Sisouan ou lArméno-Cilicie

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  Après avoir décrit les phénomènes naturels et énuméré les produits du terrain de la Cilicie, autant qu'il nous était possible, il convient, avant de commencer l'histoire du pays, de parler de ses habitants, de leur état civile et de leur nombre. Il est assez difficile de déterminer exactement ce dernier, d'abord, à cause du manque de statistique régulière dans chaque province, et ensuite, à cause de la vie nomade de certaines tribus indépendantes, qui habitent sous la tente, et forment la majorité des habitants et des propriétaires du pays.

Il est presque impossible de les compter même approximativement. Selon les statistiques ottomanes et celles des voyageurs européens, pour la province d'Adana, qui forme la plus grande partie du terrain que les rois arméniens avaient subjugué, le chiffre de la population atteindrait 150, 000 habitants [1] ; selon d'autres, il serait le double [2] . Ce nombre doit être inférieur à la réalité, surtout si nous devons croire d'autres écrivains, qui comptent 300 villages, dans la plaine seulement, avec une population totale de 300, 000 habitants, laissant ainsi à part, plusieurs tribus nomades et montagnardes. Ce chiffre ne semble pas exagéré, surtout si l'on se rappelle la multitude des habitants au temps des rois arméniens. Des guerres ou des fléaux décimèrent presque continuellement la population, et pourtant, jusqu'au règne de Léon IV, ils purent y lever des armées et combattre avec succès contre les ennemis envahissants. Ce fut sous le règne de Héthoum I er, que la population fut la plus considérable. Ce roi pouvait rassembler jusque à 12, 000 cavaliers et 50, 000 fantassins. On dit encore qu'il fit une expédition vers le pays de Karaman, avec cent mille hommes de guerre.

Laissant de côté le nombre des habitants passons à leur nationalité. Les Turcs tiennent le premier rang, non pas par leur nombre, mais parce qu'ils sont les maîtres du pays. Les Turcomans sont bien plus nombreux qu'eux, et ils habitent sous la tente et se divisent en plusieurs tribus, appelées par les Turcs achiréte. En voici quelques unes dont les noms figurent dans la statistique de la province d'Adana: les tribus des Hadjili, des Ménémindji, des Afchars, etc; plusieurs autres sont mentionnées aussi dans la province d'Itchély, du côté de la Séleucie.

Parmi toutes ces tribus, la plus forte est celle des Afchars, originaire de la Perse. Ils ont habité longtemps entre Sis et Marache et ils étaient souvent en guerre avec les tribus voisines, dispersées dans la plaine de Sis, surtout avec la célèbre tribu des Sarghant-oghlou. Cette dernière, lors du voyage de Kotschy, en 1859, avait pour chef Mortaz-agha, qui offrit l'hospitalité au voyageur et lui fournit une escorte pour le protéger contre les Afchars.

Une autre tribu puissante, établie au nord de Sis, entre les deux branches du fleuve Sarus, appelée Kozan-oghlou, (nom que portent aussi les territoires et les montagnes des environs), avait subjugué la ville de Sis.

Les chefs de ces tribus dominaient librement; le fils succédait au père. Tantôt elles étaient en guerre, tantôt la bonne harmonie régnait parmi elles. Ordinairement rebelles au gouvernement turc, elles étaient pourtant parfois vaincues et subjuguées et devaient payer un petit tribut.

Les Arméniens libres des environs de Zéythoun, de Hadjin, de Beylan et des Montagnes Ghiavour, menaient la même existence. Après les guerres qu'ils ont soutenue contre l'armée turque en 1866 et en 1895, ces Arméniens et les Turcomans ont été subjugués; cependant ils sont encore dirigés par leurs lois et priviléges propres; même peut-être il y en ait encore de complétement libres.

Plusieurs tribus à cause de leurs continuelles migrations, sont appelées Youruk (marcheurs) par les Turcs et Tchoucour-Turcmen, parce qu'ils passent l'hiver dans la plaine.

Il convient de rappeler la grande tribu Rha-madan-oghlou qui était considérée autrefois comme une principauté au centre de la Cilicie; mais il y a déjà quelque temps qu'on n'entend plus prononcer son nom.

