Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Le lieu le plus proche de ceux que nous venons d'étudier, est la forteresse de Kétchi-kaléssi. Ce château est à dix kilomètres au nord du village Béréketly-madén, au nord-est du mont Kerk-pounar; il est peut-être plus propre de la Cilicie que de la Cappadoce. On y arrive du village des mines par un chemin étroit qui conduit du nord-ouest à Nigdé, et du nord-est à Névchéhir, traversant plusieurs villages, parmi lesquels celui d' Esghi-gumuche (Vieil argent), près de la source de Gumru-tchaï. Cette rivière sortant des monts Utch-kapou, descend au nord, se dirige vers l'ouest, traverse Nigdé, Bor et Tyana, après quoi elle change son nom en Kezeldjé, ou peut-être se mêle avec un ruisseau du même nom et se jette dans le lac Ak-gueul (Lac blanc). Le nom du village Esghi-gumuche indique des mines d'argent délaissées; on y voit des ruines d'anciennes constructions et des débris de colonnes de marbre.

Entre les monts Utch-kapou au sud et l' Adirmoussan au nord, se trouve le bourg nigdÉ, chef-lieu de ce district. Peu de voyageurs l'ont visité. Je crois bon et utile d'insérer ici la description qu'en fait notre P. Luc Indjidjian: «Nigdé est construit dans un lieu délicieux, ayant de l'eau en abondance, près du ruisseau Kezel-ermak; il était appelé anciennement ville de Dradé (?) mentionnée par Ptolémée. Ce bourg, situé au nord-est d'Iconium, est à quatre stations de distance de cette dernière ville, et à deux d'Eréglie (Héraclée) au nord; il est entouré de fortes murailles en pierre. Au centre de la ville s'élève sur un rocher, une large forteresse ancienne, et dans la forteresse un donjon ou deuxième forteresse, logent le gouverneur et la garnison; plusieurs maisons et une mosquée sont renfermées dans l'enceinte. Les habitants de la ville sont des Turcs, des Arméniens et des Grecs, qui tous ont leurs propres églises. Les Turcs ont onze mosquées dans la ville et dans la forteresse, dont l'une avec une grande école, a été bâtie par le sultan Seldjoukide Alayéddin I er; une autre par Sonkour-beg; il y en a encore une qui porte le nom de Hassan-tchélébi. La ville a de grands et magnifiques bains et des marchés; elle est entourée d'un faubourg assez vaste, récemment construit. Les vignes et les jardins y abondent, et l'on y cultive toute sorte de végétaux et de fruits. En face de la ville s'étend une vaste plaine, espèce de parc, qui sert de lieu de promenade et d'amusement publique; on y voit ça et , des cours d'eau et des endroits ombragés de platanes. Sur les collines d'alentour on aperçoit des souterrains qui ressemblent à des catacombes».

Les érudits contemporains croient que Nigdé est située sur l'emplacement de l'ancienne Τα ̀ Κάδηνα. En 1838-40 un voyageur, y comptait 900 ou 1000 maisons turques, 40 arméniennes, et 30 grecques; un autre qui avait visité la ville peu avant, dit y avoir trouvé en tout 5, 000 habitants.

Le bourg est entouré de plusieurs villages, parmi lesquels est remarquable Kaya-bachi (Cap de roche), peut-être ainsi nommé à cause des nombreux tombeaux en pierre qu'on y trouve. Il en est un surtout d'une fort jolie architecture, tout en marbre, en forme de pyramide octogonale. On le croit de la princesse Fatma, fille du Sultan Ahmed I er, qui mourut durant son pèlerinage à la Mecque; cependant la finesse de l'art et sa ressemblance avec les monuments des Seldjoukides, nous le font considérer comme datant d'une période beaucoup antérieure à celle d'Ahmed (1603-1617). ( p. 1 83 - Tombeau dit de la princesse Fatma, près de Nigdé )

Le même P. Indjidji dit qu'au sud de Nigdé «à trois heures de chemin, se trouve Utch-kapoulou trois portes), haut plateau situé entre trois montagnes; on y admire différentes fleurs, des jacinthes, des pavots, des lys et d'autres. Ordinairement les Turcomans passent ici l'été, et font des fromages exquis qu'ils conservent dans des outres».

Nous pourrions ajouter aussi que, dans ce même plateau nos pères élevaient des chevaux. Ce doit être dans la partie nord-est de cette région qu'habitait Pampalus ou Palmatius, dont parlent les anciens itinéraires romains. Ce personnage était propriétaire des chevaux de poste dans le relais du village d' Andabalis ou Andavilis [1] , et se vantait d'avoir un plus grand nombre de chevaux que l'empereur Vespasien, son contemporain.

Ce petit village était à 16 milles romains de Tyana, soit 12 milles actuels, comme l'affirme l'Itinéraire; il est au nord-est de Nigdé et s'appelle Esghi-Antaval, (Antaval l'ancien), car il y en a un Nouveau plus près de la ville, au pied des montagnes. Mais même dans l'ancien on ne trouve aucune marque d'antiquité, à l'exception d'une église à demi détruite, sous le vocable de Saint Constantin.

