La
dernière
fête
solennelle
à
Sis,
eut
lieu
l'an
1374,
le
26
juillet,
lorsque
Léon
V,
son
dernier
roi,
y
arriva,
après
avoir
traversé
comme
par
miracle
les
armées
des
Turcomans
et
des
Egyptiens,
qui
occupaient
les
passages
connus
et
assiégeaient
la
ville
à
distance.
Le
catholicos
accompagné
de
tout
le
clergé,
de
toute
la
noblesse
et
du
peuple,
alla
au
devant
de
lui,
et
au
son
des
chants
et
aux
accords
d'instruments
de
musique,
Léon
fut
introduit
dans
la
capitale
tout
illuminée;
il
arriva
juste
à
temps:
car
quelques-uns,
après
la
mort
ou
le
meurtre
de
Constantin
(mois
d'avril
1373),
se
voyant
sans
chef,
et
en
pleine
anarchie,
nourrissaient
déjà
la
pensée
de
laisser
la
ville
aux
Egyptiens.
Quelques
jours
après,
Léon
choisit
150
braves
cavaliers,
et
les
envoya
jusqu'au
bord
de
la
mer
pour
en
ramener
sa
femme
et
sa
mère.
Ces
cavaliers
réussirent
à
force
de
ruse
et
d'adresse,
à
les
amener
d'abord
à
Anazarbe,
puis
à
Sis.
Léon
vint
à
leur
rencontre
avec
une
grande
multitude,
et
organisa
une
fête
magnifique,
pour
leur
entrée
dans
la
ville.
Deux
mois
après
(24
sept.
),
dans
la
grande
église
de
Sainte
Sophie,
ils
reçurent
l'onction
royale,
d'abord
dans
le
rite
latin,
puis
dans
le
rite
arménien,
des
mains
du
catholicos
même,
avec
une
imposante
solennité,
et
ils
furent
proclamés
rois
et
reine
des
Arméniens.
Le
même
jour
Léon
récompensa
son
aide
de
camp
français,
Sohier
Doulcart,
qui
était
venu
avec
lui,
et
que
plus
tard
devait
être
aussi
son
compagnon
de
captivité.
Léon
le
fit
chevalier
et
maréchal
des
Arméniens,
et
l'unit
en
mariage
avec
Rémi
(Ripsime?
ou
Fimi),
sœur
du
roi
Constantin
III;
elle
avait
été
auparavant
femme
de
son
oncle
Bohémond.
Hélas!
de
tristes
événements,
dus
à
la
division
des
princes,
succédèrent
bientôt
à
ces
fêtes
joyeuses.
Les
uns,
et
le
roi
était
de
leur
avis,
voulaient
à
tout
prix
conserver
et
délivrer
Sis;
les
autres
voulaient
la
passer
aux
Egyptiens.
Ces
derniers
depuis
quelques
années
s'étaient
emparés
de
toute
la
Cilicie
de
plaine,
et
ils
tenaient
de
loin
l'entrée
et
la
sortie
de
la
ville.
Ils
s'étaient
déjà
engagés
par
pacte
de
laisser
libre
entrée
aux
provisions
dans
la
ville,
pourvu
que
les
habitants
leur
payassent
un
tribut.
Davoud-beg
et
Abou-békir
étaient
leurs
deux
chefs.
Pendant
que
Léon,
en
vertu
de
ce
traité,
cherchait
de
se
faire
reconnaître
comme
roi
par
ces
derniers,
des
traîtres
excitèrent
Davoud
contre
le
roi,
les
trompant
tous
les
deux
en
même
temps,
(le
beg
et
le
roi),
en
leur
faisant
croire
qu'ils
se
tendaient
des
pièges
mutuellement.
Léon
réussit
à
signer
un
traité
de
paix
avec
Davoud,
mais
Abou-békir
n'y
adhérant
pas,
vint
assiéger
la
ville,
et
le
gouverneur
d'Alep,
Achik-Thimour,
ou
Aïchékhour-mélék
de
Merdin,
vint
le
renforcer
avec
une
forte
armée,
durant
trois
mois,
d'après
les
insinuations
des
traîtres.
Léon,
ne
pouvant
pas
résister
à
un
ennemi
si
fort,
avec
une
troupe
aussi
faible
que
la
sienne,
ni
défendre
la
vaste
ville
(de
la
longueur
d'une
lieue
au
dire
de
son
historien),
préféra
y
mettre
le
feu
lui-même,
plutôt
que
de
la
laisser
saccager
à
l'ennemi,
et
il
se
retira
dans
la
forteresse.
Mais
il
fut
contraint
à
se
réfugier
dans
le
château
supérieur,
qu'il
avait
réussi
à
délivrer
des
mains
des
traîtres
rebelles,
par
l'adresse
d'un
religieux
dominicain,
compagnon
de
l'évêque
latin
qui
avait
sacré
le
roi.
Cependant
Léon
ne
put
résister
longtemps;
il
avait
été
blessé
dans
la
guerre;
les
princes
et
le
clergé
même
l'avaient
délaissé,
et
ils
s'étaient
rendus
aux
Egyptiens:
il
ne
lui
restait
plus
que
quelques
serviteurs
fidèles.
Léon,
après
avoir
reçu
une
lettre
dans
laquelle
l'émir
lui
garantissait
la
vie
sauve,
descendit
de
la
forteresse
et
se
rendit
auprès
de
ce
dernier;
il
lui
remit
les
clefs
de
la
place
et
le
reste
du
trésor
royal;
c'était
vers
la
mi-avril
de
1375.
