettre
patente
au
nom
du
roi
enfant,
donnée
le
16
mars
en
1331,
et
qu'il
a
signée
avec
l'autre
Héthoum:
«Nous
Héthoum
chambellan
et
Héthoum
sénéchal,
avons
donné
au
roi
la
relation
de
cet
ordre;
Héthoum,
Héthoum
».
La
signature
de
Héthoum
en
latin
indique
également
ses
fonctions:
«Aytonus
de
Negrino
camberlanus
et
Gubernator
regni
Armenie».
Déjà
durant
le
règne
d'Ochine,
Héthoum
avait
été
élevé
à
la
dignité
de
chef
magistrat
du
roi
et
de
la
cour,
il
signait
alors:
«Aytonus,
dominus
Nigrini,
capitanus
Curie
regis
Hermenie».
Alors
qu'il
remplissait
ces
fonctions,
en
1312,
le
13
mai,
Gradenigo,
doge
de
Venise
lui
envoya
une
lettre
d'introduction
pour
le
Bailli
Grégoire
Delfino
[1].
On
ne
sait
pas
quelle
année
il
mourut,
mais
il
paraît
qu'il
est
mort
après
Vassag,
et
avant
Baudouin,
son
frère
cadet.
Ce
dernier
est
souvent
cité
et
déjà
sous
le
règne
de
Héthoum
II
et
celui
de
Léon
III;
il
devait
remplir
de
hautes
fonctions
à
la
cour.
En
1307,
il
fut
envoyé
en
ambassade
avec
Thoros,
chantre
de
Trazarg,
et
un
officier,
nommé
Léon,
en
Angleterre
auprès
d'Edouard
I,
qui
mourut
avant
leur
arrivée.
Le
roi
et
l'oncle
du
roi
des
Arméniens
furent
assassinés
avant
leur
retour.
Toutefois
le
nouveau
roi
d'Angleterre,
Edouard
II,
les
croyant
encore
vivants,
leur
écrivait
une
lettre,
en
les
informant
de
la
réception
de
leurs
ambassadeurs;
mais
comme
il
venait
à
peine
de
monter
sur
le
trône
et
était
occupé
par
des
affaires
importantes
et
difficiles,
il
déclare
ne
pas
pouvoir
accomplir
immédiatement
leur
demande;
cependant
il
ordonna
au
gardien
du
château
de
Douvre,
le
14
mars,
1308,
de
donner
libre
passage
aux
ambassadeurs,
à
leur
suite
et
à
tous
leurs
bagages
et
de
leur
compter
50
marcs
sterlings
[2].
Durant
le
règne
de
Léon
IV,
le
premier
des
barons
paraît-être
Baudouin,
et
après
le
meurtre
des
princes
Ochine
et
Constantin,
il
semble
avoir
continué
à
remplir
la
charge
de
maréchal
(1336):
«Mais
il
considérait
toute
la
gloire
du
pouvoir
et
toutes
les
richesses
du
monde,
comme
une
pure
vanité...
les
désirs
de
son
âme
se
portaient
toujours
vers
Dieu,
et
il
n'aimait
que
les
biens
éternels
et
immuables ...
il
n'accomplissait
que
des
actes
qui
pouvaient
laisser
un
bon
souvenir
après
sa
mort.
Parmi
les
œuvres
qu'on
lui
doit,
il
faut
remarquer
le
bel
établissement
et
la
belle
église
qu'il
fit
ériger
au
nom
des
saints
et
bienheureux
Apôtres,
dans
la
grande
et
célèbre
ville
de
Tarse,
où
il
avait
sa
résidence»,
etc.
Comme
nous
l'avons
déjà
rapporté
d'après
une
inscription
de
cette
ville,
il
paraît
avoir
hérité
du
poste
d'Ochine
le
Bailli.
Parmi
les
châteaux,
il
avait
sous
sa
propre
dépendance
le
célèbre
Partzerpert.
Le
chroniqueur
fait
aussi
la
description
des
richesses
et
des
ornements
d'église,
entre
autres
des
Livres
Saints,
qu'il
déposa
tant
dans
cette
église
qu'ailleurs;
et
ayant
trouvé
les
Chroniques
que
le
grand-père
de
sa
femme,
le
Connétable
Sempad,
avait
fait
copier,
il
les
fit
restaurer
et
corriger
selon
les
règlements
de
son
temps,
par
Constantin,
prêtre
du
couvent
de
Khorine.