Les Turcomans forment une même race avec les Turcs; ils sont d'une même souche mais de branche différente. La première émigration des Turcomans date de l'invasion des Seldjoucides dans l'Asie Mineure au XI e siècle; c'est à cette époque que commença la dynastie des Sultans turcs d'Iconie, presque contemporaine à celle de nos Roupiniens, 1075-1080. Il est très probable que d'autres émigrations ont eu lieu du côté de l'orient dans les siècles suivants: ces derniers émigrés s'unissant à ceux déjà établis, se dispersèrent et se répandirent partout, avant la domination turque. L'historien des Roupiniens rappelle que vingt ans avant leur domination, sous le règne de l'empereur Michel VI (1056-57), les Turcs sont venus et se sont emparés d'Attalie, d'Oudje [3] et d'Iconie; mais selon un autre historien, cette émigration n'aurait eu lieu qu'un siècle plus tard, à l'entrée de l'empereur Manuel dans les terres du sultan. Les Turcomans sortant d'Oudje s'élancèrent sur l'arrière-garde de l'armée de l'empereur et massacrèrent 12, 000 hommes. Le district d'Oudje est probablement le même que l'Itch-éli, ainsi appelé jusqu'à présent: c'est la vallée fluviale fécondée par le Cydnus, habitée par plus de dix tribus de Turcomans, ayant leurs résidences respectives et inscrites dans les archives statistique du gouvernement ottoman.

Notre historien rappelle l'excursion du turcoman Saroum sur le hameau de Cracca l'année 1258. Quelques années après commencèrent les invasions de la tribu Karaman de la famille des Ismaélites, (c'est à dire des Turcomans), qui, s'introduisant dans les royaumes d'Iconie et de l'Arménie, s'empara de quelques unes de leurs provinces. Bien que repoussés par les Arméniens, les descendants de cette tribu se fortifièrent pourtant et s'emparèrent des territoires compris entre la Cilicie et l'Iconie. Nous parlerons de cette tribu dans la topographie de Laranda.

Les Kurdes ont une grande affinité avec les Turcomans; dans la Cilicie ils sont d'une même race; ils n'habitent pas sous la tente comme les Turcomans, et ne sont pas toujours errants; ils ont des habitations stables de même que ceux des Monts Amanus. La date de leur entrée dans ce pays est restée douteuse; on les rencontre à la fin du IX e siècle sur les places fortes des Monts Taurus, au temps de l'empereur Basile I er [4] , et dans la Cilicie à la fin du XII e siècle (1187-96), échappant ainsi à la guerre acharnée qu'ils avaient déclarée aux Turcs sur les frontières de la Mésopotamie, au dire des historiens syriaques [5] .

On trouve encore des Kezelbaches, sectaires semblables aux Yézidys, vers les côtés montueux des sources du Cydnus, mais ils paraissent peu nombreux. Entre Anazarbe et Messis habitent des Kurdes-Arméniens qui semblent être un mélange de ces deux peuples; ils sont mauvais et très sauvages. De même la tribu de Bozan paraît être dérivée des Arméniens; ils habitent les montagnes Noires et descendent dans les champs et les verdoyantes prairies de Messis et d'Anazarbe. Tous ces Turcomans, ces Kurdes, ces Arméniens-Kurdes, et les peuplades semblables, sont des pâtres; durant l'été ils habitent les plateaux et les parages élevés, ils errent çà et , passant leurs jours sous la tente; à l'approche de l'hiver ils descendent dans la plaine; très peu d'entre eux restent dans les cabanes sur des lieux élevés des montagnes.

Il y a encore des Arabes nomades, des Ansari, ou Nossaïri; plusieurs de ces tribus viennent du côté d'Adana, et après la récolte s'en retournent en Syrie. (page 29 Les habitans de Taurus)

Par le nombre de ses représentants la nation arménienne occupe le deuxième rang, mais elle passe en première ligne pour la race et l'ancienneté de ses traditions. Laissant de côté les montagnards, dont le nombre ainsi que les mœurs nous sont inconnus, les campagnards arméniens sont les descendants des populations du moyen âge et des usurpateurs de l'empire byzantin.

Quoique privés des richesses de leurs ancêtres, les Arméniens ont gardé en tout point la primauté sous le rapport de la civilisation. Comme le chiffre de la population de la Cilicie n'est pas connu exactement, de même celui des Arméniens; pourtant, sans exagération, on pourrait compter, en prenant encore les districts de Hadjin, Zéythoun et des Monts Amanus, (que nous avons considérés comme ne faisant point partie de la Cilicie), plus de 150, 000 Arméniens.


[1]          Selon Barker.

[2]          Victor Langlois

[3]          L'historien Vartan (LXXX) rappelle que les Turcs d'Oudje, en 1190 pendant un mois, à l'aide des fils du Sultan Kelidje-aslan, luttèrent contre l'empereur Frédéric, sur les frontières d'Iconie, et  furent vaincus.

[4]          Lebeau, Hist. du Bas Empire, XIII, 292.

[5]          Michel le Syrien, en 1187.