On cite encore les villages, Aghios Nicolas (S. Nicolas), Yelanli Panaïa (Vierge aux serpents); ce dernier est aussi appelé Firmassoun ou Freng-déréssi (Vallon des Francs), peut-être en souvenir des Croisés.

A l'ouest de la ville il y a encore des villages grecs; au nord le Keirdunus (?); au nord-ouest un grand village qui porte un nom arménien, Aravan l'ancien; cette épithète d'ancien, nous fait supposer qu'il doit y avoir deux villages de ce nom; il possède une église sous le vocable de S. Théodose, les habitants sont des Grecs.

Un peu plus loin qu'Aravan on trouve Ferdék, beau village habité par des Grecs, à une altitude de 1, 318 mètres. C'est actuellement la résidence de l'évêque de Tyana; puis Burdunuz ou Ordunuz; Բըրդանոց dans la même direction; puis au nord, Limoussoun et Adirmoussoun; à l'est de ces derniers au pied du mont du même nom, Dilmoussoun, Dinéghi joli village grec; enfin Gherméyèn, Valissa, Matala, Ghulludjé.

Un autre grand bourg dans cette province, au sud-ouest de Nigdé, c'est le charmant village de bor ou bour, entouré de vignes et de jardins, qui étaient très bien cultivés avant l'incursion du turcoman Tchapan-oghlou, au commencement de ce siècle. Après cet événement, les habitants d'un village voisin, situé sur une hauteur, changèrent le cours de l'eau en faveur de leur terrain, et diminuèrent ainsi la fertilité du territoire de Bour. Dans divers quartiers et surtout au cimetière, on trouve de nombreux débris de colonnes de marbre, apportées sans doute de Tyana; sur 1'une de ces colonnes nous lisons:

+ ΜΝΙΜΗ  ΤΩ  ΦΙ

Λ Ο Χ Π Ι C Τ Ω   C Τ Ρ Α Τ

Ι Ω Τ Ω  Θ Ε Ο Δ  Ρ Ο Υ

Ο Υ Ο Κ C Τ Ο ΙΙ Ν Λ C ΙΙ Α

Ν Ε C Ι Π Ο Ι Η Ι

En souvenir du soldat Théodore, le Christophile; le . . . construisit. Le dernier nom qui paraît être celui du personnage qui a fait ériger le monument, semble être d'un étranger plutôt que d'un grec.

Bor est habité par des Turcs qui ont plusieurs mosquées, et par des Grecs qui ont une église et une école; ceux-ci appellent le lieu Poros, Πόρος. Au commencement du siècle présent il y avaient ici des fabriques de poudre et presqu'une centaine de mortiers à broyer, mais à présent on n'y trouve que des tisserands et des teinturiers.

Sur les confins de Bor et de Nigdé on voit, dans la plaine, une série de tumulus élevés par l'ordre de Sémiramis, suivant la tradition populaire. Les villages principaux aux environs de Bor, sont Sazala au nord, entre Bor et Nigdé, puis Okdjoular (Fléchiers), Kisléné(?), etc.

Dans les temps anciens la ville principale de cette province était tyana ( Τα ̀ Τυάνα ), construite sur une colline, selon la tradition, par Sémiramis ou du moins par un autre roi des Assyriens; on croit avoir retrouvé les ruines de cette ville dans des restes de constructions près du bourg Kilissé-hissar, à trois milles au sud-ouest de Bor, dans un lieu fertile, près de la rivière Kezeldjé.

Tyana, comme Andaval, était l'un des relais de la grande route qui conduisait de Sardes de la Lydie, aux passages de la Cilicie et à Tarse la capitale. Cyrus le Jeune traversa cette ville, comme l'indique Xénophon, qui l'appelle Δάνα; Alexandre le Grand et les armées romaines y passèrent aussi. Quelques auteurs anciens écrivent Thoana [2] , comme si la ville devait sa fondation à Thoas, roi du Taurus ou des Thraces. Elle fut encore nommée Eusébia du Taurus, et regardée comme une ville sacrée, à cause d'un grand temple dédié à Jupiter, et situé près d'une fontaine sacrée, qui prend sa source dans un petit lac ou bassin à une lieue au nord-est de la ville. Le lac a une centaine de pieds de longueur sur 50 de largeur; son eau est toujours bouillonnante, mais jamais elle ne déborde; il est entouré de pierres de taille massives, dont une grande partie ont été enlevées afin de former un canal pour les moulins; les Romains aussi avaient construit ici un grand aqueduc en marbre, pour conduire l'eau dans la ville, il n'a pas moins de sept milles de longueur; cinquante voûtes restent encore debout; les plus grandes et les plus hautes sont près de la ville, les plus petites, près de la colline, d'où coule continuellement une source qui se déverse dans un bassin de 40 à 50 pieds de longueur; ce lac est appelé maintenant Kezlar-gueul (Lac aux filles).