Il
fut
emmené
captif
d'abord
à
Alep
et
de
là
en
Egypte,
au
Caire,
où
se
trouvait
le
sultan.
Il
était
accompagné
de
sa
femme
et
de
sa
petite
fille,
de
la
reine
Mariam,
femme
du
roi
Constantin
III,
et
de
son
ami,
le
fidèle
Sohier.
Un
chroniqueur
arménien
de
cette
époque
écrit:
«L'an
1375,
Dieu
fit
sentir
sa
colère
à
la
ville
de
Sis;
la
forteresse
fut
assiégée
du
mois
de
septembre
jusqu'au
seize
avril
[1];
elle
se
rendit
le
vendredi;
la
famine
n'y
avait
rien
laissé
à
manger,
on
n'y
trouvait
plus
un
grain
de
froment:
le
chat,
l'âne...
furent
mangés
par
les
assiégés...
Qui
pourrait
se
faire
une
idée
du
mépris
et
des
insultes
faites
à
la
croix;
les
livres
saints
furent
mis
en
pièces,
les
autels
détruits».
Un
autre
dit
plus
en
abrégé:
«Les
églises
et
les
livres
saints
tombèrent
en
captivité».
Un
troisième,
l'évêque
Zacharie,
qui
fut
témoin
oculaire
de
ces
désastres,
écrit
d'un
accent
douloureux
et
touchant:
«La
ville
de
Sis
fut
prise
et
moi....
j'y
étais
présent.
Mais
les
lamentations
et
les
cris
déchirants
dont
furent
témoins
mes
propres
oreilles,
qui
pourrait
les
décrire?
j'ai
vu
de
brillantes
pierres
précieuses,
des
soleils,
des
étoiles
et
des
lunes
(tous
les
personnages
de
la
noblesse
et
du
peuple)
renversés
par
terre»!
Paroles
profondes
et
significatives
qui
peuvent
remplacer
les
longues
lamentations
et
les
lugubres
descriptions,
que
le
temps
ou
la
stupeur
produite
par
les
événements,
n'ont
pas
permis
de
nous
transmettre.
On
les
pourrait
parfaitement
sculpter
sur
la
pierre
sépulcrale
de
la
fortune
de
Sis,
dernière
capitale
des
Arméniens,
et
sœur
cadette
d'Ani.
Le
but
final
du
sultan
d'Egypte
étant
simplement
de
conquérir
la
ville
de
Sis,
de
l'annexer
à
ses
domaines,
et
de
ne
plus
la
laisser
dans
les
mains
des
Arméniens,
il
ne
la
ruina
donc
pas
entièrement.
Il
se
contenta
de
la
laisser
piller
par
ses
soldats,
puis
il
y
établit
un
certain
Yaghoub-chah
[2]
comme
gouverneur:
quelques-uns
appellent
Ak-Bougha
ce
premier
gouverneur,
auquel
en
succédèrent
d'autres,
sous
la
dépendance
des
sultans.
Pendant
un
certain
temps
le
pays
n'eût
plus
à
souffrir
des
incursions
des
Sarrasins.
En
1389,
l'un
de
ces
gouverneurs
Mélik-Eumer
tyrannisa
cruellement
les
Arméniens,
et,
je
ne
sais
pour
quel
motif,
tua
le
catholicos
Théodore
et
seize
barons
avec
lui.
Ce
fut
peut-être
la
cause
de
la
grande
émigration
des
habitants
de
Sis
et
de
la
Cilicie
au
delà
des
mers,
quelques-uns
disent
jusqu'aux
rivages
d'Italie
[3].
Un
chroniqueur
rapporte
entre
autres
que:
«Les
Ciliciens
se
rassemblèrent
en
grand
nombre
autour
du
catholicos
Garabied;
car,
par
suite
de
la
présence
de
Ramazan
et
des
guerres
qui
se
renouvelaient
sans
cesse,
ils
souffraient
beaucoup;
et
voyaient
de
leurs
propres
yeux
la
dévastation
de
leur
patrie
et
l'augmentation
des
infidèles»,
30,
000
familles
passèrent
la
mer:
il
les
cite
même
par
leurs
noms,
ainsi:
«le
jour
de
mardi
partit
le
Baron
Garabied,
petit-fils
du
roi
Constantin
»;
et
mercredi
le
Baron
Assel-beg,
et
leurs
prêtres
Jean,
Vahan,
Grégoire
et
Etienne.
Il
ne
resta
à
Sis
de
la
noblesse
et
des
princes,
des
barons
et
de
la
famille
royale,
ni
hommes,
ni
femmes;
tous
partirent
avec
leurs
familles
et
parents.
Et
après
que
les
riches
et
les
princes
s'en
furent
partis,
les
pauvres
et
les
indigents
qui
étaient
dépourvus
de
moyens
et
ne
pouvaient
quitter
la
ville,
livrèrent
Sis
à
l'ennemi,
le
6
juin».
[1]
Cet
événement
eut
lieu
en
1375,
le
vendredi
6
avril,
et
non
pas
le
16:
car,
en
ce
cas,
ce
ne
serait
plus
un
vendredi,
mais
un
lundi.
[3]
Le
clerc
Malachie
rapporte,
en
1402:
«Dans
ce
temps,
après
la
suppression
du
royaume
des
Arméniens
de
Sis,
les
princes
royaux
et
les
nobles
arméniens,
et
un
grand
nombre
du
peuple,
se
réunirent,
et
s'embarquant
partirent
pour
le
pays
des
Francs».