A
la
fin
du
livre,
Baudouin
marque
de
sa
propre
main
la
naissance
des
enfants
qu'il
eut
(de
1312
jusqu'à
1333),
de
sa
femme
Marioun,
fille
de
Léon
le
connétable,
fils
de
Sempad
[3].
Deux
ans
après
(1335),
au
temps
de
l'invasion
soudaine
d'Altoun-bougha,
émir
d'Alep,
qui
dévasta
et
saccagea
les
environs
d'Adana
et
de
Meloun,
le
roi
Léon,
envoya
le
maréchal
Baudouin
et
Vassil,
secrétaire
du
roi,
comme
ambassadeurs
au
sultan
d'Egypte,
pour
se
plaindre,
de
la
violation
du
traité
de
paix,
qu'il
avait
signé.
Comme
ces
messagers
traversaient
Alep,
l'émir
soupçonneux
les
prit
et
les
emprisonna
dans
le
château
de
la
ville.
Cela
fait,
«à
la
tête
de
ses
cavaliers
il
envahit
de
nouveau
notre
territoire
et
s'empara
de
Neghir»,
patrimoine
de
la
famille
de
Baudouin
dont
il
voulait
se
venger:
«Après
sept
mois
de
tortures
dans
la
prison,
le
maréchal
mourut;
son
corps
fut
transporté
en
Arménie».
Sa
mort
est
indiquée
dans
la
chronique
de
la
cour,
le
12
décembre
1336;
il
fut
inhumé
dans
le
couvent
d'Agner.
Quelques
années
plus
tard,
en
1344,
après
le
meurtre
du
roi
Gui
de
Lusignan
(petit
fils
de
Léon
II
par
sa
mère),
le
fils
aîné
de
Baudouin,
de
la
branche
de
Neghir,
Constantin,
fut
élu
roi
des
Arméniens;
il
fut
le
premier
des
rois
qui
ne
descendît
pas
directement
de
la
famille
des
Héthoumiens,
c'est
pourquoi
Dardel,
auteur
français,
le
nomme
tyran;
mais
il
n'indique
pas
comment
il
devint
roi,
si
c'est
par
la
force
ou
par
élection;
il
raconte
seulement
qu'il
persécutait
les
cousins
de
Gui
et
leur
mère.
Nos
historiens
en
parlent
pourtant
avec
beaucoup
d'éloges
et
disent
qu'il
a
régné
paisiblement
durant
dix-neuf
ans
(
+
1363).
Sempad
son
frère,
paraît
être
mort
avant
lui,
comme
aussi
les
enfants
qu'il
eut
de
Marie,
fille
d'Ochine
le
Bailli.
Parmi
ses
sœurs,
Dardel
mentionne
Rémy,
(ce
doit
être
probablement
Fimie),
née
en
1326
et
mariée
avec
Bohémond,
fils
de
Djivan,
frère
du
roi
Gui;
après
la
mort
de
son
époux,
lorsque
Léon
V
monta
sur
le
trône,
il
la
remaria
avec
son
confident
Sohière,
qui
devait
partager
plus
tard
sa
captivité
en
Egypte.
Du
frère
aîné
du
maréchal
Baudouin,
chambellan
du
roi
Héthoum
et
seigneur
de
Neghir,
on
mentionne
deux
fils:
Constantin
et
Joufré.
Ce
dernier
mourut
jeune
et
son
frère
Constantin
nous
le
fait
connaître
par
ces
vers
pleins
d'émotion:
«Mère
de
Dieu,
Vierge
Sainte
et
bonne,
Tu
es
la
gloire
du
monde
entier;
C'est
à
toi
que
mon
frère
est
recommandé,
Lui,
le
fils
du
seigneur
Héthoum,
Chambellan
du
roi
des
Arméniens .
Il
portait
le
nom
de
Baron
Joufré;
Son
visage
était
beau;
Il
était
bon
envers
les
pauvres,
Aimé
des
étrangers;
Il
vécut
trente-quatre
ans,
Il
fut
enlevé
au
monde
le
21
de
mai,
En
807
de
1'ère
arménienne.