Un peu à l'ouest, au pied des collines, une autre source sort d'une cavité des rochers, de 30 pieds de diamètre à peu près; l'eau, après avoir parcouru une voie souterraine de 40 à 50 pieds, reparaît au dessus du sol et forme un petit lac, sur les bords duquel on a établi des écluses et des barrages pour pouvoir, paraît-il, régler l'arrosage des champs.

On trouve dans le bourg et aux alentours des ruines et des restes de constructions, des débris de marbre, et d'autres pierres rares, des fondements de temples et des colonnes polies. Texier en trouva une de style dorique de sept mètres de hauteur. L'anglais Hamilton qui visita ces lieux en 1837, parle de fabriques de nitre, que notre P. Indjidjian citait déjà 30 ans auparavant: on dit qu'on en prépare annuellement 40, 000 ocques.

Le côté sud du bourg est marécageux et humide, inondé par plusieurs ruisseaux et sources, d'une eau noirâtre et bourbeuse. A 5 ou 6 kilomètres loin de la ville on voit d'autres sources amères, et dans une plaine, un lac de 40 pieds de diamètre, contenant une eau amère et trouble, bouillonnante et jaillissante, surtout au centre, d'où une colonne d'eau, d'un pied et demi de diamètre, s'élance, avec un grand bruit, à une hauteur de quelques pieds; l'eau qui ne déborde jamais, a une odeur de soufre et elle est très froide. On considère cette source comme la source sacrée d' Asmabéon, si célébrée par les anciens, qui sur ses bords avaient bâti un temple à Jupiter. A une petite distance de cette source, s'élève dans la plaine une colline l'on trouve des veines de plâtre et d'albâtre: on remarque sur l'un de ses versants un autel de marbre et sur le sommet, une large cavité. On voit encore sur des collines voisines des cavernes creusées dans la roche, anciens sépulcres, qui furent transformés en chapelles par les chrétiens.

Durant les premiers siècles, Tyana était un des sièges de l'archevêché de Césarée; mais vers le milieu du IV e siècle la province fut partagée en deux, et Tyana devint un archevêché indépendant de la Seconde Cappadoce. Saint Basile le Grand n'était pas content de cette division et il s'en plaignait. Elle fut en effet plus tard la cause de plus d'une querelle.

Tyana obtint une grande célébrité au I er siècle de notre ère à cause de la naissance, des prédictions et des faux miracles d'Apollonius l'imposteur; les païens voulaient en faire un antagoniste de N. S. Jésus-Christ, et Philostrate écrivit au long sa biographie fabuleuse.

Laissant de côté ces fables, nous préférons insérer ici le passage que Saint Nersès de Lambroun avait écrit sur notre Léon le Grand, deux années avant sa mort (1196). En mentionnant la forteresse de Loulou, que le roi avait récemment bâtie: «La main de Léon, dit-il, par cette forteresse étendit les confins de l'Arménie et domina sur la Seconde Cappadoce, dont la capitale était Tyana; il érigea cette nouvelle forteresse à la gloire de J. C, et comme un boulevard pour les chrétiens». Je ne puis pas affirmer sûrement si le siége épiscopal des Arméniens y était déjà établi alors ou s'il ne le fut qu'après; il est pourtant certain qu'au commencement du XIV e siècle l'évêque de Tyana se nommait Nersès, et après lui, l'an 1341, l'évêque Grégoire se trouva présent au concile de Sis durant le catholicat de Mekhitar.

On trouve des ruines analogues à celles de Tyana, dans le village Karadja-eurèn (Ruines noires) au sud-est de cette ville; mais je ne sais rien de précis là-dessus.

Au sud-est de ce dernier et à l'ouest du mont Kerk-bounar se trouve le village de Boghaze (Gorge), nom qui indique le défilé qui est entre Tyana et l'entrée de la Cilicie.

L'espace compris entre Tyana et Héraclée, au nord des montagnes Boulghars, est peu connu: Tchayan, paraît être l'un des plus grands villages sur le chemin qui relie ces deux villes. A cinq kilomètres au nord de ce dernier village se trouve l'hôtellerie Tekké. Un voyageur européen en 1833, comptait dans Tchayan, 200 maisons et 1, 000 habitants; quarante ans plustard, la population s'élevait à 2, 000 âmes: mais la moitié périrent par la famine durant 1'hiver très rigide de 1873-4. Les vallées et les collines qui avoisinent ce village sont renommées pour leurs fleurs et les parfums qu'elles exhalent au primtemps.


[1] «Mansio Andavilis: Ibi est villa Pampali, unde veniunt equi curules». - C'est ainsi qu'écrit l'Itinairaire de Jérusalem.

[2] Peut-être ne serait-il pas hors de propos de présumer que cette ville fut d'abord dédiée à Diane, en renversant le nom latin ou en le lisant de droite à gauche: Anaïd, nom de la déesse en arméno perse.