Moi
Constantin
j'ai
écrit
ceci,
Moi,
qui
suis
le
frère
qui
vient
après
lui.
Chaque
fois
que
je
me
souviens
de
mon
frère,
Les
larmes
coulent
de
mes
yeux.
Que
Jésus
Dieu
ait
pitié
de
lui!
Après
la
mort
de
son
cousin
Constantin
II,
ce
fut
lui,
qui,
sous
le
nom
de
Constantin
III,
hérita
du
trône
des
Arméniens;
l'historien
Dardel
l'appelle
le
petit
tyran
et
nous
dépeint
son
règne
comme
une
période
de
décadence;
il
est
vrai
que
ce
prince
donna
une
grande
partie
du
territoire
aux
Egyptiens
et
aux
étrangers.
Ce
fut
peut-être
la
cause
de
son
meurtre
par
ses
sujets,
au
mois
d'avril
1373;
quinze
mois
après,
on
élut
son
successeur,
le
dernier
roi
arménien,
Léon
V
de
Lusignan.
Le
château
de
Neghir,
après
la
mort
de
Baudouin,
avait
été
enlevé
aux
Arméniens,
par
Altoun-bougha;
Léon
IV
fut
encore
obligé
par
un
funeste
traité
de
laisser
aux
Egyptiens
toute
la
rive
gauche
du
fleuve
Djahan,
où
se
trouvait
ce
château,
la
province
de
Djeguère
et
même
Ayas.
Ces
souvenirs
ne
suffisent
cependant
pas
pour
nous
faire
retrouver
l'emplacement
exact
de
Neghir
dans
cette
province
de
Djeguère;
je
crois
pourtant
le
retrouver
dans
l'un
des
deux
châteaux
ruinés,
de
Tchardak-kalé
et
de
Freng-kalé,
à
l'est
du
bourg
Osmanié,
vers
la
source
d'
Agha-tchay,
affluent
du
Djahan.
[1]
Petrus
Gradonico,
etc.
Barono
Aythono
Domino
de
Nigrino
Capitanis
Curie
Domini
Regis
Armenie.
Cum
per
virum
nobilem
Nicolaum
Mauroceno
civem
et
fidelem
nostrum
dilectum,
quam
per
alias
veridica,
relatione
dedicimus,
quod
Vos
in
nostris
nostrorumque
virorum
agendis,
semper
Vos
benignos
et
favorabilis
prebuistis,
de
quo
Vobis
gracias
referrimus
copiosas
et
inde
nos
vestris
beneplacitis
obligandos
sentimus.
Verum
cum
presentialiter
virum
nobilem
Gregorium
Delfino
ad
partes
Armenie
in
nostrorum
Venetorum
Bajulum
transmittamus,
Magnitudinem
et
amicitiam
vestram
affectuose
precamur,
quatenus
Vobis
placeat
nostri
amoris
intuitu,
Dominum
Bajulum
et
alios
nostros
fideles
habere
favorabiliter
commendatos,
ut
vestris
beneplacitis
teneamur.
Dat.
XIII
Mad.
VIII
Indic.
[2]
Mandamus
vobis
quod
Leonem
et
Baldenynum
nuncios
Regis
Armeni
æ,
nuper
in
Anglia
ad
nos
missos,
ad
partes
Transmarinis,
cum
familia,
equis,
harnesis,
ciphe
suis
argentiis,
ac
quinquaginta
marcis
sterlinorum
in
porto
Dovor
transire
libere
permittatis.
—
R
ymer.
[3]
Ce
sont
les
suivants:
L'aînée
Alise,
née
le
7
février,
1312.
Constantin
II,
roi,
né
le
17
avril,
1313
+
1363.
Fimie,
née
le
17
mai,
1326.
Sempad,
né
le
25
décembre
1333;
«c'était,
dit-il,
la
fête
de
Noël,
un
samedi».
Suivant
l'exemple
de
son
père
Baudouin,
l'aîné
Constantin,
(qui,
plus
tard
fut
roi),
mentionne
la
naissance
de
son
premier
fils,
Ochine,
le
15
août,
1338,
dans
le
château
de
Partzerpert
que
nous
avons
cité
comme
propriété
de
sa
famille.